V. LA GESTION INTERNE DES PROBLÈMES DE SÉCURITÉ NE PEUT PLUS ÊTRE DISSOCIÉE DE SON CONTEXTE EUROPÉEN

Votre rapporteur a maintes fois souligné qu'à l'heure actuelle, une réponse efficace à l'insécurité passait nécessairement par le renforcement de la coopération policière internationale, au plan européen, notamment.

L'article 3 de la loi d'orientation inclut d'ailleurs explicitement dans les « orientations permanentes de la politique de sécurité... le renforcement de la coopération internationale en matière de sécurité, à partir des engagements internationaux et européens auxquels la France a souscrit ».

Reste à s'interroger sur la forme que peut revêtir cette coopération dans le cadre européen, ainsi que sur l'adaptation des structures de la police à cette démarche nouvelle.

A. L'INDISPENSABLE ARTICULATION ENTRE LE DISPOSITIF SCHENGEN ET LE 3ÈME PILIER DE L `UNION EUROPÉENNE

Sans retracer en détail des mécanismes qu'il a largement examinés par ailleurs -notamment en janvier 1996 dans son rapport au Premier ministre sur la convention d'application de l'Accord de Schengen- votre rapporteur ne croit pas inutile de rappeler qu'en ce domaine, deux politiques européennes de sécurité intérieure s'opposent : d'un côté, la gestion de ces problèmes dans le cadre de la Commission européenne et selon les mécanismes de décision communautaire, de l'autre une gestion en coopération interétatique qui s'opère à l'heure actuelle dans le cadre de la Convention de Schengen et des accords subséquents.


• Cette discussion, loin d'être purement théorique, pourrait au contraire constituer un des principaux enjeux de la Conférence intergouvernementale de révision du traité sur l'Union européenne, sans doute moins médiatique que la monnaie unique, mais tout aussi essentiel.

Les décisions, en ce domaine, sont d'autant plus fondamentales qu'elles touchent de très près au fonctionnement des États et qu'elles ont des répercussions très profondes dans les opinions publiques. La sécurité intérieure est intimement liée aux traditions nationales.

Les Parlements nationaux ne sauraient être tenus à l'écart de ce processus, car ils seront les premiers comptables des résultats obtenus.


• A l'heure actuelle, la gestion au plan européen des problèmes de sécurité intérieure est beaucoup trop éclatée pour pouvoir être cohérente.

Sans entrer dans le détail, une des difficultés principales réside dans le fait que plusieurs domaines couverts par la Convention de Schengen -qui s'applique entre sept États- recouvrent ou recoupent des domaines relevant quant à eux du troisième pilier de l'Union européenne, c'est-à-dire du traité de Maastricht qui s'applique à quinze pays.

C'est ainsi, par exemple, que la politique commune des visas mise en oeuvre dans le cadre de Schengen ne se superpose pas exactement à la politique communautaire des visas définie en application de l'article 100 C du Traité de Maastricht, au point que la liste des pays soumis à l'obligation de visa dans l'espace communautaire diffère de la liste fixée pour l'espace Schengen.

Les politiques de l'asile et de l'immigration sont pareillement partagées entre les deux traités.

A cet imbroglio juridique en amont s'ajoutent en aval les difficultés techniques résultant de la grande disparité des structures policières d'un État à l'autre.


Pour tenter d'unifier les politiques de sécurité intérieure au plan européen, certains préconisent la communautarisation au moins partielle du troisième pilier, ce qui reviendrait à déterminer cette politique, non plus par accord unanime des États, mais selon les règles de décision prévues par la législation communautaire.

Cette position, avancée par la Commission de Bruxelles, soutenue dans une certaine mesure par le Parlement européen et défendue par plusieurs États comme les Pays-Bas, aurait sans doute sur le plan théorique le mérite de remédier à certaines incohérences. Mais en pratique, elle déposséderait totalement les États d'une responsabilité qui leur incombe au premier chef car ils en sont directement responsables auprès de leurs opinions publiques.


• Aussi, à moins de s'en tenir au partage actuel qui est loin d'être satisfaisant, une solution de compromis consisterait à « transférer progressivement Schengen dans le troisième pilier », tout en évitant la communautarisation de celui-ci.

Ainsi, les acquis incontestables de Schengen seraient préservés et étendus aux quinze États de l'Union européenne, une fois que tous auraient mis leur propre législation en conformité aux exigences de la Convention. Le Comité exécutif de Schengen serait lui-même intégré au Conseil des Ministres « justice et affaires intérieures » et chargé de contrôler la mise en oeuvre du nouveau dispositif.

Il serait de même logique d'y intégrer EUROPOL, de façon à doter cette nouvelle structure d'une véritable substance.

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