CHAPITRE III - L'ACCÈS DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES À LA RECHERCHE ET À L'INNOVATION

I. UN ENJEU MAJEUR D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE COMPÉTITIVITÉ

Les PME pèsent d'un poids croissant dans l'industrie française : la moitié de 50 % des emplois, plus de 40 % du chiffre d'affaires et environ le quart des exportations.

Elles représentent un enjeu majeur en termes d'aménagement du territoire puisque, présentes partout, elles sont souvent les derniers atouts économiques des régions industrielles en déclin et des zones rurales. Le dynamisme des quelque 36.000 petites et moyennes entreprises que compte le pays se révèle, le plus souvent, essentiel pour l'animation des tissus économiques locaux.

En outre, cela est prouvé, les investissements dans le domaine de la recherche-développement entraînent d'importantes retombées positives pour de telles entreprises, tant au plan de la compétitivité que de l'aptitude à développer de nouveaux produits, mais aussi pour l'ensemble de l'économie. Les statistiques internationales tendent, en effet, à démontrer qu'aujourd'hui les emplois se créent dans les PME, que la compétitivité sur le marché mondial dépend de leur performance et même -plus troublant encore pour un pays imprégné des principes du « colbertisme »- que la majorité des innovations (y compris celles qui sont très significatives) se font en leur sein.

Dans ces conditions, une accentuation de l'effort de recherche en direction des PME/PMI ne peut que contribuer à la revitalisation des économies locales et à la redynamisation de l'ensemble de notre appareil de production. Cependant, pour mener à bien une telle orientation, la France connaît un certain nombre d'handicaps.

II. LES HANDICAPS IDENTIFIÉS

A. UNE EXCESSIVE CONCENTRATION DES AIDES D'ÉTAT SUR LES GRANDES ENTREPRISES

Tous les observateurs avertis en conviennent : la politique française de recherche tend à privilégier à l'excès les grandes entreprises. Les secteurs industriels qui, au travers notamment des grands programmes technologiques définis et lancés par l'État, bénéficient de la majorité des soutiens publics, sont tenus à 60 % par ces grandes entreprises. Il en résulte que, très nettement centrée sur l'Île-de-France, la recherche industrielle française est aussi trop focalisée sur quelques types d'activité et insuffisamment vivante dans le monde des petites et moyennes entreprises.

Hors le crédit d'impôt-recherche qui n'est pas compris dans le décompte des financements publics soutenant la recherche des entreprises, les trois quarts des crédits d'État ayant cet objet étaient, en 1993, concentrés sur trois branches de l'industrie : la construction aéronautique (45 %), la fabrication d'instruments de contrôle et mesure (21 %), ainsi que la fabrication d'instruments de communication (10 %) 1 ( * ) .

Corollairement, les entreprises qui réalisent les plus importants investissements de recherche-développement sont celles qui exercent leurs activités dans les secteurs les plus soutenus par l'État. Celles intervenant dans les trois branches précitées assurent, à elles seules, plus du tiers des dépenses de recherche de l'ensemble des entreprises françaises. Bien plus, les trois quarts de ces dépenses s'imputent sur seulement huit secteurs d'activité que détaille le tableau ci-après.

PRINCIPALES AFFECTATIONS DES DÉPENSES DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT DE L'INDUSTRIE EN 1993

Certes, dans la plupart de ces secteurs, l'impact de la recherche-développement (R-D) sur la valeur ajoutée est exceptionnellement élevé. Il n'en demeure pas moins qu'une telle hypertrophie ne peut que jouer au détriment de technologies moins ambitieuses, mais à même de diffuser dans l'ensemble de l'appareil productif des gains de productivité et de nouvelles capacités d'emplois.

B. UNE TROP FAIBLE DIFFUSION DES ACTIVITÉS DE RECHERCHE

Au sens du concept de R-D tel qu'il est défini à l'échelon international 1 ( * ) , 5.220 entreprises réalisent des travaux de recherche-développement. Ces entreprises tiennent une place importante dans le tissu industriel français : dans l'industrie considérée au sens large, elles emploient plus du tiers des effectifs et assurent plus de 40 % de la production nationale.

À elles seules, les 100 premières entreprises, classées selon leurs dépenses intérieures de R-D, réalisent 68 % des travaux de recherche-développement effectués par les entreprises. Bien plus, en 1993, les trois quarts de l'effort de recherche industrielle des entreprises et 91 % des financements publics -hors crédit d'impôt- se trouvaient regroupés sur les quelque 150 entreprises qui emploient plus de 150 chercheurs.

À l'inverse, plus de 4.000 sociétés et organismes qui emploient moins de dix chercheurs, interviennent pour 10,6 % dans le potentiel de recherche des entreprises et reçoivent moins de 3 % des financements publics.

C. UNE INADAPTATION DES MÉCANISMES DE FINANCEMENT DE L'INNOVATION PAR LES PME

En France, si moins d'une PME sur dix fait de la recherche, deux sur trois innovent.

Le processus de l'innovation est aujourd'hui le fondement de la réussite commerciale. Il est par nature incertain. Son financement est un investissement à risque. Mais, il constitue un facteur clef de la croissance et de la création d'emplois. Or, si les PME par leur taille, leur souplesse et leur réactivité sont adaptées à la démarche de l'innovation, elles trouvent difficilement en France les moyens financiers pour développer leur créativité.

Le système financier français, tourné préférentiellement vers le crédit des banques de dépôt, s'avère mal adapté au financement de l'innovation dans les PME. C'est la faiblesse des capitaux propres des PME indépendantes qui constitue le problème clé. De fait, notre pays ne possède pas l'équivalent du « National Association for Security Dealers on Automated Quotation » (NASDAQ) 1 ( * ) et des marchés secondaires appuyés sur les grandes sources de capital pouvant s'investir sur le long terme que constituent les fonds de pension, si efficaces aux États-Unis pour les entreprises de taille moyenne.

Il en résulte qu'aujourd'hui, l'autofinancement est le principal mode d'investissement des PME alors même que le recours au financement externe serait le plus adapté, surtout lorsqu'il s'agit d'assurer le succès d'innovations radicales ou de fabriquer des produits supposant l'emploi de technologies avancées. Comme l'incertitude technologique est forte dans les premières phases du projet et qu'il existe toujours une incertitude commerciale pour la suite, les crédits bancaires ne sont pas aisés à mobiliser.

Certes, les études dites de « faisabilité » peuvent souvent être assurées par autofinancement ou grâce aux aides publiques distribuées par des organismes tels que l'ANVAR : les besoins sont rarement supérieurs à quelques millions de francs.

Cependant, lors des phases critiques d'industrialisation et de commercialisation, les besoins -fréquemment sous-estimés sont très importants, de l'ordre de plusieurs dizaines de millions de francs. Or, en France. les apporteurs de capitaux hésitent devant la prise de risques élevés et la croissance de nombre de petites entreprises innovantes s'interrompt souvent à ce stade.

Au-delà même de ce cap périlleux, en cas de succès commercial, les masses financières nécessaires au soutien du développement peuvent atteindre plusieurs centaines de millions de francs. Elles sont alors de nature à entraîner des bouleversements -parfois difficilement acceptés- dans la structure du capital qui, en l'absence d'une structure de conseil adapté peuvent perturber gravement la marche de l'entreprise.

C'est pourquoi deux types d'investisseurs différents des banques classiques font défaut en France pour accompagner la croissance des PME innovantes. Il s'agit des sociétés de « capital-risque » et de « capital-développement » qui existent aux États-Unis où elles disposent non seulement de fonds conséquents mais, aussi, de moyens d'expertise et peuvent ainsi soutenir et conseiller l'entreprise tout au long de son développement.

* 1 En regroupant ces deux derniers postes, on constate que l'industrie électronique dans sa totalité mobilise 31 % des aides d'État.

* 1 Il exclue les activités situées en aval du processus d'innovation et de valorisation

* 1 Rappelons que le NASDAQ est un second marché américain, spécialisé dans les sociétés entrepreneuriales de croissance ; il est doté d'une réglementation précise et est extrêmement actif. Il propose à ses partenaires une plate-forme de négociations adaptée à leurs problèmes de financement de l'innovation.

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