EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue le 23 novembre 1999, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Jean Bernadaux sur les crédits de l'enseignement scolaire pour 2000 .

Un large débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Jean-Louis Carrère a souligné le caractère quelque peu " comptable " de la présentation faite par le rapporteur pour avis. Il a rappelé que certains budgets antérieurs, qui étaient pourtant moins satisfaisants, avaient été votés par la majorité du Sénat et que l'évolution du budget de l'enseignement scolaire était pour l'essentiel commandée par celle des rémunérations.

Il s'est par ailleurs demandé si une réduction du nombre des enseignants constituerait la meilleure solution pour relancer une politique efficace en faveur de l'apprentissage de la lecture.

Mme Hélène Luc a souligné les efforts engagés depuis l'an dernier pour réduire les effectifs par classe dans les lycées, et notamment en classe terminale, cette réduction devant faire l'objet d'une programmation sur plusieurs années.

Elle s'est félicitée de certaines mesures prises pour le collège, notamment en matière d'aide individualisée aux élèves, et a souhaité que cette action prioritaire soit confortée par des moyens plus importants.

S'agissant de l'avenir des emplois-jeunes, elle a rappelé que des conventions avaient été signées avec de grandes entreprises publiques, et aussi privées, pour accueillir ces aides-éducateurs en cours ou en fin de contrat ; elle a estimé qu'il convenait de proposer à ces jeunes une véritable formation et de valoriser leur période d'activité à l'éducation nationale, lors de leur passage en IUFM, pour ceux qui se destineraient à l'enseignement.

Elle a par ailleurs estimé que la relance actuelle de l'économie devrait permettre de porter de 3,5 à 5 % la part du PIB consacrée à l'éducation nationale.

Elle a enfin indiqué qu'elle ne pourrait suivre les propositions du rapport et qu'elle voterait le projet de budget de l'enseignement scolaire.

M. Jean-Pierre Fourcade a d'abord fait observer que le budget de l'Etat ne constituait qu'une part de la dépense intérieure d'éducation.

Il a par ailleurs souligné l'imprécision des chiffres concernant l'intégration progressive des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles. Il a enfin estimé que le défaut de maîtrise des apprentissages fondamentaux par les élèves arrivant au collège, s'agissant notamment de la lecture, relevait davantage d'un problème de méthodes que de crédits.

Citant les résultats obtenus par " l'école de la deuxième chance " notamment à Marseille, il a souhaité que diverses méthodes soient expérimentées précocement au plan local, afin de prévenir des rattrapages de plus en plus difficiles au cours de la scolarité au collège, la non-acquisition de ces fondamentaux alimentant, selon lui, certaines formes de délinquance et l'exclusion sociale.

M. Philippe Richert a évoqué le problème de la pérennisation des fonctions assurées par les emplois-jeunes dans les établissements difficiles, qui répondent incontestablement à des besoins d'encadrement traditionnellement remplis par les surveillants.

Il a par ailleurs exprimé ses réserves sur l'extension des bourses de mérite au collège, qui seraient selon lui susceptibles d'introduire une discrimination trop élitiste entre les bons élèves ; il a estimé que cette formule était d'une autre nature que l'ancien système des écoles normales d'instituteurs, où les élèves s'engageaient à servir l'éducation nationale pendant dix ans.

Il a également souhaité que les bourses de collège soient attribuées aux familles selon des critères objectifs, à l'inverse des divers fonds à vocation sociale.

Il a enfin considéré que la revalorisation de la fonction de chef d'établissement devrait faire l'objet de mesures d'urgence, sauf à perpétuer la vacance de nombreux postes.

Jugeant excessive la sévérité du rapporteur, M. Gérard Collomb a estimé qu'il ne fallait pas charger l'éducation nationale de toutes les difficultés de la société ; il a rappelé que l'école restait souvent le dernier service public présent dans les quartiers difficiles et qu'il ne fallait pas demander l'impossible aux enseignants.

Il a fait observer que le taux moyen d'encadrement des élèves par classe recouvrait des écarts très importants et qu'il était difficile de transférer des enseignants des zones rurales aux zones urbaines.

Il a souligné la mobilité importante des aides éducateurs qui devraient, en outre, bénéficier d'une aide plus importante pour préparer des concours.

Il a enfin considéré que la revalorisation de la fonction de chef d'établissement passait d'abord par une revalorisation indemnitaire.

S'appuyant sur son expérience personnelle, M. Jean-Louis Carrère a souligné les efforts entrepris en matière d'apprentissage de la lecture, au travers des groupes psychopédagogiques qui permettent notamment d'évaluer les pré-requis, d'individualiser les durées d'apprentissage pour chaque élève et de changer éventuellement de méthode de lecture au cours de l'année scolaire.

M. Jean Bernard a rappelé que les postes des établissements difficiles, notamment en ZEP, étaient souvent pourvus par de jeunes enseignants et qu'il y avait peu de candidats expérimentés pour occuper de tels postes.

M. Adrien Gouteyron, président , rappelant une visite effectuée par la commission dans un collège difficile de ZEP, a indiqué que la jeunesse des enseignants pouvait aussi être un atout et que le chef d'établissement jouait un rôle essentiel dans la cohérence et la mobilisation de l'équipe éducative.

Estimant que les méthodes d'enseignement ne valaient que par le maître qui les applique, M. Pierre Martin a dénoncé le manque de courage de l'éducation nationale qui se refuse à écarter certains professeurs ne méritant pas de conserver la responsabilité d'une classe et qui hypothèquent la réussite scolaire de trop nombreux élèves.

Répondant à ces interventions, M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis , a notamment apporté les précisions suivantes :

- l'apprentissage de la lecture est en effet plus une question de méthode que de moyens, l'utilisation de certaines méthodes ayant dans le passé " cassé " des générations d'élèves ;

- les aides-éducateurs devraient bénéficier d'une aide adaptée pour préparer les concours ou acquérir une véritable formation complémentaire ;

- les taux moyens d'encadrement des élèves dans l'enseignement primaire, et dans le second degré, recouvrent en effet des réalités très différentes selon les établissements ;

- le travail individuel doit être distingué du travail individualisé qui permet d'évaluer la situation personnelle de chaque élève ;

- entre 1990 et 1998, 121.000 enseignants du premier degré ont bénéficié de mesures catégorielles, statutaires et indiciaires ; à cette dernière date, le Gouvernement a décidé d'accélérer l'unification des corps enseignants du premier degré et d'en rapprocher le terme à 2007, soit 20.735 transformations d'emplois par an ;

- il pourrait être envisagé de moduler le montant des bourses de mérite selon les résultats scolaires afin de ne pas introduire une discrimination entre les bons élèves ;

- les chefs d'établissement sont soumis aux multiples pressions de leur hiérarchie, de l'administration, des parents d'élèves, des enseignants, des élèves ; compte tenu de la difficulté de la fonction, certains d'entre eux sont tentés de revenir à l'enseignement quelques années avant leur départ en retraite ;

- les efforts déployés par les enseignants dans les établissements difficiles doivent être salués, notamment dans certains quartiers qui sont désertés par les autres services publics ;

- en dépit de la réforme du mouvement, trop de jeunes enseignants sont encore affectés dans des établissements difficiles, alors qu'il conviendrait de confier ces classes aux professeurs les plus expérimentés ;

- il importe de veiller tout particulièrement à la qualité du recrutement des personnels de direction qui jouent un rôle décisif dans le bon fonctionnement des établissements.

Suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a décidé de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits pour 2000 de l'enseignement scolaire .

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