PJ loi de finances pour 1998

LUC (Hélène)

AVIS 67 (98-99), Tome VI - COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières




N° 67

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI

ENSEIGNEMENT TECHNIQUE

Par Mme Hélène LUC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean-Paul Bataille, Jean Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel Charzat, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 15 ) (1998-1999).

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années l'examen des crédits de l'enseignement technique, qui recouvre l'enseignement technologique et professionnel, fait l'objet d'un exercice quelque peu convenu.

En effet, la difficile identification de ces crédits dans les documents budgétaires, leur évolution peu spectaculaire et l'absence de véritables réformes depuis plus de dix ans n'ont pas contribué à faciliter la tâche des rapporteurs pour avis qui ont été successivement en charge de ce budget.

Dans une certaine mesure, cette absence d'identification budgétaire est révélatrice du statut réservé à l'enseignement professionnel et technologique qui apparaît encore comme le parent pauvre de l'éducation nationale.

Force est en effet de constater que depuis la loi de programmation de 1985, l'enseignement technologique et professionnel n'a pas fait l'objet d'un intérêt prioritaire des gouvernements successifs.

L'augmentation de la dotation budgétaire a été en effet pour l'essentiel commandée par la revalorisation de ses personnels, le nombre de ses enseignants titulaires est resté désespérément stable alors que la précarisation de l'emploi progressait, des sections de lycée professionnel délivrant des formations obsolètes se sont vidées de leurs élèves et le système détestable d'orientation par l'échec des élèves s'est perpétué.

Il convient également de remarquer que les dispositions prises dans le domaine de l'enseignement professionnel, notamment au titre de la loi quinquennale pour l'emploi de 1993, à l'exception de la décentralisation de la formation professionnelle des jeunes au niveau régional, sont restées quasiment lettre morte, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre du droit pour tout jeune sortant du système éducatif de recevoir une qualification ou de la mise en place des sections d'apprentissage dans les lycées professionnels.

Seul le baccalauréat professionnel, qui constitue l'une des innovations majeures du système éducatif de ces dernières années, ainsi que les formations dans des spécialités où l'offre d'emploi est forte peuvent être considérés comme des succès.

Le temps est désormais venu de faire de l'enseignement professionnel une véritable voie de réussite aussi bien dans le domaine de l'orientation des élèves, que des formations. Le contenu de celles-ci doit être en permanence rénové pour intégrer l'évolution des connaissances et les technologies nouvelles, afin de déboucher sur une insertion professionnelle satisfaisante et favoriser l'adaptabilité aux inéluctables évolutions de l'emploi et des métiers. Cet enseignement doit également continuer à valoriser sa vocation promotionnelle en permettant toujours mieux la poursuite d'études ultérieures.

Les réponses à ces défis ne dépendent pas toutes du système éducatif puisque la crise économique et sociale, et le chômage, pèsent lourdement sur la réussite scolaire, donc a fortiori sur le devenir de la voie technologique et surtout professionnelle.

Il est encourageant de constater que le ministre actuellement chargé de ces enseignements est disposé à engager une profonde réforme des voies technologique et surtout professionnelle, afin d'assurer une égale dignité aux trois filières de lycée et à entreprendre la revalorisation de la voie professionnelle en menant une véritable campagne de promotion.

Votre commission ne peut donc qu'approuver un discours annonçant l'objectif de faire de l'enseignement professionnel " la priorité des priorités ", mais qui se doit de se traduire rapidement en une politique active.

Après avoir procédé à l'examen des crédits d'un budget qui ne peut être considéré que comme un budget d'attente et évoqué les quelques ombres et lumières de l'actuelle voie technologique et professionnelle, il conviendra d'exposer les perspectives prometteuses de la réforme annoncée par le gouvernement.

*

* *

PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET D'ATTENTE

I. DES EFFECTIFS STABLES, MAIS DES DIFFICULTÉS D'AFFECTATION SUBSISTANT POUR LES ÉLÈVES

A l'instar des lycées d'enseignement général et technologique, les lycées professionnels ne sont pas épargnés par le problème de l'adaptation des moyens en personnels aux besoins disciplinaires. S'ajoutant aux situations d'inadéquation entre l'offre et la demande d'affectation en lycée professionnel, la vacance de nombreux postes lors des dernières rentrées scolaires, notamment en province, a joué un rôle important et légitime dans le développement du récent mouvement lycéen.

A. UNE PROGRESSION CONTENUE DES CRÉDITS ET DES PERSONNELS DE PLUS EN PLUS PRÉCARISÉS

1. Une faible progression des crédits par rapport à 1998 et une augmentation relative dans le budget de l'enseignement secondaire

Avec 37,148 milliards de francs pour 1999 en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, contre 36,552 milliards de francs en budget voté en 1998, les crédits de l'enseignement technique long et court enregistrent une progression de 1,63 %, soit une augmentation inférieure de moitié à celle de 1998.

Il convient en revanche de noter que leur part dans l'ensemble du budget de l'enseignement du second degré augmente légèrement et passe de 31,78 % à 32,30 % en 1999, la part des lycées professionnels progressant de 17,32 % à 17,63 % soit davantage que celle de la voie technologique.

ENSEIGNEMENT TECHNIQUE LONG ET COURT

BUDGET VOTÉ EN 1998

(en millions de francs)

 

Lycées techniques

Lycées professionnels

Sections de techniciens supérieurs

TOTAL

Personnel

Fonctionnement

11 901,0

133,0

19 372,5

463,4

4 290,5

121,2

35 563,9

717,5

Total DO

12 034,0

19 835,9

4 411,6

36 281,5

CP

181,7

89,3

-

271,0

DO + CP

12 215,7

19 925,2

4 411,6

36 552,5

capital AP

181,7

89,3

-

271,0

Part dans l'ensemble des crédits alloués à l'enseignement su second degré : 115 028,2

10,62 %

17,32 %

3,84 %

31,78 %

ENSEIGNEMENT TECHNIQUE LONG ET COURT

PROJET DE LOI DE FINANCES 1999

(en millions de francs)

 

Lycées techniques

Lycées professionnels

Sections de techniciens supérieurs

TOTAL

Personnel

Fonctionnement

11 966,6

171,3

19 546,8

655,0

4 374,2

178,1

35 887,5

1 004,4

Total DO

12 137,9

20 201,8

4 552,3

36 892,0

CP

181,7

74,7

-

256,4

DO + CP

12 319,6

20 276,5

4 552,3

37 148,4

capital AP

181,7

74,7

-

256,4

Part dans l'ensemble des crédits alloués à l'enseignement su second degré : 119 376,1

10,71 %

17,63 %

3,96 %

32,30 %

2. Les emplois

a) Une revalorisation de la situation des professeurs de lycée professionnel et un statu quo pour les PLP retraités

Le budget pour 1999 permettra de transformer 5 000 emplois de PLP1 en emplois de PLP 2 au 1er septembre 1999, pour un coût de 45,65 millions de francs dans le cadre de la poursuite du plan de revalorisation de la situation des personnels enseignants. En outre, il est prévu de transformer au 1er septembre 1999 387 emplois de PLP 2 en emplois de PLP 2 hors classe, 6,17 millions de francs étant affectés à cette mesure.

La revalorisation des pensions des professeurs de lycée professionnel (PLP) retraités, qui est demandée depuis plusieurs années par les intéressés, ne pourra intervenir que lorsque l'intégration complète des professeurs de lycée professionnel du premier grade (PLP 1) en activité dans le deuxième grade (PLP 2) aura été réalisée. Un décret d'assimilation, pris en application de l'article L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite, pourra alors permettre à l'ensemble des retraités du premier grade de bénéficier d'un reclassement sur la grille indiciaire du deuxième grade.

Si l'intégration des PLP 1 dans le deuxième grade se poursuivait au rythme actuel, le premier grade des professeurs de lycée professionnel pourrait être supprimé à l'horizon 2000.

b) Une montée de la précarisation des emplois

Votre commission ne peut que constater que les PLP n'ont plus aujourd'hui l'exclusivité de l'enseignement dans les lycées professionnels.

En raison d'une baisse du nombre de places ouvertes aux concours, des centaines de postes de PLP dans certaines disciplines n'ont pas été pourvus lors des dernières rentrées.

Cette situation est particulièrement préoccupante puisqu'elle conduit, par manque de place en BEP dans certains établissements, de nombreux élèves à redoubler la classe de troisième ou à se tourner vers l'apprentissage ; ce fut particulièrement flagrant dans l'académie de Montpellier où plusieurs centaines d'élèves ont été concernés. Dans des départements comme le Val-de-Marne ou la Seine-Saint-Denis où les élus ont mis en place des dispositifs du type SOS rentrée, les difficultés d'affectation ont pu être recensées dans certaines spécialités, confirmant cette distorsion préjudiciable aux lycéens.

Les recteurs ont été ainsi contraints de recourir à des emplois précaires et à des personnels contractuels ou vacataires. Il convient de noter par exemple que 8 400 maîtres auxiliaires sont aujourd'hui utilisés dans les lycées professionnels.

Il convient d'ajouter que des stagiaires d'IUFM, regroupés sur un même poste, sont fréquemment utilisés dans les lycées professionnels pour occuper un poste vacant et assumer la responsabilité d'un enseignement qui normalement devrait revenir à un PLP titulaire.

B. LA STABILITÉ DES EFFECTIFS DES ÉLÈVES DES VOIES TECHNOLOGIQUES ET PROFESSIONNELLES

1. La voie professionnelle

A la rentrée 1998, 815 000 élèves étaient attendus dans les 1 800 lycées professionnels, soit une stabilité du nombre des élèves par rapport à 1997.

Ces effectifs représentent la moitié des élèves qui sont scolarisés en lycée d'enseignement général et technologique.

Il convient de rappeler que cette stabilité succède à une hausse modérée des effectifs des LP constatée depuis 1996 alors qu'une baisse de 15 500 élèves est attendue pour la rentrée 1999.

Cette évolution a résulté à la fois d'une progression des effectifs du second cycle professionnel, de la réorganisation des classes de 3e et 4e technologiques et de baisses d'origine démographique.

EFFECTIFS D'ÉLÈVES DU SECOND DEGRÉ PUBLIC ET PRIVÉ
 

1997-1998

4ème technologique
3ème technologique

60 848
77 099

TOTAL 1er CYCLE TECHNOLOGIQUE

137 947

CAP EN 3 ANS

19 702

BEP-CAP EN 2 ANS

539 030

1ère professionnelle
Terminale professionnelle

90 443
80 042

BAC PROFESSIONNEL

170 485

TOTAL SECOND CYCLE PROFESSIONNEL

740 753

TOTAL SECOND CYCLE GENERAL ET TECHNOLOGIQUE

1 536 573

2. Le second cycle général et technologique

La tendance à la baisse des effectifs du second cycle général et technologique qui se poursuivait depuis la rentrée 1992 s'est inversée en 1996 : 1,529 million de lycéens étaient inscrits à la rentrée 1998, soit une diminution de 10 000 élèves, tandis qu'une nouvelle réduction de 18 000 élèves est attendue à la rentrée 1999.

Cette évolution s'explique par une baisse du taux d'entrée de 3ème générale vers la seconde générale et technologique et par un taux très bas de redoublement en terminale qui résulte des bons résultats enregistrés à la session du baccalauréat de 1998.

II. DES DIPLÔMES QUI CONDITIONNENT L'ACCÈS À L'EMPLOI

L'examen des taux d'insertion professionnelle par type de formation confirme que le diplôme reste le meilleur passeport pour l'emploi et que les formations professionnalisées sont à cet égard plus efficaces que les formations générales du second degré dans l'hypothèse où ces dernières sont considérées comme étant un terme de formation.

Cependant, les sorties sans diplôme ou qualification restent encore trop élevées et l'enseignement professionnel a une vocation particulière, notamment par la voie de l'alternance, à mettre en place des formations adaptées afin de réduire encore le taux de ces sorties.

1. L'évolution des sorties de formation

a) Les sorties sans qualification

Il convient d'abord de noter que les sortants sans diplôme ne représentent plus que 13 % des sortants en 1996 alors que ce taux était de 28 % en 1977 : le nombre de ces sorties s'est réduit de 202 000 à 93 000 entre 1980 et 1996.

S'il convient de saluer les progrès enregistrés en quinze ans, qui sont à porter notamment au crédit de l'enseignement professionnel, il reste que ces sorties sans diplôme ni qualification du système éducatif restent encore trop élevées.

La réactivation du dispositif d'insertion de l'éducation nationale au sein d'une mission plus générale et le développement de l'école de la deuxième chance pourraient réduire encore le nombre de ces sortants qui constituent le vivier naturel de l'exclusion sociale.

b) La ventilation des sortants de formation initiale

Contrepartie au phénomène précédent, depuis le début des années 90, le nombre de sortants de formation initiale augmente d'année en année, bien que l'effectif des générations en âge de quitter le système éducatif soit, pour des raisons démographiques, de plus en plus restreint (870 000 en 1990, 800 000 en 1996).

Les tableaux ci-après retracent l'évolution des sortants du système éducatif par niveaux de formation et selon le plus haut diplôme obtenu, et mettent en évidence l'élévation du niveau de formation par l'allongement de la durée des études.

LES SORTANTS DU SYSTÈME ÉDUCATIF PAR NIVEAUX DE FORMATION

(Sorties en milliers)

 

1990

1996

Non qualifiés (VI x V bis)

76

58

Niveau CAP BEP (V)

195

166

Niveau bac (IV)

160

213

Diplômés de l'enseignement supérieur court (III)

97

127

Diplômés de l'enseignement supérieur long (I-II)

87

160

Total sortants de formation initiale

615

724

Niveau inférieur (primaire, sans études)

7

2

Total sortants

622

726

LES SORTANTS DU SYSTÈME ÉDUCATIF
SELON LE PLUS HAUT DIPLÔME OBTENU

(Sorties en milliers)

Diplôme obtenu

1980

1990

1996

Aucun diplôme ou CEP

202

133

93

Brevet seul

80

61

55

CAP, BEP ou équivalent

220

129

120

Baccalauréat général

81

50

78

Baccalauréat technicien, professionnel et assimilé

32

65

93

BTS, DUT et équivalents

29

60

93

DEUG, Paramédical et social

36

37

34

Supérieur long

45

87

160

Total sortants

725

622

726

2. Le diplôme remède contre le chômage des jeunes

a) Les données générales

Depuis plus de vingt ans, le chômage et la précarité affectent fortement les jeunes durant les premières années qui suivent leur sortie du système éducatif.

Cependant, comme le montre une enquête de 1997, un diplôme élevé reste le meilleur passeport pour l'emploi.

Le tableau ci-après retrace la situation des diplômés cinq ans après la fin de leurs études au regard de l'emploi :


 

Emploi

Chômage

Aucune activité professionnelle

Diplômés de l'enseignement supérieur


85 %


8 %


7 %

Diplômés de l'enseignement secondaire

(CAP-BEP-Baccalauréats)


73 %


16 %


11 %

Brevet des collèges et en-dessous


50 %


30 %


20 %

Ainsi, en 1998, le taux de chômage des jeunes sans qualification est de 17,4 %, celui des titulaires du brevet des collèges de 12,6 %, celui des bacheliers de 11 % et celui des titulaires de BEP ou CAP de 10,7 %, celui des diplômés à bac + 2 de 7,5 % et celui des titulaires d'une licence et plus de 6,8 %.

Le CEREQ a enfin publié les résultats d'une enquête sur l'évolution de la répartition des diplômés dans la population active : si les " sans qualification " sont tombés de 57 à 26 %, les titulaires du seul brevet des collèges sont passés de 7 à 8 %, les titulaires d'un CAP ou BEP de 19 à 30 %, les bacheliers de 9 à 13 % et les titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur de 8 à 23 %.

b) Les données par type de formation

Outre le niveau de diplôme qui reste déterminant pour l'accès à l'emploi, les conditions d'insertion des lycéens professionnels dépendent également du domaine de formation et, à cet égard, les formations qui relèvent du secteur industriel apparaissent les plus porteuses d'emploi.

Si dans l'industrie, la reconnaissance du niveau de diplôme et de la spécialité de formation demeure la règle, les spécialités de la plasturgie-génie climatique, de la mécanique ainsi que de l'électricité-électronique enregistrent les meilleurs résultats, tandis que les jeunes formés dans le secteur du textile et de l'habillement continuent à connaître les plus grandes difficultés d'insertion en rapport probablement avec la crise de ces secteurs.

Dans le domaine du tertiaire, l'insertion des diplômés demeure plus difficile. Des secteurs tels que les transports et l'accueil-hôtellerie-tourisme enregistrent cependant des résultats favorables quel que soit le diplôme.

Les jeunes issus des secteurs des services aux personnes (santé, travail social), titulaires d'un " bac pro " ou d'un BTS sont également favorisés, le développement des activités des services dans le tertiaire nécessitant des niveaux de formation plus élevés.

III. DES QUESTIONS RESTANT EN SUSPENS

Si le baccalauréat professionnel peut être considéré comme l'une des grandes réussites du système éducatif de ces dernières années, les voies technologique et professionnelle ont aussi leurs zones d'ombre : la sécurité des équipements, le développement de la violence dans les lycées professionnels, la précarisation des personnels chargés de l'insertion des jeunes, le contrôle insuffisant de l'éducation nationale sur l'apprentissage constituent quelques uns des problèmes encore non résolus. Cette liste n'est pas exhaustive puisque les problèmes d'effectifs, d'horaires, de programmes, d'équilibre entre culture générale et professionnelle, d'enseignement individualisé, de gratuité de l'enseignement, de formation des professeurs, de stages en entreprise, de développement des passerelles sont loin d'être tous réglés.

1. La mise en sécurité des établissements et des équipements

Les décrets du 11 janvier 1993 découlant de la directive européenne du 30 novembre 1989 font obligation aux régions de mettre en conformité les équipements de travail des établissements avant le 1er janvier 1997.

Il convient à cet égard de rappeler le constat et les préconisations de l'observatoire national de la sécurité des établissements scolaires présidé par M. Schléret.

Le financement de la mise en conformité des machines est en effet du ressort des régions qui, pour la majorité d'entre elles, ne se sont pas limitées aux opérations de mise en sécurité stricto sensu , mais ont procédé à une modernisation de l'ensemble des machines.

L'enquête menée par le ministère de l'éducation nationale auprès des régions faisait apparaître, à la fin de 1996 :

• 2 cas de mise en conformité à 100 % ;

• 10 cas de réalisation supérieure à 75 % ;

• 7 cas entre 40 et 65 % ;

• 2 cas entre 16 et 40 % ;

• 5 cas de réalisation inférieure à 16 % ;

soit un pourcentage de remise aux normes de 66 %.

Une nouvelle enquête lancée par le ministère en juin 1997 a permis de constater la poursuite de la mise en conformité, les académies les plus en retard ayant fourni un effort important au terme duquel le remplacement des machines dangereuses est achevé (par exemple, académie de Corse) ou effectué à 80 % (académie de Clermont-Ferrand). En revanche, les académies ayant démarré beaucoup plus tôt ne sont pas en mesure de faire état d'un progrès sensible (Lyon, Grenoble, Dijon, Amiens, Toulouse...).

S'il n'est pas possible de faire une estimation globale de l'avancement des opérations à la fin de 1997, un effort financier exceptionnel a pu toutefois être constaté dans toutes les régions au début de l'année 1997 et les crédits régionaux ont été partout en hausse sensible entre 1996 et 1997.

Les crédits d'Etat qui représentent 20 % du coût de financement de ces travaux de mise en sécurité sont passés de 31,75 millions de francs en 1996 à 40 millions de francs en 1997.

2. Un développement spécifique de la violence dans les lycées professionnels

Les enquêtes trimestrielles menées par le ministère de l'éducation nationale et portant sur les phénomènes d'absentéisme et de violence dans les établissements publics locaux d'enseignement depuis 1996 ont permis de dégager quelques éléments sur le développement spécifique de la violence dans les lycées professionnels.

Outre le fait que les élèves des lycées professionnels sont fortement concernés par l'absentéisme, ces établissements sont en particulier touchés par la violence verbale, les vols ou tentatives de vol, les détériorations de matériel et la consommation de stupéfiants. Depuis un an, on constate une augmentation de cette tendance.

Si l'on considère la gravité des problèmes de violence, il apparaît que les problèmes les moins importants relevant de l'incivilité, sont plus fréquents dans les collèges que dans les lycées professionnels.

En revanche, les faits graves, pouvant avoir un retentissement sur la communauté scolaire, se relèvent plus fréquemment dans les lycées professionnels au cours du second trimestre de 1997.

On note une augmentation des événements d'une gravité exceptionnelle dans les lycées professionnels alors qu'ils restent relativement stables dans les lycées et sont en légère diminution dans les collèges, ce qui renvoie à certaines conséquences d'une orientation par défaut, ou par l'échec vers ces formations.

Le plan de prévention de la violence engagé en novembre 1997 a permis de concentrer d'importants moyens humains et financiers sur les établissements les plus sensibles situés en ZEP tandis qu'un partenariat était engagé avec les ministères de l'intérieur et de la justice.

Il convient d'ajouter que des emplois-jeunes ont été implantés à titre expérimental dans les lycées professionnels, dans les mêmes conditions que dans les collèges, c'est-à-dire prioritairement dans les sites expérimentaux de prévention de la violence, dans les établissements sensibles et les zones difficiles.

Un bilan établi en juin 1998 a ainsi permis de recenser 360 aides-éducateurs recrutés dans 152 lycées professionnels et 177 emplois-jeunes dans 72 lycées d'enseignement général et technologique.

Votre commission souhaiterait pour sa part que la présence d'adultes dans toutes les fonctions administratives, éducatives et techniques soit particulièrement accrue dans les lycées professionnels.

3. La mission générale d'insertion de l'éducation nationale

a) Les actions assignées à la mission générale d'insertion de l'éducation nationale (MIGEN)

La loi d'orientation sur l'éducation de 1989 et la loi quinquennale du 20 décembre 1993, relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle ont instauré, pour tous les jeunes, le droit de se voir offrir, avant leur sortie du système éducatif et quel que soit leur niveau d'enseignement, une formation professionnelle.

La mission générale d'insertion, assignée au système éducatif, s'inscrit dans ce cadre et les actions développées poursuivent les objectifs suivants :

- préparer tous les jeunes à leur entrée dans la vie sociale, professionnelle et citoyenne ;

- faciliter l'accès à la formation professionnelle, à la qualification, en proposant des démarches pédagogiques adaptées ;

- accompagner les jeunes lors de la phase de transition vers l'insertion socio-professionnelle et l'accès à l'emploi.

b) Les personnels concernés

Ces personnels sont constitués de coordonnateurs académiques de la mission d'insertion, chargés, précédemment, de l'animation du dispositif d'insertion des jeunes (DIJEN), de formateurs, chargés de développer et de valoriser les relations entre les établissements scolaires et leur environnement socio-économique et d'équipes dont la mission doit être élargie à la préparation à l'accueil des nouveaux publics, qui, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 54 de la loi quinquennale, devront obtenir une formation.

A compter de la rentrée 1998, les personnels contractuels concourant aux différentes actions organisées dans le cadre de la mission générale d'insertion, auront la possibilité de se présenter aux concours internes d'éducation, d'enseignement et d'orientation, s'ils remplissent les conditions nécessaires en ce qui concerne les diplômes et l'ancienneté.

Votre commission tient à rappeler qu'elle est actuellement saisie d'une proposition de loi n° 539 (1997-1998) présentée par MM. Yann Gaillard, Pierre Laffitte et Martial Taugourdeau relative à la titularisation des personnels de la mission générale d'insertion de l'éducation nationale.

Ce texte vise notamment à ouvrir les concours réservés créés afin de résorber l'emploi précaire dans la fonction publique aux candidats qui ont exercé en qualité de contractuel dans le cadre de la MIGEN et à permettre également à ces personnels d'être titularisés par la voie de concours internes et spécifiques.

Votre commission souhaiterait connaître les intentions du ministre sur une consolidation du statut de ces personnels et donc sur le sort qui serait réservé à cette initiative parlementaire.

4. Le renforcement du rôle de l'éducation nationale dans l'encadrement de l'apprentissage

L'article L.115-1 du code du travail définit l'apprentissage comme une forme d'éducation alternée, qui a pour but de donner à des jeunes ayant satisfait à l'obligation scolaire, une formation générale, théorique et pratique, en vue de l'obtention d'un diplôme professionnel ou technologique du second degré ou de l'enseignement supérieur, ou d'un titre d'ingénieur ou d'un ou de plusieurs titres homologués.

a) Le développement de l'apprentissage sous la tutelle de l'éducation nationale

On recensait, au 31 décembre 1997, 337 058 apprentis, soit une hausse de 6,7 % par rapport à 1996.

Les apprentis sous tutelle de l'éducation nationale sont au nombre de 310 633 et celui-ci a augmenté de 51 % en cinq ans.

L'apprentissage a ainsi enregistré une hausse de ses effectifs de plus de 105 000 jeunes depuis 1992 (dont 15 000 en 1997) alors que, pendant la même période, les classes de second cycle professionnel augmentaient de 12 000 élèves et que le second cycle général en perdait plus de 66 000.

La croissance régulière des effectifs résulte, à la fois, de l'ouverture de cette voie à tous les diplômes professionnels, de la forte implication des régions, des incitations résultant des lois de 1987, 1992, 1993, 1996 et de l'action des opérateurs de formation (établissements publics locaux d'enseignement, organismes consulaires et branches professionnelles) pour cette voie de formation.

b) Les modalités d'intervention de l'éducation nationale

L'éducation nationale intervient à des titres divers dans le domaine de l'apprentissage, notamment en raison de sa responsabilité pédagogique.

Elle participe tout d'abord au développement de l'apprentissage en formant des apprentis dans les établissements publics locaux d'enseignement.

La formule traditionnelle est celle du centre de formation d'apprentis (CFA) créé par convention entre un conseil régional et un établissement public local d'enseignement : comme il a été vu, 310 633 apprentis sont ainsi recensés dans les CFA sous tutelle de l'éducation nationale.

Des modalités nouvelles ont été créées par la loi quinquennale du 20 décembre 1993, sur l'emploi :

- des sections d'apprentissage peuvent être créées par des lycées professionnels, principalement pour des formations de niveaux IV et III, en réponse à une demande du monde professionnel, par convention entre le lycée, la région et un organisme professionnel (syndicat professionnel, chambre consulaire). On dénombre près de 750 apprentis, soit un doublement de l'effectif en un an, dans 51 sections dont 23 créations pour la seule année 1997 ;

- pour les unités de formation par apprentissage (UFA), le CFA assure la responsabilité administrative tandis que l'établissement d'accueil a la charge de l'organisation des enseignements. Ce dispositif rassemble près de 1 140 apprentis dans 66 unités ;

- une convention peut être signée entre un établissement et un CFA, au titre de l'article L. 116-1 du code du travail. A ce titre, les établissements publics locaux d'enseignement ont accueilli 21 594 apprentis en CFA et sections d'apprentissage, soit plus de 6 % des effectifs d'apprentis à la rentrée 1997.

c) Les CLIPA

Les classes d'initiation préprofessionnelle en alternance sont ouvertes dans le cadre des plans régionaux de développement des formations professionnelles des jeunes. Elles peuvent accueillir, à partir de l'âge de quatorze ans, des élèves sous statut scolaire qui choisissent d'acquérir une préqualification professionnelle par la voie de la formation en alternance.

Cette formation peut être assurée, en partie, en lycée professionnel, en CFA ou en collège et en partie, en milieu professionnel. Un modèle de convention est proposé pour l'organisation de la formation des élèves en milieu professionnel.

A la rentrée 1997, 682 élèves ont été scolarisés dans des CLIPA dans des collèges et des lycées professionnels publics et privés.

d) Les observations de la commission

Il convient de saluer les efforts engagés par l'éducation nationale pour mieux encadrer l'apprentissage, même si le développement des sections au sein des lycées professionnels est resté limité.

Il reste en outre vraisemblable que l'introduction plus large de l'alternance au sein des formations professionnelles dispensées en milieu scolaire, annoncée par le ministre, aura pour conséquence de réduire à l'avenir la part de l'apprentissage.

Votre commission souhaiterait à cet égard que le ministre précise sa conception de l'alternance (contenu, suivi par les équipes pédagogiques, implication des entreprises) en indiquant le rôle qu'y est appelé à jouer l'apprentissage.

5. La réussite des baccalauréats professionnels

Considéré comme une des innovations majeures du système éducatif, le baccalauréat professionnel poursuit son développement, enregistre une augmentation continue du nombre de ses candidats et une constante amélioration du taux de réussite.

a) Une innovation majeure du système éducatif

Conçu et mis en oeuvre en étroite relation avec le monde professionnel, la vocation première de ce diplôme est l'insertion professionnelle. Il convient de noter que l'insertion des bacheliers professionnels est meilleure que celle des bacheliers technologiques, et que ce diplôme représente pour les jeunes issus du BEP ou du CAP une chance supplémentaire d'accéder à une qualification de niveau IV et ainsi de connaître une meilleure insertion. Pour autant, un seuil pourrait être atteint dans certaines spécialités qui ont comblé leur déficit initial en emplois de ce type. Le bac professionnel peut être préparé par la voie scolaire, par la voie de l'apprentissage ou celle de la formation continue.

Depuis 1985, 41 spécialités de baccalauréats professionnels ont été créées. Trente-deux relèvent du secteur industriel et neuf du secteur tertiaire. Chacun de ces diplômes est régulièrement réactualisé, en étroite concertation avec les professions intéressées.

b) Le devenir des bacheliers professionnels

La poursuite d'études n'est pas l'objectif premier du baccalauréat professionnel, et près de sept bacheliers professionnels sur dix arrêtent leurs études après l'obtention du diplôme.

Ceux qui poursuivent leurs études, le font, pour la plupart, dans les sections de techniciens supérieurs menant aux BTS et dans les spécialités correspondant à leur filière d'origine.

La poursuite d'études se fait, pour un bachelier sur trois, par la voie de l'alternance avec un contrat d'apprentissage ou de qualification. On observe enfin que les bacheliers professionnels des séries tertiaires prolongent plus souvent leur formation que ceux des séries industrielles (35,4 % contre 25,4 %).

Cependant, la formation continue permet aux bacheliers professionnels en activité de continuer à se perfectionner, de suivre les évolutions technologiques de leur métier et de faire progresser leur métier.

c) L'augmentation du nombre de candidats et l'amélioration du taux de réussite

Le taux de réussite du baccalauréat professionnel a dépassé 79 %, à la session 1997, tandis que la session de 1998 a enregistré un peu plus de 100 000 candidatures.

EVOLUTION DES EFFECTIFS DE PRÉSENTÉS ET D'ADMIS
 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Présentés

8 0721

19 922

33 344

47 344

60 664

73 173

82 946

92 346

92 270

96 966

101 659

Admis

6 607

14 504

35 132

35 132

46 112

52 537

67 096

67 096

72 156

76 726

-

Taux de succès (%)

75,8

72,8

74,2

74,2

76

71,8

74,1

72,7

78,2

79,1

-

* Total spécialités industrielles :44 227

Total spécialités tertiaires :57 432

Sur une période de dix ans, cette série a connu une explosion de ses candidats présentés : de 1 157 en 1987 à 96 966 cette année, sur la même période le taux de réussite a augmenté de + 3,9 % .

d) Les observations de la commission

Si votre commission ne peut que se réjouir de la réussite du baccalauréat professionnel et de son efficacité en matière d'insertion professionnelle, elle ne peut que constater que ce diplôme rend difficile la poursuite d'études dans les filières supérieures traditionnelles (BTS, IUT, premiers cycles universitaires) bien qu'ayant un statut analogue à celui des autres baccalauréats en terme d'accès à l'enseignement supérieur.

Elle envisagerait ainsi favorablement l'étude de la création d'un brevet professionnel supérieur qui serait ouvert aux bacheliers professionnels et qui comporterait une part de formation en alternance.

DEUXIÈME PARTIE :

LES PERSPECTIVES D'UNE RÉFORME D'ENVERGURE
DE L'ENSEIGNEMENT TECHNOLOGIQUE ET PROFESSIONNEL

Depuis plus de six mois, les annonces de réforme de l'enseignement professionnel se sont multipliées : déclarations ministérielles, installation d'une table ronde, rapport du recteur Marois, rapport Meirieu, réforme des lycées...

Au-delà de ce foisonnement de propositions qui s'ordonnent autour de quelques orientations le plus souvent convergentes, apparaît d'évidence une volonté clairement affirmée de revaloriser la voie professionnelle en réformant celle-ci en profondeur.

I. LES ORIENTATIONS DE LA RÉFORME ANNONCÉE PAR LE MINISTRE

A. DES ENGAGEMENTS RÉITÉRÉS

1. L'installation de la table ronde sur l'enseignement professionnel : la reconnaissance de la qualité de la voie professionnelle

En installant le 17 mars 1998 la table ronde animée par le recteur Marois, le ministre a souligné le bon niveau des lycées techniques et professionnels, notamment dans les disciplines fondamentales, la qualité des équipements dans la plupart des établissements, l'excellence de l'encadrement et le faible absentéisme de leurs enseignants.

Il a également annoncé l'organisation d'une opération de promotion pour cet enseignement et son souci d'ouvrir les grandes écoles, y compris les plus prestigieuses, comme Polytechnique, les Mines, ou Centrale, aux bacheliers technologiques.

Il a aussi souhaité développer les formations en alternance et la formation continue au sein des établissements afin de permettre l'utilisation des machines à plein temps et resserrer les liens avec les entreprises.

Il a enfin indiqué que des éléments de formation professionnelle seraient introduits dans les séries générales, qu'un continuum devrait être assuré entre les lycées technologiques et professionnels et il a réaffirmé sa volonté de mettre en place des classes technologiques dans les grands lycées urbains.

2. L'enseignement professionnel, " priorités des priorités "

Lors de la rentrée de 1998, qu'il a effectuée dans un lycée professionnel, le ministre a rappelé que cet enseignement serait cette année " la priorité des priorités " et a indiqué qu'il fallait " casser l'image élitiste où l'on prétend que l'enseignement général est le fin du fin tandis que le professionnel ne récupère que les recalés du général alors qu'il est tout aussi valable ".

Il a redit son souci de promouvoir " cet enseignement remarquable qui a fait la preuve de sa réussite, débouche sur de vrais emplois et fabrique des jeunes équilibrés en prise et en phase avec la société ". Il a annoncé la préparation d'une charte en faveur du développement de l'enseignement professionnel et le lancement d'une campagne nationale d'information sur le thème " Enseignement professionnel : la voie de la réussite ".

Il a ajouté que l'alternance serait introduite dans toutes les filières, précisant que celle-ci signifiait " au moins la moitié du temps en entreprise et non plus de simples stages ", et a souligné qu'il fallait laisser aux jeunes la liberté de leur choix de formation mais bien les avertir s'il débouche ou non sur un créneau porteur.

B. LES PRÉCISIONS APPORTÉES PAR LE MINISTRE DEVANT LA COMMISSION

Auditionné le 28 octobre dernier par la commission, le ministre a apporté un certain nombre de précisions sur ses projets de réforme de l'enseignement professionnel.

1. Une distinction nécessaire entre l'enseignement professionnel et l'enseignement technologique

Après avoir reconnu la grande qualité de l'enseignement professionnel qui permet notamment aux deux tiers des élèves trop souvent orientés par défaut à la suite d'un échec dans les filières générales, d'acquérir un métier, le ministre a stigmatisé au contraire le caractère de plus en plus théorique des formations technologiques, en raison de leur dérive vers l'enseignement général, qui ne permettent plus aux bacheliers technologiques de poursuivre de manière satisfaisante des études supérieures en IUT ou à l'université, ni d'assurer une insertion professionnelle convenable à leurs élèves.

Il a indiqué à cet égard que le recteur Forestier avait été chargé d'une réflexion sur la professionnalisation de l'enseignement technologique, qui ne devrait pas toutefois porter atteinte à un équilibre souhaitable entre la formation générale et la formation professionnelle.

2. Les incidences de la réforme des lycées sur la voie professionnelle

Le ministre a confirmé que la réforme des lycées s'appliquera très largement à l'enseignement professionnel, et qu'une campagne de promotion de cet enseignement sera engagée à partir du début de 1999. Il a cependant indiqué que l'allégement des horaires très lourds se heurtait cependant aux réticences des professeurs de lycée professionnel qui étaient attachés à leur maintien, et qu'un tel allégement devra faire l'objet d'une concertation avec les enseignants.

3. Les conditions de développement de la formation en alternance

Si la formation en alternance est souhaitée par les partenaires sociaux, le ministre a indiqué que son développement dans l'enseignement professionnel supposait que les formations existantes soient modernisées et que les sections de lycée professionnel, qui délivrent trop souvent des formations désuètes, soient adaptées à l'environnement économique des lycées et aux besoins du tissu industriel ou des services.

A cet égard, il serait souhaitable, par exemple que l'orientation des élèves de l'enseignement professionnel vers des sections qui offrent des débouchés et qui souffrent d'un manque de candidats, telles les sections de mécanique, du bâtiment ou de l'hôtellerie, soit encouragée.

Il a également préconisé l'institution d'un véritable tutorat et la transformation des lycées professionnels en plates formes technologiques pour les entreprises locales permettant de rentabiliser des équipements scolaires sous utilisés.

4. La définition de formations adaptées à l'emploi

Afin d'adapter les formations professionnelles à l'emploi, aussi bien sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif, le ministre a indiqué qu'une mission éducation-économie-emploi sera créée au sein de la nouvelle direction de la programmation et du développement du ministère et qu'une concertation sera engagée avec les directions de la prévision concernées du ministère des finances et de l'emploi et de la solidarité.

II. LE RAPPORT MAROIS

Chargé par le ministre de présider une table ronde intitulée " Un plan de qualité pour l'enseignement technique ", le recteur de l'académie de Rennes, M. William Marois a formulé en juillet 1998 cinquante propositions ordonnées principalement autour d'une réorganisation des diplômes, la mise en place de l'alternance dans les formations et le développement de relations entre les établissements et les entreprises.

A. LES PRINCIPES DIRECTEURS DU RAPPORT

Le rapport Marois est ordonné autour de huit principes directeurs tendant d'abord à développer le partenariat entre l'éducation nationale et les représentants du monde économique afin de définir des périodes de formation en milieu professionnel.

Ces formations devraient à la fois permettre une insertion professionnelle et favoriser la poursuite d'études ultérieures.

Si elles ont pour objet de déboucher sur une insertion professionnelle, elles doivent aussi permettre une adaptabilité des connaissances afin que les salariés puissent s'adapter aux changements technologiques.

Tout en réaffirmant le caractère national des diplômes, il est proposé de dissocier les modes de formation des certifications, de développer une pédagogie de l'alternance et de renforcer le rôle des régions en matière d'enseignement professionnel.

Autour de ces principes, le rapport formule cinquante propositions.

B. LES CINQUANTE PROPOSITIONS DU RAPPORT

Ces propositions peuvent être résumées autour des cinq axes suivants :

1. La promotion de l'image de la voie professionnelle

Une campagne nationale pour " promouvoir les réussites de l'enseignement professionnel et technologique " devra être mise en oeuvre entre novembre et mars lors de l'orientation des élèves. Cette campagne s'appuiera sur des initiatives académiques telles que des journées portes ouvertes. Les branches professionnelles, les chambres consulaires et les partenaires sociaux devront être étroitement associés à ces manifestations.

Dans le cadre du développement d'une éducation à l'orientation au collège, les professeurs principaux devront être " formés et informés ", notamment grâce à des visites d'établissements professionnels et technologiques, et par des rencontres avec des professionnels. Par ailleurs, chaque académie devra mettre en place des procédures de formation pour les conseillers d'orientation psychologues. Le rapport envisage pour ceux-ci l'organisation de stages dans les services de recrutement ou de gestion des ressources humaines. Les plans académiques seront aussi relancés pour favoriser la diversification de l'orientation des jeunes filles.

Les classes de quatrième technologique de lycée professionnel seraient progressivement supprimées. Deux options sont envisagées pour les classes de troisième technologique : leur suppression ou une redéfinition de leurs objectifs. Dans ce dernier cas, elles deviendraient des classes de sensibilisation à différents champs professionnels et les élèves n'y entreraient que sur leur seule demande, ou celle de leur famille.

Un groupe de travail national devrait être constitué pour examiner les possibilités d'amélioration des conditions d'affectation des élèves dans les différentes sections professionnelles. Le rapport estime qu'il est nécessaire que des aides particulières puissent être apportées aux élèves les plus défavorisés.

2. Un partenariat plus étroit entre le système éducatif et les entreprises

Le rapport relève le besoin de structures nationales pour définir les besoins en matière de formation professionnelle et suggère de créer une instance de concertation regroupant les ministères chargés de l'éducation nationale, de l'emploi, de la formation professionnelle, de l'agriculture, de la santé, de la fonction publique mais aussi les employeurs et les salariés des entreprises, les représentants des personnels du système éducatif, les parents d'élèves, les élèves, les étudiants, les conseils régionaux, les universités et les grandes écoles.

Cette instance commune au secondaire et au supérieur aurait pour mission d'analyser le marché de l'emploi et l'évolution des besoins en matière d'enseignement professionnel. Il est également proposé que soit mis en place dans chaque rectorat un pôle " formation professionnelle et relations avec les entreprises " chargé de définir des contrats d'objectifs, et des conventions d'application des plans régionaux de développement des formations professionnelles des jeunes.

Une structure permanente devrait, en outre, dans chaque établissement, assurer la coordination et l'animation des relations entre l'établissement et les entreprises.

3. L'optimisation du système actuel de formation et de certification

L'individualisation des parcours de formation grâce à des pédagogies différenciées, du niveau V (CAP-BEP) au niveau III (BTS-DUT) doit être favorisée ainsi que le mélange des publics (statut scolaire, apprentissage, formation continue), l'architecture générale des diplômes ne devant pas être remise en cause.

Il est également souhaité que pour certains diplômes professionnels comme le CAP, les connaissances générales soient évaluées pour partie dans des épreuves professionnelles. La formation dispensée dans les CAP devrait pouvoir être découpée par unités pour favoriser la capitalisation, système qui permet aux jeunes d'avoir un accès progressif au diplôme et facilite la reprise d'études.

Il est proposé de rénover les BEP en y introduisant plus ou moins d'alternance ou de remplacer le BEP par un DEP (diplôme d'études professionnelles) à forte alternance et un certificat d'études professionnelles (CEP) à alternance allégée qui précéderait l'accès au bac professionnel. Le DEP deviendrait ainsi le seul diplôme d'insertion de niveau V, et serait préparé sur deux ans.

Tout bachelier technologique qui le souhaite devrait être accueilli en STS ou en IUT.

La transformation en unités de certification de la majorité des diplômes professionnels constituerait ainsi une étape importante vers une définition des diplômes mieux adaptée. Il est proposé en particulier que le droit à la validation des acquis professionnels soit intégré dans le code du travail.

4. L'amélioration du fonctionnement de l'alternance

Cet objectif passe par un développement des contrats d'objectifs territoriaux passés entre les régions et les rectorats et une évaluation des partenariats entre les académies, les chambres consulaires, les unions patronales et les branches professionnelles.

Le rapport souligne la nécessité pour chaque filière d'étaler les périodes de formation en entreprise sur l'ensemble de l'année scolaire.

La présence des lycées professionnels devrait en outre être encouragée sur le marché de la formation continue afin de favoriser l'accueil de publics diversifiés dans les établissements scolaires.

La création d'un contrat pédagogique liant les entreprises, les jeunes et leurs établissements est envisagée afin de mieux préparer le jeune à sa période de formation en entreprise. De plus, la formation des tuteurs au sein des entreprises d'accueil pourrait être améliorée en partenariat avec les conseils régionaux.

5. La formation et le statut des personnels

Les voies d'accès menant au professorat devraient être multipliées et des mesures spécifiques devraient être prises pour certaines spécialités industrielles et les métiers d'arts, pour lesquels il n'existe pas de formation universitaire au professorat.

Il est aussi proposé d'inclure un ensemble de stages effectués durant l'année de formation pour tous les enseignants des disciplines technologiques et professionnelles. Ces stages devraient être d'une durée minimum de dix semaines. Des congés de formation-entreprise de six mois ou un an devraient être créés au plan national et cofinancés par l'éducation nationale et l'entreprise concernée.

Le ministère procède actuellement à un examen de la faisabilité de ces propositions qui doivent également s'inscrire dans la réforme plus générale des lycées qui sera mise en oeuvre à la suite de la consultation nationale dite " Meirieu ".

III. LES INCIDENCES DE LA RÉFORME DES LYCÉES SUR L'ENSEIGNEMENT TECHNOLOGIQUE ET PROFESSIONNEL

Présenté à Lyon le 11 mai 1998 à la suite d'une consultation nationale, le rapport Meirieu comporte 49 principes qui ont inspiré les onze principes de références pour l'avenir du lycée présentés par le ministre devant la commission des affaires culturelles du Sénat le 1er juillet 1998.

Les voies technologiques et professionnelles sont largement concernées par ces nombreuses propositions, que celles-ci s'appliquent à l'ensemble des lycées ou au seul enseignement technique et professionnel.

A. LES PRINCIPES DU RAPPORT MEIRIEU VISANT L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ET PROFESSIONNEL

1. Les orientations générales

- Le principe n° 3 réaffirme le caractère unique du lycée qui offre des filières de formation générale technologique et professionnelle et par le principe d'une valorisation des lycées professionnels et de leur égale dignité avec les lycées d'enseignement général et technologique : le lycée professionnel doit ainsi " permettre de combattre l'exclusion et s'inscrire dans une politique d'aménagement du territoire qui vise à la suppression de toute structure de relégation ".

- Le principe n° 4 , relatif à la définition d'une culture commune et des cursus de formation précise que les études en lycée professionnel doivent être plus lisibles et permettre une meilleure information des champs professionnels.

- Le principe n° 7 stipule qu'une culture commune est définie nationalement pour tous les élèves de lycée quels que soient leur filière, leur série et le choix de leurs options.

- Le principe n° 15 prévoit un programme d'information sur l'orientation après le lycée qui s'inscrit dans le cadre défini par le projet d'établissement.

- Le principe n° 27 indique que l'épreuve sur dossier personnel interdisciplinaire doit notamment permettre l'approche d'un métier ou d'un secteur professionnel.

- Les principes n° 29, 30 et 32 précisent que les obligations scolaires des élèves ne doivent pas excéder 35 heures en moyenne par semaine, mais que ceux-ci doivent pouvoir accéder au lycée pendant cette durée hebdomadaire, et que le temps de présence en enseignement technologique et professionnel est fixé entre 28 heures et 32 heures de cours (en tenant compte des options) alors que cet horaire varie entre 26 et 28 heures en enseignement général.

2. Les orientations spécifiques aux voies technologique et professionnelle

- Le principe n° 13 précise que la classe de seconde professionnelle, qui constitue la première année de préparation au BEP, est une classe de détermination, qu'elle participe à l'acquisition d'une culture professionnelle générale et permet à chaque élève de choisir sa voie de formation en évitant des orientations précipitées.

- Le principe n° 14 souligne la nécessité de mettre en place des passerelles entre les filières (de la seconde professionnelle et du BEP vers la première générale ou technologique et de la seconde générale et technologique vers la terminale BEP).

- Le principe n° 22 a trait aux relations entre les entreprises et le lycée, celui-ci devant se tenir informé des innovations technologiques et de l'évolution des métiers et constituant un centre de ressources dans les domaines de la formation et de l'enseignement technologique.

Le lycée professionnel a l'exclusivité des stages en entreprises, les lycées technologiques et d'enseignement général pouvant, pour leur part, organiser dans le cadre de l'orientation de courtes séquences de découverte de l'entreprise.

- Le principe n° 23 précise que le lycée professionnel est pour tous le lieu de préparation à l'insertion et à l'activité professionnelle et qu'il joue le rôle d'un conservatoire des métiers et de leur culture professionnelle en articulant formation initiale et continue.

- Le principe n° 24 rappelle que le lycée professionnel prépare à des formations diplômantes ainsi qu'à des spécialisations complémentaires ; son offre de formation doit être cohérente avec son environnement socio-économique et avec le schéma des formations professionnelles défini au plan académique et régional.

B. LES PRINCIPES DESTINÉS À SERVIR DE BASE À LA RÉFORME DU LYCÉE : LES INCIDENCES POUR LES VOIES TECHNOLOGIQUE ET PROFESSIONNELLE

A partir des 49 principes du rapport Meirieu, le ministre a retenu onze principes de référence destinés à servir de base à l'organisation et au contenu des études au lycée dont certains ont des incidences directes pour les voies technologique et professionnelle.

1. Le lycée, cycle de la diversification

Outre la poursuite d'études ultérieures, le lycée doit permettre l'entrée dans la vie professionnelle et aucune sortie du système scolaire ne doit se faire sans une qualification attestée.

2. Le lycée, lieu d'apprentissage de la citoyenneté

Les contenus disciplinaires à enseigner au lycée, tout en favorisant la spécialisation progressive dans un champ disciplinaire ou professionnel, doivent contribuer à la construction de la cohésion sociale.

3. La modulation de l'éducation et de la formation selon les types d'établissement

Les trois voies d'enseignement sont distinctes, mais d'égale dignité, et doivent inclure dans leur enseignement des éléments d'éducation générale et des éléments de formation, tels l'apprentissage des nouvelles technologies dans une vision pratique.

4. Une orientation progressive, positive et réversible

Cet objectif implique que les cursus et les filières ne soient pas excessivement cloisonnés et qu'existent des passerelles pour permettre des rattrapages à des orientations perçues comme des constats d'échec : dès la classe de seconde, les professeurs en liaison avec les conseillers d'orientation psychologues devront traiter de l'orientation en sensibilisant les élèves aux métiers.

5. La réduction des horaires et des programmes

Les horaires d'enseignement en classe ne pourront pas dépasser 26 heures dans la voie générale et 30 heures dans les voies technologique et professionnelle, auxquels peuvent s'ajouter deux heures d'option.

6. Le baccalauréat

Ce diplôme national doit comporter obligatoirement des épreuves nationales anonymes et identiques pour tous, même si, en raison des spécificités des disciplines, une partie du contrôle en cours de formation peut en constituer un élément.

7. La formation technique est constituée de deux voies, technologique et professionnelle

Si ces formations doivent comporter une large part de formation générale, nécessaire à la capacité d'évolution des diplômés et à l'élévation du niveau culturel des citoyens, la formation qualifiante doit comporter un temps suffisant passé au sein de la production des biens ou des services.

Cette alternance doit être articulée avec la formation en établissement pour constituer un ensemble coordonné et cohérent et se situer au moment le plus bénéfique, c'est-à-dire le plus souvent dans les dernières phases de la formation.

C. LES INCIDENCES DU PLAN D'URGENCE DU 21 OCTOBRE 1998 POUR L'AVENIR DES LYCÉES

Présenté le 21 octobre 1998 à l'issue de plusieurs semaines de manifestations lycéennes, ce plan d'urgence tend notamment à accélérer la mise en oeuvre de certaines mesures annoncées dans le droit fil de la consultation Meirieu et s'ordonne autour de cinq objectifs, dont certains concernent plus particulièrement les voies technique et professionnelle et constituent autant de réponses aux revendications des lycéens professionnels.

1. Le développement de la démocratie lycéenne

Les mesures rangées sous ce chapitre bénéficient à l'ensemble des lycéens, quelle que soit leur filière, mais la plus importante pour les lycéens professionnels est sans doute celle qui consiste à développer le rôle du conseil de la vie lycéenne en l'informant et en l'associant à la préparation des emplois du temps des classes.

La lourdeur des horaires et une mauvaise organisation des emplois du temps ont en effet souvent été dénoncées par les lycéens professionnels. Pour ceux-ci, souvent majeurs, l'exercice de la citoyenneté, avec ses droits et ses devoirs, doit être rendu effectif dans ces établissements.

2. Le renforcement de la présence des adultes

Les besoins en matière d'accueil, de surveillance et d'animation ne sont pas suffisamment pris en compte dans les lycées professionnels.

Le recrutement de 3 000 surveillants et de 1 000 appelés du contingent devrait permettre d'y réduire les types de violences spécifiques auxquels ces établissements sont confrontés et l'on peut espérer que les 10 000 emplois-jeunes prévus seront en priorité affectés dans des lycées professionnels situés dans des zones difficiles, ce qui n'exclut pas un recrutement d'adultes spécifiquement formés pour ces tâches d'accueil, de surveillance et d'animation.

3. L'aménagement des locaux et les travaux de sécurité

Ce chapitre est également important pour les lycées professionnels qui manquent notamment de lieux de vie et de salles informatiques.

En outre, la construction de bureaux destinés aux enseignants permettront à ceux-ci de recevoir les familles de lycéens souvent défavorisés qui sont parfois réticentes à franchir les portes des établissements.

Enfin il n'est pas douteux qu'une partie importante des crédits du fonds exceptionnel d'aménagement des lycées, c'est-à-dire 4 milliards de francs sur quatre ans financés par les régions à l'aide de prêts à taux zéro, devrait être consacrée à la remise aux normes, en matière de sécurité, des équipements des lycées professionnels et de ceux destinés aux enseignements technologiques, ainsi qu'à la construction d'internats qui sont tout particulièrement nécessaires dans ces établissements compte tenu de leur inégale répartition sur le territoire national.

4. Les réformes pédagogiques

Si, conformément aux voeux des lycéens, aucune option ne devrait être supprimée, des allégements de programmes seront appliqués dès le début du mois de novembre et les enseignants des lycées professionnels sont d'ores et déjà consultés pour aménager leur emploi du temps et réduire les horaires de leurs élèves.

Publiés le 29 octobre dernier dans le Bulletin officiel de l'éducation nationale, les aménagements de programmes des lycées, hormis, la physique, la chimie ou les SVT sont limités ou renvoyés à une refonte ultérieure.

5. L'égalité des chances face aux études

Les voies technologique et professionnelle bénéficient de l'ensemble de ces mesures (ouverture de listes complémentaires pour les disciplines déficitaires, remplacements prioritaires dans les classes à examen, cours de langue dédoublés ...) parce qu'elles sont plus particulièrement concernées par la vacance de postes dans de nombreuses disciplines.

*

* *

Après avoir tenté de dégager les principales orientations de ces multiples propositions de réforme, votre commission n'est évidemment pas en mesure de porter une appréciation globale sur ce qui ne constitue pas encore un plan finalisé de valorisation de l'enseignement professionnel.

Elle se permettra cependant de nuancer le discours quelque peu optimiste du ministre qui souligne peut-être avec excès la qualité de cet enseignement, en formulant quelques remarques qui sont le plus souvent autant d'interrogations :

L'éducation nationale et la formation professionnelle

Les travaux de la table ronde et le rapport Marois indiquent clairement que la formation professionnelle, notamment dans le domaine de la formation initiale, doit rester de la compétence de l'éducation nationale et qu'elle ne saurait relever, de manière exclusive, des entreprises comme certains le préconisent.

La nécessité d'une orientation choisie

L'affirmation d'une égale dignité des trois voies du lycée implique nécessairement de développer une orientation positive vers l'enseignement professionnel, notamment par une éducation précoce à l'orientation dès le collège avant que n'apparaissent éventuellement les premières difficultés scolaires des élèves ; en conséquence, le lycée professionnel ne doit plus être une voie de relégation pour les élèves en situation d'échec dans l'enseignement général. Il est cependant indéniable que cette voie offre actuellement à nombre d'entre eux une possibilité de remotivation, de remise en confiance et de réussite, pouvant à terme déboucher sur une réorientation et une poursuite d'études en cycle long. Le maintien d'un enseignement général de qualité et le développement de classes passerelles apparaissent indispensables pour assurer cette fluidité d'orientation tandis que l'enseignement professionnel doit conserver sa fonction promotionnelle pour des jeunes en difficulté scolaire passagère.

- une classe de troisième professionnelle, destinée à préparer le choix des élèves entre les trois voies des lycées, qui avait d'ailleurs été préconisée par le précédent gouvernement, pourrait constituer l'amorce d'un cycle professionnel individualisé ; par ailleurs, le transfert des classes de 4e et de 3e technologiques au sein des lycées professionnels apparaît souhaitable, les collèges ne disposant pas des moyens d'assurer aux élèves une véritable " immersion professionnelle " ;

Le maintien de la spécificité de l'enseignement professionnel

Alors que certains proposent un lycée unique et polyvalent, il apparaît nécessaire de maintenir la spécificité des lycées professionnels et de renforcer la formation pédagogique des PLP en IUFM, qui sont recrutés à bac + 3. L'adéquation de cette offre de formation avec les évolutions économiques, les besoins régionaux et les choix d'orientation des jeunes doit être recherchée en permanence et les créations de sections qui en résultent doivent pouvoir être réalisées dans les meilleurs délais possibles.

La commission a noté avec intérêt le projet de créer une structure qui serait à la fois observatoire et instance de programmation des filières scolaires.

Le développement de l'alternance en lycée professionnel

Les formations actuelles de CAP en lycée professionnel comportent déjà des stages d'observation tandis que celles menant au BEP et au " bac pro " prévoient de vrais stages de plusieurs semaines étalés sur la durée de la scolarité : est-il réaliste de développer ces périodes de stage alors que les établissements éprouvent des difficultés à trouver des entreprises acceptant de recevoir des stagiaires et, qu'en dessous du bac professionnel, l'acquisition des prérequis par les élèves peut être considérée comme insuffisante ?

Il convient également de noter que le BEP apparaît de plus en plus comme une préparation au baccalauréat professionnel et de moins en moins comme un diplôme d'insertion.

La place de l'apprentissage au sein de la formation en alternance

La place de l'apprentissage dans les formations professionnelles devra être précisée : on ne peut que regretter que la mise en place de sections d'apprentissage dans les établissements scolaires s'accompagne de fermetures de sections existantes à temps plein dans les lycées professionnels et que les élèves les plus défavorisés soient dirigés vers ces sections d'apprentissage qui ne dispensent pas une formation générale suffisante pour permettre de combler des lacunes importantes ; en outre, ne conviendrait-il pas de réserver l'apprentissage aux formations complémentaires, par exemple au-delà du CAP ou du bac professionnel obtenus en milieu scolaire ?

Un soutien financier spécifique aux lycéens professionnels

Le profil spécifique des lycéens professionnels, tant en raison de leur âge plus élevé que de leur origine souvent modeste, impose que soit mis en place un dispositif de soutien financier particulier leur permettant de s'orienter vers les formations de leur choix, sans tenir compte des coûts spécifiques de scolarité et de privilégier la formation professionnelle en milieu scolaire plutôt qu'en apprentissage qui, elle, est rémunérée.

La création d'une direction de l'enseignement professionnel au ministère de l'éducation nationale

La réorganisation de l'administration centrale du ministère de l'éducation nationale, engagée en 1997 ne s'est pas traduite par la création d'une direction spécifique pour l'enseignement professionnel : la commission demande depuis plusieurs années une telle création qui consacrerait, sur le plan institutionnel, la revalorisation attendue de cet enseignement.

A l'évidence, le rétablissement d'un secrétariat d'Etat à l'enseignement technique traduirait encore plus fortement une telle volonté.

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EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue mercredi 18 novembre 1998 , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Hélène Luc sur les crédits de l'enseignement technique pour 1999.

Un débat s'est alors instauré.

M. Jacques Legendre a rappelé que certaines mesures préconisées par le rapporteur pour avis rejoignaient celles qui avaient été proposées lorsqu'il exerçait des responsabilités ministérielles et s'est déclaré favorable au principe de l'introduction de l'alternance au sein des formations technologiques et professionnelles dispensées en milieu scolaire.

Il est convenu que le rétablissement d'un secrétariat d'Etat à la formation technologique et professionnelle pouvait être utile à la condition que soit maintenue la distinction entre enseignement technique et formation professionnelle et entre les formations par alternance dispensées en milieu scolaire et par apprentissage sous contrat de travail.

Il a estimé que la formule de l'apprentissage devait être choisie librement par les intéressés.

M. Albert Vecten a estimé qu'une nouvelle orientation de l'enseignement professionnel était sans doute plus importante que l'évolution de ses crédits. Considérant qu'il serait utile d'établir un bilan d'activité des IUFM, il s'est interrogé sur l'adaptation de la formation dispensée aux enseignants dans ces instituts pour encadrer des jeunes qui sont encore souvent en situation d'échec scolaire et qui ne maîtrisent pas les apprentissages fondamentaux.

Il a aussi préconisé une formation plus solide des enseignants et rappelé que de nombreux emplois qualifiés et bien rémunérés étaient proposés aux diplômés de l'enseignement professionnel.

M. James Bordas a rejoint les préoccupations exprimées par le rapporteur pour avis et par M. Albert Vecten quant à l'adaptation de la formation dispensée dans les IUFM, qui ne prépare pas convenablement, selon lui, les futurs enseignants à leur fonction.

M. Franck Sérusclat a exprimé le souhait qu'un représentant responsable des directeurs d'IUFM puisse être entendu par la commission et a rappelé que la culture et l'intelligence devaient être entendues de la manière la plus large, celles-ci devant englober bien les activités intellectuelles que les métiers et les activités plus manuelles.

M. Jean Louis Carrère a estimé qu'un avis favorable de la commission sur les crédits de l'enseignement technique encouragerait encore davantage le ministre pour mener à bien son projet de revalorisation de la voie professionnelle.

Répondant à ces interventions, Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis , a notamment apporté les précisions suivantes :

- le travail de réflexion qu'avait mené la commission sur les IUFM pourrait être prolongé afin de faire le bilan de l'activité de ces instituts et vérifier l'efficacité de la formation dispensée aux futurs enseignants ;

- il convient en effet d'éviter une confusion trop souvent entretenue entre la formation professionnelle et l'enseignement technique ;

- la réussite de l'alternance, qu'il convient en effet de développer, suppose que les stages soient organisés et contrôlés de manière plus satisfaisante, que les entreprises s'y investissent davantage et que les enseignants s'impliquent plus fortement dans leur fonctionnement ;

- les progrès enregistrés dans l'enseignement technologique et professionnel résultent aussi des moyens qui lui sont accordés, notamment pour moderniser le parc des machines outils des établissements ;

- les conclusions proposées par le rapporteur pour avis tiennent compte évidemment de leur évolution décevante pour 1999 mais sont aussi inspirées du souci de recueillir un appui unanime de la commission.

A l'issue de ce débat, la commission , suivant la proposition de son rapporteur pour avis, a décidé, à l'unanimité, de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de l'enseignement technique pour 1999.



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