Projet de loi de finances pour 1999

DERYCKE (Dinah)

AVIS 71 (98-99), Tome IV - COMMISSION DES LOIS

Table des matières




N° 71

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IV

JUSTICE :

SERVICES GÉNÉRAUX


Par Mme Dinah DERYCKE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 33 ) (1998-1999).

Lois de finances.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Après avoir procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, ministre de la justice, le mardi 17 novembre 1998, la commission des Lois, réunie le mercredi 2 décembre 1998 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, a examiné, sur le rapport pour avis de Mme Dinah Derycke, les crédits consacrés aux services généraux du ministère de la justice (administration centrale - services judiciaires - juridictions administratives) inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.

Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a constaté la progression marquée des crédits du ministère de la justice, nettement supérieure à celle de l'ensemble du budget de l'Etat, et le quasi-achèvement de l'exécution de la loi de programme du 6 janvier 1995.

Après avoir relevé l'encombrement persistant des juridictions, elle a mis l'accent sur les importants efforts de recrutement de magistrats, de fonctionnaires et d'assistants de justice, ainsi que sur les actions menées en faveur de l'amélioration des équipements et de la rationalisation de la gestion des juridictions.

Rappelant les effets très positifs de la loi de programme de 1995, M. Jacques Larché, président, a cependant regretté que l'effort consenti pour 1999 ne soit pas inscrit dans la perspective d'une nouvelle loi de programmation pluriannuelle.

Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux services généraux dans le projet de budget du ministère de la justice.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre nouveau rapporteur pour avis tient tout d'abord à rendre hommage à notre ancien collègue Germain Authié qui a pendant de nombreuses années examiné les crédits consacrés aux services généraux du ministère de la justice au nom de votre commission des Lois.

La progression des crédits du ministère de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 (+ 5,6 %), nettement supérieure à celle de l'ensemble du budget de l'Etat (+ 2,3%), traduit la priorité maintenue en faveur du renforcement des moyens des juridictions, dont la situation reste, cette année encore, marquée par des délais de jugement excessifs et un gonflement des stocks en instance.

Comme les années précédentes, votre commission des Lois, particulièrement soucieuse d'une amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien, a souhaité analyser l'évolution de ces crédits à la lumière de la réalité des difficultés constatées sur le terrain et en prenant en compte les réformes envisagées, qui ne sauraient être menées à bien sans les moyens correspondants.

Après avoir présenté l'évolution générale des crédits affectés au services généraux du ministère de la justice et rappelé quelques données relatives à l'activité des juridictions, le présent avis s'attachera plus particulièrement aux incidences des efforts de recrutement, ainsi qu'à la poursuite de l'amélioration de l'équipement et de la gestion des juridictions.

Seront en outre évoquées les mesures prévues pour faciliter l'accès au droit et le recours aux modes amiables de règlement des litiges, ainsi que les réflexions en cours en vue d'une réforme de la carte judiciaire.

I. UN BUDGET PRIORITAIRE ET EN NETTE PROGRESSION

Après le vote de la loi de programme en 1995, le budget en forte hausse de 1996, la limitation de cette progression en 1997 et l'augmentation significative des crédits pour 1998 (+ 4,03 %), le budget de la justice demeure, cette année encore, une priorité nationale.

En effet, les crédits de paiement pour 1999, qui atteignent un montant total de 26 257,75 millions de francs, enregistrent une hausse de 5,59 % par rapport à 1998, soit une progression très nettement supérieure à la moyenne des autres budgets civils (+ 2,3 %), les autorisations de programme se stabilisant pour leur part à un montant de 1 725 millions de francs (+ 0,29 %).

Cependant, la part du budget de la justice dans le budget général de l'Etat ne progresse que faiblement : 1,6 % en 1999 contre 1,55 % en 1998 1( * ) .

A. UNE PROGRESSION MARQUÉE DES CRÉDITS POUR 1999

Le tableau suivant récapitule l'évolution des crédits des trois agrégats qui font l'objet du présent avis présenté par votre commission des Lois ; l'administration générale, les services judiciaires et les juridictions administratives.

Les crédits consacrés d'une part, aux services pénitentiaires et, d'autre part, aux services de la protection judiciaire de la jeunesse, sont quant à eux examinés dans le cadre de deux autres avis présentés au nom de votre commission des Lois, respectivement par nos collègues Georges Othily et Patrice Gélard.

Evolution des crédits de paiement

 

Dotations 1998

Crédits demandés pour 1999

Evolution 1998-1999 en %

 

Montant

% du total

Montant

% du total

 

Ensemble du ministère de la justice dont :

24 868,58

(100 %)

26 257,75

(100 %)

+ 5,59

- administration générale

3 475,29

13,97

3 594,08

13,69

+ 3,42

- services judiciaires

11 038,78

44,39

11 667,91

44,44

+ 5,70

- juridictions administratives

735,29

2,96

803,00

3,06

+ 9,21

(en millions de francs)

Si les trois agrégats étudiés connaissent une progression, la hausse des crédits est particulièrement marquée pour les services judiciaires (+ 5,7 %) et surtout pour les juridictions administratives (+ 9,2 %).

S'agissant des services judiciaires , qui représentent à eux seuls près de la moitié des crédits du ministère de la justice, le détail de la répartition des crédits fait toutefois apparaître que certains chapitres absorbent une large part de la progression des crédits.

Ainsi, les frais de justice (chapitre 37-11), d'un montant total de 1 776,54 millions de francs pour 1999, en augmentation de 121 millions de francs (+ 7,3 %), continuent, comme les années précédentes, de progresser plus rapidement que l'ensemble des crédits du ministère, bien que les crédits nouveaux inscrits pour financer la mise en oeuvre des réformes (et notamment l'impact de la loi relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs), d'un montant de 42 millions de francs, soient compensés par une mesure d'économie de 51 millions de francs correspondant à l'effort de maîtrise de la dépense, sur lequel on reviendra plus loin.

Les crédits de l' aide juridique (chapitre 46-12), d'un montant de 1 443,72 millions de francs pour 1999, connaissent eux aussi une progression importante, de plus de 215 millions de francs (+17,5 %), notamment en raison d'un abondement de 97,4 millions de francs destiné à la mise en oeuvre du plan de réforme de la justice (réforme de l'accès au droit, réforme de la saisie immobilière, lutte contre les exclusions, présence de l'avocat dès la première heure de la garde à vue...).

B. UNE EXÉCUTION QUASI-ACHEVÉE DE LA LOI DE PROGRAMME DE 1995

L'examen des crédits du ministère de la justice prévus par le projet de loi de finances pour 1999 constitue l'occasion de dresser le bilan de l'exécution de la loi de programme quinquennale n° 95-9 du 6 janvier 1995 relative à la justice.

S'agissant tout d'abord des créations d'emplois qui avaient été prévues pour la période 1995-1999, ce bilan s'établit comme suit :


 

Nombre de créations d'emplois prévues

Nombre de créations d'emplois inscrites en lois de finances

Taux de réalisation de la loi de programme

Total pour le ministère dont :

6 100

3 947

64,70 %

- Services judiciaires (et magistrats de l'administration centrale)


1 400


1 384


98,86 %

- Juridictions administratives

380

361

95,00 %

En ce qui concerne les autorisations de programme inscrites pour la réalisation des équipements , le bilan pour la période 1995-1999 est le suivant :

 

Enveloppe totale prévue par la loi de programme

Total des autorisations de programme

Taux d'exécution de la loi de programme

Total pour le ministère dont :

8 100,00

7 567,09

93,42 %

- Services judiciaires (et administration centrale)


4 500,00


4 227,85


93,95 %

- Juridictions administratives

200,00

207,52

103,76 %

(en millions de francs)

L'exécution de la loi de programme est donc presque complète pour les services judiciaires et les juridictions administratives, même si elle est un peu moins satisfaisante pour l'ensemble du ministère de la justice.

C. UNE PROGRESSION QUI DOIT NÉANMOINS ÊTRE RELATIVISÉE DANS LE CADRE D'UNE ÉVOLUTION SUR LONGUE PÉRIODE

Si l'on retrace l'évolution réelle du budget du ministère de la justice au cours des vingt-cinq dernières années, la forte progression constatée dans le projet de loi de finances pour cette année se trouve relativisée, ainsi que le montre le graphique ci-dessous.



En effet, si en francs courants elle atteint 5,59 % pour 1999, en francs constants, la progression du budget de la justice, calculée par référence à une base 100 en 1974, n'est plus que de 4,65 %.

II. LA SITUATION DES JURIDICTIONS : DES BESOINS QUI DEMEURENT IMPORTANTS

Devant l'asphyxie des juridictions, qui avait été soulignée, en 1996, par la mission d'information constituée par votre commission des Lois pour évaluer les moyens de la justice 2( * ) , le renforcement des moyens qui leur sont affectés constitue depuis plusieurs années une priorité nationale.

Cependant, les dernières statistiques connues sur l'activité des juridictions confirment que les besoins nécessaires au traitement des flux de contentieux demeurent importants.

A. L'ACTIVITÉ CIVILE : DES DÉLAIS TOUJOURS EXCESSIFS ET DES STOCKS EN AUGMENTATION

En matière civile, on constate en 1997 3( * ) une stabilisation des flux d'affaires nouvelles par rapport à 1996 (-2,5 % devant les cours d'appel,- 4,6 % devant les tribunaux de grande instance et -2,9 % devant les tribunaux d'instance). Cette évolution est particulièrement sensible en ce qui concerne les tribunaux de grande instance pour lesquels la baisse enregistrée en 1997 succède à une hausse ininterrompue au cours des dix années précédentes.

Cependant, la durée moyenne de traitement des affaires reste fort éloignée des objectifs qui avaient été définis par la loi de programme de 1995.

Elle continue de s'accroître de manière particulièrement préoccupante devant les cours d'appel, même si elle tend à se stabiliser devant les autres juridictions, comme le montre le graphique ci-après.



En 1997, la durée moyenne de traitement des affaires s'est établie à :

- 16,3 mois pour les cours d'appel au lieu de 15,8 mois en 1996, alors que l'objectif fixé par la loi de programme était de douze mois ;

- 9,1 mois pour les tribunaux de grande instance , en légère progression par rapport à 1996 (8,9 mois), à comparer à l'objectif de six mois fixé par la loi de programme ;

- 5 mois pour les tribunaux d'instance , soit une stabilisation par rapport à 1996 mais une durée largement supérieure aux trois mois envisagés par la loi de programme ;

- 9,5 mois pour les conseils de prud'hommes (contre 9,4 mois en 1996) ;

- et 5,8 mois pour les tribunaux de commerce (contre 6,2 mois en 1996) 4( * ) .

En outre, les stocks d'affaires en cours continuent à s'accroître dans toutes les catégories de juridictions. L'évolution des délais qui seraient nécessaires à la résorption de ces stocks est illustrée par le graphique ci-après.



Compte tenu de la capacité actuelle de traitement des juridictions évaluée à partir du nombre d'affaires terminées dans l'année, ces stocks, exprimés en nombre de mois nécessaires à leur traitement, atteignent en 1997 :

- 18,43 mois pour les cours d'appel ;

- 10,87 mois pour les tribunaux de grande instance ;

- 9,07 mois pour les tribunaux d'instance ;

- et 10,50 mois pour les conseils de prud'hommes 5( * ) .

Votre rapporteur pour avis tient à évoquer la situation particulière des conseils de prud'hommes , marquée par des délais moyens de jugement supérieurs à neuf mois, auxquels s'ajoutent fréquemment de longs délais devant les cours d'appel (plus de la moitié des décisions prononcées en premier ressort sont frappées d'appel). En effet, ces juridictions qui jouent un rôle important dans la justice au quotidien ne doivent pas être oubliées dans le cadre des réflexions en cours en vue d'une amélioration de son fonctionnement.

En outre, les nombreux recours en cassation enregistrés en matière de droit du travail entraînent un encombrement préoccupant de la chambre sociale de la Cour de cassation. Pour remédier à cette situation, M. Jacques Larché, président, a préconisé l'institution d'une représentation obligatoire par avocat pour les recours en cassation dans ce domaine.

B. L'ACTIVITÉ PÉNALE : UNE RÉGULATION ASSURÉE PAR LES CLASSEMENTS SANS SUITE

En matière pénale, le nombre global des infractions signalées (plaintes, dénonciations, procès-verbaux) a légèrement décru en 1997, s'établissant à 4.941.334 (- 4,7 %).

La régulation du flux continue néanmoins à être assurée par de trop nombreux classements sans suite .

Même si le nombre de procédures alternatives aux poursuites s'accroît notablement, dépassant les 100.000 en 1997 (+ 12,4 %), les classements sans suite concernent encore près de 80 % du nombre total des affaires et surtout près de la moitié (45,8 %) des procédures dans lesquelles l'auteur de l'infraction a été identifié.

Si le délai de réponse pénale 6( * ) tend à décroître pour les contraventions de 5 ème classe (7,2 mois en 1996 contre 7,5 en 1995) et pour les délits (9,7 mois en 1996 contre 10,3 en 1995) , il continue en revanche à s'accroître pour les crimes, atteignant 44,8 mois en 1996 contre 42,6 mois en 1995.

C. L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES : UN ENGORGEMENT PRÉOCCUPANT

Si les transferts de compétences aux cours administratives d'appel ont permis de réduire progressivement le stock d'affaires en instance au Conseil d'Etat, qui en 1997 correspond à un délai théorique d'élimination d'environ un an, ils ont en revanche entraîné un accroissement massif du nombre d'affaires pendantes devant ces cours.

En effet, le nombre annuel d'affaires enregistrées par les cours administratives d'appel a triplé en données brutes entre 1991 et 1996 et le stock d'affaires en instance a été multiplié par quatre depuis 1990 ; le délai théorique d'élimination de ce stock, qui dépassait à peine un an en 1991, est actuellement de trois ans.

La situation devrait néanmoins s'améliorer à partir de 1998 compte tenu de la mise en service des deux nouvelles cours administratives d'appel de Marseille (en septembre 1997) et de Douai (prévue pour 1999).

En ce qui concerne les tribunaux administratifs , le nombre annuel d'affaires enregistrées a augmenté de 45 % de 1990 à 1997 en données nettes corrigées des séries, soit une moyenne de 6 % par an, et encore de 7 % de 1996 à 1997.

Le nombre annuel d'affaires traitées, toujours en données nettes, a toutefois crû de 9 % par an sur la même période. Cette augmentation de la capacité de jugement est due pour l'essentiel aux efforts de productivité des magistrats, qui semblent cependant avoir aujourd'hui atteint un palier.

Les stocks ont continué d'augmenter entre 1991 et 1997 ; leur rythme d'augmentation a néanmoins diminué et se situe actuellement entre 2 et 3 % par an. Le délai moyen de jugement, qui était de deux ans et demi en 1991, s'est réduit progressivement ; il est actuellement un peu inférieur à deux ans , ce qui reste cependant très éloigné de l'objectif de réduction à un an des délais moyens devant les juridictions administratives qui avait été fixé par la loi de programme.

Devant l'inflation du nombre des recours et les risques de paralysie de l'action des collectivités publiques qui en découlent compte tenu des délais de jugement, M. Jacques Larché, président, a estimé qu'il conviendrait d'envisager une augmentation substantielle du droit de timbre exigé pour les recours devant les juridictions administratives, actuellement fixé à 100 francs.

III. UN EFFORT DE RECRUTEMENT SOUTENU

Le budget de la justice pour 1999 est marqué par la poursuite de l'effort entrepris en vue du renforcement des effectifs des juridictions judiciaires comme des juridictions administratives : il prévoit en effet la création de 370 emplois pour les services judiciaires et de 61 emplois au Conseil d'Etat et dans les juridictions administratives. Cependant, les vacances de postes demeurent encore trop nombreuses et l'effort de recrutement risque d'être en partie absorbé par la mise en oeuvre des nouvelles réformes prévues.

A. LES RECRUTEMENTS DE MAGISTRATS JUDICIAIRES

1. Un effort exceptionnel de recrutement

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit la création de 140 emplois de magistrats 7( * ) , succédant aux 70 créations d'emplois intervenues en 1998.

Ainsi que l'a souligné Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, devant votre commission des Lois, ce nombre de créations d'emplois de magistrats est le plus élevé des quinze dernières années.

Le nombre de postes ouverts aux concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature a été porté à 185 pour 1998 (contre 145 pour 1996 et 1997).

En outre, afin d'accélérer les recrutements, la loi organique n° 98-105 du 24 février 1998 a autorisé l'organisation de deux concours exceptionnels permettant le recrutement de 100 magistrats en 1998 et de 100 autres en 1999 ; les magistrats recrutés en 1998 par cette voie prendront leurs fonctions en juridiction dès l'été 1999 à l'issue d'une formation de six mois.

2. Le renfort encore très insuffisant des conseillers de cours d'appel en service extraordinaire et des magistrats à titre temporaire

Afin de compléter le renfort des effectifs des juridictions tout en diversifiant le corps judiciaire, la loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 a prévu la possibilité de faire appel à des conseillers de cours d'appel en service extraordinaire et à des magistrats à titre temporaire.

• Les conseillers de cours d'appel en service extraordinaire sont recrutés parmi des candidats âgés de 50 à 60 ans titulaires d'un diplôme de niveau maîtrise et justifiant d'au moins 15 années d'activité professionnelle les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires.

La loi organique n° 98-105 du 24 février 1998 a élargi les possibilités de recrutement de ces conseillers en service extraordinaire, allongé de 5 à 10 ans la durée d'exercice de leurs fonctions (à temps plein) et assoupli la procédure de recrutement en supprimant le caractère probatoire de la période de formation.

Mais la mise en oeuvre de ces dispositions est encore très limitée. En effet, interrogée sur ce point au cours de son audition devant votre commission des Lois, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a indiqué que trois nominations étaient intervenues en 1997 (à la suite de l'examen de 33 candidatures par la commission d'avancement) et deux autres en 1998 (sur 15 candidatures).

• La loi organique du 19 janvier 1995 a également ouvert la possibilité de recruter des magistrats exerçant à titre temporaire les fonctions de juge d'instance ou d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance. Ces magistrats à titre temporaire sont recrutés, pour sept ans non renouvelables, sur proposition de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel et après avis conforme de la commission d'avancement ; rémunérés sur la base de vacations, ils peuvent poursuivre une autre activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires.

Comme pour les conseillers de cours d'appel en service extraordinaire, la loi organique du 24 février 1998 a supprimé le caractère probatoire du stage de formation imposé aux magistrats à titre temporaire.

Votre commission des Lois, à l'initiative de laquelle cette modification a été introduite, a en effet considéré " décourageant et vexatoire " d'imposer un stage de cette nature à des personnes déjà confirmées professionnellement et ayant accepté de se soumettre à une sélection.

Cependant, bien que la loi de programme de 1995 ait prévu la création de 80 postes équivalents temps plein et que 64 de ces créations aient été inscrites en lois de finances (soit 16 pour chacune des années 1995, 1996, 1998 et 1999), le recrutement des magistrats à titre temporaire est resté pour le moment bien timide.

Il n'a débuté qu'à la suite de la publication du décret n° 97-4 du 7 janvier 1997 et ne concerne actuellement, à titre expérimental, que les seules cours d'appel d'Aix-en-Provence, Angers, Colmar et Versailles.

Le Garde des Sceaux a précisé devant votre commission des Lois que quatre candidats avaient fait l'objet d'un avis favorable de la commission d'avancement (sur un total de 18 candidatures examinées).

Votre commission des Lois regrette la faiblesse de ces recrutements de magistrats à titre temporaire et de conseillers de cours d'appel en service extraordinaire, qui seraient pourtant susceptibles d'apporter un renfort appréciable dans les juridictions surchargées. Elle espère néanmoins que les assouplissements apportés par la loi organique du 24 février 1998 permettront d'accroître leurs effectifs.

3. Des vacances de postes qui restent trop nombreuses

L'application de la loi de programme pour 1995 a permis de localiser au total 184 emplois budgétaires de magistrats : 49 en 1995, 53 en 1996 et 82 en 1998.

Cependant, en dépit de l'important effort de recrutement engagé, les vacances de postes constatées dans les juridictions sont encore trop nombreuses.

Selon la Chancellerie, 215 emplois de magistrats étaient vacants au 1er septembre 1998, soit 3,38 % d'un effectif budgétaire de 6 357 emplois 8( * ) .

Une étude récente réalisée par l'Union syndicale des magistrats (USM) qui a comptabilisé l'ensemble des postes non occupés dans les juridictions, en ajoutant aux " vacances officielles " dénombrées par la Chancellerie les absences pour congés divers, fait toutefois apparaître un taux de vacances de postes beaucoup plus élevé sur le terrain : celui-ci atteindrait en moyenne 7,4 % des effectifs en juridiction et toucherait davantage les magistrats du parquet (9 % en moyenne) que les magistrats du siège (6,8 % en moyenne).

Cette situation de distorsion entre les effectifs budgétaires et les effectifs réels devrait conduire à renforcer encore le nombre de magistrats placés qui, outre les hypothèses de congé du magistrat titulaire ou de vacance de poste, peuvent désormais être temporairement affectés dans une juridiction pour y renforcer l'effectif afin d'assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable.

Le nombre de ces magistrats a été porté à 139 en 1998 (contre 117 en 1997), avec la création de 17 emplois de juges placés et de 5 emplois de substituts placés ; il représente désormais près de 3 % des emplois mais reste très en-deçà du maximum fixé par la loi organique qui permettrait de porter l'effectif des magistrats placés à 309 emplois.

*

Par ailleurs, il convient de souligner que les nombreuses créations d'emplois prévues par le projet de loi de finances pour 1999 ne permettront pas toutes de soulager les juridictions surchargées puisqu'elles seront pour partie absorbées par la mise en oeuvre des nouvelles réformes .

Ainsi, la Chancellerie a prévu que la moitié des 140 créations d'emplois de magistrats prévues au projet de budget pour 1999 seraient consacrées à la mise en oeuvre du projet de réforme du régime de la détention provisoire qui nécessiterait au total pour sa mise en application 150 à 200 nouveaux magistrats.

La réforme envisagée des tribunaux de commerce, qui sera évoquée dans la suite du présent avis, rendrait pour sa part nécessaire la création de 350 emplois de magistrats pour assurer la mixité au sein de ces tribunaux, mais ces créations ne seront mises en place qu'à partir du budget de l'an 2000.

B. LES RECRUTEMENTS DE FONCTIONNAIRES DES SERVICES JUDICIAIRES

Le renforcement des effectifs de magistrats ne peut être efficace que s'il s'accompagne d'un renforcement des effectifs de greffiers.

Aussi la Chancellerie a-t-elle mis en place en 1998 un plan exceptionnel de recrutement de fonctionnaires des services judiciaires. Plus de 800 fonctionnaires devraient être recrutés d'ici le 31 décembre 1998 dont la moitié devrait avoir pris ses fonctions à cette date : 44 greffiers en chef, 240 greffiers, 475 personnels de bureau et 70 fonctionnaires des filières techniques.

Ce recrutement devrait permettre de combler les vacances d'emploi constatées fin 1997 mais également de pourvoir les 230 emplois budgétaires créés par la loi de finances pour 1998 (20 greffiers en chef, 90 greffiers, 130 personnels de bureau).

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit également la création de 230 emplois de fonctionnaires des services judiciaires (10 greffiers en chef, 112 greffiers, 72 adjoints administratifs, 36 agents contractuels), ce qui permettra d'achever l'exécution de la loi de programme qui prévoyait la création de 835 emplois.

Cependant, les absences de fonctionnaires pour raisons diverses, s'ajoutant aux vacances d'emploi (qui atteignaient 2,72 % des emplois au 1er juin 1998 selon la Chancellerie) et aux conséquences de l'absence de compensation systématique des temps partiels 9( * ) , tendent à désorganiser les juridictions.

Devant ces difficultés, la création de 116 emplois de personnels de bureau placés a été décidée ; elle devrait permettre aux chefs de cour de suppléer à certaines absences liées aux congés de maladie, aux congés de maternité ou aux congés de formation.

Par ailleurs, les représentants des organisations professionnelles de fonctionnaires de la justice entendus par votre rapporteur pour avis ont souligné l'insuffisance de la politique du ministère de la justice en matière de logement social , notamment en région parisienne.

Cependant, les crédits d'action sociale du ministère, d'un montant global de 94,5 millions de francs, sont en augmentation de plus de 18,5 % pour 1999.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par les services de la Chancellerie, des efforts sont menés en vue d'une augmentation du nombre de logements sociaux, notamment à travers l'ouverture d'une résidence parahôtelière à Paris, mais se heurtent à l'insuffisance du parc interministériel de logements sociaux et à des difficultés liées à l'impossibilité pour le ministère de la justice de faire construire lui-même des logements en l'absence de crédits inscrits au titre VI.

C. LE RENFORCEMENT DES EFFECTIFS DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Afin de faire face à l'augmentation des flux de contentieux, les effectifs de magistrats et de fonctionnaires des juridictions administratives ont également été renforcés en application de la loi de programme de 1995.

• S'agissant des magistrats des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs , la loi de programme prévoyait d'une part, la création de 105 emplois budgétaires et d'autre part, le recrutement à titre temporaire de 75 magistrats.

79 emplois ont d'ores et déjà été créés ; le projet de loi de finances pour 1999 prévoit encore la création de 21 emplois supplémentaires, portant à 100 (sur 105) le nombre total d'emplois créés en application de la loi de programme.

Par ailleurs, des crédits ont été ouverts pour la rémunération de 56 magistrats administratifs recrutés à titre temporaire ; grâce à ces crédits, 40 magistrats ont été recrutés à titre temporaire par la voie du détachement et 14 magistrats supplémentaires le seront d'ici la fin de l'année. Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit les crédits nécessaires pour 15 recrutements temporaires complémentaires, ce qui portera à 71 (sur 75) le nombre total de recrutements temporaires en application de la loi de programme.

Le taux de vacances des emplois s'élevait à 3,5 % au 1er avril 1998.

Les représentants des juridictions administratives entendus par votre rapporteur pour avis ont insisté sur l'insuffisance du nombre de postes de présidents de formations de jugement pour assurer de façon satisfaisante les fonctions d'encadrement.

• En ce qui concerne les effectifs des greffes , la loi de programme prévoyait la création de 200 emplois de fonctionnaires ; 150 emplois ont d'ores et déjà été créés, auxquels viendront s'ajouter les 40 emplois prévus par le projet de loi de finances pour 1999.

Le renforcement des effectifs des greffes a permis d'améliorer le ratio de fonctionnaires par magistrat, mais celui-ci reste très inférieur à celui constaté dans les juridictions judiciaires.

Au 30 juin 1998, le taux de vacances des emplois s'élevait à 5,8 %.

D. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ASSISTANCE AUX MAGISTRATS

1. Le bilan très positif du concours des assistants de justice

A l'initiative de la commission des Lois du Sénat, l'article 20 de la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions a prévu la possibilité de recruter des assistants auprès des magistrats des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance et des cours d'appel.

Ces assistants sont chargés de tâches de documentation et de préparation des décisions. Ils sont recrutés pour une durée de deux ans renouvelable parmi les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études supérieures en matière juridique et que leur compétence qualifie particulièrement pour exercer ces fonctions ; dans la pratique, il s'agit souvent d'étudiants en troisième cycle de droit préparant parallèlement leur thèse, qui abandonnent la fonction d'assistant dès qu'ils trouvent un emploi stable. Ils sont indemnisés par l'allocation de vacations horaires 10( * ) et travaillent le plus souvent à mi-temps.

203 assistants de justice ont été recrutés en 1996, puis 100 de plus au cours de l'année 1997.

Avec une dotation de 8,4 millions de francs en mesure nouvelle, la loi de finances pour 1998 devrait permettre d'assurer un nouveau recrutement de 200 assistants de justice.

L'effort financier consacré aux assistants de justice sera encore renforcé en 1999, le projet de loi de finances prévoyant une dotation de 15,6 millions de francs destiné au recrutement de 400 assistants supplémentaires , ce qui devrait permettre de porter à plus de 900 l'effectif total des assistants.

Cet effort apparaît pleinement justifié car l'analyse des rapports transmis par les cours d'appel concernant l'activité des assistants montre que leur concours a donné entière satisfaction et permis aux magistrats de se décharger de certaines tâches répétitives ou de recherches chronophages, au profit d'un traitement plus rapide du contentieux.

Dans leur majorité, les magistrats des juridictions qui ont bénéficié du concours d'assistants de justice soulignent la qualité des travaux effectués par ceux-ci. Le plus souvent, il s'agit de recherche de documentation ou de jurisprudence, de rédaction de notes de synthèses des dossiers ou de rédaction de projets de décisions ou de réquisitoires suivant les instructions des magistrats.

En outre, les assistants se voient aussi parfois confier d'autres tâches telles que le prétraitement du courrier pénal général, les propositions de recours aux procédures de médiation-réparation, la gestion de la médiation pénale, la confection de recueils de doctrine ou de jurisprudence, la tenue de statistiques, la gestion des bibliothèques...

En revanche, la présence d'assistants de justice ne semble pas adaptée au service de l'instruction, en raison notamment de la spécificité de la procédure.

Le bilan du recrutement des assistants de justice apparaît donc très positif. Aussi les demandes d'assistants de justice par les juridictions sont-elles en forte augmentation.

En revanche, le bilan de la mise en place d' "assistants juridiques " (fonctionnaires mis à disposition par d'autres administrations) dans les juridictions administratives semble décevant, selon les représentants de ces juridictions qui ont été entendus par votre rapporteur.

2. Les perspectives de recrutement d'assistants spécialisés au sein des nouveaux pôles économiques et financiers

L'article 91 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a par ailleurs prévu la possibilité de recruter des assistants spécialisés auprès des cours d'appel ou des tribunaux de grande instance qui sont spécialisés en matière de traitement des infractions économiques et financières en application des dispositions de l'article 704 du code de procédure pénale.

Les assistants spécialisés sont chargés d'apporter une assistance technique aux magistrats dans le déroulement de la procédure, sans pouvoir procéder par eux-mêmes à aucun acte. Ils sont recrutés parmi les fonctionnaires de catégorie A ou B ou parmi les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation économique, financière, juridique ou sociale d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures et justifiant d'une expérience professionnelle minimale de quatre années.

Le décret d'application de ces dispositions est actuellement en cours d'élaboration.

Il est envisagé dans un premier temps de recourir aux services de fonctionnaires mis à disposition par le ministère de l'économie et des finances et par la Banque de France, les possibilités de recrutement d'assistants spécialisés en provenance du secteur privé étant par ailleurs à l'étude.

Dans cette perspective, le ministère de la justice a demandé la mise à disposition de 25 fonctionnaires par an pendant trois ans en vue de leur affectation en priorité dans les tribunaux de Paris, Bastia et Nanterre puis dans ceux de Bordeaux, Lyon, Fort-de-France et Marseille ; des appels à candidatures ont déjà été diffusés.

Le recrutement de ces assistants spécialisés devrait permettre de renforcer les moyens des " pôles économiques et financiers " que Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, envisage de constituer au sein de certaines juridictions.

Une mesure nouvelle de 15 millions de francs est inscrite au projet de budget pour 1999 pour la constitution de ces pôles de lutte contre la délinquance économique et financière.

Le pôle économique et financier de Paris devrait être opérationnel à partir de mars 1999 ; il accueillera une soixantaine de magistrats et plus d'une centaine de fonctionnaires, dans des locaux de 8.330 mètres carrés.

E. UN RECOURS LIMITÉ AUX EMPLOIS-JEUNES

Votre commission des Lois s'était interrogée, l'an dernier, sur l'opportunité de la mise en place d'emplois-jeunes par le ministère de la justice.

Elle avait en effet souligné les difficultés d'adaptation de la procédure retenue au cas particulier du ministère de la justice, les incertitudes pesant sur le mode de financement et le problème de la définition d'emplois pertinents dans ce domaine.

Interrogée par votre rapporteur pour avis sur le bilan des emplois-jeunes pour le ministère de la justice, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a reconnu que leur mise en place n'avait pas donné de résultats aussi performants que ceux qu'elle avait espérés.

Le ministère de la justice s'est engagé à promouvoir la création de 3.500 emplois-jeunes dans son secteur. Pour atteindre cet objectif, cinq accords cadres ont été signés avec les principaux partenaires associatifs qui se sont engagés à promouvoir la création de 2.150 emplois sur une période de 3 ans auprès de leurs adhérents. Ces emplois se répartissent ainsi : 1.000 emplois pour l'Association française pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (AFSEA) (dont 70 créés et 172 en projet), 250 emplois pour l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM) (dont 36 créés et 46 projets), 300 emplois pour le Comité de liaison des associations socio-éducatives de contrôle judiciaire (CLCJ) (dont 57 créés et un nombre équivalent en projet), 500 emplois pour l'Union nationale des associations familiales (UNAF) (dont 100 créés et 100 autres en projet) et 100 emplois pour le Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles (CNIDEF).

En outre, 226 emplois ont été créés dans les domaines de l'accès au droit, de l'accompagnement des familles des détenus ou de l'insertion des publics les plus en difficulté ; pour ce qui concerne les services judiciaires, on dénombre ainsi 222 projets et 67 conventions signées (représentant 88 emplois).

Le Garde des Sceaux a précisé devant la commission des Lois qu'au total 489 emplois-jeunes avaient déjà été créés dans des domaines variés tels que l'accès au droit, l'aide aux victimes ou aux mineurs, ou encore l'accueil du public. Elle a ajouté qu'elle avait souhaité un niveau d'exigence élevé quant à la qualité des recrutements effectués.

Votre rapporteur pour avis tient à souligner que ces emplois-jeunes, s'ils sont encore peu nombreux, n'ont toutefois pas été dévoyés comme on aurait pu le craindre dans le secteur de la justice. Au demeurant, il est encore trop tôt pour dresser un bilan définitif du recours aux emplois-jeunes dans ce secteur.

IV. LA POURSUITE DE LA RÉNOVATION DE L'ÉQUIPEMENT ET DE LA GESTION DES JURIDICTIONS

A. L'AMÉLIORATION DES ÉQUIPEMENTS

1. Le programme d'investissements immobiliers

Les investissements en vue de la rénovation de l'équipement des juridictions seront poursuivis en 1999 ; à cet égard, Mme Élisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a souligné au cours de son audition devant votre commission des Lois que la justice se situait au premier rang, après le secteur des transports, pour les investissements civils directs de l'Etat.

• Dans le cadre de l'exécution de la loi de programme de 1995, qui avait prévu 4,5 milliards de francs d'autorisations de programme en faveur de l'équipement des juridictions judiciaires , plus de trois milliards ont été consacrés à la consolidation du programme pluriannuel d'équipement lancé en 1991, le solde concernant des opérations d'entretien, de rénovation et de sécurité déconcentrées.

L'enveloppe prévue pour 1999 (673 millions de francs d'autorisations de programme contre 567 en 1998) permettra un quasi-achèvement de l'exécution de cette loi de programme (soit un taux d'exécution de 93,95 %).

S'agissant du programme pluriannuel d'équipement , après la livraison en 1998 des opérations concernant Béthune, Melun et Bordeaux, le lancement des travaux intéressant les Palais de justice de Toulouse, Besançon et Rodez devrait débuter en 1999 ; seront par ailleurs achevés les grands chantiers de Rennes, Grasse, Nantes et Nice.

En ce qui concerne le programme déconcentré , il est prioritairement consacré à des opérations de mise en sécurité des juridictions. De nombreuses livraisons devraient intervenir courant 1999 à Blois, Epinal, Evreux, Marseille, Nancy, Rouen, Toulon, Versailles et Vesoul ; la mise en sécurité du Palais de justice de Paris restera en outre un objectif prioritaire.

Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a indiqué devant l'Assemblée nationale qu'elle avait engagé des discussions avec le ministère du budget en vue de la construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris, dont le coût est estimé à plus de trois milliards de francs mais qui apparaît à terme nécessaire pour remédier à l'insuffisance des locaux affectés aux juridictions parisiennes et notamment à l'absence de salle d'audience susceptible d'accueillir de " grands " procès 11( * ) .

• En ce qui concerne les juridictions administratives , la superficie des locaux occupés est devenue parfois très insuffisante en raison de l'augmentation des effectifs mise en oeuvre pour répondre à l'accroissement du contentieux. En conséquence, ont été entreprises des opérations de relogement, par acquisition d'immeubles ou extension des locaux existants.

Les autorisations de programme inscrites dans le projet de loi de finances pour 1999, d'un montant de 51 millions de francs, permettront l'achèvement de l'exécution de la loi de programme concernant l'équipement des juridictions administratives.

Après l'achèvement en 1998 des travaux concernant la Cour administrative d'appel de Lyon, les crédits d'équipement seront consacrés en 1999 à des aménagements des tribunaux administratifs de Lille et de Rennes, à l'installation définitive du tribunal administratif de Melun et la mise en place de la cour administrative d'appel de Douai. En outre, s'agissant du Conseil d'Etat, les travaux de modernisation et de restauration du Palais Royal seront poursuivis.

2. La généralisation progressive de l'informatisation des juridictions

L'équipement informatique des juridictions se poursuit également.

• En matière pénale , les trois applications informatiques nationales en service dans les juridictions (nouvelle chaîne pénale en région parisienne, chaîne micro-pénale ou chaîne mini-pénale selon la dimension des tribunaux de grande instance) font désormais l'objet d'un renouvellement régulier. Un logiciel pour le suivi de l'exécution des peines a été acquis par le ministère et commence à être déployé dans les premiers tribunaux de grande instance. Il en est de même pour le logiciel de traitement des ordonnances pénales déjà utilisé par 200 tribunaux de police.

En outre, un logiciel d'instruction assistée par ordinateur est mis à la disposition des nouveaux magistrats parisiens ; il constituera un des principaux outils informatiques mis en place dans le futur pôle financier du tribunal de grande instance de Paris.

• En matière civile , les applications utilisées par les cours d'appel, tribunaux de grande instance et conseils de prud'hommes relevaient exclusivement de l'informatique locale jusqu'au début de 1998.

Cependant, ce secteur a été fragilisé par des défaillances successives des éditeurs de logiciels.

Aussi la Chancellerie a-t-elle lancé un appel d'offres en vue de l'acquisition de nouveaux logiciels, qui a abouti en avril 1998. Le programme d'implantation des logiciels retenus privilégie les juridictions dont les applications informatiques ont été affectées par la disparition de certaines sociétés éditrices de logiciels. Les nouveaux logiciels acquis par le ministère sont désormais pris en charge au niveau central pour ce qui concerne la maintenance et le développement des nouvelles fonctionnalités.

Par ailleurs, l'informatisation des tribunaux d'instance est en cours, grâce au déploiement d'applications développées par la Chancellerie : 300 tribunaux devraient être équipés fin 1998.

Enfin, l'expérimentation dans deux cours d'appel du logiciel de suivi de l'exécution budgétaire " GIBUS " utilisé par le ministère de l'intérieur ayant été jugé concluante, la généralisation de cet équipement dans l'ensemble des cours d'appel est en cours et devrait être effective en l'an 2000.

• S'agissant des juridictions administratives , une opération de rénovation complète des applications existantes pour le traitement du contentieux a été lancée fin 1994. Cette opération, baptisée " Skipper ", devrait être achevée d'ici la fin de l'année 1999.

L'ensemble des tribunaux administratifs de métropole 12( * ) sont désormais équipés de Skipper, ce qui représente 1.000 postes de travail installés dans ces juridictions pour 1.200 personnes, soit un taux d'équipement de 83 %.

L'adaptation de Skipper aux spécificités des procédures d'appel est en cours ; les cours administratives d'appel devraient être équipées dans le courant de l'année prochaine.

L'équipement actuel des cours est de 1420 postes microinformatiques et 160 terminaux passifs pour 300 personnes.

Enfin, la mise en place d'une version adaptée de Skipper au Conseil d'Etat est prévue avant la fin de l'année 1998.

Le parc de postes de travail du Conseil d'Etat est de 450 postes dont 150 portables pour les membres.

B. LES ACTIONS MENÉES EN FAVEUR D'UNE RATIONALISATION DE LA GESTION

1. La déconcentration de la gestion au niveau des cours d'appel

La cour d'appel ayant été retenue comme l'échelon pertinent de déconcentration des services judiciaires, des services administratifs régionaux (SAR) ont été mis en place, depuis 1996, sous l'autorité des chefs de cour ; toutes les cours d'appel sont désormais dotées d'un SAR à l'exception de la cour d'appel de Papeete.

Dirigé par un coordonnateur, le SAR a pour vocation de préparer, mettre en oeuvre et contrôler les actes et décisions administratives nécessaires à la bonne administration du ressort. Il assure à ce titre deux fonctions essentielles : la gestion des ressources humaines qui intègre la formation des personnels et la gestion des moyens qui regroupe la fonction budgétaire et la fonction informatique.

Depuis le 1er janvier 1998, le SAR gère les décisions administratives individuelles et les crédits finançant les activités présentencielles d'aide aux victimes réalisées par le réseau associatif.

Dans un avenir proche, il assurera également la gestion déconcentrée de l'équipement immobilier des juridictions.

La création d'un statut d'emploi de chef de SAR est actuellement à l'étude.

Par ailleurs, en matière de gestion des crédits de fonctionnement des juridictions , une réforme de la procédure d'exécution de la dépense à l'échelon déconcentré est en cours de généralisation après avoir été expérimentée dans les cours d'appel d'Amiens, Rouen, Angers, Bordeaux, Bourges et Nîmes, ainsi que dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny.

Ce dispositif permet de centraliser au niveau de la cour d'appel les informations concernant les dépenses de fonctionnement de l'ensemble des juridictions du ressort, afin d'améliorer la politique de l'achat public et de parvenir à un renforcement du contrôle de gestion .

A cette fin, les juridictions du premier degré du ressort d'un tribunal de grande instance sont fédérées en centre dépensier disposant d'une cellule de gestion budgétaire, laquelle est chargée de tenir la comptabilité de ces juridictions et constitue l'unique interlocuteur du SAR.

Les juridictions conservent cependant l'initiative de leurs dépenses de fonctionnement, sous réserve d'une politique d'achat commune déterminée, après concertation, par les chefs de la cour d'appel.

C'est également dans le cadre des SAR qu'a été mis en place le dispositif de suivi de l'évolution des frais de justice en vue d'une meilleure maîtrise des dépenses.

2. Un effort de maîtrise de l'évolution des frais de justice

Les dépenses de frais de justice, qui ont atteint en 1997 un montant total de 1.536,92 millions de francs, s'accroissent à un rythme extrêmement rapide : +48 % entre 1992 et 1996, +8,22 % de 1996 à 1997 et encore +10 % au 1er semestre 1998 ( par rapport au 1er semestre 1997).

Cette progression est essentiellement due aux frais de justice pénale, qui représentent 68 % de la dépense (contre 18 % pour les frais civils et 12 % pour les frais commerciaux) ; en particulier les frais de saisie, de fourrière et de scellés, les frais d'expertises non tarifées, ainsi que les frais de réquisition à France Télécom, connaissent une progression particulièrement accentuée.

La Cour des Comptes s'est d'ailleurs alarmée du niveau exorbitant de certains frais de justice, notamment les frais de garde des objets saisis.

Face à cette évolution, la Chancellerie a mis en place, depuis 1996, un dispositif semestriel de suivi de la dépense dans chaque cour d'appel , mis en oeuvre par les SAR.

Elle a en outre engagé des actions tendant à une meilleure maîtrise de la dépense, qui viennent d'être rappelées aux chefs de cour dans le cadre d'une circulaire du 27 octobre 1998.

Des mesures législatives et réglementaires sont en effet prévues pour renforcer les moyens de maîtrise de la dépense.

Sur le plan législatif, le projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites, adopté en première lecture par le Sénat le 18 juin dernier sur le rapport de notre collègue Pierre Fauchon 13( * ) , prévoit une modification du régime de conservation des scellés qui devrait permettre d'obtenir une réduction importante de la durée du gardiennage (et donc des frais correspondants), ainsi qu'une généralisation de l'utilisation de la télécopie pour les notifications faites aux avocats en matière pénale.

Sur le plan réglementaire, un avant-projet de décret modifiant le code de procédure pénale et relatif aux frais de justice a été élaboré ; ce texte prévoit notamment :

- une tarification par le code de procédure pénale des frais de garde des véhicules placés sous scellés ou immobilisés, des frais de recherche de documents et de délivrance de copies, des réquisitions aux opérateurs de télécommunications et des frais de mise en oeuvre au profit de l'autorité judiciaire des conventions secrètes de cryptologie ;

- un contrôle préalable obligatoire du Parquet sur les devis d'expertises supérieurs à 3.000 F ;

- et la possibilité d'un recouvrement par l'Etat, contre les condamnés, des frais de garde des véhicules immobilisés.

Par ailleurs, la Chancellerie cherche à organiser les conditions d'une mise en concurrence des prestataires de services dans les domaines non tarifés et à parvenir à un meilleur contrôle des frais commerciaux.

En outre, un complément de dotation de fonctionnement est alloué aux cours d'appel qui ont fait preuve d'une volonté réelle d'entrer dans une logique de maîtrise de la dépense des frais de justice.

Cette enveloppe complémentaire de crédits de fonctionnement a été fixée à 10 millions de francs pour 1998 et répartie en application de deux critères : l'existence d'actions innovantes initiées par les chefs de cour et le respect du taux directeur de 4 % fixé pour l'évolution de l'ensemble des frais de justice.

Les efforts ainsi engagées en vue d'une meilleure maîtrise de la dépense permettront sans doute de parvenir à une rationalisation de la gestion dans ce domaine.

Cependant, il sera difficile de parvenir à enrayer la progression des frais de justice car la poursuite de l'augmentation de certaines dépenses apparaît inéluctable . En particulier, les frais d'expertise (qui représentent 35 % des frais pénaux) sont appelés à s'accroître en raison de la technicité croissante des affaires et du recours à des technologies nouvelles, par exemple pour l'écoute des communications réalisées à partir de téléphones mobiles ou pour l'identification des criminels à partir de leurs empreintes génétiques. Le développement du recours à la médiation pénale devrait par ailleurs entraîner une augmentation des frais correspondants.

3. Le perfectionnement de l'outil statistique

La fiabilité des statistiques élaborées par la Chancellerie à partir des dispositifs traditionnels que sont le Répertoire général civil pour les affaires civiles et les Cadres du parquet ainsi que le Casier judiciaire national pour les affaires pénales, laisse à désirer, ainsi que l'a récemment souligné la Cour des Comptes. Celle-ci a en effet dénoncé le caractère médiocre et peu fiable de ces statistiques pourtant indispensables pour répartir les effectifs et les moyens entre les juridictions en fonction des besoins.

Pour améliorer cette situation, une réforme d'ensemble du système statistique de la Chancellerie a été décidée en 1994 et est actuellement en cours de mise en place, en liaison avec l'informatisation des juridictions.

• En matière civile , des " tableaux de bord d'activité des juridictions civiles " permettront de mesurer leur activité, par grandes familles de contentieux, d'une manière plus rapide et exhaustive et selon une norme commune.

Après une expérimentation en 1996 et 1997, leur généralisation est en cours. A cette fin, les logiciels de traitement des affaires civiles doivent être dotés de modules de production automatique des tableaux de bord. Ces modules seront implantés dans 200 tribunaux d'instance d'ici la fin 1998, puis dans les cours d'appel et les tribunaux de grande instance à partir de 1999.

Ces tableaux de bord seront complétés par un dispositif de " suivi détaillé des affaires civiles " qui permettra d'exploiter au niveau local puis national les bases de données résultant des fichiers informatiques de gestion des affaires civiles. Une expérimentation de ce dispositif est prévue en 1999.

• En matière pénale , l'automatisation des cadres du parquet a été généralisée à l'ensemble des tribunaux de grande instance depuis la fin de 1997.

Cette automatisation sera complétée par un dispositif de " suivi de la politique pénale ", en cours de mise au point et basé, comme en matière civile, sur l'exploitation des bases de données locales constituées à partir des fichiers de gestion des affaires pénales. Ce dispositif permettra notamment d'étudier l'activité pénale selon la nature des affaires et d'analyser les classements sans suite selon leur motif.

A terme, ces nouveaux outils statistiques devraient permettre, grâce à la collecte de données homogènes suivant des procédures comparables, de mesurer plus précisément l'activité des juridictions, ce qui sera particulièrement utile en vue d'une répartition plus rationnelle des moyens en fonction de la charge de travail effective des juridictions.

V. QUELQUES RÉFORMES EN COURS INTÉRESSANT L'ORGANISATION DE LA JUSTICE

Le premier volet de la réforme de la justice engagée par le Gouvernement a pour objet l'amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien.

C'est dans ce cadre que s'inscrivent notamment, d'une part, la politique d'aide à l'accès au droit et de développement des modes de résolution amiable des litiges, qui fait l'objet d'un projet de loi en cours de discussion devant le Parlement et, d'autre part, la poursuite des réflexions sur la carte judiciaire.

A. LA POLITIQUE D'AIDE À L'ACCÈS AU DROIT ET DE DÉVELOPPEMENT DES MODES DE RÉSOLUTION AMIABLE DES LITIGES

Les citoyens attendent de plus en plus de la justice et il importe de permettre à chacun de faire valoir ses droits quelles que soient ses ressources. Cependant, ainsi que se plaît fréquemment à le rappeler Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, l'accès au droit ne passe pas nécessairement par l'accès à une juridiction.

C'est pourquoi le projet de loi relatif à l'accès au droit, qui vient d'être examiné par le Sénat sur le rapport de notre collègue Luc Dejoie 14( * ) , tend à favoriser le recours aux modes amiables de règlement des litiges (transaction, conciliation, médiation civile ou pénale) qui peuvent permettre de parvenir à un règlement rapide de bon nombre de petits contentieux tout en contribuant à désengorger les juridictions.

Pour encourager le développement de ces modes alternatifs de règlement des conflits, le projet de loi élargit le champ d'application de l'aide juridictionnelle à la recherche d'une transaction avant l'introduction d'une instance devant une juridiction et instaure un mécanisme d'aide à l'intervention de l'avocat en matière de médiation pénale. Le coût de ces élargissements, évalués par la Chancellerie à respectivement 15 et 18,5 millions de francs seulement par an, devrait être limité par les économies résultant de la substitution d'une procédure amiable à une action contentieuse.

Par ailleurs, diverses dispositions sont prévues afin d'améliorer le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle et de parvenir à une meilleure maîtrise de la dépense d'aide juridictionnelle qui augmente rapidement sous l'effet de l'accroissement soutenu du nombre d'admissions (+ 6,6 % en 1997) 15( * ) et atteint désormais près d'1,5 milliard de francs.

Le projet de loi comporte également des dispositions tendant à faciliter la constitution et le fonctionnement des conseils départementaux de l'aide juridique (CADJ) afin de parvenir à une généralisation de ces conseils qui n'ont à ce jour été constitués que dans 28 départements.

La généralisation de ces conseils et le développement de leurs activités ne pourront cependant être menés à bien sans les moyens financiers correspondants et en particulier sans un engagement financier accru de l'Etat.

Une mesure nouvelle de 6 millions de francs 16( * ) est inscrite à cette fin dans le projet de loi de finances pour 1999.

Elle devrait également bénéficier à la poursuite du programme de développement des maisons de justice et du droit qui voient leur existence consacrées par le projet de loi.

A cet égard, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a précisé devant votre commission des Lois qu'elle avait pour objectif de porter de 60 à 80 le nombre de ces maisons de justice.

Le projet de budget pour 1999 prévoit en outre un abondement des crédits des associations oeuvrant dans les domaines de la médiation familiale et de l'aide à l'accès au droit 17( * ) .

B. LES RÉFLEXIONS EN VUE D'UNE ÉVOLUTION DE LA CARTE JUDICIAIRE

Constatant que la carte des juridictions correspondait " plus aux données du XIXème siècle qu'à celles de la fin du XXème siècle ", la mission d'information sur les moyens de la justice constituée par votre commission des Lois en 1996 avait souligné qu'il ne serait pas possible d'éluder le problème de la carte judiciaire.

Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a souhaité poursuivre les réflexions précédemment engagées sur ce sujet.

A cette fin, elle a constitué auprès du directeur des services judiciaires une " mission carte judiciaire " composée d'un délégué à la réforme de la carte judiciaire assisté d'une équipe d'experts (statisticien, informaticien, démographe, géographe-cartographe) et chargée d'étudier la réalité de la situation sur le terrain.

Interrogée par votre rapporteur pour avis sur les travaux de cette mission et sur les intentions du Gouvernement dans ce domaine, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a tout d'abord indiqué, au cours de son audition devant votre commission des Lois, qu'elle avait abandonné l'idée d'une " départementalisation " décidée depuis Paris au profit d'une étude approfondie de la diversité des situations locales.

Après avoir précisé qu'elle entendait mener à bien la réforme de la carte judiciaire au cours de la durée de la présente législature, elle a en outre annoncé devant votre commission des Lois qu'elle commencerait par réformer la carte des tribunaux de commerce , la mission ayant déjà étudié la situation des six cours d'appel comportant le plus de tribunaux de commerce.

Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a ainsi estimé que la carte des tribunaux de commerce pourrait être redessinée d'ici la fin 1999 18( * ) . Cette opération s'inscrira dans le cadre d'une réforme plus générale des tribunaux de commerce qui devrait donner lieu à la présentation d'un projet de loi au cours de l'année prochaine. Selon les indications données par le Garde des Sceaux devant votre commission des Lois, les principaux objectifs de cette réforme devraient être les suivants :

- assurer la mixité au sein des formations de jugement grâce à la présence de juges professionnels dans les tribunaux de commerce et inversement de juges consulaires au sein des cours d'appel ;

- renforcer les règles d'incompatibilité afin d'éviter les risques de conflits d'intérêts ;

- revoir le statut des professions auxiliaires, comme celle des greffiers, notamment afin de renforcer les contrôles externes ainsi que le contrôle des tarifs.

En ce qui concerne les autres catégories de juridictions, le calendrier de la réforme de la carte judiciaire, pourtant indispensable à une répartition plus rationnelle des moyens, demeure plus incertain.

Dans l'attente de cette réforme, les juridictions sont fortement incitées à l'organisation de chambres détachées et d'audiences foraines qui peuvent contribuer à concilier spécialisation, regroupements et maintien d'une justice de proximité.

Par ailleurs, une expérimentation du guichet unique de greffe a été mise en place dans le ressort de cinq cours d'appel sur les sites pilotes de Nîmes, Angoulême, Compiègne, Rennes et Limoges ; il s'agit de permettre au justiciable de déposer des pièces et d'accomplir diverses formalités administratives ou divers actes de procédure en s'adressant à ce guichet unique, même si le contentieux n'est pas jugé sur le même lieu que celui où se trouve physiquement implanté le guichet.

C. DES EFFORTS EN VUE D'UNE MEILLEURE UTILISATION DES RESSOURCES BUDGÉTAIRES

Outre les expérimentations effectuées pour mettre en oeuvre une réforme de la procédure d'exécution de la dépense à l'échelon déconcentré et les actions engagées pour une meilleure maîtrise des frais de justice, qui ont déjà été évoquées 19( * ) , votre rapporteur pour avis souhaite enfin souligner le développement des travaux d ' évaluation en vue d'une amélioration qualitative de l'utilisation des moyens affectés à la justice.

L'Inspection générale des services judiciaires assure, non seulement des missions traditionnelles de contrôle de l'activité des juridictions, mais également des missions thématiques d'évaluation ; ainsi ont par exemple été conduites en 1998 une mission sur le dispositif de protection des majeurs sous tutelle et une mission sur les tribunaux de commerce, ou encore une mission interministérielle relative à la mise en place des contrats locaux de sécurité.

Le Garde des Sceaux entend développer ces missions afin de disposer d'études et d'évaluations des politiques judiciaires déjà mises en place ou à mettre en oeuvre dans le cadre de la réforme de la justice engagée par le Gouvernement.

C'est pourquoi un renforcement des moyens de l'Inspection générale a été prévu dans le projet de loi de finances pour 1999, qui permettra de porter le nombre des inspecteurs de 11 à 16, grâce à la création de cinq emplois.

Des actions de recherche sont en outre menées dans le cadre d'un groupement d'intérêt public (GIP) intitulé " Mission de Recherche Droit et Justice " créé en 1994 ; des appels d'offres ont ainsi été lancés en 1998 en vue de travaux de recherche sur les autorités administratives indépendantes, les modes de réglement des litiges et la politique pénale des parquets. Le montant total des crédits prévus pour la recherche dans le projet de budget du ministère de la justice pour 1999 s'élève à 4,6 millions de francs.

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Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.


1 à structure homogène 1998.

2 Cf. rapport Sénat n° 49 (1996-1997) - M. Charles Jolibois, président - M. Pierre Fauchon, rapporteur.

3 Dernières statistiques complètes connues

4 Par ailleurs, la durée moyenne des procédures dépasse deux ans devant les chambres civiles de la Cour de cassation.

5 Les données relatives aux stocks d'affaires en cours ne sont pas disponibles pour les tribunaux de commerce.

6 Calculé par différence entre la date de la condamnation définitive et celle des faits.

7 à laquelle s'ajoute la création de cinq emplois de magistrats inspecteurs destinée à renforcer les effectifs de l'Inspection générale des services judiciaires.

8 La durée moyenne de ces vacances serait de l'ordre de 3 mois dans les cours d'appel et de 5 mois dans les tribunaux de grande instance.

9 Ceux-ci ne sont compensés dans une juridiction que si le cumul des fractions d'emplois libérés dans une même catégorie atteint l'unité.

10 dont le nombre ne peut excéder 80 par mois dans la limite de 720 par an.

11 Interrogée par votre rapporteur pour avis sur les difficultés constatées à l'occasion de l'organisation du " procès Chalabi ", Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, reconnaissant que le gymnase de l'Ecole nationale pénitentiaire n'était sans doute pas un lieu idéal pour l'organisation de ce procès, a indiqué devant votre commission des Lois qu'elle avait demandé la réalisation d'une étude sur les possibilités d'accueillir de tels procès dans le cadre du palais de justice de Paris.

12 Sauf un en raison d'une opération de relogement.

13 Cf. rapport Sénat n° 486 (1997-1998)

14 Cf. rapport Sénat n° 41 (1998-1999).

15 La poursuite de l'accroissement du nombre des admissions devrait entraîner une hausse mécanique des dépenses évaluée à 150 millions de francs pour 1999.

16 En 1998, le montant total des subventions allouées aux CDAJ par le ministère de la justice a atteint 2,83 millions de francs.

17 A hauteur de respectivement 1,7 et 5,5 millions de francs.

18 Une provision de 5 millions de francs de crédits de paiement et de 10 millions de francs d'autorisations de programme est inscrite dans le projet de loi de finances pour 1999 à titre d'" accompagnement de la réforme de la carte judiciaire ".

19 Cf. p. 27.



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