II. VERS UNE MEILLEURE UTILISATION DES MOYENS EXISTANTS

Au-delà du recours aux variables d'ajustement traditionnelles (heures supplémentaires, maîtres auxiliaires) ou plus récentes (aides-éducateurs), une réflexion a été engagée pour utiliser de manière plus satisfaisante les moyens en personnels considérables de l'éducation nationale : celle-ci porte sur la déconcentration du mouvement des enseignants du second degré et sur une amélioration de leur présence devant les élèves.

A. LA RÉFORME DU MOUVEMENT DES ENSEIGNANTS

1. Le système actuel

Le mouvement des personnels enseignants est constitué d'un mouvement général qui traite l'ensemble des demandes et des postes, en fonction d'un barème et de mouvements particuliers et spécifiques qui permettent de réaliser l'adéquation entre le profil des postes et le choix des personnels.

A l'origine de tout mouvement, on trouve des candidats ayant formulé des voeux de mutation et des postes vacants. Le mouvement national des personnels enseignants du second degré est organisé par discipline d'enseignement et pour les enseignants de lycée, il se fait tous corps confondus (professeurs agrégés, certifiés, chargés d'enseignement, adjoints d'enseignement). Le mouvement organisé au titre de la rentrée 1998 a porté sur 110 247 demandes. Sur ce total, 50 030 agents ont été mutés ou affectés dont 43 370 sur leurs voeux.

Le mouvement général s'effectue au moyen d'un barème indicatif qui prend en compte des points donnés en fonction de l'échelon atteint et des points donnés en fonction du nombre d'années passées dans le poste actuel.

A ces paramètres, s'ajoutent des éléments liés à la situation administrative et des éléments relatifs aux voeux formulés par l'enseignant.

Ils sont complétés par des éléments à caractère familial dont les plus importants sont les bonifications qui visent à rapprocher l'enseignant de son conjoint.

Les mouvements particuliers et spécifiques représentent un peu moins de 10 % de l'ensemble des candidatures présentées au titre de tous les mouvements et ont pour objet de prendre en compte la spécificité des postes (niveau de l'enseignement dispensé, compétences particulières recherchées, contraintes géographiques, publics difficiles ...).

Les mouvements particuliers les plus importants concernent les affectations dans les classes préparatoires aux grandes écoles, les classes de techniciens supérieurs et les postes dans les établissements sensibles.

2. Les limites du système existant

Le système actuel permet de réaliser en une seule opération les mutations, les premières affectations des nouveaux recrutés et les réintégrations, en prenant en compte tous les postes vacants et ceux libérés par une mutation. Il met en concurrence, pour un même poste, tous les candidats, qu'ils soient extérieurs ou déjà présents dans l'académie. Avec les larges possibilités offertes dans la formulation des voeux, les candidats peuvent demander sans risque leur mutation, puisqu'ils conservent le poste dont ils sont titulaires s'ils n'obtiennent pas satisfaction.

Cependant, il convient de souligner qu'une majorité des demandes de mutation correspondent à une volonté de changer d'affectation au sein de la même académie.

La centralisation du système actuel conduit donc à faire remonter à Paris plus de 110 000 dossiers de demande de mutation qui doivent être vérifiés et traités, alors que la majorité des affectations prononcées par le ministre se font à l'intérieur d'une même académie.

Il faut également noter que la déconcentration du mouvement est déjà largement engagée. Si la majorité des affectations sont prononcées par le ministre, les recteurs se sont vus investis également de cette compétence :

- depuis 1985, pour prononcer les affectations provisoires sur postes vacants des " titulaires académiques " (39 490 à la rentrée scolaire 1997) ;

- depuis 1986, pour prononcer l'affectation des enseignants en réadaptation ;

- depuis 1987, pour prononcer la réaffectation des enseignants dont le poste a été supprimé ou transformé par suite d'une modification de la carte scolaire.

3. Les grandes lignes du nouveau mouvement national à gestion déconcentrée

Le ministre a annoncé le 13 octobre 1998 une réforme de la procédure du mouvement des personnels enseignants, d'éducation et d'orientation du second degré visant à confier l'affectation de ces agents aux recteurs d'académie.

Cette réforme aboutit à définir un mouvement national à gestion déconcentrée pour les affectations de la rentrée scolaire 1999. Deux phases dans cette nouvelle procédure sont à distinguer :

a) Une phase interacadémique administrée au plan national

Les personnels du second degré, candidats au mouvement, formuleront désormais en février leurs voeux, sans limitation de nombre, pour être affectés dans les académies. En mars, l'administration centrale procèdera à l'examen des demandes et le ministre désignera les personnels ayant obtenu leur changement d'académie.

b) Une phase intra-académique gérée au niveau rectoral

Les personnels ayant obtenu leur changement d'académie et les personnels du second degré déjà en exercice dans l'académie qui souhaitent changer d'affectation formuleront leurs voeux auprès de leur rectorat. Le recteur d'académie affectera les personnels à l'issue du mouvement.

c) Un souci de transparence et d'égalité

Les instances paritaires nationales et académiques seront maintenues. Les demandes de changement d'affectation formulées par les personnels du second degré seront examinées pour chacune des deux phases par des formations paritaires mixtes associant les représentants des personnels.

Des barèmes nationaux et académiques homogènes concertés permettront d'instruire les dossiers de demandes de mutations formulées par les personnels du second degré.

d) Un dispositif d'accueil et d'information

Les personnels disposeront d'une information plus claire et plus complète pour formuler leurs voeux d'affectation. Un outil d'aide à la décision sera mis à leur disposition sur Internet pour leur permettre d'évaluer leur possibilité d'obtenir une académie ou un département.

4. Les critiques formulées par certaines organisations syndicales

Plusieurs organisations syndicales ont exprimé leur hostilité à la déconcentration de la gestion des personnels avant même la publication des décrets n° 98-915 et 916 du 13 octobre 1998 qui devraient permettre de mettre en oeuvre la réforme en 1999.

Leurs arguments peuvent être ainsi résumés :

- la délégation de pouvoir aux recteurs en matière d'affectation risque de réduire la mobilité des enseignants et de décourager de nombreux candidats à la mutation et aux concours : au lieu de demander librement l'établissement de leur choix en étant assurés de conserver leur poste en cas de refus, les enseignants seraient désormais mis à la disposition d'une académie qui décidera seule du lieu d'affectation parmi l'ensemble des établissements ;

- le recteur serait désormais en charge non seulement des affectations mais aussi de la titularisation des enseignants après leur nomination par le ministre : certains craignent ainsi une déconcentration des modalités de recrutement avec la mise en place d'un concours national contingenté qui priverait de nombreuses académies d'enseignants qualifiés ainsi qu'une multiplication des postes à profil ;

- les mesures de déconcentration risquent de s'accompagner d'un fort déséquilibre entre les différentes académies, de nuire à la qualité de l'enseignement et de précariser la profession d'enseignant.

5. Les observations de la commission

Sans être en mesure de porter une appréciation autorisée sur un dossier aussi technique, votre commission ne peut qu'être favorable au principe d'un dispositif qui tend à déconcentrer le mouvement national et à assurer une gestion des personnels au plus près des réalités.

Elle n'est cependant pas convaincue que la réforme apporte plus de souplesse de fonctionnement, une adéquation plus fine des moyens aux besoins et permette de réduire les dysfonctionnements observés à chaque rentrée scolaire dans plusieurs disciplines, souvent les mêmes, de trop nombreux établissements du second degré.

L'expérimentation du nouveau dispositif sur plusieurs années devrait seule permettre d'apprécier son efficacité ou en révéler les inconvénients, et la commission d'enquête créée par le Sénat le 5 novembre 1998 sera notamment chargée d'examiner les conditions de nomination, de répartition et d'affectation des enseignants du second degré.

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