INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La progression de 3,84 % l'an prochain des crédits de la sécurité civile résulte, pour l'essentiel, des conséquences de la professionnalisation des armées, les personnels appelés du service national devant être remplacés par des engagés et des volontaires.

Cette évolution ne traduit pas, en revanche, un effort particulier pour poursuivre le renouvellement des moyens aériens de la sécurité civile.

L'attachement constant de l'opinion publique à la qualité de prestations de plus en plus diversifiées des services de sécurité civile, a été conforté par l'efficacité, le professionnalisme et le dévouement dont les personnels de sécurité civile ont su faire preuve, lors des graves inondations qui ont récemment frappé plusieurs départements du sud de la France.

Ces inondations ont aussi illustré les limites de la politique de prévention des risques naturels, qui mériterait d'être mieux définie, ce qui supposerait d'y associer de façon plus étroite les élus locaux, au lieu de les mettre injustement en cause.

Votre commission des Lois, unanime, tient à rendre hommage à tous les secouristes, et, en particulier, aux 18 sapeurs-pompiers, au mécanicien-sauveteur et au démineur décédés en service l'an dernier et aux 8 sauveteurs ayant trouvé la mort au cours des dix premiers mois de l'année.

Elle constate que les diverses mesures indemnitaires et statutaires d'harmonisation prises en faveur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, à l'occasion de la départementalisation des services d'incendie et de secours, pour justifiées qu'elles soient, ont un coût élevé pour les collectivités territoriales.

Elles provoquent en effet, combinées avec la départementalisation des services d'incendie et de secours, une augmentation inquiétante des charges pour les collectivités concernées, dont les sapeurs-pompiers doivent mesurer toute l'importance.

Sans remettre en cause la nécessité de payer le prix de la sécurité civile -élément de la sécurité- votre commission des Lois souligne la nécessité d'une révision approfondie et concertée des conditions de son financement.

Votre commission des Lois s'est d'ailleurs interrogée sur l'opportunité d'engager une réflexion complémentaire sur la mise en oeuvre des lois du 3 mai 1996 sur la sécurité civile, qui figurera aussi parmi les thèmes du groupe sénatorial d'études sur la sécurité et la défense civiles, qui vient d'être constitué et dont le président est notre excellent collègue M. Paul Girod.

Aussi, après avoir examiné les principales orientations budgétaires pour la sécurité civile et illustré son intervention dans quelques domaines, votre rapporteur montrera que le succès des réformes de la sécurité civile est lié à la maîtrise de l'évolution des charges et à une meilleure répartition de l'effort financier.

I. LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ CIVILE POUR 2000

Les crédits budgétaires engagés par l'Etat au titre de la sécurité civile relèvent, non seulement du ministère de l'intérieur, mais également de plusieurs autres départements ministériels : agriculture et pêche, outre-mer, finances, équipement, transport et logement, budget annexe de l'aviation civile, emploi et solidarité.

Pour 2000, le total des crédits de l'Etat s'élèvent à 2.021,97 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement et 577,85 millions de francs en autorisations de programme. Les dépenses ordinaires et crédits de paiement au titre du ministère de l'intérieur représentent 62,94 % des dépenses de l'Etat prévues pour la sécurité civile en 2000.

Les crédits du ministère de l'intérieur correspondent principalement au financement des moyens opérationnels de l'Etat (flotte aérienne, unités militaires et service de déminage), les collectivités territoriales supportant les charges des services départementaux d'incendie et de secours.

A. LES CRÉDITS INSCRITS AU BUDGET DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

L'évolution des crédits affectés à l'agrégat 03 " sécurité civile " du ministère de l'intérieur est retracé dans le tableau ci-après 1( * ) :

 

Crédits votés pour 1999

Crédits demandés pour 2000

Evolution

en %

Dépenses ordinaires (DO)

 
 
 

- Titre III : moyens des services

880,73

943,21

+ 7,09

- Titre IV : interventions publiques

77,35

79,35

+ 2,59

TOTAL DEPENSES ORDINAIRES

958,08

1.022,56

+ 6,73

Dépenses en capital (CP)

 
 
 

- Titre V : investissements de l'Etat

262,50

244,92

- 6,70

- Titre VI : subventions d'investissement

-

-

-

TOTAL DEPENSES EN CAPITAL

262,50

244,92

- 6,70

TOTAL DO + CP

1.220,58

1.267,48

+ 3,84

Autorisations de programme (Titre V)

243

269

+ 10,70

(en millions de francs)

Les crédits de l'agrégat " sécurité civile " du ministère de l'intérieur pour 2000 atteignent un montant total de 1.267,48 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, en progression de 3,84 % par rapport aux crédits votés dans la loi de finances pour 1999, traduisant, pour l'essentiel, les conséquences de la professionnalisation des armées.

La progression de 7,09 % des dépenses du titre III (moyens des services) provient essentiellement de celles de personnel (représentant 334 millions de francs, soit + 13 %), pour la création de 367 emplois d'engagés et de volontaires et de 442 emplois militaires à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, pris en charge par l'Etat à hauteur de 25%, le solde étant financé par les communes et les départements de Paris et de la " petite couronne ".

La professionnalisation des personnels du Bataillon des marins-pompiers de Marseille est, en revanche, supporté par les collectivités concernées, l'Etat ne participant pas à son financement.

Les crédits alloués au fonctionnement des services opérationnels (198 millions de francs, en progression de 1,5 %) permettront de consolider la location de l'Hercules C130 et de poursuivre la modernisation du service de déminage.

Comme les années précédentes, ces crédits correspondent au seuil minimum pour assurer le maintien de la capacité d'intervention de la sécurité civile.

Les dépenses d'investissement enregistrent une baisse de 6,70 % en crédits de paiement et une progression de 10,70 % en autorisations de programme.

Aucun crédit d'investissement n'est inscrit au titre des moyens aériens, puisque le remplacement des Canadair est achevé, les crédits inscrits en 1999 sont suffisants pour faire face, l'an prochain, aux échéances du marché de renouvellement des hélicoptères conclu l'an dernier, et que le programme de remotorisation des Tracker est suspendu en 2000.

B. LES AUTRES CRÉDITS CONSACRÉS À LA SÉCURITÉ CIVILE

Le tableau suivant retrace les crédits prévus pour la sécurité civile par les différents ministères en 2000, tels qu'ils apparaissent dans l'état récapitulatif présenté en annexe " au bleu " du ministère de l'intérieur :

 

Dépenses ordinaires et crédits de paiement

Autorisations

de

programme

Intérieur et décentralisation

1.272,53

269

Agriculture et pêche

317,52

138,20

Outre mer

0,84

-

Economie, finances et industrie

148,79

6,45

Equipement, transport et logement

187,51

44,20

Budget annexe de l'aviation civile (BANAC)

45

-

Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien

254

120

Emploi et solidarité

91,79

-

TOTAL HORS INTERIEUR

749,44

308,85

TOTAL GENERAL

2.021,97

577,85

(en millions de francs)

Hors crédits inscrits au budget du ministère de l'intérieur, le montant des dotations prévues par les différents ministères concernés en faveur de la sécurité civile pour 2000 s'élève donc à un total de 749,44 millions de francs, soit une baisse de 18,48 % par rapport aux dotations prévues pour 1999.

Parmi ces crédits, on peut relever plus particulièrement :

- les crédits du ministère de l'agriculture, pour financer des travaux d'entretien destinés à la protection des forêts contre les incendies et à subventionner le Conservatoire de la forêt méditerranéenne ;

- les crédits du ministère de l'équipement, destinés aux centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), aux services des affaires maritimes et à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) ;

- les crédits du budget annexe de l'aviation civile et du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, consacrés à la sûreté des aéroports.

La dispersion de ces crédits traduit la multiplicité des missions de sécurité civile.

C. L'INCIDENCE DE LA PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES SUR LES MOYENS EN PERSONNEL

La suspension du service national rend nécessaire le remplacement par des personnels militaires des appelés du contingent servant dans les unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC).

Un programme de trois ans devrait permettre la création de 1.088 emplois militaires, pourvus en nombre approximativement égal par des engagés et par des volontaires du service national.

Le coût moyen de ces volontaires est certes inférieur de moitié à celui d'un militaire engagé, mais le choix opéré tient compte de l'incertitude qui règne sur l'attractivité du nouveau régime des volontaires.

La première tranche du programme s'est traduite en 1999, selon les prévisions, par la création de 367 emplois militaires.

Pour l'an 2000, il est prévu le recrutement de 367 engagés et volontaires à la place de 435 appelés dont l'emploi sera supprimé.

Par ailleurs, afin de concentrer les moyens humains et matériels dans des unités totalement opérationnelles, trois unités seront maintenues (Nogent-le-Rotrou, Corte et Brignoles) après dissolution de celle de Rochefort-sur-Mer, effective depuis le 1 er juin 1999 et le redéploiement sur Nogent-le-Rotrou, depuis le 1 er septembre 1999 du détachement technologique situé à Chartres.

La réforme des armées aura aussi des conséquences pour l'organisation des services de secours à Paris et à Marseille qui sont, pour des raisons historiques, constitués par des structures à statut militaire.

Le remplacement en 2000 de 442 appelés de la Brigade des sapeurs pompiers de Paris coûtera 44 millions de francs dont 11 millions à la charge de l'Etat, le reste étant supporté par les communes et les départements de Paris et de la " petite couronne ".

Celui des appelés du contingent servant au Bataillon des sapeurs pompiers de Marseille se traduira, en 2000, par une dépense supplémentaire de 34 millions de francs, à la charge exclusive des collectivités concernées.

D. LE PROGRAMME D'INVESTISSEMENT

1. Le règlement du marché d'acquisition des Canadair CL 415

Le programme de livraison des 12 appareils amphibies bombardiers d'eau Canadair CL 415 , acquis à la suite d'un marché de 1.520 millions de francs conclu en octobre 1991, a été achevée en 1997 avec un retard de 16 mois.

Malgré la qualité opérationnelle des appareils, des difficultés techniques liées à leur mise au point restent encore à surmonter.

Le paiement de la somme de 28,7 millions de francs pour règlement définitif du marché est subordonné à la résolution du contentieux avec la société Bombardier concernant la reprise de deux appareils de la génération précédente (CL 215), pour lequel un accord de principe a pu être trouvé le 19 mai 1999 sur la base d'une cession pour 65,45 millions de francs.

2. Le renouvellement de la flotte d'hélicoptères

La flotte d'hélicoptères de secours de la sécurité civile qui comprend actuellement 25 " Alouette III ", 3 " Dauphin " et " 5 " Ecureuil " se caractérise par une grande vétusté (entre 20 et 30 ans d'activité et 10.000 heures de vol environ) qui entraîne un accroissement inquiétant de leur indisponibilité, une maintenance de plus en plus onéreuse, notamment parce que les pièces de rechange ne sont plus fabriquées en série.

Aussi un marché de un milliard de francs a-t-il été conclu avec la société franco-allemande Eurocoptère le 23 juillet 1998 pour l'acquisition de 32 machines d'un type unique, les livraisons étant prévues selon un échéancier de 5 ans à partir du printemps 2000.

Le programme des livraisons a cependant été reporté
, celles-ci devant s'échelonner entre juin 2001 et mars 2006 , en raison de difficultés apparues lors de la mise en fabrication.

Les crédits prévus en 1999 seront suffisants pour faire face aux échéances de l'an prochain.

3. La remotorisation des bombardiers d'eau Tracker

La flotte de 12 avions bombardiers d'eau de type Tracker, affectée à la lutte contre les feux de forêt, a été acquise d'occasion depuis 1982, sa fabrication remonte à 1960 et ces appareils ont environ 10.000 heures de vol chacun.

Aussi, un programme de remotorisation progressive a-t-il été engagé depuis 1986 et compte tenu du traitement en cours d'un Tracker, il reste encore un appareil à traiter.

Cette opération apparaît importante, s'agissant d'appareils dont les performances sont augmentées de 30 % par la remotorisation, permettant en particulier une diminution des délais de mise en route et une augmentation de leur vitesse de croisière.

De plus, la remotorisation permet une diminution des coûts de maintenance.

Pourtant, la dernière remotorisation ne sera pas effectuée en 2000, aucun crédit n'étant prévu à cet effet (marché Canadair terminé et report de celui des hélicoptères).

Le marché en cours arrivant à échéance le 3 mai 2000, l'achèvement du programme nécessitera la conclusion d'un nouveau contrat.

En définitive, la suspension de cette opération est d'autant plus paradoxale que l'effort financier d'investissement apparaît limité en 2000.

E. LA MISE EN oeUVRE DE LA SÉCURITÉ CIVILE DANS QUELQUES DOMAINES D'INTERVENTION

1. La lutte contre les incendies de forêt

L'évolution des surfaces brûlées et des départs de feu depuis dix ans est la suivante :

Année

Départements méditerranéens

Aquitaine Massif landais

Autres départements

Total

 

Surfaces brûlées (1)

Nombre de feux

Surfaces brûlées (1)

Nombre de feux

Surfaces brûlées (1)

Surfaces brûlées (1)

Nombre de feux

1989

56 896

3 318

7 838

1 369

10 831

75 566

6 743

1990

54 671

3 296

10 062

1 058

7 963

72 696

5 877

1991

6 540

2 392

810

865

1 750

9 100

3 888

1992

13 000

2 865

554

307

4 446

18 000

5 381

1993

11 745

2 963

390

1 008

4 978

17 113

5 850

1994

21 330

2 600

352

902

2 520

24 200

4 600

1995

9 933

2 346

1 919

1 697

6 648

18 500

7 060

1996

3 100

1 789

580

1 350

7 720

11 400

6 401

1997

12 230

2 784

1 868

1 495

7 325

21 423

7 643

1998

11 242

2 587

500

1 332

7 338

19 080

5 600

(1) en hectares

Pour 1999, le bilan provisoire, établi à la date du 22 août, s'établit ainsi :

 

Surfaces brûlées (1)

Nombre de feux

 

1er janvier

au 22 août

dont saison

estivale

1er janvier

au 22 août

dont saison

estivale

Départements méditerranéens

14 670

10 170

2 343

2 030

Autres départements

2 160

930

2 250

1 025

TOTAL

16 830

11 100

4 593

3 055

(1) en hectares

Le bilan au mois d'août 1999 est meilleur que l'année dernière à pareille époque (16 830 hectares brûlés au lieu de 19 120 hectares en 1998 ; 4.593 départs de feu en 1999 au lieu de 8 086 l'année précédente).

Toutefois, des circonstances particulières pouvant provoquer des variations sensibles d'une année à l'autre, il apparaît préférable de considérer les chiffres sur plusieurs années.

La moyenne annuelle des superficies affectées au cours des cinq dernières années complètes (1994-1998) s'établit à 19 000 hectares contre 38 000 lors des cinq années précédentes (1989-1993). Ces résultats traduisent les efforts importants accomplis par les services de sécurité civile.

La proportion des incendies dont la cause n'a pu être identifiée a sensiblement régressé au fil des années (40 % en 1998 au lieu de 70 % en moyenne au début des années 1990).

Parmi ceux dont l'origine a été élucidée, la moitié environ provient d'imprudences commises lors d'activités de loisir ou à l'occasion de travaux agricoles ou forestiers.

Plus du tiers des incendies de forêt s'explique par des actes de malveillance, tandis que les installations publiques défectueuses et les éléments naturels sont à la source de respectivement 8 % et 3 % des sinistres.

On soulignera que les choix, notamment pour les investissements lourds, doivent, malgré les difficultés budgétaires, prendre en considération les conséquences des incendies en termes de vies humaines, tant pour les sapeurs-pompiers que pour les populations, de risques pour les habitations voisines et de destruction de la végétation.

2. Le déminage

L'unité de déminage, constituée aujourd'hui de 150 spécialistes, a pu détruire ou neutraliser, entre 1945 et 1985, 13,5 millions de mines, 23 millions d'obus ou autres explosifs et 650 000 bombes. Les opérations engagées au cours de la période ont provoqué la mort de 596 démineurs.

En 1998, il a pu être procédé à la neutralisation de 454 tonnes de munitions (539 en 1997). L'unité de déminage est intervenue sur 2 161 objets suspects, dont 74 contenaient réellement de l'explosif et a participé à la sécurité de 253 voyages officiels.

Un démineur est décédé en service en 1998 et deux ont trouvé la mort depuis le début de cette année.

Devant votre commission des Lois, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a précisé que le dépôt de Laon-Couvron, mis en service en 1998 après l'arrêt des destructions en Baie de Somme et la fermeture du dépôt du Crotoy, serait étendu à partir de l'an prochain.

3. La prévention des risques naturels

Les graves inondations survenues les 12 et 13 novembre derniers dans plusieurs départements du sud de la France, ayant provoqué le décès de 30 personnes, et le cyclone survenu ces derniers jours dans les Antilles, illustrent une nouvelle fois 2( * ) la nécessité de prendre des dispositions pour prévenir ou limiter les conséquences des catastrophes naturelles.

La loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement et à la protection de l'environnement a prévu l'élaboration de plans de prévention des risques naturels (PPR) dans les zones à risques (inondations, mouvements de terrain, avalanches, incendies de forêt, séismes, éruptions volcaniques, tempêtes ou cyclones).

Les PPR , élaborés par les services du ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, constituent des documents portant servitude d'utilité publique, annexés aux plans d'occupation des sols .

Ils fixent des normes de construction, définissent des mesures de prévention et prescrivent, si nécessaire, la réalisation d'aménagements.

Or, de nombreuses communes situées dans des zones inondables ne disposent pas encore de PPR. Ainsi, dans l'Aude et le Tarn, respectivement 17 et 49 plans sont en cours d'instruction, mais aucun n'a encore été finalisé.

Au plan national, 2.071 communes sont dotées d'un plan de prévention des risques naturels.

Plusieurs membres de votre commission des Lois ont émis des doutes sur l'efficacité des plans de prévention des risques naturels .

Quoiqu'il en soit, l'instance d'évaluation de la politique publique de prévention des risques naturels a estimé, dans un rapport publié en 1998, à 10.000 le nombre de communes dont l'exposition à un risque naturel justifierait l'adoption d'un PPR, le programme établi permettant d'espérer que 5.000 d'entre elles en soient dotées d'ici 2005.

Les difficultés pour l'élaboration de ces plans peuvent tenir, pour une part, à des raisons budgétaires, encore que les crédits affectés à ces opérations ont varié de 42 millions de francs en 1998 à 67 millions de francs cette année, 75 millions de francs étant prévus pour l'année prochaine.

Les difficultés peuvent aussi être liées à des questions de développement économique local, un PPR pouvant, par exemple, réduire les possibilités de création d'une zone artisanale dans un secteur inondable.

Cependant, pour l'essentiel, les obstacles semblent provenir d'une information insuffisante des élus locaux, comme de nombreux membres de votre commission des Lois l'ont souligné, l'Etat ne paraissant pas les associer de manière satisfaisante à la politique de prévention.

Aussi, plusieurs membres de la commission se sont-ils étonnés de la mise en cause d'élus par certains, à la suite des récentes inondations, alors que celles-ci résultent manifestement d'une catastrophe naturelle d'une ampleur exceptionnelle.


Selon M. Philippe Masure, expert au Bureau des recherches géologiques et minières, les sommes consacrées à l'indemnisation des victimes, provenant de la surprime " catastrophes naturelles " des contrats d'assurance, portée cette année de 9% à 12% , s'élèvent à 5 milliards de francs par an et, faute d'une politique de prévention plus efficace, ne pourraient que progresser encore dans les années à venir 3( * ) .

Il conviendrait donc que l'Etat, responsable de la politique de prévention des risques naturels, associe plus étroitement les élus locaux et la population à cette politique.


Telle paraît être l'une des conclusions du rapport sur la prévention des inondations que M. Yves Dauge, député, doit remettre dans les prochains jours au Premier ministre, puisque, selon une information publiée dans la presse 4( * ) , ce parlementaire soulignerait " l'absence de responsabilisation des citoyens qui s'est construite au nom même de la responsabilité des décideurs publics ".

4. Le financement des opérations de secours consécutives à la pratique de sports " à risques "

Depuis plusieurs années, lors de l'examen du budget de la sécurité civile, votre rapporteur exprime sa préoccupation devant l'accroissement sensible des opérations de secours provoquées par l'imprudence de sportifs et sur leur coût élevé, à la charge des communes qui ne peuvent en demander le remboursement aux personnes secourues que lorsque l'accident est consécutif à la pratique du ski.

Cette situation a conduit votre commission des Lois à adopter, le 27 octobre 1999, sur le rapport de notre excellent collègue M. Jean-Paul Amoudry 5( * ) , une proposition de loi de M. le président Jean Faure , qui serait examinée en séance publique par le Sénat le jeudi 16 décembre 1999.

Constatant que le principe de gratuité des secours ne revêt plus un caractère absolu, tant en France que dans la plupart des pays voisins, votre commission des Lois propose au Sénat l'extension à l'ensemble des activités sportives et de loisir du régime appliqué au ski depuis 12 ans et qui donne satisfaction aux acteurs concernés, sans provoquer une augmentation du contentieux.

Le texte proposé permettrait aux communes, sans jamais les y obliger, de demander une participation financière (totale ou partielle) aux bénéficiaires d'opérations de secours consécutives à toute activité sportive ou de loisir et faciliterait donc l'égalité des communes devant le risque.

Il s'agirait d'accompagner la liberté préservée de prendre un risque, de son corollaire, la responsabilité, sans pour autant remettre en cause le droit de bénéficier des secours sans condition préalable et sans transférer la charge des communes vers d'autres collectivités, donc d'autres contribuables.

Pour illustrer l'intérêt de cette proposition de loi, on relèvera que, selon les estimations provisoires du ministère de l'Intérieur, le sauvetage de sept spéléologues, le 22 novembre 1999, a entraîné une dépense de 4.775.000 F, qui devrait, pour l'essentiel être prise en charge par le service départemental d'incendie et de secours du Lot, donc par les collectivités de ce département.

Votre commission des Lois demande que cette proposition de loi, si elle est adoptée par le Sénat, soit ensuite inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, une telle question ne pouvant pas être éludée indéfiniment.

5. Les opérations de sécurité civile à l'étranger

La participation active et efficace de la sécurité civile française à de nombreuses opérations à l'étranger repose sur le niveau élevé de la formation des acteurs et sur la qualité des équipements et matériels mis en oeuvre .

Cette participation, motivée par des raisons humanitaires, contribue au rayonnement de la France.

L'action internationale de la France s'inscrit dans le cadre d'instances multilatérales (ONU, Union européenne, Conseil de l'Europe, OTAN) ou d'accords de coopération bilatéraux, anciens avec les pays voisins de la France et avec ceux d'Afrique du Nord et plus récents avec des pays d'Europe de l'Est.

En application de traités bilatéraux, des formations au profit d'auditeurs étrangers ont été organisées par l'intermédiaire de l'Institut national d'études de la sécurité civile, en 1999, au Maroc, en Tunisie et en Europe de l'Est.

De nombreuses missions de sécurité civile à l'étranger , demandées et financées par le ministère des Affaires étrangères, ont été entreprises depuis plus d'un an, parmi lesquelles on peut citer :

- l'intervention de 240 hommes, en septembre 1998, dans plusieurs pays des Caraïbes, à la suite du cyclone " George ", puis, en octobre 1998, en Equateur afin d'élaborer les plans d'évacuation des populations en cas d'éruption volcanique ;

- le cyclone " Mitch " a entraîné, en novembre 1998, le départ de 209 secouristes, médecins et sapeurs-pompiers vers trois pays d'Amérique centrale ;

- en janvier 1999, 43 sauveteurs ont porté secours aux victimes d'un séisme en Colombie ;

- à partir d'août 1999, les services de sécurité civile ont participé à l'action humanitaire de la France au profit des réfugiés du Kosovo (gestion du frêt humanitaire et de camps de réfugiés : production d'eau, distribution de l'aide...) ;

- en mai 1999, une équipe de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris a contribué à la maîtrise d'un violent incendie d'hydrocarbures en Côte d'Ivoire ;

- plusieurs équipes de sécurité civile (174 hommes, au total) sont intervenues dès les premiers jours suivant le premier séisme survenu en Turquie au mois d'août 1999.

- le deuxième séisme ayant frappé la Turquie, en novembre 1999, a justifié une nouvelle intervention de secouristes français

La fréquence de ces opérations souligne l'opportunité qu'il y aurait à développer et peut-être à mieux structurer la coopération internationale en matière de sécurité civile.

II. LE SUCCÈS DES RÉFORMES DE LA SÉCURITÉ CIVILE EST LIÉ À LA MAÎTRISE DES CHARGES IMPOSÉES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. LA MISE EN oeUVRE DES RÉFORMES LÉGISLATIVES

L'urbanisation et l'apparition de nouveaux risques technologiques ont peu à peu modifié l'image traditionnelle du pompier rattaché à sa commune.

Les 9.800 interventions quotidiennes des sapeurs-pompiers concernent un domaine qui tend à s'élargir (incendies : 10 % ; accidents de la route : 12 % ; autres accidents: 41 % ; interventions liées à l'environnement : 4 % ; prévention d'accidents : 18 % ; interventions diverses : 15 %).

Les moyens financiers des communes sont inégaux et les régimes indemnitaires et de travail de sapeurs-pompiers assez différents d'un lieu à l'autre.

Cette situation, ainsi que la nécessité de remédier à une crise du volontariat ont conduit à l'adoption, avec l'approbation du Sénat, de deux lois du 3 mai 1996 sur la sécurité civile :

- la loi n° 96-369 relative aux services d'incendie et de secours, qui établit une nouvelle organisation territoriale des services d'incendie et de secours ;

- la loi n° 96-370 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers, comportant diverses dispositions destinées à encourager les engagements volontaires.

1. L'organisation territoriale des services d'incendie et de secours

La loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours prévoit la départementalisation, dans un délai de cinq ans, des services d'incendie et de secours , destinée à leur permettre de faire face avec une efficacité accrue à l'accroissement de leurs activités et à la diversification des risques auxquels ils sont désormais confrontés.

Elle vise à une mutualisation et à une rationalisation des services d'incendie et de secours pour offrir à tous des garanties égales en termes de sécurité.

Les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) créés par la loi sont des établissements publics communs à l'ensemble des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale concernés dans le département, dont les conseils d'administration sont composés d'élus locaux.

Le budget du SDIS est alimenté par des contributions financières de ces collectivités et établissements, fixées par une délibération du conseil d'administration prise à la majorité des deux tiers des membres présents ou, à défaut de cette majorité qualifiée, selon des critères définis par la loi.

Le SDIS a désormais des compétences élargies à la gestion de l'ensemble des matériels nécessaires aux missions des services d'incendie et de secours, ainsi que des personnels regroupés au sein du corps départemental de sapeurs-pompiers.

Les transferts de personnels et de biens au SDIS doivent faire l'objet de conventions conclues au cas par cas au niveau local.

Toutefois, la réforme ne s'applique pas aux services d'incendie et de secours de Paris, des départements de la " petite couronne " et de Marseille, qui conservent leurs statuts particuliers.

Les établissements publics ont été constitués dans tous les départements et, dans près de la moitié des cas, les SDIS ont achevé l'élaboration du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR), prévu par la loi.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a confirmé devant votre commission des Lois que 60 % des sapeurs-pompiers professionnels et 40 % des volontaires relèvent aujourd'hui des corps départementaux, estimant que la totalité des transferts de personnels serait achevés au milieu de l'an 2001.

Néanmoins, plusieurs présidents de SDIS estiment qu'il leur sera difficile de mettre en oeuvre avant le 3 mai 2001, date prévue par la loi du 3 mai 1996, l'ensemble des dispositions prévues pour la départementalisation des services d'incendie et de secours.

Parmi les explications données
, figurent les délais de publication de certains décrets d'application, l'installation tardive de conseils d'administration des SDIS, des problèmes techniques liés aux modalités de transfert, certaines difficultés de gestion des sapeurs-pompiers et, surtout, les enjeux financiers de la réforme sur lesquels votre rapporteur reviendra.

2. Le développement du volontariat

Les 200.000 sapeurs-pompiers volontaires (soit 84 % des effectifs 6( * ) ) constituent la charpente de la sécurité civile en France. Ils sont le plus souvent les seuls, en zone rurale, à pouvoir intervenir dans un délai rapide.

Selon les chiffres de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, chaque année 5,5 % des volontaires ne renouvellent pas leur engagement ou démissionnent.

Les sapeurs-pompiers volontaires doivent assurer aujourd'hui des interventions de plus en plus nombreuses et diversifiées, avec des effectifs en diminution.

Le recrutement apparaît insuffisant et la durée moyenne de leur engagement décroît.

La loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps des sapeurs-pompiers a constitué la première réponse à cette crise, en dotant les sapeurs-pompiers volontaires d'un statut législatif qui leur faisait défaut auparavant.

Ce texte facilite la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires en instituant un régime d' autorisation d'absence pour permettre aux salariés de participer à des missions opérationnelles urgentes ou à des activités de formation.

Ce dispositif, incitatif sans être trop contraignant afin de ne pas dissuader les entreprises d'embaucher des sapeurs-pompiers volontaires, comporte des compensations financières pour celles qui consentent à maintenir la rémunération pendant la durée de l'absence (subrogation dans le droit des sapeurs-pompiers volontaires de percevoir les vacations horaires, exonérées de tout prélèvement fiscal ou social ; réductions diverses de charges, prime d'assurance incendie notamment).

La loi du 3 mai 1996 précitée consacre le droit du sapeur-pompier volontaire de percevoir des vacations horaires, se substituant à une grande disparité des rémunérations, selon les collectivités.

Afin de concrétiser la reconnaissance de la Nation pour les services rendus par les sapeurs-pompiers volontaires tout en remédiant à des pratiques locales diverses, le texte institue une allocation de vétérance au bénéfice du sapeur-pompier volontaire dont l'engagement prend fin lorsqu'il atteint la limite d'âge de son grade après avoir effectué au moins 20 ans de service.

Enfin, la loi du 3 mai 1996 comporte des dispositions destinées à améliorer la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires.

Devant les difficultés d'élaboration du décret d'application des dispositions sur l'allocation de vétérance, le Parlement a adopté une proposition de loi d'origine sénatoriale, afin d'en assouplir les conditions d'attribution 7( * ) .

La loi n° 99-128 du 23 février 1999 a supprimé la condition de fin d'engagement à la date de la limite d'âge, ouvrant le droit à cette allocation à tout volontaire justifiant de vingt années de service, quel que soit l'âge auquel intervient cette cessation, le versement intervenant à compter de la limite d'âge.

Le texte a aussi supprimé les contributions des volontaires au financement de cette allocation, désormais supportée en totalité par les collectivités territoriales et établissements publics, autorités d'emploi.

B. LE MALAISE DES SAPEURS-POMPIERS

La législation adoptée depuis 1996, suivie de nombreuses dispositions réglementaires portant sur le statut et sur le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, n'a pas empêché le développement d'un mécontentement de sapeurs-pompiers portant, pour l'essentiel, sur le régime de travail, l'âge de départ à la retraite et des questions de carrière.

Certains procédés d'expression de ce mécontentement (occupation du boulevard périphérique à Paris ou manifestation en tenue de service, par exemple), ont suscité de sérieuses réserves de la part de votre commission des Lois.

Les inquiétudes des sapeurs-pompiers professionnels ne sont certes pas toutes dénuées de fondement, mais certains moyens utilisés pour les exprimer traduisent parfois un manque de reconnaissance des efforts importants accomplis ces dernières années par les collectivités territoriales .

1. L'harmonisation des régimes de travail

Comme votre rapporteur l'a exposé l'an dernier 8( * ) , le Gouvernement a renoncé à prendre les dispositions réglementaires prévues par la loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours, pour harmoniser les régimes de travail des sapeurs-pompiers professionnels à la suite de leur regroupement au sein de corps départementaux.

Un projet de décret concernant, en particulier, le nombre de jours de garde auquel les sapeurs-pompiers sont astreints et qui varie actuellement du simple au double suivant les lieux, s'est heurté à l'opposition du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, en raison des réserves exprimées par les élus et les organisations syndicales sur les solutions proposées.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, invoquant le principe de libre administration des collectivités territoriales, a considéré qu'il ne revenait pas à l'Etat d'arrêter unilatéralement le régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels mais qu'il demeurait disposé à entériner un éventuel accord entre les représentants du personnel et ceux des autorités d'emploi.

Il n'en demeure pas moins que ce refus d'appliquer la loi, à l'origine de nombreuses difficultés pour les collectivités, laisse persister d'importantes inégalités de traitement.

De plus, il apparaît paradoxal de réviser le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers, sans traiter parallèlement de leur régime de travail.

2. L'âge de départ à la retraite

Plusieurs organisations syndicales, faisant valoir une inévitable baisse de l'aptitude physique des sapeurs-pompiers professionnels après 50 ans, souhaiteraient un classement de la profession des sapeurs-pompiers en catégorie " dangereuse ou insalubre ", permettant une retraite à taux plein dès l'âge de 50 ans, comme cela est possible à certaines conditions pour les policiers nationaux, au lieu de 55 ans actuellement.

Cette question ne concerne pas les sapeurs-pompiers servant sous statut militaire.

Certaines de ces organisations préconisent l'institution pour les sapeurs-pompiers d'un congé de fin d'activité , deux ans avant l'âge de la retraite, comme cela existe pour d'autres fonctionnaires territoriaux, ou un régime de cessation progressive d'activité .

La CFDT, plus réservée à l'égard d'un abaissement de l'âge de la retraite en raison de la durée de cotisations dont les sapeurs-pompiers peuvent justifier à 50 ans, souhaiterait que des emplois de prévention puissent être proposés à ceux qui ne souhaiteraient ou ne pourraient plus rester dans un service opérationnel et plaide pour l'adoption d'un cadre national de réduction de la durée du travail.

En réponse à une question orale de notre excellent collègue M. Jean-Jacques Hyest, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a indiqué qu'il " ( ferait) en sorte que des possibilités puissent leur être ouvertes au niveau de la commission d'aptitude ", précisant devant votre commission des Lois qu'il réunirait prochainement l'ensemble des partenaires à ce sujet pour étudier une amélioration du régime de l'inaptitude au service 9( * ) .

Le souci de la meilleure gestion des carrières pourrait aussi conduire à placer de préférence les personnels les plus jeunes dans les services opérationnels, à condition bien sûr qu'ils aient reçu préalablement une formation suffisante.

La prise en considération de l'aptitude au service opérationnel à partir de 50 ans, question qui peut se poser en effet, n'implique donc pas nécessairement une mesure radicale comme un abaissement de l'âge de la retraite.

Votre commission des Lois considère que les collectivités ne pourraient pas supporter financièrement les conséquences d'une réduction de 5 années de la durée d'activité des sapeurs-pompiers, dont la carrière serait limitée à 25 années environ alors qu'ils pourraient percevoir une pension de retraite durant 35 ans ou plus.

Certes, la question de l'âge de départ à la retraite des sapeurs-pompiers doit être traitée dans le cadre plus général des discussions à venir sur les régimes de retraite, mais il appartient, en tout état de cause, à l'Etat de prendre ses responsabilités, sans occulter les incidences financières importantes qui résulteraient d'une éventuelle décision radicale en la matière .

Votre commission des Lois ne manquera pas de suivre attentivement cette question importante.

3. Les carrières des sapeurs-pompiers

Parallèlement au regroupement des sapeurs-pompiers dans des corps départementaux, et pour tenir compte de l'évolution des conditions d'exercice des missions de sécurité civile, diverses mesures concernant la carrière des sapeurs-pompiers professionnels ont été prises récemment ou sont en préparation .

Ainsi, le décret n° 98-442 du 5 juin 1998 a-t-il substitué aux nombreuses indemnités existantes un nouveau dispositif, plus simple , permettant de prendre en compte les responsabilités effectivement exercées par les sapeurs-pompiers ainsi que les particularités des missions qu'ils remplissent.

Ce décret a provoqué une hausse de 5% de la masse salariale, entièrement à la charge des collectivités territoriales.

Un décret n° 99-799 du 15 septembre 1999 améliore le régime indemnitaire des sapeurs et caporaux , lorsqu'en raison de la multiplication des opérations de secours, ils doivent assurer la responsabilité d'interventions, sur les plans humains et matériels.

Le coût de cette mesure est évalué à 31,8 millions de francs, à la charge des collectivités autorités d'emploi.

Un autre décret, n° 99-800 de la même date, facilite la promotion à la hors classe des lieutenants, en compensation de la réduction des possibilités de promotion résultant de la création de corps de sapeurs-pompiers départementaux.

Le coût de cette mesure , applicable jusqu'au 31 décembre 2001, évalué à 6,7 millions de francs, sera aussi supporté par les collectivités concernées.

D'autres textes sont annoncés, pour une révision d'ensemble de la filière des sapeurs-pompiers
(recrutement, formation, carrière, définition des fonctions dévolues à chaque grade), compte tenu des responsabilités accrues des sapeurs-pompiers et des compétences requises.

Enfin, un projet de décret relatif à la création de deux cadres d'emplois (médecins et infirmiers) de sapeurs-pompiers professionnels a fait l'objet, le 27 octobre 1999, d'un avis de report de son examen par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale .

Cette instance paritaire a considéré qu'il existait déjà, dans la fonction publique territoriale, des cadres d'emplois de médecins et d'infirmiers territoriaux, la création de ces cadres spécifiques étant susceptible de créer des différences de traitement injustifiées.

S'agissant des sapeurs-pompiers volontaires
, outre le décret d'application de la loi du 23 février 1999 précitée, aménageant le régime d'allocation de vétérance (n° 99-709 du 10 août 1999), deux décrets (n° 99-697 et n° 99-698 du 3 août 1999) améliorent la protection sociale des volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service .

Une circulaire du Premier ministre du 19 avril 1999 , souligne la nécessité pour les administrations et les entreprises publiques de mettre en oeuvre les dispositions législatives, qui leur sont applicables, concernant les autorisations d'absence pour permettre aux volontaires de remplir des missions de secours pendant leur temps de travail.

Plusieurs textes sont aussi en préparation, concernant le recrutement, la formation initiale et continue, les indemnités et le déroulement de carrière des sapeurs-pompiers volontaires.

Enfin, le ministre de l'Intérieur a annoncé la mise en place d'une commission de suivi et d'évaluation, chargée d'analyser la mise en oeuvre des mesures prises depuis 1996 et indiqué à votre commission des Lois que ses premières conclusions lui seront communiquées au début de l'année prochaine.

C. LA RÉVISION URGENTE DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Le coût des services d'incendie et de secours est évalué par le ministre de l'Intérieur à 15 milliards de francs par an, soit, en moyenne à 250 francs par habitant.

Devant votre commission des Lois, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur a rappelé que le financement des services d'incendie et de secours était traditionnellement à la charge des seules collectivités territoriales, l'Etat prenant en charge les renforts nationaux, et en particulier la professionnalisation des unités d'intervention de la sécurité civile, rendue nécessaire par la réforme du service national. Il a ajouté que l'Etat devait également financer les investissements liés à la modernisation de la flotte aérienne de la sécurité civile.

Il a considéré que si la départementalisation des services d'incendie et de secours n'impliquait pas par elle-même une progression significative des dépenses, le regroupement de personnels au sein d'une même entité et l'harmonisation en conséquence de leurs conditions de travail pouvaient rendre nécessaire une coûteuse remise à niveau dans certains départements.

Notre collègue, M. Jean-Claude Peyronnet, tout comme votre rapporteur, ont souligné l'aggravation préoccupante des dépenses de sécurité civile des collectivités, résultant de décisions prises par l'Etat .

Le malaise est d'autant plus fortement ressenti que les augmentations de charges ne sont pas réparties uniformément entre les collectivités territoriales, alors même que le service rendu n'est pas sensiblement modifié.

En effet, les modalités de calcul des contributions des différentes collectivités et établissements du département au financement du SDIS sont fixées par son conseil d'administration à la majorité des deux tiers des membres présents.

Les " clés de répartition " des charges entre collectivités, adoptés par les SDIS varient sensiblement selon les départements, la part de ces derniers dans le financement se situant entre 10 % et 99 %, selon une étude publiée récemment 10( * ) .

Plusieurs conseils d'administration de SDIS ont dû revoir à la baisse la participation de certaines collectivités, à la demande de communes ou du conseil général, ou encore, comme dans le Var, reporter la décision en la matière.

La mesure exacte de l'évolution des dépenses de chaque catégorie de collectivité ou groupement ne peut être mesurée, le ministre de l'Intérieur ayant lui-même indiqué qu' " il (n'était) pas possible de disposer actuellement de données chiffrées, du fait de la mise en oeuvre récente de la départementalisation (des services d'incendie et de secours) " 11( * ) .

La question se pose de savoir si la départementalisation permettra, à terme, aux SDIS de réaliser des économies d'échelle , ce dont doute M. Noël Dejonghe, président de l'Association nationale des présidents de conseils d'administration des SDIS (ANPCA), qui " pense plutôt que les dépenses resteront à peu près au niveau atteint actuellement ".

La multiplication des interventions des services de secours et l'accroissement de l'attente du public en la matière confortent cette prévision, même si certains SDIS ont conclu des conventions avec des services publics auxquels ils se substituent occasionnellement (SAMU, SMUR, par exemple), prévoyant une participation financière des services bénéficiaires en cas d'intervention non urgente ou sortant du champ strict des missions des SDIS.

La difficulté provient de ce que l'Etat prend des décisions dont les implications financières souvent importantes doivent être supportées par les collectivités territoriales , votre rapporteur ayant précédemment indiqué, par exemple, que les mesures indemnitaires en faveur des sapeurs-pompiers professionnels prises par le décret précité du 5 juin 1998 avaient entraîné une hausse de 5 % de la masse salariale.

En outre, lorsque le préfet prend la direction opérationnelle des opérations de secours, les moyens mis en oeuvre par les SDIS demeurent à la charge des collectivités membres.

En réponse à Mme Chantal Robin-Rodrigo, député, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a indiqué qu'il explorait plusieurs pistes pour compenser la progression des dépenses de sécurité civile des collectivités territoriales 12( * ) .

Il a d'abord évoqué la possibilité d'instituer une taxe additionnelle sur certains contrats d'assurance dont les recettes seraient affectées aux collectivités, comme plusieurs parlementaires l'ont déjà suggéré 13( * ) .

Le ministre de l'Intérieur a relevé toutefois à ce sujet qu'il " s'agissait d'un secteur en situation concurrentielle en Europe " et notre collègue, M. Jean-Paul Amoudry a observé récemment 14( * ) que le taux d'imposition des produits de l'assurance était, en France, le plus élevé de tous les pays de l'Union européenne. Il est fixé, en moyenne, à 18 % des primes d'assurance et 30 % pour l'assurance incendie et la perspective d'harmonisation des législations européennes devrait conduire, au contraire, inévitablement à une baisse de cette fiscalité.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur a aussi fait état d'une concertation engagée avec les établissements hospitaliers ainsi que d'une étude sur l'attribution de prêts à long terme et à faible taux d'intérêt pour les investissements immobiliers.

Il a aussi indiqué qu'" il (s'orientait) vers l'attribution d'une dotation globale d'équipement spécifique, au moins pour la période de remise à niveau, dotation qui pourrait atteindre plusieurs centaines de millions de francs dès lors que les départements et les communes seraient d'accord pour y contribuer, au moins en partie, ce qui (impliquerait) une concertation au sein du Comité des finances locales ".


Devant votre commission des Lois, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a précisé que cette dotation pourrait contribuer, à hauteur de 20 ou 30 % aux investissements des collectivités territoriales en matière de sécurité civile, que la participation de l'Etat pourrait atteindre 150 millions de francs et que sa durée pourrait être de 5 ou 6 ans .

Enfin, le ministre a confirmé qu'il installerait dans les prochains jours une commission de suivi et d'évaluation de la mise en oeuvre des réformes de 1996, dont les premières conclusions lui seraient présentées à partir du début de l'an 2000.

L'Association des départements de France (ADF) , pour sa part, a confirmé à votre rapporteur qu'elle avait souhaité que les discussions sur le régime indemnitaire et le régime de travail soient liées et que l'Etat fixe un cadre national à décliner localement pour faciliter l'harmonisation des régimes ainsi que les discussions locales.

L'ADF relève, à juste titre, l'impératif d'une " réflexion de fond sur le devenir de la compétence incendie et secours en raison de la dualité des pouvoirs et des responsabilités entre les présidents de SDIS et les préfets ".


Une clarification insuffisante des compétences de secours peut être à la source d'un accroissement de l'engagement de la responsabilité pénale des élus locaux. Elle peut aussi, comme l'a souligné notre collègue M. Robert Bret, entraîner des conséquences préjudiciables à l'efficacité des secours.

La réflexion engagée sur le système de financement de la sécurité civile devrait, selon l'ADF, inclure d'autres pistes que celles évoquées par le ministre de l'Intérieur, comme une contribution de l'Etat aux charges locales de secours, le recours à la fiscalisation directe par les SDIS ou la prise en compte de la situation particulière de certaines collectivités eu égard aux risques ou à leur situation financière.

L'ADF souligne l'importance de combiner cette réflexion avec une étude financière d'impact approfondie .

Pour sa part, le groupe d'études sur la sécurité civile envisage aussi de développer une réflexion sur cette question.

Votre commission des Lois considère que ces orientations de l'Association des départements de France méritent d'être étudiées avec la plus grande attention

Elle demande qu'une concertation étroite sur cette question soit engagée avec les représentants des collectivités territoriales, singulièrement avec le Sénat.

Elle espère
que les prochaines décisions seront prises avec l'assentiment du plus grand nombre des parties concernées .

*

* *

Ces observations ont conduit la commission des Lois à s'en remettre à l'appréciation de sagesse déjà émise par la commission des Finances pour la section sécurité civile du projet de Loi de finances pour 2000.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page