EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 1996, la commission des Affaires économiques a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-François Legrand sur le projet de loi de finances pour 1997 pour les crédits de l'aviation civile et des transports aériens.

À titre préliminaire, M. Jean Huchon, président, faisant suite à la discussion ouverte par la commission la semaine précédente à l'occasion de l'examen du budget de l'aménagement du territoire, sur les ressources du fonds de Péréquation des transports aériens (FNTA), a indiqué que M. Jean François-Poncet, président, l'avait chargé de présenter un amendement maintenant à trois francs par passager le montant de la taxe destinée à alimenter ce fonds, taxe que l'article 27 du projet de loi de finances pour 1997 prévoyait de ramener à 1 franc.

Après avoir rappelé que 23 lignes aériennes demandaient à bénéficier du fonds, il a jugé que ce dernier ne pourrait suffire à satisfaire ces demandes. Il a indiqué que le retard pris pour les versements des crédits en 1996 avait résulté de la lourdeur de la procédure au niveau communautaire. Il a proposé à la commission d'adopter un amendement de suppression de l'article 27.

Après avoir déclaré comprendre l'émotion de la commission sur ce point, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a souhaité éclairer la commission avant qu'elle ne se prononce sur cet amendement, sans pour autant pendre position sur ce dernier.

Il a rappelé qu'il avait été à l'origine de la création du FNTA, proposé par le comité dit « Abraham », et qu'il avait déjà proposé sa réduction en 1996, le fonds étant alors pléthorique.

Il a indiqué qu'une analyse détaillée de l'équilibre financier prévisionnel du FPTA d'ici 1997, voire 1998, montrait que les recettes du fonds devraient lui permettre de faire face à ses engagements et, au-delà, de dégager un solde de 70 millions de francs environ fin 1997.

Il a attiré l'attention de la commission sur le fait qu'il ne suffisait pas que le fonds soit doté des ressources nécessaires pour que l'on puisse le solliciter afin de créer de nouvelles lignes.

Il a rappelé que, pour être éligibles au fonds de péréquation, les liaisons devaient, en effet, remplir simultanément des critères stricts :

- leur trafic devait être compris entre 10.000 et 150.000 passagers par an ;

- la liaison devait relier deux aéroports dont l'un au moins n'avait pas dépassé un trafic total de 1,5 million de passagers l'année précédente ;

- aucune liaison ferroviaire ou maritime d'une durée de moins de deux heures et demie ne devait pouvoir se substituer à la liaison aérienne ;

- aucun acheminement alternatif au départ d'un aéroport accessible en moins de trente minutes ne devait exister.

Outre ces critères, il était tenu compte de la fréquence de la liaison.

Compte tenu des contraintes en vigueur, il a estimé que l'on ne pouvait pas envisager la mise en service d'un grand nombre de nouvelles liaisons susceptibles de bénéficier à l'avenir d'une compensation financière du FPTA. De ce fait, après avoir détaillé la situation comptable du FPTA, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a considéré comme confortable le solde prévisible du fonds, en dépit de l'abaissement à 1 franc du montant de la taxe.

Après avoir indiqué que son département n'était pas éligible au FPTA, Mme Janine Bardou a déploré que ce fonds, créé en mai 1995, ait déjà perdu les trois quarts de ses crédits. Dans ces conditions, elle a déclaré prématurée la diminution de la taxe destinée à l'abonder, de crainte que les incitations à la rigueur n'empêchent une augmentation de la taxe en 1998, si celle-ci s'avérait nécessaire. M. Jean Huchon, président, a partagé cette inquiétude. Mme Janine Bardou a soutenu l'amendement présenté par le président Jean François-Poncet.

Répondant à M. Louis Moinard, qui demandait si, outre l'aide à l'exploitation des liaisons aériennes, les crédits du fonds ne pourraient servir à l'aménagement des petits aéroports en difficulté, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a souligné qu'on ne pouvait utiliser ce compte d'affectation spéciale à d'autres fins que celles ayant présidé à sa création. Il s'est, en revanche, inquiété des risques de détournement, par le ministère des finances, des recettes d'un fonds qui serait excédentaire.

Relevant que le cadre d'intervention du fonds était strict, il a rappelé que ces recettes devraient suffire à répondre aux besoins, sauf si les critères d'éligibilité étaient modifiés, ce qui n'était concevable qu'au niveau communautaire.

M. Francis Grignon a proposé à la commission l'adoption d'une position transactionnelle, tendant à fixer la taxe à 2 francs. M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a estimé sage cette proposition.

Mme Janine Bardou, après avoir craint que tous les fonds en faveur de l'aménagement du territoire ne disparaissent à terme, a jugé que les critères d'éligibilité étaient susceptibles d'évoluer dans la mesure où la Commission européenne avait accepté certaines mesures dérogatoires.

M. Alain Pluchet a souligné les avantages que présentait l'adoption par la commission de l'amendement proposé par son président, qui permettrait notamment de connaître l'avis du Gouvernement sur cet important dossier.

La commission a adopté deux amendements :

- le premier tendant à supprimer l'article 27 du projet de loi de finances, qui ramène à 1 franc la taxe de péréquation ;

- le second, de repli, ramenant le taux de cette taxe de 3 à 2 francs.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il insisterait, dans sa présentation, sur la situation économique du fonds.

Estimant que l'avenir du groupe Air France restait à conforter, que l'avatar d'Air Liberté laissait un goût d'amertume et que la situation d'AOM n'était pas enviable, il a souligné que le défi qui s'ouvrait à la France se résumait à l'interrogation suivante : les ailes françaises seront-elles encore présentes dans le ciel européen du XXI e siècle ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a exposé que les pouvoirs publics seraient confrontés à un choix :

- soit le libéralisme pur et dur, qui pouvait, avec le développement du « dumping » social et des délocalisations, entraîner le transport aérien dans une situation aussi dramatique que celle que connaissait le secteur du transport maritime (emploi de personnel navigant technique étranger) et provoquer la disparition du pavillon national ;

- soit se doter de la politique volontariste et cohérente, dotée d'une véritable « colonne vertébrale ». qui avait fait défaut jusqu'ici.

Il a estimé que si l'on se préoccupait de créer de la valeur ajoutée dans notre pays, d'y favoriser la localisation des moyens de production et donc des emplois, il convenait de structurer la politique aérienne et aéroportuaire en fonction de ces objectifs.

Il a souhaité que tous les acteurs du secteur prennent leurs responsabilités.

S'agissant des compagnies aériennes, il a constaté que le second pôle aérien privé se constituerait, en définitive, sous l'égide de British Airways. Avec TAT et Air Liberté, la compagnie britannique disposerait ainsi de 23 % des créneaux de l'aéroport d'Orly.

Le groupe Air France serait donc confronté à la concurrence encore plus vive d'une compagnie en pleine santé, alors que lui-même était sur la voie d'un redressement encore fragile.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, s'est ensuite félicité des résultats encourageants constatés à l'issue des deux premières années d'application du plan de redressement de la compagnie nationale. Après avoir rendu hommage à la direction d'Air France, il a indiqué que grâce aux mesures qu'elle avait mises en oeuvre (« yield management », c'est-à-dire gestion unitaire des sièges et mise en place de la plateforme aéroportuaire, le « hub » à Roissy), et au soutien de l'État, Air France avait pu afficher, pour la première fois depuis 1989, un résultat d'exploitation bénéficiaire de 413 millions de francs.

Il a jugé que ces résultats cependant fragiles nécessitaient une poursuite des efforts engagés.

Après avoir souligné l'insuffisance de la recette unitaire, le rapporteur pour avis a précisé que l'écart moyen de coût unitaire entre Air France et les grands compétiteurs européens, de 5 % environ aujourd'hui, serait de l'ordre de 15 % d'ici trois ans si Air France ne prolongeait pas elle-même ses efforts de redressement et de productivité.

En réponse à M. Jean Huchon qui l'interrogeait sur les faiblesses du groupe Air France, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a indiqué que la principale faiblesse tenait à l'attachement des personnels à leurs situations acquises. Il a déploré cet aveuglement des personnels qui « scient la branche qui les porte ». Il a déclaré qu'Air France Europe disparaîtrait si son personnel refusait d'aligner ses conditions de travail sur celles d'Air France, alors même que l'entreprise dispose d'un véritable savoir-faire.

C'est dans ce contexte que le « Pacte de croissance compétitive » -qui doit succéder au plan de redressement- était en cours de discussion.

D'abord envisagé pour la seule compagnie Air France, ce « Pacte » aurait désormais pour objet d'assurer le développement de la nouvelle compagnie issue de la fusion prochaine d'Air France et d'Air France Europe. Il devrait permettre d'améliorer la compétitivité de l'entreprise et d'accroître ses parts de marché, grâce à une politique de développement de l'office et à une stratégie d'alliances internationales.

À cet égard, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, s'est félicité de l'aboutissement des efforts menés par Air France avec Delta et Continental.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, s'est félicité du succès de la direction de la compagnie à améliorer la productivité en sectorisant les branches d'activité par zones géographiques et en créant deux filières pour les pilotes selon qu'ils pilotent des Airbus ou Boeing.

Évoquant alors la nécessaire évolution de la flotte de la compagnie, il a jugé que le choix ayant prévalu pour la commande d'avions était le bon, tant sur le plan technique (l'Airbus A 340-600 concurrent du Boeing 777, ne sera disponible qu'en 2001-2002), qu'économique (la commande de la compagnie est équilibrée puisqu'elle porte à la fois sur des Airbus et des Boeing) et financièrement (Air France ayant contracté une dette auprès de Boeing pour retard de commandes, ceci sans pénalités).

Il a estimé que ces efforts devraient être poursuivis et que ceci impliquait que tous les acteurs prennent leurs responsabilités, y compris les personnels du groupe.

Il a rappelé que la direction du groupe avait dû renoncer à regrouper l'ensemble de ses lignes moyen courrier, en raison du refus des syndicats de pilotes d'Air France Europe de voir aligner leurs conditions de rémunération et de travail sur celles des personnels d'Air France.

Le rapporteur pour avis a indiqué qu'il pourrait être procédé à la fusion

des deux compagnies d'ici le 1 er avril 1997, celle-ci devenant effective a l'automne à l'issue d'une période transitoire.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a ensuite souhaité que l'autorité de tutelle accompagne, elle aussi, l'effort de réduction des coûts des compagnies et s'efforce de réduire le coût d'usage des infrastructures aéroportuaires. Il a estimé que cette exigence se traduisait insuffisamment dans la politique de l'État.

Il a souhaité que l'acteur public, dans l'exercice de son rôle de prestataire de services, accompagne les indispensables efforts des compagnies ; et qu'en tant qu'autorité de tutelle, il exerce pleinement ses missions de régulation (concernant la délivrance des licences, les tarifs, l'allocation des créneaux horaires).

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a ensuite rappelé que les missions de l'État concernaient également la politique aéroportuaire.

Il a jugé qu'en égard à la progression prévisible du trafic, la construction de deux pistes supplémentaires à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle s'avérait indispensable, compte tenu de la saturation de l'aéroport d'Orly et de l'impact de la mise en place de la plate-forme aéroportuaire (« hub ») d'Air France sur le trafic de Roissy.

Il a informé la commission de l'avis positif récemment donné par le commissaire enquêteur et a rappelé que ce nécessaire aménagement répondait aux préconisations du rapport Douffiagues.

Après avoir évoqué les difficultés liées au fait que les riverains avaient manifesté leur opposition au projet, le rapporteur pour avis a annoncé que, pour éviter de tels problèmes à l'avenir, il se proposait de déposer une proposition de loi subordonnant dorénavant tout permis de construire aux abords d'un aéroport à une autorisation de survol des habitations, comme cela existait dans certains États américains.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué le problème aigu d'organisation du marché qui se posait avec la répartition des trafics entre les deux aéroports parisiens.

Il a craint qu'avec 23 % des créneaux à Orly, British Airways n'y développe un véritable « hub ».

Après avoir exposé que chaque pays développait une politique aéroportuaire favorable à sa compagnie nationale, il a jugé que la France serait bien inspirée d'en faire autant en réservant l'aéroport d'Orly aux lignes intérieures et européennes et en concentrant les vols long courrier à Roissy.

Le rapporteur pour avis a souligné que l'une des conditions du redressement d'Air France résidait dans sa possibilité de continuer à s'appuyer sur son marché intérieur et qu'il fallait l'y aider.

Puis, il a souhaité que la direction générale de l'aviation civile n'anticipe pas sur les décisions communautaires en matière de redevances aéroportuaires.

Après avoir brossé ce tableau du paysage aérien français, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a présenté brièvement le projet de budget pour 1997.

Il a indiqué que les fonds inscrits au budget annexe de l'aviation civile (BAAC) s'élevaient à près de 8 milliards de francs, en hausse de 4,38 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996.

Il prévoyait une hausse des recettes qui ne devrait cependant pas alourdir la pression fiscale pesant sur les compagnies aériennes.

Après avoir précisé que l'évolution des recettes du BAAC provenaient à hauteur de près de 90 % des redevances et taxes acquittées par les compagnies aériennes, et détaillé leur évolution, il a indiqué que l'augmentation de leur produit en 1997 était liée aux hypothèses de hausse du trafic aérien, mais qu'à assiette constante, leur évolution devrait se traduire par un allégement de charges au profit des compagnies aériennes. Ceci correspondait au souhait qu'il avait exprimé de voir les pouvoirs publics accompagner les efforts de redressement des compagnies.

Exposant ensuite la situation du secteur de la construction aéronautique, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a souligné qu'après une récession profonde, l'industrie aéronautique avait amorcé une reprise en 1995. Cependant, le chiffre d'affaires des principaux constructeurs avait encore reculé (à l'exception de Dassault-Aviation).

Il s'est félicité de l'annonce, dans ce contexte, de la commande de 120 avions Airbus par la compagnie américaine US Air, pour 12 milliards de dollars.

Le rapporteur pour avis a regretté la diminution des crédits destinés à l'instruction aéronautique dans le projet de loi de finances pour 1997. Ils correspondaient à des avances remboursables, dont la baisse était cependant liée a l'évolution logique des grands programmes lancés voici bientôt dix ans et presque achevés. Après avoir rappelé, pour les déplorer, les disparités de concurrence entre les États-Unis et l'Europe, liées à leurs modes respectifs de soutien à la recherche dans le domaine aéronautique, il a fait le point des différents programmes d'Airbus.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a ensuite estimé que le Parlement devait prendre une part plus active à la définition de la politique aérienne et aéroportuaire. Il a annoncé que, dans cet esprit, il proposerait au ministre des transports une réforme du conseil supérieur de l'aviation marchande (CSAM), qu'il avait l'honneur de présider.

Outre un renforcement de la représentation du Parlement et des compagnies aériennes au sein du CSAM, il a souhaité que ce dernier voit ses compétences élargies, de façon à pouvoir à l'avenir observer la conjoncture du secteur, mener des réflexions prospectives et évaluer les politiques publiques concernant le secteur.

En conclusion, il a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du transport aérien et du budget annexe de l'aviation civile pour 1997.

À l'issue de cette présentation, M. Jean Huchon, président , s'est étonné que n'ait jamais été mise en place de navette rapide entre les deux aéroports parisiens d'Orly et de Roissy.

En réponse, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis , a confirmé qu'une telle navette n'avait jamais constitué une priorité, l'absence de concurrence sur les lignes intérieures jusqu'à une date récente n'ayant pas incité à engager des efforts en ce domaine.

Répondant à M. Michel Bécot qui l'interrogeait sur la construction d'un troisième aéroport en région parisienne, M. Jean-François Le Grand , rapporteur pour avis, a indiqué que ce projet était toujours à l'ordre du jour, mais que la construction d'un nouvel aéroport demandait un délai d'une trentaine d'années, l'inauguration du nouvel aéroport de Munich en fournissant un exemple récent.

À titre personnel, il s'est cependant déclaré défavorable à ce projet.

Il a jugé préférable de valoriser l'atout essentiel qui réside dans la capacité de développement de l'aéroport de Roissy, au moment où tous les grands aéroports parisiens sont privés de telles possibilités.

Il a précisé que les évolutions technologiques, notamment en matière de réduction des nuisances, l'existence d'espaces disponibles aux alentours de l'aéroport, devaient permettre à l'aéroport de réaliser d'énormes gains de productivité.

Puis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 au titre du transport aérien et du budget annexe de l'aviation civile pour 1997.

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