3. L'Union européenne doit mener une politique extérieure commune, notamment à l'égard des États-Unis

La mise en oeuvre du troisième paquet de libéralisation, qui parachève la construction du marché intérieur, rend urgente la prise en compte, au plan communautaire, d'une dimension extérieure de la politique du transport aérien.

Or, en ce domaine, les divergences d'intérêt entre États membres paralyse malencontreusement l'Union européenne.

Comme le souligne le rapport 2 ( * ) de notre collègue député, M. Dominique Bussereau :

« La situation géographique des pays membres dans l'Europe, l'importance des marchés nationaux, l'histoire des pratiques commerciales l'état financier des compagnies, sont au nombre des éléments qui expliquent que, dans le transport aérien, autant sinon plus qu'ailleurs, les intérêts face aux pays tiers sont loin de converger ».

Les relations avec les États-Unis en sont la meilleure illustration.

Les Américains ont vis-à-vis de l'Europe une stratégie bien arrêtée, Ils souhaitent obtenir une libéralisation totale des relations aériennes sur l'Atlantique Nord et faire accepter par les pays européens, individuellement ou collectivement, une politique dite de « ciel ouvert » aux termes de laquelle toute compagnie sera libre d'exploiter n'importe quelle route, avec tous les droits de 3e. 4e et 5e libertés, en offrant n'importe quelle capacité et quasiment n'importe quel tarif.

Leur libéralisme connaît toutefois aujourd'hui deux limites : leur refus, d'une part, de concéder à des compagnies étrangères des droits de cabotage aux États-Unis et, d'autre part, d'autoriser ces compagnies à prendre le contrôle effectif de compagnies américaines.

Face à cette politique, les Européens ont adopté des positions très diverses.

Les Pays-Bas ont signé le premier accord de ce type en septembre 1992.

Depuis cette date, neuf états (F Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg et la Suède, membres de l'Union européenne, ainsi que l'Islande, la Norvège et la Suisse) ont signé l'accord proposé par les autorités américaines au cours du premier semestre 1995. Ils ont été rejoints début 1996 par l'Allemagne. Les États membres signataires d'accords de « ciel ouvert » avec les États-Unis sont donc désormais majoritaires au sein de l'Union européenne. Seuls, à des degrés divers, le Royaume-Uni, la France, l'Italie, la Grèce et l'Espagne restent à l'écart de cette évolution.

Les accords conclus avec ces onze états sont pratiquement identiques et leurs principales dispositions sont les suivantes :

- possibilité d'opérer de tout point sur son territoire, via des points intermédiaires, vers tout point sur le territoire de l'autre partie et au-delà avec droits de trafic illimités sur tous les points ;

- absence de limite au nombre de transporteurs et aux capacités qu'ils peuvent mettre en oeuvre ;

- liberté tarifaire totale ;

- libéralisation complète des vols cargo et des vols charters.

La compatibilité de certaines dispositions de ces accords avec le droit communautaire est contestée par la Commission européenne.

Il s'agit, notamment, de celles relatives à l'activité des transporteurs américains sur tout ou partie du marché intérieur (octroi de droits de Sème liberté intra-communautaires, application des clauses du « 3 ème paquet » sur ces liaisons) et à l'application, aux transporteurs communautaires, des dispositions du Traité relatives au droit d'établissement.

Il est susceptible d'en être de même dans d'autres domaines : certificats et licences, droits de douanes et taxes, créneaux horaires, systèmes informatisés de réservation, sécurité de vols, sûreté, environnement, emploi des personnels navigants, affrètements, assistance en escale, ainsi qu'en matière de concurrence et de compétence des juridictions européennes.

Parallèlement à la conclusion de ces accords, les autorités américaines ont accordé, pour une durée de 5 ans, l'immunité antitrust aux alliances développées entre transporteurs américains et européens (United/Lufthansa/SAS, Northwest/KLM, Delta/Sabena/Swissair/Austrian).

Dans ce cadre, les entreprises concernées peuvent non seulement commercialiser en partage de codes leurs vols, mais aussi intégrer leurs exploitations dans tous les domaines, y compris tarifaires et financiers.

L'objectif américain est clairement affiché. Il s'agit d'obtenir une « masse critique », permettant, grâce à une dynamique libérale puissante, de débloquer la situation entre l'Europe et les États-Unis dans un sens favorable aux intérêts américains.

Dans cette perspective, la disparité des attitudes européennes favorise à l'évidence l'action américaine.

Afin d'éviter une situation irréversible de nature à interdire toute action coordonnée européenne autre qu'une simple adhésion aux thèses américaines, la France a suggéré la définition d'un « socle de principes communs » permettant d'éviter une dispersion des positions européennes.

Par ailleurs, le Conseil Transport de juin 1996 a confié à la Commission européenne un mandat de négociation.

Celle-ci est chargée d'explorer avec les autorités américaines la possibilité de définir un environnement réglementaire permettant aux transporteurs américains et communautaires d'opérer dans des conditions de concurrence comparables.

Le mandat de la Commission ne pourra être élargi aux droits de trafic que dans la mesure où des progrès significatifs auront été accomplis dans ce premier domaine et si les États membres estiment qu'une démarche communautaire est plus efficace que le système bilatéral pour traiter des droits de trafic.

Votre commission aimerait connaître l'état d'avancement des négociations à ce stade.

Notons que, parallèlement, la Grande-Bretagne poursuit des négociations bilatérales approfondies avec les États-Unis et Air France a conclu des accords avec deux compagnies américaines, comme on l'exposera ultérieurement.

* 2 V oir le rapport de M Bussereau. remis au ministre chargé des transports sur le thème « Les relations avec les pays tiers dans le domaine du transport aérien : un vrai défi pour l'Europe »

(Documentation française)

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