3. Le contexte actuel des finances sociales ne dégage aucune marge de manoeuvre

a) Les déficits des régimes sociaux et les difficultés persistantes de l'assurance maladie
(1) Les régimes sociaux connaissent des déficits persistants

L'évolution du solde des dépenses du régime général, toutes branches confondues, montre que malgré la tendance à la baisse, amorcée depuis 1995, le déficit persiste à un niveau élevé :

Solde de l'exercice (variation du fonds de roulement)

(en milliards de francs)

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Maladie

- 6,3

- 27,3

- 31,5

- 39,7

- 36,0

- 14,4

Accidents du travail

2,1

- 0,3

- 0,1

1,1

0,2

0,3

Vieillesse

- 17,9

- 39,5

- 12,8

10,2

- 7,8

- 5,2

Famille

6,8

10,7

- 10,4

- 38,9

- 9,6

- 14,0

Total régime général

- 15,3

- 56,4

- 54,8

- 67,3

- 53,2

- 33,3

Source : rapport de la Cour des Comptes sur la Sécurité Sociale de septembre 1998

Solde de trésorerie de l'ACOSS

 

Solde au 31 décembre
(en milliards de francs)

1993

- 51,09

1994

- 62,8

1995

- 62,65

1996

- 55

1997

- 33,47

1998

- 22,7

Source : ACOSS

Même si le déficit devait se réduire avec les comptes de 1998, il demeurera. Le solde de trésorerie de l'ACOSS présente ainsi, avant même l'arrêté des comptes, un solde négatif de plus de 15,3 milliards de francs au lieu de 13,3 milliards de francs prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cette situation intervient pourtant dans un contexte favorable : la croissance a atteint 3,1 % en 1998. La principale source de ce dérapage du maintien du déficit à l'encontre des annonces du Gouvernement alors que les ressources ont été supérieures aux prévisions, provient du déficit non maîtrisé de l'assurance maladie.

(2) L'assurance maladie en perdition

L'assurance maladie voit son déficit pour 1998 augmenter fortement pour atteindre plus de 20 milliards de francs au lieu de 8,5 milliards de prévu. Cette vive progression a deux origines : l'une, technique, vient de l'achèvement du changement de comptabilité qui a entraîné un manque à gagner de 5 milliards de francs ; l'autre, plus grave, est à mettre au débit d'une augmentation des dépenses de santé de 8,5 milliards de francs par rapport aux prévisions.

La tendance pour 1999 montre quant à elle une aggravation de la situation de l'assurance maladie. En mars 1999, les dépenses d'assurance maladie du régime général ont augmenté de 0,5 % par rapport au mois précédent et de 3,2 % par rapport au mois de mars 1998. Au total, la hausse au premier trimestre 1999 par rapport au premier trimestre 1999 s'élève à 3,8 %. Hors hospitalisation, cette augmentation atteint 0,6 % sur un mois et 4,2 % sur un an.

Prestations versées par la Caisse nationale d'assurance maladie
des travailleurs salariés

 

Prestations versées
(en milliards de francs)

Évolution
n / (n-1)

1993

400,913

 

1994

413,864

+ 3,23 %

1995

433,382

+ 4,71 %

1996

447,682

+ 3,29 %

1997

458,567

+ 2,43 %

1998

478,098

+ 4,26 %

3 premiers mois 1999

116,762

+ 3,8 %*

* par rapport aux 3 premiers mois de 1998.

Source : CNAMTS


Au total, les dépenses de l'assurance maladie continuent leur hausse inexorable :

Évolution des dépenses de la CNAMTS au 31 mars 1999

 

1 er trimestre 1999 /
1er trimestre 1998

Dépenses d'assurance maladie

+ 3,8 %

Soins de ville

+ 5,4 %

Médecins libéraux

+ 5 %

Généralistes

+ 5,8 %

Spécialistes

+ 2,1 %

Dentistes

+ 0,5 %

Laboratoires

+ 3,9 %

Infirmiers libéraux

+ 5,1 %

Masseurs - kinésithérapeutes

+ 7,3 %

Orthophonistes

+ 8,2 %

Orthoptistes

+ 2,5 %

Source : CNAMTS

Une partie de la raison de ce dérapage provient de la disparition des principaux mécanismes de régulation des dépenses instaurés par les ordonnances de 1996 suite aux annulations d'un certain nombre de dispositions par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel. Ainsi, l'ONDAM, dont les prévisions sont déjà passées de + 1,7 % pour 1997 à + 2,8 % pour 1999 (par rapport à des dépenses prévues largement inférieures aux réalisations), ne peut il être respecté.

La question du financement de ces déficits reste posée. Les transferts déjà opérés à la CADES de la dette cumulée des régime sociaux se sont élevés à 137 milliards de francs en 1995 et à 87 milliards de francs en 1997. Il paraît aujourd'hui dangereux d'envisager de nouveaux transferts qui se traduiront nécessairement par une hausse des prélèvements actuels ou futurs. De même, la voie de l'augmentation des cotisations est exclue. Seule une maîtrise réelle des dépenses permettra de contenir l'évolution du déficit et d'éviter de reporter sur les générations futures le coût de la négligence des générations actuelles.

b) Les tensions budgétaires actuelles rendent délicate toute hausse de la participation de l'Etat
(1) Un contexte budgétaire toujours contraint

L'amélioration progressive des finances publiques, visible dans la réduction de 28 milliards de francs du besoin de financement de l'Etat et dans la baisse de la part des dépenses publiques dans le PIB, ne doit pas cacher une situation toujours préoccupante laissant peu de marges de manoeuvres pour un relâchement des efforts budgétaires, notamment pour une augmentation des dépenses de l'Etat. Il convient de noter qu'une bonne partie de ces résultats positifs s'observent grâce au changement de base de calcul de la comptabilité nationale (du SEC 79 au SEC 95).

Ainsi, l'amélioration résulte davantage d'une hausse des recettes que d'une diminution des dépenses. Ainsi les dépenses de l'Etat ont augmenté de 27,3 milliards de francs en 1998, celles de rémunération des fonctionnaires progressant de 3 %. Le budget de l'Etat ne dégage toujours pas de solde primaire positif (- 19,5 milliards de francs en 1998). Par ailleurs, le taux de prélèvements obligatoires a progressé et continuera de le faire après l'adoption de ce projet de loi suite à l'instauration de la nouvelle contribution de 1,75 %. La dette publique a continué à croître en 1998.

Le contexte budgétaire actuel ne laisse donc pas la place à une augmentation des dépenses de l'Etat, alors même que la couverture maladie universelle devrait en susciter une.

(2) L'Etat est la variable d'ajustement du financement du volet complémentaire de la couverture maladie universelle

L'Etat supporte plus du tiers du coût initial du projet, et l'essentiel de ses incertitudes financières.

En effet, le projet de loi prévoit une augmentation des dépenses budgétaires correspondant à la subvention de l'Etat au fonds complémentaire, de 1,7 milliards de francs.

De plus, imputé sur le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité le coût des dérives que pourraient occasionner :

• les dépenses de la CNAMTS au titre de la couverture complémentaire supérieures au forfait estimé à 1.500 F par bénéficiaire et par an ;

• les extensions futures de cette prestation, qui apparaît comme un nouveau minimum social ;

• les dépassements de crédits au titre de l'aide médicale de l'Etat, aujourd'hui de 807 millions de francs et ramenés à 400 millions de francs après la mise en oeuvre du projet de loi. Or, s'il retire de la charge de l'Etat la prise en charge de certaines cotisations d'assurance personnelle, le texte adopté par l'Assemblée nationale lui laisse les étrangers résidents en situation irrégulière et les non résidents confrontés à des situations exceptionnelles. Ces dépenses devraient augmenter du fait de la multiplication des situations particulières (sans-abri non hébergés par une association, gens du voyage non sédentarisés, etc.).

Dans le contexte budgétaire actuel, il paraît difficilement envisageable pour l'Etat d'augmenter ses dépenses. Votre commission des finances sera donc particulièrement attentive lors de l'examen de la prochaine loi de finances à l'évolution du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité, pour veiller à ce que les dépenses supplémentaires soient adossées sur des économies réalisées au sein du même département ministériel.

Le financement de la couverture maladie universelle : étude comparative en Europe

Le service des affaires européenne du Sénat a comparé le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle avec les mécanismes existant dans sept pays : Allemagne, Danemark, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse. Il a pour cela retenu trois critères :

• affiliation obligatoire de tous les résidents réguliers sur le territoire à un régime de base de sécurité sociale ;

• bénéfice d'une protection complémentaire étendue (incluant forfait journalier, prothèses dentaires et frais d'optique) pour les personnes les plus démunies ;

• dispense de l'avance de frais.

Cette étude révèle que, mis à part l'Allemagne, tous les pays possèdent un mécanisme équivalent, mais que en général les prestations minimales garanties à l'ensemble de la population sont limitées aux soins ambulatoires et aux frais d'hospitalisation, tandis que les médicaments, les prothèses dentaires et les frais d'optique restent au moins partiellement à la charge des patients.

Quant au financement, les différences sont nombreuses :

• Au Danemark : impôt et participation partielle des patients ;

• En Espagne : régime général et participation très partielle des patients ;

• Aux Pays-Bas : impôt et cotisations sociales ;

• Au Royaume-Uni : impôt et participation partielle des patients ;

• En Suède : régime général et redevance proportionnelle aux revenus des patients ;

• En Suisse : primes forfaitaires des patients, participation aux frais et subventions cantonales.

Source : service des affaires européennes du Sénat

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