CHAPITRE PREMIER - LES INDUSTRIES AGRO-ALIMENTAIRES EN 1994

Alors qu'au cours de la période 1985-1992 les industries agroalimentaires avaient connu un fort développement marqué par l'amélioration de leur situation financière, un excédent croissant de leur balance commerciale, un développement des investissements étrangers en France et des investissements français à l'étranger, le dynamisme de ce secteur paraît affecté.

Pour les industries agro-alimentaires, l'année 1994 aura ainsi été caractérisée par :

- une reprise, modeste, de la production ;

- la poursuite du mouvement de baisse des emplois ;

- la dégradation de la situation des entreprises ;

- le rôle décisif des exportations dans la croissance du secteur.

La crise économique des années 1992-1993 aura ainsi eu un impact sensible et apparemment durable sur le secteur agro-alimentaire, même s'il a été moins marqué que dans le reste de l'industrie. En outre, la réforme de la politique agricole commune et la conclusion des négociations de l'Uruguay Round ont contribué au ralentissement actuel de ce secteur.

I. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE

A. UNE FAIBLE PROGRESSION DE LA PRODUCTION DANS UN CONTEXTE DE CONSOMMATION ATONE

1. La production

Selon les chiffres fournis par le ministère, la production aura progressé, en 1994, de 0,9 % alors que le reste de l'industrie a connu une augmentation de 4,9 % des volumes produits. Avec une production de plus de 630 milliards de francs, les industries agro-alimentaires conservent, cependant, leur rang de premier secteur industriel français.

Établies sur une base différente, les statistiques de l'ANIA (association nationale des industries agro-alimentaires) conduisent à la même analyse : les industries agro-alimentaires restent bien, et de loin, le premier grand secteur industriel de l'économie française, même si elles n'ont pas profité de la reprise au même titre que les autres industries. Alors que 1994 aura été pour l'ensemble de l'industrie l'année de la reprise, après deux années de crise profonde, la progression des industries agro-alimentaires est restée très modérée.

Cette évolution traduit bien le caractère contra cyclique de ce secteur d'activité, dont l'évolution, plus régulière, n'enregistre pas les fortes variations observées dans le reste de l'industrie.

TAUX DE CROISSANCE EN VOLUME DE LA PRODUCTION

Quoiqu'il en soit, les trois dernières années s'inscrivent en rupture avec la période d'expansion continue des années 1980 qu'avait connue l'agro-alimentaire, au cours de laquelle beaucoup d'entreprises avaient pu afficher, en permanence, des taux de croissance à deux chiffres.

Cette faible progression de la production s'explique, pour partie, par la réduction de certaines livraisons agricoles, pour partie par la stagnation de la consommation des ménages (+ 0,3 %). La bonne tenue des exportations n'a que partiellement compensé ces évolutions défavorables.

2. La consommation

La production des industries agro-alimentaires -pour le secteur de la première transformation- est, en effet, directement tributaire des livraisons agricoles, dont certaines ont été sensiblement affectées par la réforme de la PAC (par exemple les huiles et corps gras). Mais leur production est également tirée par la demande : l'exportation et la consommation des ménages.

Cette dernière a été stagnante en 1994 (+ 0,3 % pour le ministère ; + 1 % en valeur pour l'ANIA), ce qui confirme le net recul en volume observé depuis 1992 par rapport au rythme des années précédents (+1,7% en moyenne). Aussi, la croissance de ce secteur s'explique-t-elle très largement par les bonnes performances à l'exportation.

Dans un contexte où, globalement, la consommation en volume ne paraît pas devoir augmenter dans l'ensemble des pays développés, des évolutions sont néanmoins perceptibles. Après deux années caractérisées par une tendance au report de la consommation sur les produits bon marché, il semblerait que Ton assiste à « une remontée en gamme de la demande ».

Tout en restant attentif au prix, le consommateur serait demandeur de produits élaborés ou haut de gamme, lorsqu'ils correspondent à ses préoccupations en matière de santé, de facilité d'emploi, de service incorporé...

3. Les prix

De leur côté, les prix à la production progressent très faiblement : + 0,5 % en 1994, alors qu'ils avaient baissé de 1,6 % en 1993.

En excluant l'augmentation du prix du tabac et en ne retenant que les prix à la production sur le marché intérieur, les prix auraient baissé de 0,3 % au cours de l'année écoulée.

Cette tendance à la baisse s'explique à la fois par l'amont de l'industrie, les livraisons agricoles (dont le prix baisse de 0,3 %), et par l'aval : la pression exercée par la distribution.

De leur côté, les prix de détail, hors tabac, augmentent, eux-aussi, très faiblement (+ 0,2 %). Cette quasi-stagnation des prix à la consommation s'explique à la fois, par la baisse des prix de plusieurs produits agricoles (- 9,8 % pour les fruits), la pression exercée par la distribution sur l'industrie et par la concurrence entre produits de marque, produits sous marque de distributeurs et produits vendus par les « hard-discount ».

PRIX À LA PRODUCTION ET À LA CONSOMMATION DES PRODUITS DES INDUSTRIES AGRO-ALIMENTAIRES

On assiste donc à un double phénomène de transfert : de l'amont agricole à la transformation industrielle, puis de l'industrie au secteur de la distribution.

Cette situation explique, pour partie, l'amélioration tendancielle de la valeur ajoutée des industries agro-alimentaires (18 % en 1960, 31,5 % en 1995) : ces dernières bénéficient d'un rapport de prix favorable par rapport à leur amont. Désormais la part des produits agricoles est minoritaire dans les consommations intermédiaires : 62 % en 1970, 46 % en 1994.

B. LA POURSUITE DE LA DÉTÉRIORATION DE L'EMPLOI

Les industries agro-alimentaires se distinguent aussi du reste de l'industrie manufacturière par le recul moindre des effectifs salariés et non salariés. L'année 1994 confirme la poursuite d'une évolution négative, mais modérée.

D'après les comptes de la Nation, le nombre de personnes employées dans les industries agro-alimentaires est passé de 557.000, en 1993, à 551.000 en 1994, soit une diminution de 1,1 %. Pour les seuls salariés, la diminution s'élève à 2.000 personnes, soit - 0,4 %. La baisse de l'emploi dans les industries agro-alimentaires, en particulier salarié, est nettement moins accusée que pour les autres industries manufacturières (biens intermédiaires, biens d'équipement, biens de consommation) qui ont vu leurs effectifs diminuer de 2,8 % en moyenne annuelle.

Or, ce phénomène de baisse de l'emploi dans les industries agroalimentaires est récent.

De 1960 à 1990, le nombre d'emplois était resté quasiment stable : entre 585 et 600.000 personnes. Entre 1980 et 1990, les industries agro-alimentaires n'avaient perdu qu'environ 10.000 emplois, alors que l'industrie manufacturière en perdait 845.000. Depuis 1990, la perte d'emplois s'élève à 35.000, soit 6 % des effectifs de 1990, mais seulement à 15.000, soit 3 % du niveau de 1990 pour l'emploi salarié. Elle reste très en-deçà de la contraction des effectifs dans les autres activités industrielles : - 13 % sur la même période.

ÉVOLUTION DE L'EMPLOI DANS LES INDUSTRIES AGRO-ALIMENTAIRES

C. LA DÉGRADATION DE LA SITUATION DES ENTREPRISES

Selon les résultats de l'enquête annuelle d'entreprises du Service central d'enquêtes et d'études statistiques (SCEES), la situation financière des entreprises des industries agro-alimentaires, globalement satisfaisante en comparaison avec les autres industries, s'était dégradée en 1993. De fortes disparités existent d'ailleurs entre les secteurs et entre les entreprises. Dans un contexte de consommation stagnante et de pression accentuée de la distribution, plusieurs secteurs ont affiché des résultats d'exploitation en baisse et rencontré des difficultés de trésorerie. Selon le ministère, « l'un des handicaps reste pour l'ensemble de la branche, les délais de paiement que lui imposent les grande surfaces, bien que les dispositions législatives limitant à 30 jours les délais de paiement applicables aux produits frais et aux alcools commencent à produire leurs effets. Cette limitation a un impact favorable pour le secteur des viandes ».

Cette dégradation se traduit notamment par un recul des investissements. Ces derniers, selon l'INSEE, auraient reculé de 8 % en 1994, après une baisse de 9% en 1992 et de 13,3% en 1993. Pour la troisième année consécutive, les investissements matériels sont en retrait. Il semble, cependant, que l'année 1995 pourrait connaître une reprise sensible (+ 9 %) des investissements (21,2 milliards de francs en 1994).

On constate, en revanche, l'augmentation des investissements immatériels : 9,1 milliards de francs en 1994 contre 8,5 milliards de francs en 1993 pour les dépenses publicitaires.

Cette situation est en partie compensée par le dynamisme des investissements étrangers en France : 90 opérations pour un volume de 12 milliards de francs, aux 4/5ème d'origine communautaire soit le meilleur résultat depuis le record de 18 milliards de francs enregistré en 1992. De leur côté, les investissements français à l'étranger se sont stabilisés à environ 5 milliards de francs.

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