b) Le rôle éminent de la France

La France continue de se distinguer par l'effort exemplaire qu'elle consent en faveur de l'aide publique et l'intérêt qu'elle attache au problème de développement.

Si en 1995, quatre pays seulement consacrent à l'aide au développement dans le monde plus de 0,7 % de leur revenu national (la Norvège, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas), la France approche de ce seuil (0,55 % du PNB consacré à l'aide publique au développement). En volume elle se classe au deuxième rang des donateurs (42 milliards de francs), derrière le Japon (13 milliards de dollars) mais devant l'Allemagne et les Etats-Unis désormais relégués en quatrième position.

Du reste, l'appui de la France ne se mesure pas seulement à l'aune des dépenses publiques : il se traduit par les initiatives prises par notre pays, au sein des instances multilatérales en faveur des pays en développement. Ainsi les appels du Président de la République au Sommet du Groupe des Sept pays les plus industrialisés (G7) à Lyon plaidant pour une réduction de la dette des pays les plus pauvres ont-ils fini par être entendus.

Cependant la France ne se distingue pas seulement par l'intérêt que les pouvoirs publics accordent à l'Afrique mais aussi par l'engagement de nos entreprises sur le continent. D'après une enquête du Conseil des investisseurs français en Afrique (rapport 1995) sur un échantillon de filiales significatives de 548 unités -dont 284 en zone franc- 70 % de ces entreprises prévoyaient d'investir sur le continent dans les trois années à venir. Ces résultats témoignent d'un état d'esprit sans exemple, sans doute dans les autres pays industrialisés.

C'est dans ce contexte qu'il convient d'apprécier les rôles respectifs de la France et des Etats-Unis sur le continent. L'effort consacré par les Etats-Unis à l'aide au développement ne représente guère que 0,15 % de leur produit national brut et s'oriente d'ailleurs principalement vers Israël, l'Egypte et le continent latino-américain. La France destine à l'Afrique 62 % de son aide, les Etats-Unis 21 % de leurs versements. En outre, le Congrès américain avait décidé de réduire de près de moitié la contribution des Etats-Unis pour 1996 (soit 775 millions de dollars au lieu de 1,38 milliard de dollars) à l'Association internationale au développement (AID), l'agence de la Banque mondiale chargée d'accorder des prêts aux pays les plus pauvres.

L'Afrique occupe également une place marginale pour les opérateurs privés américains : les prêts des banques commerciales ne dépassent pas 2 milliards de dollars (12 milliards de dollars pour les banques françaises -soit le tiers de l'ensemble des prêts consentis au continent africain), 48 groupes industriels et 12 banques ou compagnies nord-américains sont représentés en Afrique (contre 121 groupes industriels et 68 banques ou compagnies d'assurances françaises).

Ces différents éléments chiffrés 4 ( * ) permettent de prendre la mesure de l'engagement des deux pays sur le continent. L'intérêt des Etats-Unis pour le continent africain, bien que contenu dans des bornes étroites, n'en apparaît pas moins vif quand des intérêts financiers ou économiques sont en jeu.

Les ambitions des sociétés pétrolières américaines se sont aiguisées au Congo , au Gabon et au Tchad -où de nouveaux gisements d'hydrocarbure ont été mis en évidence par des sociétés américaines. Or dans ces pays, ainsi d'ailleurs qu'en Angola ou au Nigeria , la France bénéficie de solides positions acquises à la faveur de son savoir-faire et de sa longue expérience en Afrique. Aujourd'hui les rivalités pourraient se déplacer vers le secteur des télécommunications où tout reste à faire sur le continent. Les financements des bailleurs de fonds ouvrent à cet égard des marchés solvables pour les grandes compagnies intéressées. La France qui apporte un concours suivi et important aux pays africains doit ici pouvoir faire valoir ses compétences et sa technologie.

Ces considérations conduisent à souligner l'intérêt pratique d'une aide dont le principe est parfois contesté dans notre pays. La France demeure en 1995 le premier partenaire économique de l'Afrique et nos exportations représentent 20 % (70 milliards de francs) des achats africains -même si notre position s'érode légèrement au profit des Etats-Unis et du Japon. Nos échanges se soldent par un excédent de 24 milliards de francs. S'il est aujourd'hui encore très difficile d'évaluer l'effet-retour de notre aide, l'effort que nous consacrons à l'Afrique nous permet d'assurer non seulement une présence conforme à la vocation de la France, à ses intérêts géostratégiques, mais encore et aussi, on l'oublie trop souvent, aux intérêts économiques de nos entreprises .

Si la justification de l'aide ne fait pas de doute, les cadres institutionnels de notre action, les choix et les méthodes n'échappent pas aux interrogations.

La réforme de l'aide au développement reste encore inachevée.

* 4 Cités dans l'article, Afrique : la fausse querelle franco-américaine par J-A. Fralon et J-P. Tuquoi in Le Monde, 20-21 octobre 1996.

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