II. LES CHANTIERS DU NOUVEAU SEPTENNAT

A. LA QUESTION DU RÉFÉRENDUM SUR L'ÉDUCATION

Un référendum sur l'éducation a été promis par le candidat Jacques Chirac lors de la campagne pour l'élection présidentielle -avec l'appui, notamment, de l'Association pour une consultation nationale sur l'école et la formation, présidée par le Président de votre commission, M. Adrien Gouteyron. En élargissant le champ du référendum, la réforme constitutionnelle du 4 août 1995 l'a rendu possible.

Justifiée au fond, une consultation nationale en la matière n'est cependant pas facile à conduire.

1. Une consultation nationale justifiée ...


• Un débat de fond sur l'institution scolaire s'impose.

Enseigner et apprendre sont, certes, intemporels. Mais, notre école n'a plus grand-chose à voir avec celle que Jules Ferry conçut voici un peu plus d'un siècle. Ses missions sont beaucoup plus lourdes, infiniment plus complexes.

On lui assigne, comme jadis à l'instruction publique, la formation des esprits. Pour traditionnel qu'il soit, ce rôle n'est pas resté à l'abri des nouveaux défis. On a demandé à l'école de prendre en charge les enfants sur une période plus longue, en repoussant d'abord -il y a longtemps- l'âge de la fin de scolarité obligatoire et en souhaitant maintenant que l'accueil des enfants puisse se faire dès deux ans. On attend d'elle qu'elle donne aux élèves des bases solides de culture générale et, en même temps, qu'elle les prépare à des activités professionnelles dont le degré de spécialisation est, chaque jour, plus sophistiqué.

Les responsabilités de l'institution scolaire se sont considérablement accrues puisqu'on compte sur elle pour réduire les inégalités sociales, lutter contre la marginalisation des jeunes et maintenir, par sa vertu intégratrice, l'unité nationale.

Par ailleurs, le système éducatif s'est profondément diversifié et, des écoles rurales aux établissements des zones d'éducation prioritaire, les problèmes rencontrés sont loin d'être les mêmes.

On ne peut enfin cacher que les réformes successives de l'éducation nationale ont abouti à quelque peu brouiller la perception que les Français ont de leur école.

Un débat est indispensable, mais quelle forme peut-il prendre ?

Outre sa valeur intrinsèque -celle de la procédure la plus noble en démocratie- un référendum présente certains avantages. Il s'agit, en effet, de cerner, pour y répondre, les attentes de la société française -de tous les Français- en matière d'éducation. Or, trop souvent, le débat sur l'école donne l'impression d'être organisé entre les seuls professionnels.

La procédure référendaire a une autre vertu : elle permet de dépasser les intérêts catégoriels qui paralysent les réformes.

2. ... une procédure délicate à mettre en oeuvre


• L'organisation d'un référendum sur l'école n'est toutefois pas chose aisée.

Tout d'abord, les Français ont sans doute une opinion sur le sujet, mais ils n'en maîtrisent certainement pas toutes les données.

Ensuite, multiples et souvent mal identifiés, les problèmes ne peuvent être tous abordés par référendum. Il ne serait ainsi guère envisageable de soumettre à la consultation du pays l'ensemble du « nouveau contrat pour l'école » de M. Bayrou. Les écueils sont en outre nombreux. Faut-il se laisser enliser dans les considérations matérielles ? Doit-on rouvrir de grands débats comme celui de la laïcité et de la place de l'enseignement privé dans notre système éducatif ? Ne faut-il pas, avant tout, se garder de faire du référendum un affrontement quand le but recherché est la réconciliation de l'école et de la nation ?


• Un référendum n'est en tout état de cause envisageable qu'après une phase de réflexion et de consultation. Cette méthode, qui est celle qu'ont choisie le Président de la République et le Gouvernement, est destinée à cerner les problèmes et à définir les termes de leur présentation aux Français.

Dès le 28 juin, le Gouvernement a demandé à M. Roger Fauroux de présider une commission chargée de conduire la consultation sur notre système éducatif.

Cette commission a été officiellement installée le 11 septembre dernier. Elle compte, outre son président, vingt-trois membres issus d'horizons très divers -un parlementaire, le Président Adrien Gouteyron, des universitaires, chercheurs, philosophes, sociologues, écrivains, présidents d'entreprises nationales et un jeune bachelier.

On a évoqué, à son sujet, le précédent de la commission Marceau Long qui avait été installée en juin 1987 par le Premier ministre Jacques Chirac pour réfléchir à la réforme du code de la nationalité.

D'après la lettre de mission de M. Roger Fauroux, la commission qu'il préside est invitée à conduire ses travaux autour de trois axes principaux : il lui faudra établir un bilan - « le plus objectif » - de notre système de formation, traduire les attentes de la nation dans le domaine de l'éducatif « en fonction des exigences de la situation sociale de la France et des défis proposés par les grandes mutations technologiques que nous vivons », et formuler des propositions concrètes pour ce qui concerne notamment -même si le cadre demeure « par ailleurs libre et ouvert » - les rythmes scolaires, les premiers cycles universitaires et l'enseignement technologique et professionnel- trois axes de réforme annoncés par le Premier ministre dans son discours de politique générale devant le Parlement, fin mai dernier.

La commission Fauroux a jusqu'à l'été pour remettre ses propositions qui prendront vraisemblablement la forme d'un « livre blanc ».

Considérant sa mission avant tout comme un audit très général du système éducatif, son président a précisé dès le 11 septembre les modalités d'organisation et le rythme des travaux de la commission. Celle-ci dans un premier temps, prévu pour durer deux mois environ, travaille « en circuit fermé » et entend des experts ; elle ira ensuite sur le terrain à la rencontre de toutes les parties concernées -on a parlé d' « états généraux de l'éducation »-assurant ainsi une décentralisation opportune du débat pour permettre au plus grand nombre de Français de s'exprimer. Le futur livre blanc doit refléter -tel est le souhait exprimé par le Premier ministre lors de l'installation de la commission- « l'accord le plus large ». Sur le modèle de la commission Marceau Long et selon le voeu du Gouvernement, les auditions de la commission Fauroux devraient être diffusées à la télévision.

Le Premier ministre a indiqué que le livre blanc qui sera remis constituerait « les prémices » du texte référendaire « qui donnera au projet en faveur de l'école l'accord solennel des Français ».

La mise au point de ce texte, qui appartient au Gouvernement, risque de se révéler beaucoup plus délicate que l'organisation de la phase préparatoire. On doit remarquer, d'ailleurs, qu'aucune échéance précise ne semble pour l'heure encore envisagée.

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