II. LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES

La loi de programme a assigné aux juridictions judiciaires des objectifs chiffrés de réduction des délais de jugement civil. La croissance du contentieux et l'épuisement de certains gisements de productivité ont limité les résultats en 1994 mais les redéploiements qui devront être envisagés et l'accroissement des moyens pourraient permettre de redresser les évolutions au cours des prochaines années.

A. UNE ACTIVITÉ EN PROGRESSION

1. L'activité judiciaire civile

Les tableaux reproduits ci-contre montrent une certaine stabilisation dans les délais de traitement des affaires alors même que leur nombre a cru dans des proportions importantes. Cette évolution traduit donc des gains importants de productivité.

- La Cour de cassation

Les affaires nouvelles ont dépassé les 20 000 en 1993 mais en 1994 une légère décrue s'est amorcée. Toutefois, le stock des affaires terminées ayant moins baissé qu'en 1993, la situation globale ne varie guère.

- Les cours d'appel

Après la forte croissance enregistrée en 1993 (+ 12,1 %), le rythme des affaires nouvelles s'est ralenti (+ 4,7 %) mais le nombre des affaires terminées ayant progressé moins vite (+ 3,8 %), la durée moyenne de traitement est remontée à 13,7 mois alors que le rapport annexé à la loi de programme fixe un objectif de douze mois.

- Les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance

La réduction en dessous de neuf mois de la durée moyenne de traitement des affaires au fond devant les tribunaux de grande instance et l'allongement de celle du traitement des affaires devant les tribunaux d'instance (5, 2 mois) masquent en fait des évolutions contrastées.

ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS CIVILES

(Instances au fond)

I - Affaires nouvelles

II. Durée moyenne de règlement des affaires (mois)

La charge des tribunaux de grande instance s'est en effet alourdie à la suite de la création du juge aux affaires familiales par la loi du 8 janvier 1993 ; celle-ci s'est traduite, à compter du 1er février 1994, par un transfert de l'activité du juge aux affaires matrimoniales vers le tribunal de grande instance.

Hors divorce, l'activité du juge aux affaires familiales dans les tribunaux de grande instance a cru de 61,2 % en 1994 (81 000 affaires pour le juge aux affaires matrimoniales en 1993, 130 000 affaires pour le juge aux affaires familiales en 1994). Globalement le contentieux traité par le juge aux affaires familiales a progressé de 8,8 % en 1994.

La réforme des voies d'exécution et la création du juge de l'exécution ont produit pleinement leurs effets en 1994. Hors surendettement, le contentieux des voies d'exécution s'est traduit par un volume d'affaires nouvelles de 80 000, soit 81,4 % de plus qu'en 1993. Cet accroissement porte à la fois sur les tribunaux de grande instance (+ 84,4 %) et sur les tribunaux d'instance (+ 67,6 %).

La Chancellerie estime qu'il est difficile d'apprécier l'évolution à venir car, précise-t-elle dans une réponse au questionnaire budgétaire que votre rapporteur lui a adressé, « il n'est pas certain que cette réforme ait atteint son rythme de croisière ».

Certaines dispositions nouvelles, prévues par la loi du 8 février 1995 devraient permettre une amélioration de la productivité. Les magistrats ont en effet vu leurs tâches allégées grâce au transfert de certaines compétences à la direction des greffes (la réception de certaines déclarations, la vérification des comptes de tutelle et l'établissement des certificats de nationalité) ou de commissions administratives (20 000 dossiers de traitement du surendettement des particuliers ont été transmis aux commissions de surendettement le 1er août 1995) ou de conciliateurs susceptibles de procéder aux conciliations prescrites par la loi, sauf en matière de divorce et de séparation de corps.

Les modifications des procédures civiles et commerciales annoncées par le Garde des Sceaux lors de son audition par la commission des Lois devraient également permettre d'accélérer le traitement des dossiers.

2. L'activité judiciaire pénale

- La Cour de cassation

Le nombre des affaires nouvelles (6 219) reçues par la chambre criminelle de la Cour de cassation a augmenté de 5,3 % par rapport à 1993. La tendance à la baisse observée ces dernières années (- 14,2 % en 1993) pourrait donc être inversée alors même que les affaires terminées enregistrent une nouvelle diminution de 5 % par rapport à 1992.

- Les cours d'appel

Après la forte augmentation relevée en 1992 (+ 8.5 %), le volume des appels correctionnels est en baisse (- 2,8 %) pour la deuxième année consécutive, avec 43 344 affaires nouvelles. Quant au nombre des décisions rendues en 1994, il n'est pas encore connu ; en 1993, il avait progressé de 2,6 % (28 280 arrêts).

- Les tribunaux correctionnels

En 1992, le nombre d'affaires poursuivies a diminué en raison de la dépénalisation de l'émission de chèques sans provision. L'effet de cette modification législative se faisait encore sentir en 1993 mais en 1994 le contentieux correctionnel a augmenté à nouveau de 2 %.

L'évolution des modes de poursuite révèle une forte progression des recours à l'OPJ qui concernaient 35 % des affaires en 1994 pour seulement 12,5 % en 1989 et 27,5 % en 1992. Les comparutions immédiates représentent quant à elles plus de 10 % des convocations (7 % en 1989).

La durée des procédures varie en fonction de la nature des contentieux. Pour les délits relatifs à la sécurité routière, qui constituent près du quart du contentieux traité par les juridictions correctionnelles, le délai moyen est de 4,9 mois (6 mois en 1990), alors que les infractions de vols et de recels, autres contentieux de masse, ont été traités en moyenne en 11 mois en 1993 (9,3 mois en 1990).

L'extension de la compétence du juge unique en matière correctionnelle par la loi du 8 février 1995 devrait permettre certains redéploiements susceptibles de favoriser une accélération des décisions. La perspective de l'institution de tribunaux criminels départementaux, annoncée par le Garde des sceaux, incite toutefois à une certaine prudence : malgré les créations de postes annoncées, elle pourrait bien absorber, et au-delà, les marges de productivité ainsi dégagées.

- Les tribunaux de police et les officiers du ministère public

En 1994, le nombre des procès-verbaux ayant donné lieu à une amende majorée a progressé de 14,7 % pour s'établir à plus de 13 millions. Cette évolution entraîne une diminution des procédures strictement judiciaires (- 10,5 %), notamment des ordonnances pénales (- 12,7 %, soit 795 000 pour 1,2 million en 1990).

- Les chambres d'accusation

Depuis 1990, le nombre d'arrêts rendus par les chambres d'accusation a augmenté de 17 % en raison, principalement, du nombre des arrêts statuant sur la détention provisoire ou le contrôle judiciaire qui représentent sept décisions sur dix en 1994.

- L'évolution du taux de classement sans suite

Le premier régulateur de l'activité des juridictions pénales est le volume des poursuites. Or en 1994, le taux global de classement sans suite a atteint 74 %, poursuivant sa hausse ininterrompue depuis 1989. On observera en outre que si la part croissante des procédures avec auteur inconnu en 1993 (75%.) explique en partie ce taux ; le taux de classement sans suite pour les procédures avec auteur connu, qui diminuait régulièrement depuis 1989, passant de 52 % a 42 % (grâce en partie, il est vrai à la dépénalisation de 1 émission de chèques sans provision), est remonté à 49 % en 1994 ; ce taux recouvre toutefois pour partie les procédures alternatives aux poursuites (médiation pénale, injonction thérapeutique, classement sous condition).

- Les maisons de justice et du droit

Au début de l'année, un parlementaire en mission, le député Gérard Vignoble, remettait au Garde des sceaux un intéressant rapport sur les maisons de justice et du droit qui traitent la petite délinquance dans certains ; quartiers difficiles depuis qu'en 1990 un procureur de la République en a lance 1 initiative.

Le rapport dresse tout d'abord un bilan de la situation actuelle : 32 maisons dont l'existence est fort bien perçue par l'ensemble des acteurs et par la population et qui se révèlent opérationnelles et bien adaptées à la situation (80 % des affaires traitées seraient classées sans suite). Il propose en conséquence de les pérenniser et de les développer en les dotant d'un cadre précis : d'un statut, de règles de fonctionnement et de financement.

Ce cadre résulterait d'une convention établissant la direction du parquet et d'un contrat de ville pluriannuel conclu avec l'ensemble des partenaires et fixant le niveau de répartition des apports financiers.

Le rapport considère que la mission de ces maisons est double : d'une par l'action publique, c'est-à-dire le traitement des petits contentieux pénaux, d'autre par l'accès au droit, c'est-à-dire l'accueil du public avec la présence d'avocats. Chaque maison serait placée sous la responsabilité d'un coordinateur, magistrat en exercice du Parquet ; l'accueil serait assuré par un fonctionnaire de greffe de catégorie B (et non plus par un agent municipal) ; enfin seraient également présents un travailleur social recruté par le procureur de la République, des médiateurs, des avocats et des associations de conseil aux victimes.

Le rapport recommande que le financement soit partagé entre les collectivités locales (pour les bâtiments et les charges de fonctionnement quotidiennes, le mobilier et un véhicule) et le ministère de la justice (pour le magistrat coordinateur, le greffier chargé de l'accueil et le téléphone).

En conclusion, le rapport envisage un élargissement du rôle des maisons en direction du siège, en matière de médiation civile et de conciliation.

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