B. L'AMÉNAGEMENT DES RYTHMES SCOLAIRES

Récurrent depuis des années, le débat sur les rythmes scolaires a débouché, au cours de la dernière décennie, sur un certain nombre d'initiatives et d'aménagements.

Il est aujourd'hui au rang des priorités de la réflexion sur l'école engagée dans la perspective du référendum annoncé par le Président de la République.

1. La situation actuelle


• Malgré les rapports ou études qui l'alimentaient -on les compte, nombreux, depuis plus de trente ans- le dossier des rythmes scolaires est resté longtemps au point mort. La libération du samedi après-midi à la fin des années soixante et le remplacement de la coupure du jeudi par celle du mercredi au début des années soixante-dix représentèrent des changements limités et les premières expériences d'aménagement du temps scolaire (sections sports-études, classes à horaires aménagés-musique) furent menés dans des cadres très particuliers.

A partir de 1984, des opérations plus larges ont été conduites en partenariat avec le ministère de la jeunesse et des sports pour donner la possibilité à certains enfants des écoles maternelles et élémentaires de pratiquer des activités culturelles, scientifiques ou sportives pendant le temps scolaire (circulaire Calmat - Chevènement de 1984, contrats bleus de 1987).

Ce dispositif d' « aménagement des rythmes de vie de l'enfant » (ARVE) recouvre aujourd'hui deux types d'opérations :

- les « contrats d'aménagement du temps de l'enfant » (CATE) institués en 1988 qui visent à favoriser la continuité entre les enseignements scolaires et les activités culturelles, scientifiques ou sportives proposées parles organisations ayant en charge le temps péri et post-scolaire ;

- les « contrats ville-enfants » ou « ville-enfants-jeunes » qui associent aux CATE l'environnement de la cité, notamment au niveau des services collectifs.

Selon les statistiques du ministère de la jeunesse et des sports, ces aménagements concerneraient au total plus de 2 millions d'enfants (en 1993-94 : 2.367.000 enfants pour 4.516 CATE dont 1.127 étendus à des contrats « ville-enfants » ou « ville-enfants-jeunes ») ; les ateliers culturels et artistiques d'une part et les ateliers sportifs d'autre part enregistreraient une fréquentation identique.

Le financement des CATE est assuré par le ministère de la jeunesse et des sports (environ 1/3 du coût total) et par les collectivités locales. Pour les contrats « ville-enfant », une participation du ministère de la culture peut être également envisagée.

L'intervention du ministère de l'éducation nationale est quant à elle limitée. En 1995, des subventions d'un montant total de 2,6 millions de francs ont néanmoins été attribuées dans le cadre de contrats de ville.

Dans le prolongement de ces initiatives, le ministre de la jeunesse et des sports, M. Guy Drut, a annoncé le 17 octobre dernier le lancement d'expériences pilotes avec 17 villes volontaires 1 ( * ) , aussi bien rurales qu'urbaines -et très diverses puisqu'on relève dans l'échantillon des communes comme Marseille (800.000 habitants) et la Rouquette (600 habitants) dans l'Aveyron. Les expérimentations ne seront pas uniformes et tiendront compte des contextes particuliers, mais elles auront en commun de libérer sur une semaine organisée autour de cinq jours -parfois six- trois ou quatre demi-journées pour des activités sportives, culturelles ou d'éveil. Ces sites pilotes devraient bénéficier en 1996 du quart environ des crédits consacrés par le ministère de la jeunesse et des sports à l'aménagement des rythmes scolaires (50 millions de francs sur un budget global de 227 millions de francs).


• Alors que les initiatives d'aménagement des rythmes de l'enfant éprouvaient beaucoup de difficultés -surtout financières- à dépasser le stade expérimental, on a assisté au développement de « la semaine de quatre jours ».

Le début des années quatre-vingt-dix a marqué, en la matière, un tournant. En effet, le décret n° 91-383 du 20 avril 1991, qui a modifié et complété le décret n° 90-788 du 6 septembre 1990 relatif à l'organisation et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires, a autorisé les inspecteurs d'académie à déroger, pour les établissements scolaires qui le souhaitaient, aux règles définies par arrêté du ministre chargé de l'éducation pour l'organisation du temps scolaire.

Il a défini la procédure applicable et les conditions auxquelles les dérogations sont soumises.

'La procédure est la suivante :

Les conseils d'école qui désirent adopter une organisation du temps scolaire dérogeant aux règles fixées nationalement par arrêté ministériel, transmettent leur projet à l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, après avis de l'inspecteur de l'éducation nationale chargé de la circonscription d'enseignement du premier degré et de la commune 1 ( * ) dans laquelle est située l'école.

Les aménagements envisagés ne peuvent avoir pour effet :

- de modifier le nombre de périodes de travail et de vacances des classes, l'équilibre de leur alternance ou de réduire la durée effective totale des périodes de travail ;

- de réduire ou d'augmenter sur une année scolaire le nombre d'heures d'enseignement ainsi que leur répartition par groupes de disciplines ;

- d'organiser des journées scolaires dont les horaires d'enseignement dépassent six heures et des semaines scolaires dont les horaires dépassent vingt-sept heures ;

- de porter la durée de la semaine scolaire à plus de cinq jours.

L'inspecteur d'académie statue sur chaque projet après s'être assuré que les conditions énumérées ci-dessus sont respectées. Il doit vérifier, en outre, qu'il n'est pas porté atteinte à l'exercice de la liberté d'instruction religieuse en application des prescriptions de la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés.

La décision de l'inspecteur d'académie est valable pour une durée maximale de trois ans. Elle peut être renouvelée tous les trois ans, sous réserve que soit à chaque fois respectée la même procédure.

La possibilité ouverte par le décret de 1991 est aujourd'hui largement utilisée. Au total, ce sont plus de 20 % des écoles qui ont adopté cette année des horaires aménagés.

La quasi totalité des aménagements demandés et accordés concentrent sur quatre jours la semaine de classe en principe organisée sur quatre jours et demi, afin de « libérer » le mercredi et le samedi à la fois. La « semaine de quatre jours » comportant 24 heures de cours au lieu des 26 de l'horaire officiel -le décret de 1991 ayant fixé à 6 heures maximum la durée quotidienne des cours- les heures manquantes sont rattrapées par un allongement de 12 jours de la durée de l'année scolaire pris sur les périodes de vacances déterminées par le calendrier national.

Le calendrier scolaire arrêté par le ministère n'est plus, dans certains cas, qu'un cadre indicatif (notons que ce calendrier, lui-même, ne sera plus désormais aligné tous niveaux d'enseignement confondus, puisque, le souci d'instaurer un vrai troisième trimestre conduisant à repousser l'organisation du baccalauréat à la fin du mois de juin, la sortie ne se fera plus, dès la présente année scolaire, à la même date pour les lycées d'une part et les collèges et les écoles d'autre part, l'innovation se répercutant en outre sur la rentrée de septembre 1996 qui sera elle-même dissociée ; cette solution risque cependant de poser quelque difficulté aux familles qui ont des enfants d'âges scolaires différents).

En 1994-1995, près de 19 % des écoles pratiquaient la « semaine de quatre jours » (33,5 % des écoles privées et 17,1 % des écoles publiques) contre moins de 16 % un an auparavant et à peine plus de 10 % à la rentrée 1992.

Autre forme d'aménagement, mais il s'agit là d'un simple transfert horaire au sein de la semaine, 9,4 % des écoles avaient en 1994-1995 (contre 5,5 % en 1993-1994) avancé les cours du samedi matin au mercredi matin, afin de ménager aux enfants et aux enseignants un week-end complet.

2. Les perspectives

Si le « nouveau contrat pour l'école » ne contient pas de mesure réellement nouvelle en la matière -la mesure n° 15 se borne à rappeler les conditions dans lesquelles l'aménagement de la semaine de classe, comportant « éventuellement une libération du samedi matin », est décidé- la question des rythmes scolaires est considérée par le Gouvernement comme un des éléments fondamentaux de la rénovation de notre système éducatif et, à ce titre, comme une des priorités auxquelles la commission Fauroux a été invitée à réfléchir.

Votre rapporteur croit utile de faire, à titre liminaire, une remarque de méthode.

Il est en effet obligé de relever la manière quelque peu « brouillonne » avec laquelle le dossier est abordé.

Le problème a été confié par le Gouvernement, pour étude, à la commission Fauroux dont on ne devrait connaître les recommandations qu'à la fin du printemps prochain. Or, avant même que celles-ci soient connues -et alors qu'il est tentant de faire observer qu'au point du retard, si retard il doit y avoir, où la France en était par rapport à ses pays voisins, elle n'était plus à six ou neuf mois près- le ministre de la jeunesse et des sports lance un lot d'expériences pilotes pouvant ainsi faire naître le sentiment qu'on a déjà choisi avant toute consultation.

Par ailleurs, le dossier, certes, est interministériel mais n'a-t-on pas parfois l'impression que le pilote est moins le ministre chargé de l'éducation nationale que celui de la jeunesse et des sports, alors que celui-ci a en principe pour tâche, -si l'on en croit la répartition de leurs compétences- de contribuer à la réussite de la politique d'aménagement des rythmes scolaires dont la mise en oeuvre est confiée à celui-là ?

Cette observation faite, reste l'essentiel, à savoir les réponses qu'il conviendra d'apporter aux différents problèmes posés :

a) Quels sont, tout d'abord, les souhaits des Français en matière de rythmes scolaires ?

Peut-être la nation sera-t-elle d'ici quelque temps consultée sur le sujet, par le biais du référendum sur l'école, s'il est organisé. En tout état de cause, les travaux de la commission Fauroux, chargée dans ce domaine comme dans les autres -plus encore peut-être, car le dossier a été jugé prioritaire- de « faire remonter », de centraliser les attentes, devraient dans les prochains mois apporter un certain nombre de renseignements.

Pour l'heure, les seules indications dont on dispose résultent de sondages et d'une évaluation de « la semaine de quatre jours » -menée en 1994 par la direction de l'évaluation et de la prospective.

Les résultats, dans leur ensemble, montrent que cette nouvelle organisation du temps scolaire satisfait parents d'élèves et enseignants, les réserves exprimées -par ceux-ci davantage que par ceux-là- concernant le raccourcissement des périodes de vacances consécutif à une telle organisation.

Il existe donc une forte demande sociale en faveur de « la semaine de quatre jours ». On peut d'ailleurs penser qu'elle ne facilitera pas le débat relatif à l'aménagement des rythmes sur l'ensemble de la journée et de la semaine scolaires -encore que, l'engouement se fait moins pour « la semaine de quatre jours » elle-même que pour le week-end complet qu'elle induit, et qui peut s'envisager aussi dans le cadre d'une « semaine de cinq jours »

b) la deuxième question, qui est ou devrait être la première dans l'ordre des préoccupations, est celle du meilleur rythme pour l'enfant

Elle s'analyse en termes d'éducation, d'épanouissement, mais aussi d'égalité des chances.

Soulignons que les besoins de l'enfant n'ont pas été jusqu'alors au centre de la réflexion sur les rythmes scolaires et que ceux-ci ont été déterminés par des rythmes sociaux plus globaux, et, notamment, par l'aménagement des temps de travail et de loisirs des adultes. Cette approche continue de prévaloir dans l'extension actuelle de « la semaine de quatre jours ».

D'un strict point de vue éducatif, l'enquête menée l'année dernière Par la direction de l'évaluation et de la prospective conduit à considérer comme neutre l'effet de « la semaine de quatre jours » sur les acquisitions dans les disciplines fondamentales (français et mathématiques) ; en revanche, la répartition du temps d'enseignement et les modifications dans la programmation des séquences pédagogiques se feraient au détriment des autres matières et, notamment, des disciplines d'éveil.

Les travaux des chronobiologistes qui incitent à prendre en compte, autant que faire se peut, les rythmes biologiques de l'enfant, sont loin d'être favorables à la concentration du travail sur quatre jours.

Ils montrent, en effet, que la durée optimale de travail intellectuel varie de 2 à 3 heures par jour pour les enfants de 6-8 ans à 5 heures pour ceux qui atteignent 12 ans.

Les meilleurs moments de vigilance se situent, selon eux, entre 9 heures (pas avant, en raison des difficultés éventuelles de réveil et des transports matinaux) et 11 heures 30 ; au contraire, une propension a la somnolence est constatée en début d'après-midi, avant une reprise de la mobilisation des enfants à partir de 15 heures.

Pour les chronobiologistes, la matinée serait ainsi propice aux activités scolaires, les heures comprises entre 12 et 15 heures peu favorables a l'effort intellectuel (ainsi qu'à l'effort physique) et la période après 15 heures se prêterait à de nouvelles activités, quelles qu'elles soient, travail scolaire ou exercices physiques.

Au regard de ces considérations, la journée scolaire française paraît trop longue et mal adaptée, et, si l'on observe le rythme quotidien des élèves du primaire selon les pays -votre rapporteur y reviendra- la France se distingue notablement. Souvent fixée chez nous à 8 h 30, l'heure d'entrée en classe se situe dans la moyenne, puisque dans tous les autres pays l'école débute entre 8 et 9 heures ; en revanche, la France constitue un cas extrême pour l'heure de sortie qui a généralement lieu autour de 16 h 30.

La longueur de la journée scolaire est encore davantage ressentie dans le cas de « la semaine de quatre jours » car cet aménagement se fait sans allégement des programmes. Les enseignants constatent, le vendredi après-midi, la fatigue des enfants. Ils l'observent aussi le lundi matin, les élèves rentrant paradoxalement plus fatigués des longs week-ends -le paradoxe n'est qu'apparent car, plus le week-end est long, plus les parents le « remplissent », au détriment du repos des enfants.

RYTHME QUOTIDIEN DES ÉLÈVES DU PRIMAIRE SELON LES PAYS

On comprend la motivation des parents et des enseignants à l'égard de cette concentration du travail scolaire sur quatre jours, mais il n'est pas certain, loin s'en faut semble-t-il, qu'elle aboutisse au meilleur choix pour les enfants.

Les chronobiologistes sont bien plus favorables à une semaine scolaire répartie sur cinq jours, le « cinquième jour » pouvant aussi bien être le mercredi que le samedi. Ils suggèrent de réserver l'apprentissage des matières fondamentales aux heures de la matinée et de libérer, comme dans certains pays étrangers (cf. infra), les demi-journées de l'après-midi pour des activités sportives ou artistiques. Cet aménagement, plaident-ils, ne nuit pas à la réussite scolaire des enfants qui gagnent, dans un tel équilibre, calme, attention et épanouissement, tandis que leur fatigue diminue. Un éventuel raccourcissement des vacances permet de maintenir les heures de cours à leur niveau actuel, d'autant que l'existence en France d'une longue coupure estivale et de nombreuses vacances intermédiaires offre une « marge de manoeuvre » confortable..

On fait couramment à « la semaine de quatre jours » -que certains vont jusqu'à qualifier de « semaine des riches »- un autre reproche, celui de laisser l'enfant livré à lui-même trois jours sur sept, risquant ainsi de démobiliser les uns sur le plan intellectuel et aggravant, pour les autres, ceux des milieux les moins favorisés, l'inégalité des chances.

On prête, en revanche, à l'aménagement de la journée qui libère des plages horaires pour les activités sportives, culturelles et d'éveil, une vertu intégratrice, notamment dans les quartiers urbains les plus sensibles où un accès à la culture serait ainsi offert à des enfants qui en sont d'ordinaire privés.

Si comparaison n'est pas raison, le débat sur les rythmes scolaires en France ne peut toutefois que s'enrichir de l'étude des exemples étrangers, notamment européens, même s'il est parfois difficile de comparer les pratiques en vigueur d'un pays à l'autre, et qui peuvent varier à l'intérieur d'un même État, en particulier si son organisation est très décentralisée comme en Allemagne. On observe au sein de l'Union européenne 1 ( * ) que :

- sur l'année, le nombre d'heures d'enseignement (préféré au nombre de jours d'enseignement qui doit être considéré avec précaution dans les comparaisons car il peut porter sur des journées complètes ou des demi-journées) dépasse les 900 heures en France (936 heures), en Espagne et en Italie pour les enfants âgés de six ans (niveau CP) alors qu'il est inférieur à 800 heures dans la plupart des autres pays, surtout en Allemagne (565 heures) et dans les pays Scandinaves. Les différences s'atténuent cependant avec l'âge dans ces pays (auxquels il convient d'ajouter le Royaume-Uni) où l'horaire est allégé pour les plus jeunes.

Si l'on prend le nombre de jours, ce sont généralement les écoliers qui ont les journées scolaires les plus courtes (comme les Allemands) qui ont l'année scolaire la plus longue.

- la semaine de cinq jours est le rythme hebdomadaire le plus répandu, sauf au Luxembourg où les élèves se rendent à l'école six jours sur sept (et dans certaines régions d'Italie où la formule tend cependant à disparaître). Dans les pays où l'on a adopté la semaine de cinq jours, les cours sont généralement dispensés du lundi au vendredi ; la France où le mercredi reste, pour la majorité des élèves, un jour de congé complet, mais où des cours sont en revanche prévus le samedi matin, constitue donc un cas à part.

Surtout, l'expérience française d'une semaine de quatre jours constitue une exception en Europe. Les autres pays organisent les enseignements sur les matinées et les débuts d'après-midi de cinq, voire six, journées plutôt que sur quatre journées entières.

- L'organisation de la journée scolaire est très variable d'un État à un autre. Toutefois, on peut distinguer deux grands modèles. Dans les pays comme l'Autriche, l'Allemagne, le Portugal ou la Grèce et dans certaines régions d'Italie, le mi-temps pédagogique est de rigueur. Dans les autres pays dont la France, l'Espagne, l'Irlande et le Royaume-Uni, on a adopté le temps plein pédagogique, mais le schéma n'est pas partout le même. Plus la durée de l'interruption pour le repas de midi est brève, plus les élèves quittent l'école tôt dans l'après-midi. C'est le cas par exemple au Royaume-Uni et aux Pays-Bas où la journée scolaire se termine à 15 h 30. On remarque que plus les pays se trouvent au nord de l'Europe, plus les journées scolaires sont abrégées (fin des cours à 14 heures au Danemark, en Norvège et en Finlande). En Espagne, où la pause du déjeuner dure trois heures, la journée se termine à 17 heures.

Le régime de deux demi-journées consécutives est appliqué soit durant cinq jours de la semaine (Espagne, Irlande, Royaume-Uni), soit pendant quatre jours plus une journée réduite à une matinée (France). Le cas du Luxembourg se distingue par l'alternance de trois journées entières et de trois matinées.

TEMPS D'ENSEIGNEMENT SUR UNE JOURNÉE SCOLAIRE
ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

NOMBRE D'HEURES D'ENSEIGNEMENT PAR AN AU COURS DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

AU DÉBUT DE LA SCOLARITÉ (VERS 6 ANS)

c) le troisième problème est celui des implications

Les implications de l'aménagement des rythmes scolaires sont multiples.


• Soulignons, tout d'abord, que toute modification des rythmes journaliers et hebdomadaires ne manquera pas d'avoir des conséquences sur l'organisation de l'année scolaire, si l'on veut maintenir en l'état -ce qui est souhaitable- le temps réservé aux enseignements fondamentaux.

On doit à cet égard relever quelques contradictions dans les orientations actuelles : le « nouveau contrat pour l'école » en préconisant, dans le primaire, une initiation quotidienne aux langues étrangères et une autre aux langages artistiques, et en instituant des études dirigées obligatoires, réduit singulièrement la marge de manoeuvre pour aménager le rythme de la journée scolaire.

Par ailleurs, il est tout aussi souhaitable qu'inévitable de penser le problème des rythmes scolaires dans son ensemble : journée/semaine/année ; or faut-il rappeler que le calendrier scolaire est le résultat de nombreuses contraintes -comme, parmi d'autres, la prise en compte des souhaits des industries de tourisme et de loisirs, ou le souci d'étaler les départs en vacances pour des raisons de sécurité routière et d'encombrement des transports ?


• Dans un tout autre ordre d'idées, l'aménagement des rythmes scolaires comportant une libération de plages horaires ou de trois ou quatre après-midi par semaine au profit d'activités autres que strictement scolaires suppose d'avoir pensé et résolu au préalable les problèmes d'animation et d'encadrement.

Votre rapporteur tient à souligner que si nul ne songe à contester le rôle épanouissant des activités sportives, artistiques ou culturelles, encore faut-il que ces activités soient de qualité pour parvenir au résultat escompté. Rien ne serait pire, tous comptes faits, pour les enfants qu'une simple prise en charge sans grand contenu qui aboutirait à un sentiment de perte de temps au lieu de l'ouverture d'esprit attendue. Il faudra, à cet égard, traquer le flou -flou que l'on observe actuellement trop souvent dans le discours qui accompagne la question des rythmes scolaires.

Le ministre de la jeunesse et des sports, lors de sa récente conférence de presse, a insisté sur la nécessité d'être imaginatif et évoqué à titre d'activités possibles, « l'apprentissage de la citoyenneté, l'information sur la santé et la drogue, la découverte de l'environnement et de la cité », précisant par ailleurs que « tout est envisageable ».

Votre rapporteur confesse que ces propos lui ont fait nourrir une certaine inquiétude et croit indispensable de formuler quelques remarques ou questions de bon sens : certes l'imagination a sa place, mais elle ne doit pas déboucher sur un « touche à tout » inutile. Les activités doivent être de qualité, mais, lorsqu'on songe au nombre de demi-journées à organiser par an, ne doit-on pas redouter, comme inéluctable, le remplissage horaire ? Le souci d'informer les enfants sur la santé et la drogue est louable, et même à certains égards primordial, mais peut-on et doit-on en faire une « activité d'éveil » à part entière ? L'interrogation est à la fois quantitative -combien d'heures occuper aussi sur l'année scolaire- et, si l'on peut dire, qualitative ou de fond, l'aménagement des rythmes scolaires devant concerner d'abord les enfants de maternelle et du primaire.

La nécessité de mettre en place des activités de qualité pose aussi le problème des personnels qui en auront la charge et des qualifications exigées. La question est également celle des conditions de sécurité qui entoureront ces activités.

Pour ce qui concerne les disciplines sportives, le ministre de la jeunesse et des sports a indiqué que les activités proposées présenteraient les mêmes garanties de qualité et de sécurité que celles qui se déroulent actuellement à l'école ; elles répondront aux obligations réglementaires d'encadrement dont la direction départementale de la jeunesse et des sports contrôlera le respect (agréments, inspections...) ; elles seront confiées à des titulaires de diplômes fédéraux ou d'État, la loi sur le sport de 1984 s'appliquera.

Nous manquons en revanche totalement de précisions pour les autres activités, culturelles ou d'éveil, pour lesquelles on songe à recourir au tissu associatif et au bénévolat, solutions où le meilleur côtoie quelquefois le pire ... Par ailleurs, la coexistence durable, sur un même créneau, de postes rémunérés et de postes bénévoles, est intenable.


• Enfin quel sera le coût et qui financera la réforme des rythmes scolaires ?

La question intéresse au premier chef les collectivités locales.

Précisons tout de suite que l'enjeu économique qu'emporterait pour elles une telle réforme pourrait avoir un aspect positif en termes d'emploi et d'aménagement de territoire, notamment pour les petites communes -même si l'espoir de sauver ainsi les écoles rurales en maintenant les enfants au village est sans doute excessif ; l'expérience lancée à la Rouquette (Aveyron) méritera à cet égard d'être suivie de près.

L'aménagement des rythmes scolaires devrait aussi permettre dans certains cas de mieux utiliser les équipements sportifs et culturels, investissements lourds qui n'ont pas toujours une rentabilité optimale, étant saturés en fin de journée ou le matin et, au contraire, peu fréquentés aux heures creuses de l'après-midi. Pour les communes rurales de taille modeste, il devra passer, pour des raisons évidentes de moyens matériels et humains, par des solutions intercommunales, par exemple à l'échelon du canton.

Mais l'aménagement des rythmes scolaires coûte cher et si les initiatives menées jusqu'alors n'ont guère dépassé le stade expérimental, c'est qu'elles se sont heurtées au problème du financement.

Le ministre de la jeunesse et des sports a évalué entre 1.000 et 1.500 francs par an et par enfant le coût des expériences pilotes qu'il a lancées.

A Epinal, commune citée en exemple d'expérimentation réussie, ce coût est de l'ordre de 2 000 francs ; l'État en prend à sa charge 60 %. Pourrait-il maintenir ce niveau de participation si le « modèle » d'Epinal devait s'étendre ? L'hypothèse est peu probable d'autant qu'il convient de préciser que six écoles seulement sont concernées par l'expérience à Epinal.

Les sites pilotes du ministère de la jeunesse et des sports bénéficieront quant à eux d'une intervention de l'État à hauteur de 15 à 20 %.

Les activités complémentaires sportives, culturelles et d'éveil seront, en réalité, pour l'essentiel, à la charge des collectivités locales, qui devront financer, si l'on souhaite que les parents d'élèves ne déboursent pas un centime supplémentaire comme c'est le cas à Epinal, les salaires des animateurs, les équipements et les transports utilisés par les enfants pour se rendre aux diverses activités.

Il est évident que beaucoup de communes seront incapables de faire face à de telles dépenses, même dans le cadre intercommunal. Aussi convient-il de réfléchir aux solutions qui permettront d'éviter que la réforme des rythmes scolaires, si elle voit le jour, n'installe une inégalité choquante entre les communes.

Le souci de Légalité entre les collectivités locales -et, partant, entre les enfants qui y sont scolarisés- doit être un point central de la réflexion. Le problème est délicat. On nous dit que la politique d'aménagement des rythmes scolaires doit prendre en compte « le terrain », les contextes particuliers, les problèmes posés n'étant d'évidence pas les mêmes dans les communes rurales et les métropoles ou les quartiers de banlieue. Le ministre chargé de l'éducation nationale récuse ainsi « l'idée d'une seule règle pour l'ensemble du territoire national ». Mais, si l'on prend cette voie, ne risque-t-on pas d'instaurer une disparité préjudiciable aux jeunes Français ?

Cet aspect du débat est capital. N'oublions jamais que dans l'expression « éducation nationale » l'adjectif est essentiel.

Dans leur communication au Conseil des ministres du 31 octobre dernier, MM. François Bayrou et Guy Drut ont insisté sur « la voie privilégiée de l'expérimentation », tout en soulignant qu'elle devait obéir « à une cohérence pédagogique que garantit l'éducation nationale ». Ils ont estimé que les « nouvelles formes d'organisation de la journée devront s'inscrire dans un projet pédagogique d'ensemble ». Votre rapporteur demande avec insistance qu'au-delà de la cohérence d'ensemble de la pédagogie, on s'intéresse à celle des moyens.

* 1 Il s 'agit des communes de : Altkirch (Haut-Rhin), Ancenis (Loire-Atlantique), Annecy le Vieux (Haute-Savoie), Bourges (Cher), Buhl (Haut-Rhin), Châlons-sur-Marne (Marne), Châteaubriant (Loire-Atlantique), la Rouquette (Aveyron), Laxou (Meurthe-et-Moselle), Mantes-la-Jolie (Yvelines), Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne), Marseille (Bouches-du-Rhône), Meaux (Seine-et-Marne), Morne Rouge (Martinique), Rochefort (Charente-maritime), Sourdeval (Manche) et Tulle (Corrèze).

* 1 les communes sont ainsi consultées mais n'ont pas de pouvoir de décision

* 1 Cf. l'étude de la Commission des Communautés européennes : « Calendrier et rythmes scolaires dans les États membres de la Communauté européenne » (1993)

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