2. Le bilan de l'application de la loi Toubon en 1996

Dans le rapport annuel qu'elle adresse au Parlement, la Délégation générale à la langue française dresse un bilan de la première année de pleine application de la loi.

Dans le domaine de l'information du consommateur, ce bilan se caractérise par la multiplication des actions de contrôle et une plus grande vigilance des professionnels du secteur. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a en effet augmenté de 34 % le nombre de ses interventions en 1995 par rapport à 1994 et le rythme s'est encore accéléré au début de 1996.

En 1995, sur 2.576 contrôles effectués, 390 manquements ont été constatés, soit un taux d'infractions de 15 %, similaire à ceux observés les années précédentes.

Pour la première fois, des infractions ont été jugées en application de la loi du 4 août 1994. En 1995, 132 dossiers ont été transmis au Parquet, dont 32 ont donné lieu à une condamnation.

Ainsi, le 16 janvier 1996 le Tribunal de police de Chambéry a condamné le gérant d'un magasin de la chaîne Body shop pour avoir vendu des cosmétiques avec un étiquetage non traduit en français. Cette condamnation a eu lieu après un contrôle effectué à la suite d'une plainte d'une association de défense de la langue française, illustrant ainsi l'efficacité du dispositif d'agrément prévu par la loi qui consacre le rôle majeur que jouent depuis de nombreuses années les associations de défense de la langue française.

Dans le monde du travail, l'application ne semble pas, au regard des données analysées, rencontrer de difficultés majeures.

Il est cependant à noter qu'en matière d'offres d'emploi, les modifications introduites par la loi de 1994 ne paraissent pas avoir été toujours perçues. L'obligation de rédiger en français les offres d'emploi s'applique, en effet, non seulement pour les travaux à exécuter en France mais également pour ceux effectués à l'étranger lorsque l'employeur ou l'auteur de l'offre est français.

L'application des dispositions relatives à la place du français dans les manifestations, colloques ou congrès organisés en France suscite quant à elle plus de difficultés.

En effet, l'article 6, qui ne s'applique qu'aux seuls organisateurs français de manifestations, impose trois obligations : tout participant doit pouvoir s'exprimer en français ; les documents de présentation du programme doivent exister en version française ; les documents distribués aux participants ou publiés après la réunion (documents préparatoires, textes ou interventions figurant dans les actes, compte rendus de travaux publiés) doivent comporter au moins un résumé en français.

En outre, lorsque ce sont des personnes publiques qui ont pris l'initiative de ces manifestations, un dispositif de traduction doit être mis en place. Cette disposition correspond à la volonté d'offrir à tous les participants d'une manifestation organisée en France par une personne publique la possibilité de s'exprimer dans la langue de leur choix tout en étant pleinement compris par l'assistance.

Grâce aux efforts de la Délégation générale à la langue française pour diffuser le contenu de la nouvelle législation à l'ensemble des acteurs concernés, l'obligation de traduction pour les personnes publiques ou chargées d'une mission de service public est bien respectée dans les secteurs où la part de francophones est importante.

Cependant, la mise en oeuvre est plus délicate dans les secteurs très spécialisés. Dans ces cas, le coût de l'interprétariat et des traductions écrites, la rareté des interprètes et traducteurs possédant bien la matière traitée constituent des obstacles importants à l'application de la loi.

Ces difficultés ont conduit, à l'initiative conjointe des ministères de la culture, des Affaires étrangères, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à la mise en place d'un soutien à la traduction simultanée dans les colloques internationaux se déroulant en France.

Le choix des colloques subventionnés est fait, après examen par un expert du secteur considéré, sur avis d'une commission présidée par le délégué général à la langue française. L'aide porte sur une partie du coût de la traduction simultanée, sans jamais dépasser 50 % de celui-ci, et est plafonnée à 50.000 F. Au cours d'une première réunion, en juin 1996, la commission a retenu cinq colloques, pour des aides d'un montant total de 220.000 F.

Le bilan de l'application de la loi Toubon dans les services publics apparaît positif dans l'ensemble. Les obligations spécifiques aux personnes de droit public et aux personnes privées chargées d'une mission de service public sont globalement respectées. Dans certains secteurs, des manquements ou des retards appellent cependant à rester vigilant.

Sur quelques points, l'application de la loi a en outre suscité des difficultés réelles d'application. L'article 5 de la loi dispose que tous les contrats passés par une personne morale de droit public ou une personne privée exécutant une mission de service public doivent être rédigés en français. Toutefois, ont été exclus de cette obligation les contrats conclus par une personne morale de droit public gérant des activités à caractère industriel et commercial, à exécuter intégralement hors de France. Cette disposition visait à ne pas placer les entreprises publiques françaises dans une situation de concurrence défavorable vis-à-vis des entreprises étrangères et des entreprises du secteur privé français. Or, l'application de la notion de contrat exécuté intégralement hors du territoire national est apparue mal adaptée à des opérations financières internationales dont la localisation exacte est malaisée.

C'est pourquoi l'article 5 a été modifié par l'adoption de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 relative à la modernisation des activités financières. L'article 105 de cette loi précise que sont réputées exécutées hors de France deux types spécifiques d'opérations financières 1 ( * ) .

Il contient également une dérogation particulière par la Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations.

LA BANQUE DE FRANCE, LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS ET LA LOI RELATIVE À L'EMPLOI DE LA LANGUE FRANÇAISE

La Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations ont obtenu dans la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières de pouvoir déroger aux obligations fixées par l'article 5 de la loi sur l'emploi de la langue française. Elles ne seront ainsi plus obligées comme toutes les administrations de rédiger une version française des contrats conclus pour être exécutés hors de France. Votre rapporteur salue l'habileté avec laquelle, la Banque de France a réussi sans attirer l'attention à échapper à une des obligations de la loi Toubon. Cette attitude ne contribuera guère à renforcer la place déjà réduite du français au sein l'Institut Monétaire Européen (IME).

Dans le secteur de l'audiovisuel, enfin, l'application de la loi Toubon fait l'objet d'un travail scrupuleux du Conseil supérieur de l'audiovisuel auquel il faut, ici, rendre hommage.

* 1 Il s'agit des emprunts émis sous le bénéfice de l'article 131 quater du code général des impôts et des contrats portant sur la fourniture de services d'investissement au sens de l'article 4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières qui relèvent, pour leur exécution, d'une juridiction étrangère.

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