AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

A structure constante, les crédits relatifs à la solidarité, d'un montant de 81,3 milliards de francs, augmentent de 4,5 %, ce qui traduit la volonté du Gouvernement de donner une priorité aux actions de lutte contre les exclusions et de développement social.

Toutefois, comme les années précédentes, votre commission a estimé que les évolutions nominales de crédits ne pouvaient pas constituer le seul critère d'appréciation de ce budget.

En matière de versement des minima sociaux, de prise en charge des personnes handicapées ou inadaptées, d'hébergement d'urgence des plus démunis, d'insertion des handicapés en milieu ordinaire, les besoins sont immenses. Le présent budget ne saurait jamais suffire à les combler.

C'est pourquoi il est essentiel de juger si, à partir des moyens qui lui sont alloués, le Gouvernement ajuste sa politique sociale pour rendre plus efficace l'effort de solidarité.

Tout en se félicitant de l'effort continu du Gouvernement pour appliquer la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, votre commission a néanmoins constaté que les minima sociaux, notamment le revenu minimum d'insertion (RMI), absorbaient la majeure partie des marges de croissance des crédits relatifs à la lutte contre les exclusions.

Malgré la baisse du chômage, les effectifs des titulaires du RMI ne se réduisent pas et la revalorisation du niveau de l'allocation induit une forte progression des crédits alloués.

Tout en comprenant le souci d'améliorer le montant du RMI, votre commission a souligné que le retour de la croissance devrait d'abord être utilisé comme un instrument pour chercher à dynamiser le volet insertion du RMI qui reste encore à la traîne.

En matière de développement social, votre commission a constaté l'absence d'évolution sur le dossier de la correction de l'iniquité subie par les rapatriés d'Afrique du nord indemnisés au titre de l'article 46 de la loi de 1970. Concernant la formation des professions sociales, elle a souhaité une meilleure évaluation du coût de la formation des emplois-jeunes qui devraient effectivement trouver des débouchés dans les activités de travail social si le financement du diplôme d'éducateur n'est pas opéré à coût réduit.

S'agissant des handicapés, votre commission a pris acte avec satisfaction de l'effort exceptionnel engagé sur trois ans en faveur de l'insertion des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail, grâce à une mobilisation des fonds de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH). Elle a souligné en revanche le caractère préoccupant de l'augmentation continue des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui ne s'explique pas totalement par la pyramide des âges des populations concernées.

Soulignant que l'AAH ne devait pas être considérée comme un " RMI consolidé ", votre commission a estimé qu'au-delà de l'effort budgétaire annoncé, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) devaient faire l'objet d'une réforme profonde permettant d'assurer leur mise en réseau et une plus grande cohérence de leurs décisions dont le caractère médical doit être réaffirmé.

Concernant le secteur social et médico-social, les dépenses ont continué à augmenter modérément au cours de 1998 confirmant ainsi la tendance constatée depuis 1996.

La mise en place de la réforme du taux directeur opposable, en 1999, intervient donc à un moment favorable ; il reste que cette réforme doit être appliquée avec discernement car, devant les menaces qui se profilent, le taux directeur ne doit pas devenir un instrument qui étranglerait les associations.

En effet, en plus des facteurs de fond qui pourraient conduire à entrer dans un nouveau cycle d'expansion de dépenses après 2000, votre commission a estimé que la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail faisait entrer le secteur social et médico-social dans une période d'incertitude : la réussite de la réforme à coût constant nécessite un effort consenti de modération salariale, une capacité d'anticipation des établissements et une aptitude à la réorganisation du travail en équipe, qui sont autant de paris à tenir. D'une manière générale, si la procédure d'agrément au titre de l'article 16 de la loi du 30 juin 1975 apporte d'utiles garanties, on pourra regretter qu'elle n'ait pas été mise en oeuvre avec plus de souplesse et de " réactivité " aux besoins des établissements.

Enfin, des arrêts récents des juges administratifs et judiciaires peuvent générer des coûts inattendus pour les financeurs : après la question de la fixation des horaires d'équivalence pour les heures de permanence nocturne en chambre de veille -qui semble aujourd'hui résolue au moins pour le passé- se pose celle du statut des foyers à double tarification pour les adultes lourdement handicapés et des règles de prise en charge applicables aux jeunes handicapés maintenus en institut médico-éducatif au-delà de l'âge de 20 ans.

La réouverture de ces dossiers sensibles ne doit pas donner lieu à des transferts de charge au détriment des collectivités locales.

Parce que ce budget ne semble pas suffisamment préparer l'avenir et laisse subsister des risques d'aggravation des dépenses, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité dans le projet de budget pour 2000.

I. LA POURSUITE DU PROGRAMME DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS S'ACCOMPAGNE D'UNE AUGMENTATION TOUJOURS IMPORTANTE DES EFFECTIFS DU RMI

Sur l'ensemble du budget de l'emploi et de la solidarité, qui représente 215 milliards de francs pour 2000, le présent avis de votre commission des Affaires sociales porte exclusivement sur les dépenses liées à la politique de la solidarité financées par le ministère des affaires sociales (hors administration générale et santé publique), c'est-à-dire sur environ 81,3 milliards de francs, soit 5 % des dépenses du budget général.

Ces dépenses s'articulent autour de deux " agrégats " :

- l'agrégat relatif à l'intégration et la lutte contre l'exclusion d'un montant de 44,71 milliards de francs recouvre le RMI, les dépenses des CHRS, l'action sociale de l'Etat pour la réinsertion et la lutte contre l'exclusion ainsi que pour la première fois cette année, les dépenses de l'Etat relatives à la CMU ;

- l'agrégat relatif au développement social, soit 36,5 milliards de francs, assez hétérogène, regroupe notamment les dépenses relatives aux rapatriés, à la formation des travailleurs sociaux, au financement des centres d'aide par le travail (CAT), ainsi que les dépenses d'action sociale de l'Etat destinées aux personnes handicapées et aux personnes âgées.

Avant de présenter les aspects de l'évolution de ces deux agrégats, il convient de rappeler que ce projet de loi enregistre les conséquences de l'adoption de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 relative à la création de la couverture maladie universelle (CMU).

Le budget relatif à la solidarité pour 2000, qui passe de 71,07 à 81,27 milliards de francs, est en augmentation de 14,3 % sur l'année dernière. Cette progression est due pour partie à la mise en place de la couverture maladie universelle qui se traduit par l'inscription de 7 milliards de francs de dépenses nouvelles au titre de la contribution au fonds de financement complémentaire de la CMU ( chapitre 46-82, article 10 ).

Il est important de rappeler que cette réforme va de pair avec une diminution de la dotation générale de décentralisation (DGD) des départements qui est réduite de 9,1 milliards de francs en 2000 ce qui se traduit donc par une diminution des dépenses au titre du budget de l'Intérieur.

Hors CMU, les crédits relatifs à la solidarité augmentent donc de 4,5 %, ce qui est sensiblement plus élevé que le budget général (0,9 %), mais à peu près comparable à l'évolution de l'ensemble des dépenses d'intervention sociale du budget de l'Etat.

La mise en oeuvre de la loi CMU

La loi du 27 juillet 1999 a prévu deux dispositifs :

- une couverture maladie universelle de base obligatoire ouverte aux personnes résidant en France de façon stable et régulière dont les ressources n'excèdent pas 3.500 francs par mois pour une personne seule. Les dépenses de cette couverture de base sont prises en charge directement au sein de la branche assurance maladie ;

- une couverture complémentaire ouverte sous conditions de ressources permettant de bénéficier d'une prise en charge à 100 % des soins (avec la prise en charge intégrale du ticket modérateur), de la prise en charge du forfait hospitalier, ainsi que de divers appareillages. Le bénéfice du tiers payant est étendu aux intéressés qui ont le choix de leur organisme d'affiliation, soit une caisse d'assurance maladie, soit une mutuelle, soit une institution de prévoyance, soit une compagnie d'assurance.

La somme inscrite en dépenses du budget relatif à la solidarité est destinée au financement de la seule couverture complémentaire.

Concernant l'appréciation sur ce dispositif, votre rapporteur renvoie à l'excellent rapport 1( * ) de M Charles Descours présenté lors de l'examen de la CMU ; aucun élément nouveau n'est apparu qui infirmerait les analyses formulées et les inquiétudes exprimées au printemps par votre commission. Alors que la CMU doit entrer en vigueur au 1 er janvier 2000, les décrets d'application ne sont toujours pas entrés en vigueur.

Il est important de souligner que d'ores et déjà, les mutuelles et les assurances ont mis en évidence le caractère insuffisant de la somme de 1.500 francs par bénéficiaire et par an qui a toujours été donnée comme référence par le Gouvernement au moment du vote de la loi pour évaluer le coût du " panier de soins ". Il semble que dans une lettre adressée récemment aux partenaires sociaux, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ait approuvé le principe d'un plafonnement des dépenses dans deux domaines, celui des dépenses de lunetterie et de prothèse dentaire.

Par ailleurs, comme l'a montré M. Charles Descours lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2( * ) , les décisions prises pour assurer le financement de la réduction du temps de travail conduisent à bouleverser l'équilibre qui avait été présenté initialement pour assurer le financement de la CMU en raison de la diminution de la part affectée à la CNAMTS du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et des placements.

Encore convient-il d'observer, comme le fait le rapporteur de votre commission des Finances, que ce budget ne retrace pas l'incidence de la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Cette majoration sera certes progressivement transférée à la CNAF (2,5 milliards de francs dès 2000), mais la pérennisation annoncée aurait dû conduire le Gouvernement à inscrire le reliquat de cette majoration en loi de finances initiale (au budget des charges communes qui finançait traditionnellement cette majoration en collectif budgétaire de fin d'année). Il ne retrace pas davantage le remboursement d'un milliard de francs à la CNAF en contrepartie des dépenses qu'elle engage pour le fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leur famille (FASTIF) annoncé par le Premier ministre lors de la conférence de la famille.

A. LE RMI ABSORBE LA MAJEURE PARTIE DES MARGES DE CROISSANCE DES CRÉDITS RELATIFS À LA LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS

L'action relative à l'intégration et à la lutte contre l'exclusion représente 45 milliards de francs compte tenu de l'apport de la CMU. Sous cette enveloppe, se trouvent les dépenses relatives à des minima sociaux -le RMI et l'allocation parent isolé-, les frais de prise en charge dans les CHRS et diverses dépenses déconcentrées liées à la lutte contre les exclusions.

En-dehors de la CMU, les moyens nouveaux consacrés à l'exclusion représentent 2,6 milliards de francs : mais si l'on décompose, on voit que 90 % de cette marge de manoeuvre soit 2,4 milliards de francs servent à financer le RMI . 262 millions de francs sont consacrés à la lutte contre l'exclusion, notamment pour créer 500 places de CHRS et abonder les fonds d'aide aux jeunes ; encore faut-il noter que, du fait du changement des critères d'attribution de l'aide médicale de l'Etat, dans le cadre de la CMU, une économie budgétaire de 297 millions de francs est réalisée sur ce poste qui n'a plus à prendre en charge les personnes sans résidence stable désormais prise en charge directement par l'assurance maladie. L'aide médicale de l'Etat ne recouvre désormais que la prise en charge des soins prévus pour les étrangers en situation irrégulière ou des non-résidents soignés sur notre sol pour des raisons diplomatiques ou humanitaires.

1. L'effort poursuivi au titre de la lutte contre les exclusions

a) Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale

En application de la loi précitée du 29 juillet 1998, 42 millions de francs de moyens nouveaux sont inscrits dans le projet de budget pour 2000 en vue de financer la création de 500 places nouvelles en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) en 2000. Ce chiffre est identique à celui de 1999.

En matière de crédits d'investissements, 50 millions de francs d'autorisations de programme sont ouverts au titre des subventions d'investissement accordées par l'Etat aux opérations de rénovation de CHRS contre 75 millions de francs en 1999.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la réalisation du programme de prévention et de lutte contre les exclusions annoncé le 4 mars 1998 qui a inscrit l'objectif de transformation de 1.500 places d'hébergement d'urgence en places de CHRS sur trois ans (1998-1999-2000), afin de permettre aux personnes hébergées d'entrer dans un véritable processus d'insertion.

La répartition de ces places entre les différentes régions est réalisée en tenant compte des indices de pauvreté et de précarité de la région et dans la perspective d'un rééquilibrage des moyens des régions les moins dotées.

Pour l'année 1999, 561 places seront effectivement ouvertes et auront donc obtenu une autorisation de création par le préfet de région, dans le cadre d'une convention signée entre l'Etat et l'organisation gestionnaire pour définir notamment les catégories de bénéficiaires accueillis, les objectifs poursuivis et les moyens mis en oeuvre.

La plupart de ces places sont créées dans des structures qui ont une fonction généraliste (accueil de familles et de personnes isolées) ; d'autres sont plutôt spécialisées dans l'accueil de jeunes ou de personnes sans domicile fixe et très " désocialisées ".

Les CHRS relèvent de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales . Comme le confirme la loi du 22 juillet 1983 portant répartition des compétences , les CHRS relèvent du financement et du contrôle de l'Etat, au titre de l'aide sociale obligatoire (chapitre 46-81 du budget solidarité). Il n'est pas inutile de rappeler que l'aide sociale en matière de logement et d'hébergement incombant à l'Etat résulte de la loi du 23 novembre 1953 et qu'elle a été élargie à l'accueil des familles par la loi du 19 novembre 1974.

La capacité des 735 CHRS, qui emploient environ 9.500 personnes, peut être évaluée doublement : les places financées par les crédits d'aide sociale obligatoire de l'Etat s'élevaient au nombre de 29.860 en prévision au 31 décembre 1999.

Mais, si l'on examine l'ensemble des places installées, y compris celles financées par exemple par certaines collectivités locales, le nombre total est évalué à 31.000. A cela, il convient d'ajouter la possibilité pour les CHRS de suivre près de 3.000 personnes en milieu de vie ordinaire sans les héberger.

Au total, les CHRS ont une possibilité d'accueil de plus de 30.000 personnes qui peut être évidemment augmentée temporairement en cas de situation très difficile.

Les personnes hébergées par les CHRS :
des hommes et des femmes en grande difficulté sociale

Selon une étude récente, au 1 er janvier 1998, 22.200 personnes, dont 6.500 enfants, étaient accueillies dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), hors hébergement d'urgence et accueil de jour.

La plupart des adultes vivent seuls et sans enfant, même si le nombre des familles monoparentales augmente depuis une dizaine d'années. Peu nombreux (22 %) sont les adultes qui disposaient d'un logement personnel avant leur admission.

Le nombre d'adultes hébergés ne possédant aucune ressource a baissé : il est passé de 28 % en 1990 à 20 % en 1998. Cette amélioration qui résulte de la montée en charge du RMI ne bénéficie pas au moins de 25 ans. La contribution à la prise en charge par les CHRS est devenue plus systématique : 84 % des adultes participent ainsi financièrement à leur hébergement.

Source : Etudes et résultats, DREES n° 29, août 1999.

Les crédits relatifs aux CHRS appellent deux observations de la part de votre rapporteur.

Tout d'abord, il est toujours important de faciliter l'accès et l'orientation des plus démunis vers les structures d'accueil.

Le fonctionnement du service téléphonique d'urgence ( le " 115 " ) semble toujours connaître certains dysfonctionnements en particulier durant les périodes climatiques difficiles. L'Etat pourrait utilement intervenir pour apporter dans les périodes de pointe un soutien financier et logistique aux organismes qui assurent le fonctionnement des veilles téléphoniques et qui jouent un rôle de service public.

Ensuite, l'article 135 de la loi " exclusions " a posé le principe du droit à la vie familiale normale des personnes accueillies en centres d'hébergement, ce qui génère des dépenses supplémentaires, soit sous forme de travaux d'aménagements d'appartements à la place des actuels dortoirs collectifs, soit sous forme d'aide à l'hébergement en solution hôtelière.

La mise en oeuvre de l'accueil familial, qui est une excellente mesure, nécessite sans doute un effort plus soutenu en matière d'investissement sur les CHRS. Un tel engagement est en fait de nature à générer des économies, car l'éclatement des familles entraîne des dépenses supplémentaires au titre de mesures de placement d'enfants .

b) La poursuite de l'effort au titre des fonds d'aide aux jeunes

La loi du 29 juillet 1992 réformant le RMI a généralisé à l'ensemble du territoire les fonds départementaux d'aide aux jeunes (FAJ) créés par la loi du 19 décembre 1989.

Complété par un décret du 27 mars 1993, le dispositif prévoit la possibilité de verser aux jeunes en difficulté d'insertion sociale et professionnelle, âgés de 18 à 25 ans, des secours temporaires d'urgence, des aides financières destinées à soutenir un projet d'insertion, complétées éventuellement par des mesures d'accompagnement, afin de permettre à ces jeunes d'accéder aux dispositifs de droit commun.

Le financement du dispositif est paritaire entre l'Etat et le conseil général. Une convention, à laquelle peuvent également s'associer les municipalités et des organismes concourant volontairement au financement du FAJ, détermine les modalités et les conditions d'attribution des aides financières.

La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a prévu l'intervention des FAJ pour concourir à l'application du programme TRACE. La contribution de l'Etat à ce dispositif qui s'élevait à 225 millions de francs en 1999, est renforcée dans le projet de loi de finances pour 2000 avec 60 millions de francs de mesures nouvelles. Le montant des crédits pour l'Etat (285 millions de francs) sera doublé compte tenu de la participation obligatoire des départements.

c) L'urgence sociale

L'article 157 de la loi du 29 juillet 1998 précitée prévoit la mise en place dans chaque département, à l'initiative des représentants de l'Etat, d'un dispositif de veille sociale chargé d'informer et d'orienter les personnes en difficulté.

Afin d'être en mesure de remplir cette obligation, le programme de prévention et de lutte contre les exclusions a prévu, sur toute la durée de sa mise en oeuvre, des crédits nouveaux au profit de la veille sociale, ainsi que l'accompagnement social des personnes en difficulté, notamment dans les résidences sociales. En 2000, une mesure nouvelle de 60 millions de francs est proposée à ce titre ( chapitre 46-81 article 20 ). Elle fait suite à la mesure nouvelle de 90 millions de francs inscrite à ce titre en 1999.

Ces crédits sont destinés à être délégués aux services déconcentrés de l'Etat dans le cadre de la dotation globale qui leur est attribuée au titre de la lutte contre l'exclusion. Ils serviront à développer l'ensemble des prestations nécessaires aux personnes frappées ou menacées de grand exclusion : accueil, écoute et orientation, hébergement, aide alimentaire et secours divers, accompagnement social.

d) L'appui social individualisé (ASI)

L'ASI est une mesure d'accompagnement social personnalisé et global, dispensée par des opérateurs sociaux au profit de personnes en difficulté pour les aider à lever les obstacles à leur accès à l'insertion professionnelle et à l'emploi.

Cette mesure est très sollicitée notamment pour la mise en oeuvre du plan national d'action pour l'emploi (PNAE).

La loi précitée du 29 juillet 1998 prévoit un renforcement significatif de son financement, sachant que le coût moyen de la mesure est de 4.800 francs pour le suivi d'une personne pour 6 mois.

Les moyens disponibles en 1999, soit 130 millions de francs, ont permis d'assurer le suivi de 27.083 personnes. Avec l'apport d'une mesure nouvelle de 100 millions de francs, la dotation pour 2000 est portée à 230 millions de francs conformément au programme de lutte contre les exclusions. Ce nouveau niveau de dotation budgétaire a pour objectif de permettre le suivi de près de 50.000 personnes.

e) L'observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion

La loi du 29 juillet 1998 a également prévu la mise en place d'un observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion qui a été doté à hauteur de 5 millions de francs dans le cadre du budget pour 2000 ( chapitre 34-94 article 20 ). Une somme analogue avait été prévue en 1999.

2. Une progression toujours importante du RMI

L'importance des dépenses consacrées au RMI reflète la difficulté de résorber les ravages de l'exclusion, y compris dans une période de reprise de la croissance.

Peuvent bénéficier du RMI tous les résidents en France, sans condition de nationalité -une condition de résidence de trois ans étant toutefois requise pour les ressortissants de pays étrangers- à condition qu'ils soient âgés de plus de 25 ans et qu'ils ne soient pas étudiants, ou s'ils ont moins de 25 ans, qu'ils aient au moins un enfant à charge. L'allocation versée complète les ressources des intéressés de façon à leur garantir un revenu minimum fixé à 2.502,3 francs par mois 3( * ) au 1 er janvier 1999 pour une personne isolée sans enfant à charge et à 3.753,45 francs par mois 1 pour un couple (ce montant est majoré de 750,69 francs par mois pour chaque enfant à charge). L'allocation est conditionnée à un engagement du bénéficiaire à participer aux actions ou activités définies avec lui et nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle. Cet engagement peut être formalisé dans un contrat d'insertion.

Au 31 décembre 1998, la France comptait toujours plus d'un million de titulaires du RMI (1.112.108 foyers), dont 992.286 titulaires en métropole.

Evolution des effectifs et des crédits afférents au RMI

 


Métropole


Evolution


DOM


Evolution


France


Evolution

Crédits budgétaires en MF (1)


Evolution

Décembre 1989

335.514

 

71.567

 

407.081

 

6.000

 

Décembre 1990

422.101

25,8 %

88.044

23,0 %

510.145

25,3 %

8.668

+ 45 %

Décembre 1991

488.422

15,7 %

93.939

6,7 %

582.361

14,2 %

14.325

+ 65 %

Décembre 1992

575.034

17,7%

96.208

2,4 %

671.242

15,3 %

13.168

- 8 %

Décembre 1993

696.589

21,1 %

96.355

0,2 %

792.944

18,1 %

16.631

+ 26 %

Décembre 1994

803.303

15,3 %

105.033

9,0 %

908.336

14,6 %

19.217

+ 16 %

Décembre 1995

840.839

4,7 %

105.171

0,1 %

946.010

4,1%

22.022

+ 15 %

Décembre 1996

903.804

7,5 %

106.668

1,4 %

1.010.472

+ 6,8 %

23.179

+ 5 %

Décembre 1997

956.596

5,8 %

111.305

4,3 %

1.067.901

+ 5,7 %

24.230

+ 4,5 %

Décembre 1998

993.286

3,8 %

118.822

6,8 %

1.112.108

+ 4,1 %

26.227

+ 8,24 %

(1) En millions de francs, compte tenu des lois de finances rectificatives

a) Le coût total du RMI est supérieur à la seule dotation budgétaire

Le coût total du RMI est sensiblement plus élevé pour l'ensemble de la collectivité nationale que la seule dotation budgétaire destinée à financer l'allocation. Il s'élève en réalité à près de 50 milliards de francs en 1998 .

Il faut prendre en compte tout d'abord les frais de gestion du dispositif, la créance de proratisation dans les DOM, le coût de l'aide médicale assurée par l'Etat pour les personnes sans domicile fixe et le coût de la mise en oeuvre des aides à l'emploi, en plus des crédits destinés au financement de l'allocation stricto sensu .

Les frais de gestion directe, pour la part qui est assumée par l'Etat (hors moyens des caisses d'allocations familiales), s'élèvent environ à 250 millions de francs. Le coût de la créance de proratisation 4( * ) dans les DOM s'élève à 809 millions de francs pour 1999. L'aide médicale de l'Etat versée pour les titulaires du RMI sans domicile fixe s'élève à 420 millions de francs en 1998. Les majorations d'aide au logement dont bénéficient les allocataires RMI s'élèvent à 1,1 milliard de francs en 1998.

Le poste essentiel reste celui du coût des mesures pour l'emploi (contrat emploi consolidé, contrat emploi solidarité, emplois-jeunes) mises en oeuvre au profit des titulaires du RMI dont le montant total est estimé à 8,35 milliards de francs pour 1998 , soit une multiplication par six depuis la mise en place du dispositif (1 milliard de francs en 1989).

A cela, il faut ajouter la part des départements qui représente, au titre de la contribution obligatoire et de l'assurance personnelle, environ 10,6 milliards de francs en 1998.

Les crédits d'insertion des départements résultent de l'obligation légale d'inscrire à leurs budgets 20 % des sommes versées par l'Etat l'année précédente au titre de l'allocation, afin de financer des actions d'insertion pour les bénéficiaires du RMI : ce montant, qui représentait 1,98 milliard de francs en 1992, est passé à 4,4 milliards de francs en 1997 .

A ces dépenses d'insertion, il faut ajouter les frais de santé comprenant la prise en charge de l'assurance personnelle pour les personnes non assurées sociales et ne relevant pas de la CAF (familles) ou de l'Etat (SDF) et la couverture maladie à 100 % des bénéficiaires. Les crédits engagés par les départements pour améliorer la couverture sociale des bénéficiaires du RMI se sont élevés à 6,2 milliards de francs en 1998, y compris 732 millions de francs que la loi autorise à prélever sur les crédits d'insertion 5( * ) .

Tableau récapitulatif des dépenses liées au RMI en 1998

(en milliards de francs)

 

Etat

Conseils généraux

Total

Allocation RMI

27,8

 
 

Mesures emploi (e)

8,35

 
 

Crédits d'insertion DOM

0,84

 
 

Frais de gestion dispositif

0,25

 
 

Majoration d'aide au logement (e)

0,85

 
 

Aide médicale de l'Etat (e)

0,42

 
 

Crédits d'insertion

 

4,48

 

Assurance personnelle (e)

 

2,98

 

Aide médicale (e)

 

3,3

 

Total

39,61

10,36

49,97

Total en %

79 %

21 %

 

(e) estimation

b) La baisse du chômage n'entraîne pas l'effet à la baisse des effectifs du RMI ni de son coût budgétaire

Il est observé un ralentissement du rythme d'augmentation annuel des effectifs du RMI qui passe à 4,1 % en 1998, soit le meilleur taux depuis le début du dispositif, loin des 15 % d'augmentation par an observés de 1990 à 1994.

Il reste que la baisse du chômage, notamment de longue durée, observée en 1998 n'a permis qu'une limitation de la hausse des effectifs du RMI et non une inversion de tendance. Selon la Délégation interministérielle au RMI (DIRMI), la précarité accrue du marché du travail, la diminution sur l'année de la part des chômeurs qui bénéficient d'une indemnisation, mais également l'augmentation du nombre d'allocataires cumulant, grâce au mécanisme de l'intéressement, revenus d'activité et allocation RMI (environ 16 % des effectifs en métropole), expliquent en grande partie ce décalage.

Il est frappant de constater que la diminution du nombre des entrées dans le dispositif RMI ne va pas de pair avec une augmentation significative des sorties.

Comme les deux années précédents, les sorties ont continué à progresser fortement sur la première moitié de l'année 1998 (+ 8,4 % par rapport au premier semestre 1997) ; cependant, la tendance s'est inversée au second semestre 1998, avec une baisse de plus de 7 % par rapport à la même période de 1997. Cette baisse enregistrée sur la seconde moitié de l'année est en grande partie liée à la diminution du nombre des entrées observée au premier semestre qui limite de fait le niveau potentiel des sorties, on rappellera en effet qu'un tiers des entrants au RMI sortent avant six mois .

•  Sur le plan financier, l'incidence des revalorisations du montant de l'allocation est incontestable.

Le taux d'accroissement de 8,24 % des dépenses, en 1998, a, pour raison principale, la décision du Gouvernement de verser à titre exceptionnel aux allocataires à la fin de l'année une allocation forfaitaire correspondant à 3 % du montant annuel de leur allocation, dans le but de leur faire partager les fruits de la croissance économique. Les crédits en loi de finances initiale pour 1998 ont été, pour ce faire, abondés, en collectif budgétaire, de 900 millions de francs.

Le coût prévisionnel et provisoire des dépenses d'allocation RMI pour 1999 est estimé, à la fin du second semestre 1998, à 28,1 milliards de francs. Il comprend les dépenses d'allocation versées par les CAF ainsi que par les caisses de mutualité sociale agricole pour la France entière.

Trois facteurs principaux sont mis en avant pour expliquer la croissance des dépenses pour 1999 :

- la revalorisation par le Gouvernement de 3 % du montant de l'allocation de RMI à compter du 1 er janvier 1999 à l'instar d'autre minima sociaux (allocations d'insertion et de solidarité spécifique). Cette revalorisation est supérieure de 1,8 point à celle résultant de l'obligation légale ;

- l'amélioration des règles d'incitation à la reprise d'une activité avec le cumul rendu possible par le décret n° 98-1070 du 27 novembre 1998 du RMI avec des revenus d'activité ;

- le nouveau cumul possible du RMI avec la majoration pour âge des allocations familiales et de l'allocation pour jeune enfant versée pendant la grossesse (décret n° 98-950 du 26 octobre 1998) .

La dotation pour 2000 subit l'effet de " recalage " dû la non-prise en compte dans les crédits de la loi de finances initiale pour 1999 du coût de la revalorisation de 3 % du montant de l'allocation.

Elle est fondée sur une progression, en valeur, de 0,8 % du montant de l'allocation mais aussi sur une progression de 3 % des effectifs qui montre que le Gouvernement ne se place pas dans l'hypothèse d'une baisse de la population des bénéficiaires du RMI.

En tout cas, la hausse des crédits constatée pour 2000, près de 9 %, est donc largement la conséquence du fort coût de la revalorisation de 3 % du montant de l'allocation décidée à la fin de 1998 par le Premier ministre au titre des " fruits de la croissance ".

Bien entendu, le souci de revaloriser le niveau des minima sociaux est compréhensible, mais il serait préférable de considérer le retour de la croissance comme un instrument pour rechercher à favoriser la réinsertion des titulaires du RMI plutôt que comme une manne à distribuer .

Or, de ce point de vue, force est de constater que l'insertion ou la réinsertion des titulaires du RMI dans la vie active est encore insuffisante .

c) Le volet insertion du RMI reste à la traîne

Comme l'a confirmé une enquête de l'INSEE en début d'année, un tiers des allocataires sortent du dispositif au bout de six mois.

Une étude de la DREES 6( * ) a mené une analyse statistique détaillée sur les 30 % d'allocataires du RMI en décembre 1996 qui ne percevaient plus cette allocation, un an après, en janvier 1998.

Pour les deux tiers de ces personnes, la sortie du RMI est liée à l'obtention d'un emploi ou d'un stage (par lui-même ou par son conjoint).

En revanche, pour le tiers restant, les motifs de sortie ne correspondent pas à une réinsertion. Il est frappant de constater que les intéressés, dans une proportion non négligeable, " glissent " dans un autre système de protection. Dans 50 % des cas, la personne en question bénéficie d'une autre allocation (allocation chômage, API, minimum vieillesse), 20 % des personnes concernées ont ainsi obtenu l'AAH ou une pension d'invalidité.

Les autres motifs de sortie sont liés, soit à un changement de vie familiale (9 % des cas), soit à un problème administratif (non-envoi de la déclaration trimestrielle de ressources...).

Les motifs de sortie du RMI sont donc complexes et imbriqués et ne confirment pas toujours le succès d'une démarche de réinsertion.

Enfin, selon une enquête menée par l'INSEE 7( * ) auprès de 10.000 allocataires en septembre 1997, puis en janvier et février 1998, les " contrats d'insertion " auxquels adhèrent certains allocataires du RMI, favorisent certes la sortie du dispositif RMI vers les contrats emploi solidarité (CES), mais ils " n'augmentent pas sensiblement les chances d'accès aux emplois ordinaires, à temps plein ou temps partiel ".

En outre, dans le cadre de son échantillon, l'INSEE a constaté que 40 % des bénéficiaires du RMI seulement avaient signé un contrat d'insertion avec les services sociaux (ce taux est en moyenne de 50,3 % si l'on rapporte le nombre de contrats signés aux effectifs selon la DIRMI).

La diminution du rythme du flux des entrées au RMI, qui pourrait résulter de la croissance, laisse ouverte la question de la réinsertion du " stock de bénéficiaires " du RMI de longue durée qui sont les publics les plus difficiles à réinsérer.

Qu'ils soient âgés de plus de 50 ans, qu'ils aient quitté leurs études au niveau du primaire ou qu'ils soient illettrés, le " noyau dur " des titulaires du RMI ne semble pas encore se résorber malgré la mise en place de la loi contre les exclusions .

Il faut prendre garde que la revalorisation de l'allocation ne devienne pas un palliatif commode, mais coûteux, à la faiblesse du disposition d'insertion.

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