IV. SERVICES PUBLICS ET MONDE RURAL

Le Gouvernement a clairement manifesté sa volonté de maintenir les services publics en milieu rural.

Dans sa circulaire du 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'État et des services publics, le Premier ministre a ainsi indiqué que :

« L'administration doit contribuer à relever les défis de notre société. L'implantation et l'organisation des services publics, devront contribuer à l'action en faveur des quartiers urbains en difficulté ainsi qu'à la lutte contre la désertification rurale et contre l'exclusion ».

Par la même circulaire le Premier ministre a demandé, au ministre chargé de l'aménagement du territoire « d'animer un travail interministériel tendant à assurer une présence plus satisfaisante de l'État dans les zones rurales en difficulté, fondée sur le recours au principe de polyvalence et de mobilité [...] ».

Dans une communication présentée au conseil des ministres du 11 octobre 1995, le secrétaire d'État au développement rural a rappelé :

- que « la présence sur l'ensemble du territoire de services publics de qualité adaptés aux besoins locaux et aisément accessible à tous est essentielle pour l'aménagement du territoire, tout particulièrement dans le monde rural ».

Le secrétaire d'État au développement rural a rappelé qu'en outre les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics seraient obligatoirement consultées dans le cadre de l'élaboration des schémas d'organisation et d'amélioration des services publics.

L'État engagera, une concertation avec les entreprises ou les établissements publics afin de conclure des contrats de service public ou les avenants aux contrats de plan qui « préciseront » les obligations de ces entreprises en matière de services rendus aux usagers et d'aménagement du territoire.

Le secrétaire d'État a en outre indiqué que « tant que les règles définissant les conditions d'un égal accès de chacun au service public n'auront pas été définies dans ce cadre contractuel, le moratoire suspendant toute décision de fermeture de services publics en zone rurale sera maintenu ».

Votre rapporteur pour avis se félicite du maintien du moratoire sur la fermeture des services publics.

Cependant, selon certaines informations qui lui sont parvenues, le principe du moratoire ne serait pas partout respecté aussi clairement que les pouvoirs publics le souhaitent. C'est pourquoi, votre rapporteur pour avis souhaite que le Gouvernement s'assure du respect de ses décisions en ce qui concerne le moratoire.

Sous le bénéfices de ces observations, la commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits demandés pour l'aménagement du territoire inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 16 novembre 1995, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, à l'examen des crédits de l'aménagement du territoire pour 1996.

M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a déclaré que depuis le vote de la loi d'orientation du 4 février 1995, relative à l'aménagement et au développement du territoire, la politique d'aménagement du territoire avait pris un cours nouveau, marqué par la publication de nombreux textes. Il a observé, cependant, que les moyens alloués à cette politique ambitieuse n'ont pu, compte tenu de la nécessité de réduire les déficits publics, être aussi élevés que le Sénat l'aurait souhaité.

Après s'être félicité de la parution du « jaune budgétaire » avant le début de la discussion sur le projet de loi de finances pour 1996, M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a déclaré que ce document, qui retrace l'effort de l'État en faveur de l'aménagement du territoire, montrait que l'ensemble des crédits qui y étaient consacrés, tous ministères confondus, s'élèverait, en 1996, à 21,6 milliards de francs en autorisations de programme et 54,3 milliards de francs en crédits de paiement, soit une diminution respective de 9 % et 1,6 %.

Il a ajouté que le montant des crédits inscrits au fascicule budgétaire « bleu » consacré à l'aménagement du territoire était, quant à lui, de 2,058 milliards de francs en autorisations de programme et de 1,996 milliard en crédits (dépenses ordinaires + crédits de paiement), soit une diminution de -1,13% par rapport au collectif et de - 11,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995.

M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué l'évolution des dépenses ordinaires. Il a déclaré que les moyens de services (94,8 millions de francs) diminuaient de 1,8% en francs courants et que les crédits d'interventions publiques (première partie du fonds national d'aménagement et de développement du territoire -FNADT-) se réduisaient de 18,6 %, en passant de 411,5 à 335 millions de francs en 1996.

En ce qui concerne les dépenses en capital, qui constituent des subventions d'investissement (titre VI), M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a observé que les autorisations de programme diminuaient de près de 20 %, atteignant 2.058 millions de francs, contre 2.590 millions de francs en 1995, que les aides à la localisation d'activités créatrices d'emploi, qui correspondent à la prime d'aménagement du territoire, représentaient 550 millions d'autorisations de programme et 335 millions de francs en crédits de paiement ; enfin, que les crédits d'investissement (second volet du FNDAT) s'élevaient à 1.508 millions de francs en autorisations de programme et 1.231 millions en crédits de paiement, soit une baisse respective de 24 % et 12 % par rapport à 1995.

Le rapporteur pour avis a ensuite évoqué la prime d'aménagement du territoire laquelle a fait l'objet d'un protocole d'accord entre le Gouvernement français et la Commission européenne. Cet accord a posé le principe que la population maximale éligible à la prime à l'aménagement du territoire (PAT) pour les projets industriels n'excéderait pas 40,9 % de la population métropolitaine et qu'un rapprochement serait recherché entre le zonage PAT et les zonages européens (fonds structurels).

M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a indiqué que le taux normal de subvention par emploi au titre de la PAT varierait désormais de 38.000 à 50.000 francs, quant au taux majoré il s'élèverait de 50.000 à 70.000 francs, puis il a estimé qu'il serait souhaitable d'atteindre une plus grande cohérence entre les zonages nationaux et européens.

En ce qui concerne les fonds qui concourent à l'aménagement du territoire, M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a précisé que le fonds de gestion de l'espace rural (FGER) recevrait 400 millions de francs en 1996, alors qu'il avait été prévu, lors de la discussion du projet de loi d'orientation, de le doter d'un milliard de francs, et que cette somme avait été ramenée à 500 millions de francs en loi de finances pour 1995 puis à 347,5 millions de francs par le collectif.

S'agissant du fonds national de développement des entreprises (FNDE), M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il avait été créé par la loi d'orientation afin de renforcer les fonds propres et l'accès au crédit des entreprises, mais qu'il n'avait pas encore vu le jour. Il a ajouté que la commission devrait se montrer vigilante sur la création de cet important instrument financier.

Abordant l'examen du montant du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a ajouté que ce compte d'affectation spéciale avait reçu 2 milliards en 1995 et recevrait 3,05 milliards en 1996.

Puis, il a évoqué le fonds de péréquation des transports aériens (FPTA), dont les ressources se sont élevées à 130 millions de francs en 1995, mais qui n'a pas encore attribué d'aides, car plusieurs textes doivent également être publiés pour lui permettre d'intervenir.

Évoquant la loi du 4 février dernier, M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a rappelé le rôle joué dans son élaboration par la commission et son président.

Il a estimé que la commission devrait se montrer particulièrement vigilante lors de la publication des mesures d'application de la loi d'orientation.

Enfin, M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a abordé trois thèmes d'actualité relatifs à l'aménagement du territoire.

Il a déclaré que la politique de la montagne constituait un enjeu essentiel pour l'aménagement du territoire et a observé que les crédits du FNADT correspondant à l'ancien fonds d'intervention pour l'autodéveloppement en montagne (FIAM) étaient en réduction constante, passant de 40 millions de francs en 1993 à 31 millions en 1995, soit une baisse de 23,7 %.

En ce qui concerne l'équilibre de la région Île-de-France, M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a déclaré qu'il avait pris connaissance avec quelque inquiétude du dernier rapport du comité de décentralisation qui joue un rôle essentiel dans l'agrément des constructions nouvelles pour l'implantation des activités en Île-de-France et dans le suivi des plans de localisation des organismes publics. Il a indiqué que le comité estimait que l'excédent des bureaux vacants pourrait avoir de graves incidences sur l'aménagement du territoire, en renforçant le mouvement de transfert d'emplois de province vers Paris.

Enfin, en ce qui concerne la délocalisation d'emplois publics depuis 1991, M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a signalé que 23.700 transferts d'emplois avaient été approuvés, dont 7.400 emplois avaient d'ores et déjà été transférés, tandis que 6.700 étaient en cours de transfert. Il a considéré qu'il était essentiel de favoriser les transferts « en cascade » entre les villes de provinces, jugeant que la politique conduite actuellement ne prenait en compte que « timidement » cet objectif.

S'étant déclaré conscient de la nécessité d'opérer des choix, M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a proposé de donner un avis favorable aux crédits de l'aménagement du territoire pour 1996.

S'adressant au rapporteur pour avis, M. Marcel Deneux a estimé que le Parlement ne pouvait se résigner à la diminution des crédits consacrés à l'aménagement du territoire.

En réponse, M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a estimé préférable d'attendre le projet de loi de finances pour 1997, avant de faire part au Gouvernement de la préoccupation qu'occasionnait la réduction des crédits, compte tenu de la situation difficile traversée actuellement par notre pays. Il s'est déclaré très sensible à la volonté manifestée par le ministre de l'équipement de résorber le personnel au niveau de l'administration centrale et de conserver celui des services extérieurs.

M. Jean Huchon, président s'est déclaré très déçu par ce budget et a jugé que la commission devrait se montrer très vigilante au sujet du monde rural. Il a ajouté que les mesures de délocalisation « en cascade », souhaitées par le Sénat, des grandes villes de province vers les villes plus petites et le milieu rural ne s'étaient pas encore traduites dans les faits.

À l'initiative de M. Georges Berchet qui s'était interrogé sur l'application du moratoire relatif à la fermeture des services publics, M. Jean Pépin, rapporteur pour avis, a rappelé que le ministre chargé de l'espace rural avait déclaré devant l'Assemblée nationale que ce moratoire serait maintenu.

M. Jean Huchon, président, a estimé, quant à lui, que le comportement de la poste était « parfois très cavalier ».

M. Georges Berchet a alors rappelé que les dispositions de la loi d'orientation relative à l'aménagement du territoire prévoyaient qu'une concertation devait se dérouler avant toute fermeture de services publics, mais que cette procédure n'était pas respectée.

M. Marcel Deneux a alors regretté que plusieurs administrations n'aient pas appliqué le moratoire.

M. William Chervy a indiqué que puisque le budget traduisait un « désengagement complet » de l'État en matière d'aménagement du territoire, le groupe socialiste voterait contre son adoption.

M. Jean François-Poncet, président, a jugé qu'il serait extraordinairement grave que le Sénat se désintéresse de l'aménagement du territoire, tout en soulignant que la Haute Assemblée se devait de faire preuve d'« esprit civique » dans une période particulièrement difficile pour les finances publiques, mais que sans demander des augmentations des crédits, la commission devait axer ses recommandations sur les aspects non budgétaires du dossier, tels que la publication des décrets d'application de la loi d'orientation, la péréquation des ressources entre régions riches et moins favorisées et l'élaboration du schéma national d'aménagement du territoire. Sur ce dernier point, il a jugé l'élaboration du schéma très difficile sans la prise en compte des schémas sectoriels et rappelé que les choix retenus seraient en tout état de cause, sanctionnés par le vote d'une loi.

Il a conclu que le Sénat devait, tout en veillant à faire preuve d'esprit de responsabilité, persévérer dans son rôle de précurseur en matière d'aménagement du territoire et continuer à s'exprimer, de sorte que les priorités à l'horizon de 2015 ne soient pas perdues de vue.

Il a annoncé, dans cette perspective, que la commission entendrait prochainement le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme ainsi que le président de la SNCF, à propos du projet de contrat de plan à conclure entre l'État et la SNCF. Il a, en outre, souhaité que les résultats de l'audit établi à la demande de l'association nationale des élus régionaux (ANER) puissent être communiqués à la commission.

Évoquant, par ailleurs, la question du maintien des services publics en zone rurale, dont il a jugé nécessaire la polyvalence, il a considéré que les calculs de rentabilité des services publics et la recherche des complémentarités entre les uns et les autres devraient être recherchés au niveau de chaque département

Sur proposition de son rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au budget de l'aménagement du territoire dans le projet de loi de finances pour 1996.

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