B. LA SITUATION DES JURIDICTIONS

1. L'achèvement de l'extension du casier judiciaire

L'extension du casier judiciaire automatisé aux DOM a été achevée en 1996 au terme de l'enregistrement de 66 500 fiches, facilité par l'entrée en service de la nouvelle version informatique du casier en avril 1995 (changement d'ordinateur et réécriture des programmes).

Cette intégration était tributaire de la prise en compte des DOM par le fichier INSEE pour l'état civil, laquelle n'est intervenue qu'en 1993.

En contrepartie des quatre « équivalents temps plein » que représente désormais cette charge nouvelle pour le casier judiciaire situé à Nantes, ce transfert a libéré pour d'autres activités quinze personnes et 300 m 2 dans les tribunaux de Basse-Terre, Pointe à Pitre, Saint-Denis et Saint-Pierre de La Réunion, Fort de France et Cayenne.

Il permet une gestion unique de tous les justiciables en matière d'enregistrement des fiches et de délivrance des bulletins ainsi que des peines accessoires, réhabilitation, amnistie ; un meilleur contrôle de l'état civil pourra également être fait.

2. L'activité des juridictions

a) Le rattrapage des effectifs se poursuit

- S'agissant des magistrats, les départements d'outre-mer ont bénéficié de 1990 à 1995 d'une augmentation des effectifs de 5,6 % (contre 2,92 % en métropole).

Le projet de décret de localisation qui devrait être publié dans les semaines à venir poursuit cet effort qui tend à combler le retard pris dans les années antérieures.

Les 151 emplois des départements d'outre-mer sont actuellement répartis à raison de 47 pour la Guadeloupe, 38 pour la Martinique, 11 pour la Guyane (auxquels il faudrait ajouter l'effectif de la chambre détachée à Cayenne de la cour d'appel de Fort-de-France) et 55 à la Réunion.

Le décret, qui se substituera au décret du 6 mai 1995 envisage d'y créer 7 postes de magistrats ce qui représente un accroissement de 4,6 %.

Outre un poste de substitut placé dans chacun des trois ressorts de cour d'appel (qui compléteront les 3 juges placés créés en 1995), sont ainsi prévus 2 juges d'application des peines pour accompagner l'ouverture des établissements pénitentiaires de Baie-Mahault (Guadeloupe) et Remiré-Mont-Joli (Guyane), un juge d'instruction à La Réunion, un juge pour enfants à Fort-de-France (en 1995 un juge pour enfant avait été créé à Pointe-à-Pitre).

Enfin, un substitut chargé de remettre en ordre l'état civil est envoyé à Mayotte.

Ces huit postes représentent donc 13,5 % des créations prévues par ce projet de décret pour l'ensemble des juridictions françaises fin 1996.

- Pour les fonctionnaires, après les importantes créations de postes de personnels administratifs de 1996 (42 à la Réunion et 11 dans les Antilles-Guyane), les prévisions pour 1997 sont d'ajouter 2 greffiers en chef aux 2 déjà créés en 1996 dans les Antilles-Guyane, de créer un autre greffier en chef à la Réunion et de renforcer respectivement de 1 et de 3 unités les personnels administratifs à la Réunion et des Antilles-Guyane. En 2 ans et sous réserve que ces postes soient pourvus les effectifs des greffes auront donc globalement augmenté de 16,6 %

b) Les flux et les délais de traitement du contentieux

Si l'on se réfère aux dernières statistiques locales publiées par la Chancellerie 8 ( * ) , on peut espérer que ces moyens permettront aux juridictions d'outre-mer de conserver des délais de traitement qui semblent les placer dans une bonne moyenne (cf. tableau ci-dessous).

Délais moyens de traitement des affaires civiles (exprimés en mois)

Cour d'appel

TGI

TI

Prud'hommes

France entière

15

9

5,3

9,6

Guadeloupe

11,2

17,8

5,9

13,2

Martinique

12,7

10

non disponible

14,8

Guyane

chambre détachée FdF

6,5

non disponible

11,9

Réunion

13

6,2

4,2

10,2

Année 1994 (dernières données locales publiées)

Toutefois, comme l'a fait notre excellent collègue Pierre Fauchon dans le rapport de la mission d'information de la commission des Lois chargée d'évaluer les moyens de la justice 9 ( * ) pour les données générales, il ne faut pas s'arrêter à ces moyennes mais bien s'interroger sur la signification de certains délais locaux plus inquiétants.

Ainsi, les très longs délais moyens observés au TGI de la Guadeloupe (17,8 mois au lieu de 9 mois en général) résultent-ils de la combinaison d'une durée « normale » à Basse-Terre (8,9 mois) et d'un engorgement manifeste à Pointe-à-Pitre (21,2 mois).

Ainsi, les délais moyens de la Martinique n'empêchent-ils pas l'accroissement des stocks au TGI de Fort-de-France qui connaît aussi des retards pour les délibérés et la rédaction des jugements.

Ainsi les délais déjà supérieurs à la moyenne des Prud'hommes masquent-ils un délai moyen de 18,1 mois au conseil de Basse-Terre. Or l'augmentation des affaires nouvelles dans les 4 conseils des départements d'outre-mer est supérieure aux chiffres nationaux (+ 14,3 %).

Quant à la progression des flux civils, que l'on ne peut pas réguler comme au pénal par le classement sans suite, elle reste forte même si elle est inégale.

Entre 1990 et 1993, le nombre des affaires civiles nouvelles a crû en appel dans des proportions supérieures à celles de la moyenne nationale.

Dans les tribunaux de grande instance, l'augmentation sur trois ans aura été de 120 % à Saint-Denis et de 8 % dans les autres TGI à l'exception de Basse-Terre qui a connu une baisse de 72 %.

Les tribunaux d'instance connaissent une augmentation proche de la moyenne (+ 3,6 % pour ces trois dernières années). En Martinique et en Guyane les affaires nouvelles diminuent.

Dans les départements d'outre-mer, comme ailleurs, des progrès de productivité considérables ont été faits : par exemple, à la Cour d'appel de Basse-Terre où les affaires civiles, sociales et commerciales nouvelles ont crû de 100 % au cours des dix dernières années, à effectif égal, le nombre des affaires jugées a augmenté de 181 %.

Là, comme ailleurs, les barreaux se sont beaucoup développés.

Là, comme ailleurs, des vacances de postes incompréhensibles sur place sont constatées : par exemple au TGI de Pointe-à-Pitre où deux postes de vice-présidents ont été vacants pendant presque un an.

En revanche, en dehors de quelques exceptions (vacance de poste de greffier en chef délégué à la gestion budgétaire de la Cour d'appel de Basse-Terre par exemple), les postes de fonctionnaires peuvent être pourvus grâce au trop-plein des fonctionnaires domiens en poste en métropole qui souhaitent trouver une affectation dans leur département d'origine.

Autre particularité signalée en Guadeloupe, la quasi-inexistance des temps partiels, désignés ailleurs en France comme une source de vacances en raison des mécanismes très imparfaits de compensation.

La justice dans les départements d'outre-mer n'est donc pas épargnée par les difficultés de gestion des flux même si sa situation n'est peut-être pas actuellement la pire que l'on puisse rencontrer. II faut néanmoins rester vigilant sur la répartition des moyens et l'on peut peut-être s'interroger sur la légèreté des structures judiciaires en Guyane au regard de la poussée démographique due notamment à l'immigration. Il n'est pas certain que l'implantation d'une maison de justice à Saint-Laurent-du-Maroni suffise à compléter cette présence.

c) L'administration pénitentiaire

La mise en oeuvre des nouveaux établissements (Martinique, Guadeloupe, Guyane) et les crédits prévus à l'avenir (Martinique, La Réunion) devraient permettre d'atténuer la surpopulation carcérale dont s'était inquiétée l'an passé la commission des Lois.

Les taux d'occupation restent aujourd'hui préoccupants et en moyenne supérieurs à la moyenne nationale (111 %) : à La Réunion 132 % ; à la Martinique 102 % (la pleine occupation a été atteinte dès l'ouverture du centre de Ducos et la fermeture concomitante de Fort-de-France) ; en Guyane on attendra septembre 1997 pour répondre à la surpopulation (279 % !).

* 8 Données locales 1994 - Ministère de la Justice.

* 9 Rapport n° 49 Sénat 1996-1997 - « Quels moyens pour quelle justice ? »

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