EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires, présentée par M. Jean-Pierre Raffarin et plusieurs de ses collègues de la commission des Affaires économiques, aujourd'hui soumise à l'examen de la commission des Lois pour certains de ses aspects, est le fruit des travaux menés par un groupe de travail de cette commission constitué au mois de juin 1999 sur le thème " Nouvelles entreprises et territoires ".

Ce groupe de travail a eu pour ambition, selon les termes de l'exposé des motifs de la proposition de loi, d'imaginer un ensemble de mesures propres à " donner un nouveau souffle à la création d'entreprises " et à réduire les disparités de développement entre les territoires en mettant en place " une boîte à outils pour les acteurs du développement local ".

Il apparaît en effet urgent de tirer les conséquences d'une situation préoccupante caractérisée par la régression du nombre de création d'entreprises en France depuis dix ans, qu'il s'agisse des créations ex-nihilo (204.000 en 1989 ; 166.190 en 1998, soit - 18,5 %) ou de l'ensemble des créations et reprises (306.129 en 1989 ; 266.446 en 1998, soit - 13 %) 1 ( * ) . Ces chiffres alarmants, qui font apparaître un déficit global de plus de 43.000 créations en 1998 par rapport à 1989, ne révèlent pas non plus d'inversion de tendance dans la période la plus récente pourtant marquée par une reprise de l'activité économique. L'inquiétude ne peut en outre que croître lorsque ces données statistiques sont mises en rapport avec celles relatives aux défaillances d'entreprises : en dépit d'une stabilisation à compter de 1995, consécutive à un pic atteint en 1993, plus de 50.000 entreprises continuent de faire l'objet d'une procédure collective chaque année en France.

Comme le met très clairement en évidence le rapport établi par notre excellent collègue, M. Francis Grignon, au nom de la commission des affaires économiques, examiné le 26 janvier dernier, ces chiffres traduisent une singularité française préoccupante dans le concert économique international, en particulier au regard de la situation d'autres pays tels que les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne. Cette singularité tient en grande partie à l'absence, dans notre pays, de sécurisation de la création d'entreprise, qui constitue trop souvent l'enjeu d'une vie dès lors que tout échec en ce domaine est durement sanctionné, l'acte de création étant très généralement perçu, non sans raison, comme une épreuve assimilable à un " parcours du combattant ".

Or, sécuriser et encourager la création d'entreprises constitue un impératif pour assurer le développement et la compétitivité de notre économie et un enjeu crucial pour restaurer un équilibre en matière d'aménagement du territoire et revivifier les zones rurales.

Avec le souci de remédier à cette situation d'urgence et compte tenu de l'insuffisance des initiatives gouvernementales, la commission des affaires économiques entend, par la présente proposition de loi, préconiser l'adoption d'un ensemble de dispositifs permettant de lever les principaux obstacles à la création d'entreprises concernant les difficultés d'accès au financement, en particulier pour les projets de taille modeste, la précarité du statut du créateur d'entreprise, qui souffre d'isolement et est souvent sévèrement pénalisé sur son patrimoine personnel en cas d'échec, les carences des dispositifs de soutien à la création, qu'il s'agisse de leur foisonnement, de leur manque de coordination et de lisibilité ou encore de leur excessive spécialisation au détriment des petites unités relevant des secteurs d'activité traditionnels et, plus généralement, du défaut de prise en considération des besoins des petites et moyennes entreprises dans les politiques publiques.

La proposition de loi est ainsi structurée en quatre titres traitant successivement, et de façon complémentaire, du développement économique territorial, du financement de la création et du développement des entreprises, de l'environnement juridique de la création des entreprises et des moyens permettant de faire de la promotion institutionnelle des petites et moyennes entreprises une véritable priorité.

Sur l'ensemble des vingt trois articles composant la proposition de loi dans son texte initial, les conclusions de la commission des Affaires économiques en ont retenu dix sept , certaines dispositions semblant prématurées ou méritant une réflexion plus approfondie. C'est ainsi que parmi les sept articles dont votre commission des Lois est saisie pour avis , deux ont été disjoints, les articles 14 et 15 de la proposition de loi initiale tendant à consacrer dans le code civil la distinction entre les biens personnels de l'entrepreneur individuel et le patrimoine professionnel affecté à l'exploitation de l'entreprise.

Les dispositions soumises à l'examen de votre commission des Lois peuvent être regroupées sous trois volets qui seront présentés successivement. Elles traitent respectivement de la participation des collectivités territoriales aux incubateurs et aux fonds "d'amorçage" et des subventions versées par ces mêmes collectivités aux organismes distribuant des avances remboursables (articles 3 et 6 de la proposition de loi), du patrimoine d'affectation pour les entreprises individuelles (articles 14 et 15 de la proposition de loi, disjoints par les conclusions de la commission des Affaires économiques) et des marchés publics réservés aux petites et moyennes entreprises (articles 20 à 22 de la proposition de loi, devenus les articles 14 à 16 dans les conclusions de la commission des Affaires économiques).

I. LES INTERVENTIONS ÉCONOMIQUES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

A. L'AIDE DES COLLECTIVITÉS LOCALES À LA CRÉATION D'ENTREPRISES : UN RÉGIME FOISONNANT MARQUÉ PAR DE NOMBREUSES INCERTITUDES JURIDIQUES

1. Le dispositif en vigueur

L'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales - qui a codifié les dispositions de la loi n° 82-6 du 7 janvier 1982 - précise que " les collectivités locales et leurs groupements peuvent, lorsque leur intervention a pour objet la création ou l'extension d'activités économiques, accorder des aides directes ou indirectes à des entreprises ".

La loi de 1982 avait entendu distinguer les aides directes qui ne pouvaient être accordées par les collectivités locales que si elles avaient été expressément autorisées par la loi et les aides indirectes dont l'octroi était en principe libre. Mais ce dispositif initial a été corrigé, le législateur ayant ultérieurement réglementé certaines aides indirectes.

a) Les aides directes

En principe, toute aide directe non prévue par la loi est illégale .

Cependant, selon l'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales, " des actions de politique agricole et industrielle peuvent être entreprises par les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre de conventions conclues par eux avec l'Etat et fixant les modalités des aides qu'ils peuvent consentir ". Dans la pratique, des aides de ce type ont été autorisées principalement dans le cadre des contrats de plan.

En outre, la jurisprudence semble avoir progressivement admis qu'une aide directe soit légale lorsqu'elle a pour finalité la promotion de la collectivité territoriale elle-même (Conseil d'Etat, 5 juillet 1996, Syndicat d'agglomération nouvelle de Saint-Quentin en Yvelines).

Le législateur a, par ailleurs entendu affirmer une priorité régionale en matière d'aides directes.

L'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales dispose, en effet, que " les aides directes sont attribuées par la région dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat ".

En conséquence, les départements et les communes ne peuvent, en principe, accorder d'aides directes que si la région est intervenue préalablement ( Conseil d'Etat, 11 juillet 1991, Préfet de Haute Saône ). Le second alinéa de l'article L. 1511-2 précise que les différentes formes d'aides directes " peuvent être complétées par le département, les communes ou leurs groupements, lorsque l'intervention de la région n'atteint pas le plafond fixé par le décret mentionné à l'alinéa précédent ".

Cependant, même s'ils n'accordent aucune aide, les départements et les communes doivent être consultés sur les projets de la région ( article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales).

La prime régionale à la création d'entreprises

Régie par le décret n° 82-806 du 22 septembre 1982 modifié par le décret n° 88-51 du 15 janvier 1988, la prime régionale à la création d'entreprises est attribuée par le président du conseil régional en exécution d'une délibération de ce dernier. Elle est accordée conformément aux règles librement fixées par le conseil régional en contrepartie d'un nombre minimum d'emplois créés. La prime est plafonnée à 150.000 F, sauf si elle concerne une zone prioritaire définie par délibération du conseil régional (auquel cas elle peut être portée à 200.000 F). Elle peut être cumulée avec la prime régionale à l'emploi.

La prime régionale à l'emploi

Régie par le décret n° 82-807 du 22 septembre 1982 modifié par le décret n° 88-52 du 15 janvier 1988, la prime régionale à l'emploi est accordée aux " entreprises ayant pour objet les activités déterminées par le conseil régional ". Une délibération du conseil régional détermine les conditions d'attribution, de liquidation, de versement et d'annulation ou de reversement de la prime.

Cependant, une partie des conditions d'octroi est déterminée par les textes réglementaires. Ainsi, les emplois doivent être permanents, être créés ou maintenus lors de la création, de l'extension, de la conversion ou de la reprise d'activités. Le chiffre d'affaires doit être inférieur à 300 millions de francs. Le décret plafonne par ailleurs le montant de la prime de 10.000 F à 40.000 F par emploi permanent créé ou maintenu.

Les prêts, avances et bonifications d'intérêt

Régies par le décret n° 82-808 du 22 septembre 1982 et l'arrêté du 23 janvier 1996, ces aides sont assez strictement définies à la fois quant à leurs bénéficiaires (qui sont en pratique les petites et moyennes entreprises), aux conditions financières qui peuvent être consenties et au plafond des engagements financiers.

Si elles ne sont pas formellement interdites par la loi, les prêts et avances aux conditions du marché peuvent être regardés comme portant atteinte au monopole des banques (Tribunal administratif de Lyon, 21 avril 1983, Préfet du Rhône c/ Ville de Lyon ; Tribunal administratif de Paris, 8 avril 1994, Préfet de Seine-Saint denis).

b) Les aides indirectes

L'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales dispose que " les aides indirectes peuvent être attribuées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, seuls ou conjointement ". Ecartant une primauté régionale, le législateur n'a pas non plus établi de liste limitative des aides indirectes qui sont donc en principe libres . Toutefois, la réglementation ultérieure de certaines de ces aides conduit à distinguer deux catégories : les aides indirectes réglementées , à savoir les rabais sur les ventes et locations immobilières, les garanties d'emprunt et cautionnements, les participations au capital de sociétés ; les autres aides qui sont entièrement libres.

Les rabais sur les ventes et locations immobilières

L'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales précise que " la revente ou la location de bâtiments par les collectivités territoriales ou leurs groupements doit se faire aux conditions du marché. Toutefois, il peut être consenti des rabais sur ces conditions ainsi que des abattements sur les charges de rénovation de bâtiments industriels suivant les règles de plafond et de zone prévues par décret en Conseil d'Etat ".

Selon le décret n° 82-809 du 22 septembre 1982 , les collectivités peuvent seulement prendre en charge la différence existant entre le prix du marché et le prix de revient, tel qu'il résulte des opérations d'aménagement ou de réhabilitation réalisées par la collectivité sur des bâtiments industriels. Si elle a donc le droit d'aménager le terrain ou de réhabiliter des bâtiments industriels anciens, la collectivité doit néanmoins revendre en toute hypothèse au prix du marché. De même, la collectivité ne peut pas vendre des locaux pour un franc symbolique si le service des domaines a fait une évaluation bien supérieure ( Conseil d'Etat, 27 février 1995, Commune de Châlons-sur-Marne ).

En vertu du même décret, un rabais sur les ventes et locations de tous bâtiments peut être accordé dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire. Il peut s'élever à 25% du prix ou du loyer du bâtiment correspondant aux conditions du marché.

Les garanties d'emprunt et les paiements des commissions de garantie bancaire

Les garanties d'emprunt ont été plus strictement encadrées dans la période récente en raison des risques financiers très lourds qu'ils peuvent faire courir aux collectivités locales en cas de défaillance de l'emprunteur. En conséquence, à la règle initiale du plafonnement des engagements, le législateur a ajouté de nouvelles règles prudentielles qui ont été précisées en dernier lieu par la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

Parmi ces règles, la règle de division du risque prévoit que le montant des annuités garanties ou cautionnées au profit d'un même débiteur ne peut excéder 10% du montant total des annuités susceptibles d'être garanties. La règle de partage du risque a pour effet que les collectivités locales ne peuvent, seules ou conjointement, garantir qu'une fraction et non plus la totalité du montant de chaque emprunt. Quant au plafonnement des engagements, il limite à un pourcentage des recettes réelles de la section de fonctionnement le montant total des annuités garanties.

Par ailleurs, la loi du 12 avril 1996 a autorisé les collectivités locales à prendre en charge les commissions dues par les bénéficiaires de garanties d'emprunt accordées par les établissements de crédit. Cette aide ne peut néanmoins être cumulée, pour un même emprunt, avec la garantie ou le cautionnement accordé par une collectivité ou un groupement ( article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales).

Les sociétés de garanties

En principe, sauf autorisation donnée par décret en Conseil d'Etat, les collectivités locales ne peuvent prendre de participation dans le capital de sociétés commerciales autres que les sociétés d'économie mixte.

Néanmoins, dans le souci de mutualiser les risques, le législateur les a autorisées à participer au capital de sociétés anonymes ayant pour objet exclusif de garantir des concours financiers octroyés à des personnes de droit privé, notamment à des entreprises nouvellement créées.

Le régime de ces sociétés de garantie est néanmoins fortement encadré. Elles doivent obligatoirement revêtir la forme d'une société anonyme soumise au régime de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, détenir un capital d'au moins 2,5 millions de francs (voire plus dans certains cas en fonction du montant des encours garantis), avoir pour objet unique de garantir des concours financiers à des personnes morales de droit privé à l'exclusion de toute autre activité bancaire, compter parmi ses actionnaires au moins un établissement de crédit au sens de la loi bancaire du 26 janvier 1984. Sous ces réserves, la proportion maximale du capital de la société de garantie susceptible d'être détenue par une collectivité locale, seule ou avec d'autres collectivités locales, est fixée à 50%.

L'établissement de crédit ne peut en principe garantir plus de 50% d'un concours financier. Mais la quotité susceptible d'être garantie est portée à 65% lorsque la garantie est couverte par un fonds de garantie ayant pour objet la création d'entreprises. En outre, les engagements des fonds de garantie peuvent être couverts par le fonds national de développement des entreprises institué par la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Au sein d'une société de garantie, les collectivités locales actionnaires détiennent un certain nombre de sièges et sont autorisées à participer, par le versement de subventions , à la constitution d'un ou plusieurs fonds de garantie auprès de l'établissement de crédit, afin de permettre à la société de couvrir les garanties autrement que par ses fonds propres. Dans cette hypothèse, une convention doit être conclue entre les collectivités actionnaires et l'établissement de crédit.

Outre ces différentes formes d'aides indirectes, il convient de relever, parmi les moyens dont disposent les collectivités locales pour favoriser la création d'entreprises sur leur territoire les exonérations d'impôts locaux qu'elles peuvent accorder, tout particulièrement les exonérations de taxe professionnelle.

2. Les limites du dispositif en vigueur

a) De très fortes incertitudes juridiques

Mises en évidence par un rapport particulier de la Cour des comptes sur " les interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises ", les incertitudes du droit en vigueur ont été parfaitement analysées dans le rapport établi par M. Daniel Hoeffel, au nom du groupe de travail de votre commission des Lois sur la décentralisation, présidé par M. Jean-Paul Delevoye 2 ( * ) .

On relèvera notamment trois séries d'incertitudes qui peuvent affecter l'action des collectivités locales en faveur de la création d'entreprises.

La distinction établie entre aides directes et aides indirectes est apparue ambiguë et peu opérationnelle . L'aide indirecte, en principe libre en droit national, n'a, en outre, pas de fondement en droit communautaire, lequel ne connaît pas cette distinction.

Le recours aux dispositions de l'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales, qui permet la signature de conventions entre l'Etat et les collectivités locales pour " des actions de politiques agricoles et industrielles " a été très souvent circonstanciel , intervenant même parfois après la mise en oeuvre d'une action économique.

Enfin, constituant une aide indirecte n'ayant pas fait l'objet d'une réglementation particulière, la cession de terrains devrait en principe être libre. Cependant, la validité d'une cession de terrains au franc symbolique a été discutée en raison d'une décision du Conseil constitutionnel (n° 86-207 des 25 et 26 juin 1986) selon laquelle " la Constitution s'oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes privées poursuivant des fins d'intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur ".

Après que deux tribunaux administratifs ( Tribunal administratif de Besançon, 6 avril 1995, Préfet de Haute-Saône c/ Commune de Fougerolles ; Tribunal administratif de Montpellier, 26 juin 1996, Chaze c/ Commune de Nîmes et Arnadi c/ Région Languedoc-Roussillon ) eurent annulé des délibérations autorisant une cession au franc symbolique, le Conseil d'Etat a néanmoins confirmé la validité d'une cession de ce type " lorsqu'elle est justifiée par des fins d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes " ( 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles ).

Ces incertitudes sont, en outre, renforcées par l'application du droit communautaire.

L'article 92-1 du traité de Rome dispose que les aides accordées par les Etats " sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ", sont interdites " dans la mesure où elles affectent les échanges entre les Etats ". Toutefois, le Traité prévoit des catégories d'aides pouvant être considérées comme compatibles (article 92-2 et 3). Il s'agit notamment des " aides destinées à faciliter le développement de certaines régions économiques quand elles n'altèrent pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun ". C'est le plus souvent sur ce fondement que la Commission européenne examine la compatibilité des régimes nationaux d'intervention économique avec les règles du marché commun. Les aides des collectivités locales sont soumises au respect des obligations communautaires.

En vertu de l'article 93-3 du Traité, les Etats membres ont l'obligation de notifier tout projet d'aide particulière ou de régime d'aides, afin de permettre à la Commission européenne de procéder à son examen. Seules les aides d'un montant trop modeste (aides de minimis ) pour affecter les échanges entre Etats membres échappent à cette obligation. Ces aides de minimis ne doivent pas dépasser 10.000 euros par entreprise, pour une période de trois ans.

Trois séries de difficultés ont été relevées par la Cour des comptes quant à la coexistence de normes de droit communautaire et de droit national. Outre le fait déjà mentionné par votre rapporteur que l'aide indirecte n'a pas de signification en droit communautaire, une seconde difficulté tient à ce que les dispositions communautaires applicables résultent d'actes de la Commission européenne dont la valeur juridique demeure incertaine . Enfin, les collectivités locales ne sont pas suffisamment et précisément informées des obligations de notification susceptibles de s'imposer au regard du droit communautaire.

b) Des initiatives locales souvent en décalage par rapport au droit en vigueur

L'enquête annuelle de la direction générale de la comptabilité publique sur la nature et le volume des aides des collectivités locales en faveur des entreprises fait ressortir qu'en 1997 le montant total des aides atteignait 13,9 milliards de francs , soit un montant qui reste très modéré au regard de l'ensemble des dépenses des collectivités locales (1,5%).

Après un fléchissement en 1994, le volume des interventions économiques des collectivités locales s'est stabilisé.

Montant des aides des collectivités locales de 1992 à 1997
(en milliards de francs)

1992

1993

1994

1995

1996

1997

14,2

15

14,3

13,8

13,8

13,9

Source : DGCL

Les communes et leurs groupements jouent un rôle prépondérant dans la mise en oeuvre des dispositifs d'aide aux entreprises. Elles ont accordé, en 1997, 44% de l'ensemble des aides (soit une progression de plus de 6% par rapport à 1996), la part des départements s'établissant à 24% et celle des régions à 32%.

Parmi les aides directes (subventions, primes, prêts et avances, bonification d'intérêt, aides à l'achat et à la location de bâtiments et de terrains) - qui, bien qu'en diminution, représentent encore 72% du volume total des aides - la prime régionale à l'emploi et la prime régionale à la création d'entreprises ne représentent plus que 122 millions de francs, soit 1,2% des aides directes.

Le montant des aides indirectes - qui comprennent pour l'essentiel, les fonds de garanties, les prises de participation, les aménagements de zones et les études et conseils en gestion - sont en nette progression (23,5% du montant total des aides en 1997 contre 18,5% en 1996).

La majorité de ces aides concerne les secteurs de l'industrie, du commerce et de l'artisanat.

Ces données statistiques confirment les analyses effectuées par la Cour des comptes en 1996. Au titre des aides directes, les primes régionales à l'emploi et les primes régionales à la création d'entreprises sont relativement délaissées. En outre, les collectivités agissent largement en dehors du cadre législatif établi en 1982. Les collectivités locales sont plutôt tentées d'accorder des prêts et avances à taux très bonifiés ou nuls.

Au titre des aides indirectes, l'encours des garanties d'emprunt ou de cautionnements s'est stabilisé (245 milliards de francs en 1997) mais les nouvelles garanties accordées progressent de 8% par rapport à 1996.

En revanche, la participation aux sociétés de capital-risque , qui permettent d'apporter des fonds propres aux PME-PMI afin de les aider dans leur phase de démarrage ou de développement, connaît un plus grand succès même si, en droit, seules les régions peuvent participer librement au capital de telles sociétés, une autorisation par décret en Conseil d'Etat étant nécessaire pour les départements et les communes.

15 régions (21 départements) participaient en 1994 au capital de sociétés de développement régional, 18 régions (9 départements) au capital de sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie (SICOMI) et 7 régions (7 départements) au capital d'autres sociétés à but lucratif. Ces participations restaient néanmoins modestes.

Outre des actions d'animation de leurs territoires, les collectivités locales ont surtout concentré l'essentiel de leurs interventions sur les aides à l'immobilier d'entreprise et aux terrains : aménagement de zones d'activités économiques ; réalisation d'ensembles immobiliers (" pépinières ", " ateliers-relais ") destinés à accueillir des entreprises ; aides foncières et aides à la construction immobilière.

Ces évolutions des pratiques des collectivités locales se traduisent par de fréquentes irrégularités constatées par les chambres régionales des comptes.

La Cour des comptes a ainsi relevé une série de manquements au respect des règles :

- la création de régimes d'aides directes ou le versement des concours financiers aux entreprises sans fondement juridique ;

- l'octroi de divers avantages à des entreprises qui peuvent être regardées comme des aides directes mais qui ne peuvent être rattachées à aucun texte ni à aucun dispositif régional ;

- des aides indirectes à l'immobilier d'entreprise qui excèdent les limites fixées par les textes ;

- des irrégularités, bien que moins nombreuses et moins flagrantes, frappant l'octroi de garanties , la participation à des fonds de garantie , à des sociétés de capital risque et au capital d'entreprises ;

- l'intervention de certaines collectivités dans le secteur concurrentiel par le biais de leurs " satellites ", en dehors de leur champ de compétences ;

- diverses pratiques, qui aboutissent à confier à un tiers l'octroi de concours publics.

Si elles doivent être déplorées, ces irrégularités témoignent néanmoins de l'inadéquation du cadre législatif en vigueur. C'est parce qu'elles sont appelées, souvent dans l'urgence, à apporter des réponses aux difficultés que connaît leur territoire que les collectivités sont appelées à privilégier les formules les mieux adaptées ,au risque de se placer dans certains cas en marge de la légalité.

Il n'en reste pas moins qu'une telle situation ne peut être que périlleuse pour les collectivités et leurs élus, exposés à une insécurité juridique permanente , comme l'a parfaitement souligné le récent rapport d'étape présenté par M. Michel Mercier au nom de la mission sénatoriale d'information sur la décentralisation, présidée par M. Jean-Paul Delevoye 3 ( * ) .

Elle justifie une réforme d'ensemble du régime des interventions économiques des collectivités locales qui, selon les préconisations du groupe de travail de votre commission des Lois sur la décentralisation, devrait avoir pour triple objet une meilleure coordination avec le droit communautaire , la recherche d'une plus grande complémentarité des différentes interventions économiques et le maintien des interdictions actuelles et l'approfondissement des règles prudentielles qui protègent les collectivités locales contre des risques financiers excessifs.

Votre commission des Lois ne peut donc que déplorer que ces propositions n'aient à ce jour pas été mises en oeuvre et que le projet de loi annoncé par le Gouvernement, en vue de réformer le régime des interventions économiques soit toujours attendu.

B. LA PROPOSITION DE LOI : UNE RÉFORME PARTIELLE DU RÉGIME EN VIGUEUR, DESTINÉE À MIEUX DÉFINIR LES CONDITIONS DE L'INTERVENTION ÉCONOMIQUE DES COLLECTIVITÉS LOCALES EN FAVEUR DE LA CRÉATION D'ENTREPRISE

Ne prétendant pas réformer l'ensemble du régime de l'action économique des collectivités locales, les articles 3 et 6 de la proposition de loi tendent à lui apporter plusieurs aménagements destinés, d'une part, à prendre en compte la participation des collectivités locales à des pôles d'incubation territoriaux et à des fonds "d'amorçage" , d'autre part, à permettre aux collectivités locales de verser des bourses aux jeunes créateurs d'entreprises et, enfin, de les autoriser à subventionner des organismes d'aide à la création d'entreprises distribuant des avances remboursables .

Saisie pour avis, votre commission des Lois a examiné ces dispositions en cherchant à évaluer dans quelle mesure, d'une part, elles étaient de nature à apporter aux interventions des collectivités locales dans le domaine économique une sécurité juridique accrue et, d'autre part, elles paraissaient adaptées aux pratiques actuelles.

De nouvelles dispositions légales ne sauraient, en effet, s'imposer que pour autant qu'elles remédient effectivement à des lacunes ou à des imprécisions du cadre juridique en vigueur et qu'elles permettent d'accompagner et de soutenir les actions locales.

Cette double préoccupation est complétée par la volonté de votre commission des Lois de définir pour chaque type d'intervention économique des mécanismes prudentiels qui prémunissent les collectivités locales contre des risques financiers excessifs .

1. La participation des collectivités locales aux incubateurs territoriaux et aux fonds "d'amorçage"

L'article 3 de la proposition de loi insère dans le chapitre unique du titre 1 er (" Aides aux entreprises ") du livre V (" Dispositions économiques ") de la première partie (" Dispositions communes ") du code général des collectivités territoriales, deux articles L. 1511-7 et L. 1511-9 qui traitent respectivement des incubateurs territoriaux et des fonds "d'amorçage".

a) La participation des collectivités locales aux incubateurs d'entreprises (article L. 1511-7 du code général des collectivités territoriales)

L'article L. 1511-7 du code général des collectivités territoriales, dans la rédaction proposée par l'article 3 de la proposition de loi, tend à définir les modalités selon lesquelles les collectivités locales et leurs groupements peuvent participer à des incubateurs d'entreprises en création.

Parallèlement, l'article 4 de la proposition de loi permet l'attribution dans le cadre du contrat de plan Etat-région d'un label de " pôle d'incubation territorial ". L'octroi de ce label peut s'accompagner d'un engagement financier prioritaire de l'Etat en faveur des entreprises dont la création résulte directement de l'action de ces pôles labellisés.

D'ores et déjà, un certain nombre de collectivités locales ont apporté leur contribution à des dispositifs de ce type, qui permettent d'accompagner le créateur d'entreprise en lui apportant un soutien matériel ou immatériel.

Comme le souligne l'exposé des motifs de la proposition de loi, ces incubateurs " sortes de couveuses des créateurs, (...) offrent un accompagnement professionnel pour tous les aspects de la création : expertise en matière de développement, d'industrialisation, de production ; expertise juridique en propriété intellectuelle, droit des sociétés, droit fiscal, droit social ; expertise financière avec l'aide à l'élaboration du plan d'affaires (business plan) et la recherche de partenaires financiers ; analyse de marché ".

Il n'existe néanmoins pas de recensement global des initiatives locales dans ce domaine.

Sur un plan plus général, la formule des incubateurs d'entreprises a suscité un intérêt récent des pouvoirs publics avec l'adoption de la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 relative à l'innovation et à la recherche, qui a autorisé les établissements de recherche et d'enseignement supérieur à participer à de telles structures. Il est donc possible de tirer les premiers enseignements des expériences en cours dans ce domaine.

Les incubateurs technologiques

La mise en place d'incubateurs technologiques sur le fondement de la loi du 12 juillet 1999 témoigne d'une prise de conscience du décalage entre le formidable potentiel que constituent pour notre pays ses laboratoires de recherche et sa faible traduction en termes de créations d'entreprises technologiques. Ce faible rendement de la recherche française, souligné par le rapport établi en 1998 par M. Henri Guillaume, est largement imputable aux multiples entraves , notamment juridiques, qui découragent les créateurs d'entreprises.

Tentant de répondre à cette situation, la loi du 12 juillet 1999 a prévu qu'" en vue de la valorisation des résultats de la recherche dans leurs domaines d'activité, (les laboratoires) peuvent, par convention et pour une durée limitée (...) fournir à des entreprises ou à des personnes physiques des moyens de fonctionnement, notamment en mettant à leur disposition des locaux, des équipements et des matériels ".

La mise en oeuvre de ce dispositif a fait l'objet d'un appel à projet lancé par le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en direction des établissements d'enseignement supérieur, des organismes de recherche, des professionnels de l'accompagnement des entreprises et des professionnels du capital-risque.

Les projets doivent couvrir tout ou partie du parcours de la création d'entreprises de technologie. Sont retenues d'une part les structures organisant les phases d'émergence et de validation (incubateurs), d'autre part les structures apportant des financements en fonds propres à ces entreprises (fonds "d'amorçage").

Le soutien de l'Etat prend la forme de subventions pour les incubateurs et d'avances en capital pour les fonds "d'amorçage", dans le cadre d'une enveloppe de 200 millions de francs.

L'éligibilité des projets - qui peut concerner toute personne morale de droit public ou de droit privé - est appréciée à partir de critères généraux portant sur la capacité à conduire de façon durable à la création d'entreprises innovantes, sur l'existence de liens forts et mutuels avec les laboratoires publics et privés et avec le vivier des jeunes diplômés, sur le professionnalisme des animateurs. Doivent être privilégiés les projets orientés vers le développement des technologies de l'information et de la communication, du multimédia (notamment éducatif), des biotechnologies, des nouveaux matériaux, des micro-technologies et des technologies liées à l'environnement, à la qualité et à la sécurité.

Peuvent être prises en considération des structures d'accompagnement à la création d'entreprises technologiques, quelle qu'en soit la forme juridique, couvrant tout ou partie des prestations suivantes : la détection et l'évaluation des projets de créations d'entreprises au sein d'établissements d'enseignement supérieur et des organismes de recherche ; l'hébergement et le soutien logistique des porteurs de projets d'entreprises et des entreprises nouvellement créées ; l' accompagnement de créateurs dans l'élaboration de leur projet d'entreprise ; l'information et la mise en relation entre industriels, gestionnaires, financiers et scientifiques pour la création et le financement d'entreprises ; la formation de créateurs d'entreprises.

Ces incubateurs doivent signer avec les personnes physiques ou les entreprises qu'elles soutiennent, un contrat définissant les prestations apportées et leur mode de remboursement.

La subvention accordée par l'Etat doit couvrir 50% des dépenses internes et externes qui peuvent être rattachées au soutien d'entreprises en création accueillies au sein de l'incubateur, dans les phases qui précèdent la commercialisation de produits.

La subvention fait l'objet d'une convention entre le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et l'incubateur, pour une durée n'excédant pas trois ans , qui devra régir les modes d'utilisation de la subvention et indiquer les objectifs communs des signataires en matière de création d'activité économique. La convention doit prévoir des versements échelonnés, conditionnés par la justification régulière de l'emploi des fonds précédemment versés et par la réalisation d'objectifs de développement des entreprises soutenues.

Dans le cadre de cet appel à projet, 18 incubateurs ont été sélectionnés.

Outre qu'ils concernent les activités " technologiques ", ces incubateurs présentent plusieurs caractéristiques qui méritent d'être relevées : d'une part, ils associent des partenaires publics et privés , le financement public jouant le rôle d'" effet de levier " ; d'autre part, ils font l'objet d'une participation des collectivités locales , non pas en tant qu'autorités constitutives mais en qualité de financeurs ; enfin, beaucoup d'entre eux ont été constitués sous forme d'associations préfiguratives avant que dans un délai de deux ans fixé par le ministère, une nouvelle formule institutionnelle soit trouvée. Selon les précisions apportées par le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, dans certains cas, les incubateurs ont été constitués dès l'origine sous forme de sociétés anonymes ou de groupements d'intérêt public . Cette dernière formule retiendrait l'attention d'autres incubateurs car elle permet la participation de collectivités locales.

Une double exigence : étendre l'objet des incubateurs d'entreprises à d'autres activités et sécuriser l'intervention des collectivités locales

Si l'intérêt d'incubateurs d'entreprises ayant vocation à soutenir la création d'entreprises technologiques est indéniable - compte tenu de l'émergence progressive de ce qu'il est convenu d'appeler la " nouvelle économie " - il n'en reste pas moins que l'objectif de développement du territoire qui anime l'intervention des collectivités locales dans la création d'entreprises, justifie que cette formule soit étendue à d'autres domaines d'activité dont la promotion peut être un enjeu essentiel pour le territoire concerné.

L'incubateur " territorial " peut ainsi constituer, dans les domaines les plus variés, un outil efficace d'aménagement et de développement du territoire.

L'autre exigence est de sécuriser l'intervention des collectivités locales. Si le Gouvernement a reconnu comme légitime la participation des collectivités locales aux incubateurs technologiques, il n'a néanmoins proposé aucun cadre juridique permettant aux collectivités locales d'y participer dans des conditions satisfaisantes sur le plan juridique.

Or, force est de constater que les dispositions du code général des collectivités territoriales ne fournissent qu'une base juridique incertaine à ces interventions.

Comme votre rapporteur pour avis l'a déjà relevé, l'application des dispositions de l'article L. 1511-5 qui permet la signature de conventions entre l'Etat et les collectivités locales pour " des actions de politiques agricoles et industrielles " a été très souvent circonstancielle , intervenant même parfois a posteriori . Ces dispositions ne semblent donc pas de nature à offrir une base juridique suffisante à l'intervention d'une collectivité au sein d'un incubateur, lequel, au demeurant, dans un grand nombre de cas, ne fait pas intervenir l'Etat.

Cette base juridique ne paraît pas non plus pouvoir être recherchée dans les dispositions - exposées ci-dessus - relatives à l'aide à l'immobilier d'entreprises , l'objet d'un incubateur d'entreprises étant plus large que la mise à disposition de terrains ou de locaux.

On pourrait certes considérer que dès lors que les aides indirectes sont en principe libres ( article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales), les actions des collectivités locales dans ce domaine ne justifieraient pas d'encadrement spécifique.

A l'examen, cet argument doit être écarté : d'une part, l'intervention de la collectivité locale n'est pas seulement indirecte puisqu'elle peut prendre la forme d'une subvention ; d'autre part, il paraît nécessaire de prémunir la collectivité locale contre des risques financiers excessifs en fixant notamment des règles de plafonnement ; enfin, le champ d'intervention de la collectivité pouvant recouvrir des domaines qui pour partie (la mise à disposition de locaux par exemple), font déjà l'objet d'une réglementation, l'absence de définition d'un cadre juridique homogène ne pourrait que nourrir des incertitudes sur le droit applicable et une complexité préjudiciable à l'efficacité de l'action publique locale.

En outre, le choix de la structure devant assumer la fonction d'incubation peut être pour la collectivité un enjeu important, dès lors qu'elle souhaite y participer. Les formules associatives l'exposent, en effet, au risque de la gestion de fait ; le recours à des sociétés anonymes se heurte quant à elle au principe selon lequel, sauf dans des cas limités expressément prévus par le législateur, les collectivités ne peuvent participer au capital de telles sociétés.

L'article L. 1511-7 du code général des collectivités territoriales, dans la rédaction proposée par l'article 3 de la proposition de loi, peut donc offrir un cadre juridique sécurisé pour la participation des collectivités locales à des incubateurs d'entreprises.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi présentait néanmoins plusieurs faiblesses : d'une part, elle laissait entendre que dans tous les cas la collectivité locale interviendrait directement auprès du créateur d'entreprise, alors même qu'elle pourrait souhaiter au contraire limiter son intervention à une aide versée à un organisme assumant la fonction d'incubation ; d'autre part, l'objet même de l'incubation ne faisait pas ressortir qu'elle devait aboutir à la création de l'entreprise ; par ailleurs, elle ne prévoyait aucune limite prudentielle à la faculté ainsi reconnue aux collectivités locales ; enfin, le cadre conventionnel qu'elle mettait en place restait elliptique sur les moyens pour la collectivité apportant son concours de faire prévaloir des objectifs d'intérêt général justifiant son intervention.

Votre rapporteur pour avis se félicite que les conclusions adoptées par la commission des Affaires économiques et du Plan aient permis de mieux préciser le dispositif sur ces aspects essentiels.

Le premier alinéa de l'article L. 1511-7 établit en effet clairement la faculté pour une collectivité locale ou à un groupement, en vue de promouvoir le développement économique, de verser une subvention ou de fournir une aide indirecte (locaux, matériel, équipements) à une personne morale ayant pour objet l'incubation d'entreprises.

Le deuxième alinéa de l'article L. 1511-7 rend pour sa part obligatoire la conclusion d'une convention entre la collectivité (ou le groupement) et l'incubateur et précise l'objet de cette convention : déterminer la nature, la durée et l'objet de l'intervention de la collectivité (ou du groupement) ainsi que les obligations incombant à l'incubateur.

La collectivité (ou le groupement) pourra ainsi clairement spécifier dans la convention le contenu de son engagement et exiger en contrepartie que l'incubateur assume certaines obligations , conformes aux objectifs d'intérêt général poursuivis par la collectivité (ou le groupement), notamment au regard du développement du territoire.

Compte tenu de l'importance de ces stipulations contractuelles qui doivent conditionner l'engagement financier de la collectivité, votre commission des Lois vous propose, par amendement , d'indiquer qu'elles devront obligatoirement figurer dans la convention , à peine de nullité de celle-ci.

Par un autre amendement , votre commission des Lois vous suggère de préciser que la convention devra également prévoir le montant et les modalités de versement des aides.

Le troisième alinéa de l'article L. 1511-7 autorise une collectivité locale à constituer elle-même l'incubateur d'entreprise, conjointement avec d'autres collectivités ou groupements, avec un ou plusieurs établissements publics et avec une ou plusieurs personnes morales de droit public ou privé.

Cette disposition est importante car elle permet de bien faire le départ entre les cas où une collectivité apporte son aide à un incubateur ( premier alinéa de l'article L. 1511-7 ) et ceux où elle souhaite assumer elle-même cette mission avec d'autres intervenants.

Cependant, la rédaction proposée ne précise pas quelle sera la nature de la personne morale qui sera mise en place pour prendre en charge cette mission commune.

En conséquence, elle laisse ouverte tant le recours à une association qu'à une société , à un groupement d'intérêt économique ou d'intérêt public .

Or, la première formule n'est pas sans risque juridique pour la collectivité concernée, notamment au regard du régime de la gestion de fait. On a vu ci-dessus que, dans le cadre des incubateurs technologiques, des associations n'avaient été mises en place qu'à titre de " préfiguration " de l'incubateur.

Le recours à une société anonyme pose également un problème puisque, sauf exceptions dûment prévues par le législateur, les collectivités ne peuvent pas en principe participer au capital de telles sociétés. Il en est de même pour les groupements d'intérêt économique.

Dans ces conditions, le recours à la formule du groupement d'intérêt public paraît le mieux adapté, dès lors que celle-ci permet d'associer la collectivité (ou le groupement) concernée à d'autres personnes morales de droit public ou privé dans un cadre juridique bien établi.

C'est pourquoi, par un amendement, votre commission des Lois vous propose de préciser que l'action conjointe de la collectivité (ou du groupement) sera mise en oeuvre dans le cadre d'un groupement d'intérêt public.

Enfin, comblant une lacune du texte initial, le dernier alinéa de l'article L. 1511-7 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer le plafond des concours financiers des collectivités et groupements, en pourcentage de leurs recettes réelles de fonctionnement, ce qui constitue un bon indicateur de la capacité de la collectivité (ou du groupement) à réaliser un effort financier de ce type.

b) La participation des collectivités locales aux fonds "d'amorçage" (article L. 1511-9 du code général des collectivités territoriales)

L'article L. 1511-9 du code général des collectivités territoriales, dans la rédaction proposée par l'article 3 de la proposition de loi, tend à définir les modalités selon lesquelles les collectivités locales et leurs groupements peuvent participer à des fonds dits "d'amorçage".

Dans son rapport écrit au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan, notre excellent collègue Francis Grignon a parfaitement mis en évidence que si le capital-risque a connu un développement significatif, en revanche le capital "d'amorçage" restait le maillon faible de la chaîne de financement.

Encourager la constitution de tels fonds est donc un objectif essentiel en vue d'encourager la création d'entreprises. Là encore, l'appel à projet lancé sur le fondement des dispositions de la loi du 12 juillet 1999 relative à l'innovation et à la recherche, constitue un précédent intéressant.

Les fonds "d'amorçage" " technologiques "

Dans le cadre de cet appel à projet, il a été précisé que l'amorçage serait défini comme l'apport de fonds propres à des entreprises de technologie en création, présentant un fort potentiel de croissance et n'ayant pas encore de produit commercialisé ou n'ayant pas achevé les phases de développement ou de qualification de leur technologie.

Est considéré comme un fonds "d'amorçage" tout fonds qui s'engage à effectuer plus de 75% de ses investissements dans les entreprises liées à la recherche publique, au stade de l'amorçage, à l'occasion du premier tour de table ou lors d'augmentations de capital de sociétés pour lesquelles il a participé au premier tour de table. Le ratio de 75% est apprécié par rapport aux engagements de souscription.

De tels fonds dits "d'amorçage" peuvent être soutenus par l'Etat dans la limite d'une enveloppe de 100 millions de francs.

Parmi les différentes conditions exigées, on relèvera en particulier celle qui exige que les parts détenues par des investisseurs privés représentent au moins 30% du capital du fonds.

En outre, la forme juridique privilégiée est celle du fonds commun de placement à risque (FCPR) même si une autre forme peut être retenue, sous réserve qu'elle assure l'autonomie de l'équipe de gestion, son professionnalisme, l'information des porteurs de parts, le respect des règles de la commission de opérations de bourse (COB) et des règles de déontologie.

Les investissements doivent être caractérisés par une assiette totale d'au moins 25 millions de francs, exclusivement dans des PME, le cas échéant lors du développement de ces dernières mais le fonds n'a pas vocation à accroître sa part du capital dans une même entreprise ou à investir dans une entreprise dont le tour de table inclut déjà des investisseurs.

Les parts détenues dans le fonds par des sociétés de valorisation d'établissements d'enseignement ou de recherche sont limitées à 40% du fonds.

L'Etat soutiendra les fonds "d'amorçage" qu'il aura sélectionnés en versant une avance en capital, remboursable, à la ou les sociétés de valorisation qui souhaitent souscrire au fonds. Le total des avances pour un fonds ne pourra excéder 30% du montant de l'assiette des investissements.

A l'issue d'une période n'excédant pas douze ans, la société de valorisation doit rembourser à l'Etat l'avance qu'elle aura reçue, majorée d'une participation aux plus-values nettes et autres produits du fonds, à hauteur de 50% de la quote-part des plus-values nettes et autres produits réalisés au cours de la vie du fonds grâce à cette avance.

Au terme des douze ans, si la société de valorisation ne récupère pas la totalité de l'investissement initial placé dans le fonds, le remboursement de l'avance se fera après déduction des pertes constatées sur l'investissement initial, au prorata de la part de l'Etat dans ce fonds, cette somme étant augmentée de la quote-part de l'Etat sur les éventuelles plus-values et autres produits du fonds au cours de la vie du fonds grâce à l'avance de l'Etat.

Depuis le lancement de l'appel à projet, plusieurs fonds "d'amorçage", à vocation nationale ou régionale, ont été lancés. En pratique, la formule du FCPR a été privilégiée, notamment parce qu'elle présente l'avantage d'avoir une durée de vie limitée. Mais 5 fonds régionaux se sont constitués sous la forme de sociétés de capital risque (SCR) prévus par la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985. La formule de la société financière d'innovation, prévue par la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988, a pu également être utilisée.

Une extension souhaitable du champ d'intervention des fonds "d'amorçage" dans un cadre juridique clarifié

Comme pour les incubateurs, l'utilité des fonds dits d'" amorçage " ne saurait concerner les seul domaine des technologies, aussi essentiel que soit ce secteur dans le contexte économique actuel.

A l'instar de l'incubateur " territorial ", la formule du fonds "d'amorçage" peut donc être un outil précieux pour favoriser le développement économique des territoires.

Encore faut-il que les aides que des collectivités ou des groupements sont susceptibles d'apporter à des fonds dits "d'amorçage" s'inscrivent dans un cadre juridique clair qui fait actuellement défaut.

L'article L. 1511-9 du code général des collectivités territoriales, dans la rédaction proposée par l'article 3 de la proposition de loi, tend à définir ce cadre juridique.

Dans sa rédaction initiale, il présentait néanmoins plusieurs lacunes : d'une part, il visait expressément la participation des collectivités à des " fonds d'investissement dits d'amorçage " alors même que ces fonds ne sont pas qualifiés expressément comme tels par les textes en vigueur et qu'a contrario , cette rédaction aurait pu laisser entendre que la participation à d'autres fonds d'investissement n'aurait pas été possible ; d'autre part, il ne distinguait pas clairement les deux facultés ouvertes à une collectivité, à savoir soit abonder un fonds existant, soit participer à la constitution d'un fonds ; enfin, la mixité des financements, indispensables notamment pour éviter d'exposer la collectivité de manière excessive, n'était pas exigée.

Les conclusions adoptées par la commission des Affaires économiques et du Plan ont mieux précisé le dispositif.

Le premier alinéa de l'article L. 1511-9 ouvre expressément la faculté à une collectivité territoriale ou un groupement, seule ou avec d'autres collectivités ou groupements, soit de participer à la constitution soit de doter par subvention, un fonds d'investissement dont l'objet est d'apporter des fonds propres à des entreprises en création.

Il indique, en outre, que la part des concours financiers privés ne pourra être inférieure à 30%. Cette condition qui ne figurait pas dans le texte initial paraît essentielle pour assurer la mixité des financements et correspond à la pratique des fonds "d'amorçage" " technologiques ".

Le deuxième alinéa de l'article L. 1511-9 prévoit la conclusion d'une convention entre la collectivité (ou le groupement) et le gestionnaire du fonds. Cette convention devra déterminer les modalités de fonctionnement du fonds, son champ d'intervention géographique ainsi que les conditions de restitution des financements éventuellement versés par la collectivité (ou le groupement), en cas de modification ou de cessation d'activité.

Ce dernier aspect paraît devoir être renforcé dans la mesure où il constitue un enjeu essentiel pour la protection des finances locales. C'est pourquoi, par un amendement , votre commission des Lois vous suggère une rédaction qui précise que la convention devra, à peine de nullité , comporter des stipulations relatives à ces modalités de restitution des concours financiers de la collectivité.

Ces modalités doivent porter non seulement sur la restitution de ces concours mais aussi, le cas échéant, des rémunérations que le fonds est susceptible d'assurer.

Outre le cas de cessation de l'activité du fonds, il convient d'envisager l'hypothèse où celui-ci ne réaliserait plus dans son objet d'activité "d'amorçage" , auquel cas la collectivité qui n'a plus d'intérêt à la participation au fonds, doit être en droit de récupérer ses concours financiers.

Enfin, la convention doit prévoir les autres cas où ces restitutions devront avoir lieu. On peut songer notamment au cas où le fonds modifierait son champ d'intervention géographique, de telle sorte qu'il ne couvrirait plus le territoire de la collectivité.

Le dernier alinéa de l'article L. 1511-9 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les règles de plafond des concours financiers des collectivités (ou groupements), par référence aux recettes réelles de fonctionnement.

Par un amendement , votre commission des Lois vous suggère de préciser que le même décret devra définir les cas de restitution de plein droit aux collectivités et groupements des financements versés. En effet, s'il revient à la convention de préciser les modalités de ces restitutions, il paraît préférable que soient clairement indiqués au plan réglementaire les différents cas où cette restitution interviendra de plein droit.

2. Le versement d'une aide au jeune créateur d'entreprise

L'article 3 de la proposition de loi insère dans le code général des collectivités territoriales un article L. 1511-8 qui permet le versement d'une aide à des jeunes créateurs d'entreprises.

Cette disposition s'inscrit dans le cadre d'un ensemble de mesures prévues par la proposition de loi qui sont destinées à lever les freins psychologiques à la création d'entreprise.

Dans sa rédaction initiale, il permettait le versement par une collectivité locale (ou un groupement) d'une " allocation " à un créateur d'entreprise, destinée à atténuer pour ce dernier les conséquences financières sur sa situation individuelle de son projet de création d'entreprise.

Plusieurs conditions étaient posées : d'une part, l'incubation devait avoir lieu dans un incubateur labellisé au contrat de plan (selon les dispositions de l'article 6 de la proposition de loi) ; d'autre part, le versement de cette allocation ne pouvait excéder deux ans ; l'octroi et le montant de l'allocation étaient fonction du changement de situation financière du bénéficiaire, résultant de la création d'entreprise.

Cette rédaction suscitait des interrogations en particulier quant à la nature exacte de cette allocation et la façon dont elle pourrait s'articuler avec les autres allocations versées, elles, par des organismes sociaux.

Faute de précision, elle aurait, en effet, pu apparaître comme un revenu de substitution versé à une personne physique, très en décalage avec les pratiques qui ont prévalu jusqu'à présent et de nature à exposer les collectivités à des charges financières excessives.

Les conclusions de la commission des Affaires économiques et du Plan ont clarifié le dispositif, en précisant que l'aide serait versée sous la forme d'une bourse au jeune créateur d'entreprise.

Cette formule paraît mieux répondre à la mission qu'une collectivité peut assumer dans ce domaine. Elle se rattache aux missions que les collectivités locales mettent en oeuvre en matière scolaire ou de formation professionnelle. On rappellera notamment qu'en application de l'article L. 3214-2 du code général des collectivités territoriales, le conseil général est habilité à verser des bourses d'études.

En outre, le texte issu des délibérations de la commission des Affaires économiques et du Plan prévoit que l'aide sera réservée aux jeunes créateurs de 18 à moins de 25 ans , ce qui exclut toute interférence avec le bénéfice du revenu minimum d'insertion. Il indique en outre que le montant de la bourse sera fonction des revenus du bénéficiaire et de ses charges de famille . Enfin, un décret en Conseil d'Etat devra fixer le plafond des concours financiers des collectivités (ou groupements) à ce titre, en pourcentage des recettes réelles de fonctionnement.

Ainsi aménagé, le dispositif encadre plus clairement le régime de cette nouvelle aide et offre certaines garanties prudentielles de nature à éviter un risque financier excessif pour les collectivités.

Cependant, par un amendement , votre commission des Lois vous suggère de renforcer ces garanties prudentielles en permettant expressément à l'autorité compétente de prononcer le retrait de la bourse lorsque le bénéficiaire aura cessé son projet de création d'entreprise ou qu'il ne bénéficiera plus du soutien de l'incubateur labellisé.

Sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 3 de la proposition de loi dans la rédaction proposée par la commission des Affaires économiques et du Plan.

3. Les subventions des collectivités territoriales aux organismes distribuant des avances remboursables

L'article 6 de la proposition de loi tend à insérer dans le chapitre unique du titre 1 er (" Aides aux entreprises ") du livre V (" Dispositions économiques ") de la première partie (" Dispositions communes ") du code général des collectivités territoriales, un article L. 1511-2-1 qui autorise les collectivités locales et leurs groupements à financer des organismes ayant pour objet exclusif de participer, par le versement d'une aide remboursable, à la création ou à la reprise d'entreprises ainsi qu'à ceux visés au 1° de l'article 11 de la loi bancaire de 1984 qui participent à la réalisation du même objet.

Depuis plusieurs années déjà, se sont constituées au plan local, sous forme d'associations, des " plates-formes d'initiative locale " ayant pour mission essentielle d'accompagner les créateurs d'entreprises grâce à des formules de parrainage.

152 plates-formes sont fédérées au sein de France-Initiative-Réseau (F.I.R.). Elles ont financé 1 950 entreprises en 1998, parrainé 840 créateurs et mobilisé 92 millions de francs de prêts d'honneur et 360 millions de francs de prêts bancaires complémentaires.

D'autres réseaux existent tels que l'Association pour le droit à l'initiative économique (A.D.I.E.) ou encore le " réseau entreprendre en France ".

Les collectivités locales participent fréquemment au financement des plates-formes d'initiative locale. Or cette participation n'est pas sans risque juridique. En effet, dès lors que des précautions suffisantes ne sont pas prises pour garantir l'indépendance de l'association concernée à l'égard de la collectivité, l'association peut être qualifiée d'" association transparente " au regard des mécanismes de la gestion de fait et le concours de la collectivité peut constituer une aide directe illégale.

Au regard des règles relatives à la gestion de fait , se pose le problème de l'autonomie réelle de l'association par rapport aux collectivités, à travers notamment ses modes d'organisation et de fonctionnement, et le point de savoir si elle bénéficie de subventions versées majoritairement par la collectivité. Ce risque est d'autant plus grand que les élus exercent des responsabilités au sein des organes dirigeants de l'association. Comme on le sait, le versement de subventions à une association reconnue transparente a pour effet de maintenir le caractère public de la subvention, puisque la collectivité en a en réalité gardé la maîtrise, et tombe sous le coup des dispositions de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 qui définit la gestion de fait.

Dans son rapport précité, la Cour des comptes a fait observer que les pratiques consistant à ce que la gestion même de certaines aides soit confiée à un tiers étaient constitutives de gestions occultes de deniers publics lorsque les tiers, à partir de subventions qui leur sont globalement versées, ne font qu'exécuter des décisions individuelles qui demeurent prises par la collectivité.

La Cour des comptes a, en outre, souligné que de telles pratiques demeuraient irrégulières dans l'hypothèse où l'organisme bénéficiaire de subventions dispose d'une réelle autonomie dans la définition des régimes d'aides aux entreprises et la décision d'attribution. La jurisprudence administrative a, en effet, rappelé que les textes n'autorisent pas les assemblées délibérantes à déléguer à des tiers la définition ou l'exécution d'une politique d'intervention économique.

Par ailleurs, la qualification des concours apportés par la collectivité à la plate-forme d'initiative locale peut créer des difficultés, dès lors qu'ils apparaissent comme réutilisés sous forme de prêt d'honneur à taux nul. Ils peuvent alors s'analyser comme une aide directe accordée par la collectivité à l'entreprise bénéficiaire du prêt. Une telle aide pose un double problème juridique : d'une part, celui de l'intervention préalable de la région en principe exigée en matière d'aide directe ; d'autre part, le non respect du taux fixé par voie réglementaire pour l'attribution de prêts, d'avances et de bonifications d'intérêt par les régions.

Pour réduire ces risques, la DATAR a adressé, le 31 octobre 1996, une circulaire aux préfets qui fait état d'une convention entre l'Etat et France initiative réseau. Cette convention prévoit un ensemble de mesures prudentielles, notamment pour garantir une autonomie réelle de la structure. Parmi ces mesures, il est notamment prévu qu'une collectivité locale ne pourra apporter plus de 30% des fonds, l'ensemble de ses apports ne devant pas dépasser 60% des ressources. En outre, aucun lien direct ne doit être établi entre la subvention de la collectivité à la plate-forme et le versement particulier d'un prêt d'honneur à un créateur d'entreprise. L'objet de la subvention doit donc être général, le bénéficiaire final de la subvention étant l'association.

Le premier alinéa de l' article L. 1511-2-1, dans la rédaction proposée par l'article 6 de la proposition de loi, tend à donner une base juridique plus solide aux subventions accordées par les collectivités locales aux organismes distribuant des avances remboursables.

Il autorise les collectivités locales à subventionner deux catégories d'organismes :

- les organismes ayant pour objet exclusif de participer par le versement d'une aide remboursable à la création ou à la reprise d'entreprise.

Sont ainsi visées les associations et sociétés locales spécialisées dans le soutien et le conseil à la création et à la reprise d'entreprises. Cette catégorie comprend l'ensemble des organismes visés par l'article 238 bis du code général des impôts relatif aux organismes agréés accordant des aides financières à la création d'entreprises et bénéficiant de dons défiscalisés. Elle recouvre également les organismes qui ne bénéficient pas de cet agrément tels que les organismes spécialisés dans l'aide à la reprise d'entreprises.

- Les organismes visés au 1° de l'article 11 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit qui participent à la création ou à la reprise d'entreprises.

Il s'agit d'établissements non bancaires, tels que l'Association pour le droit à l'initiative économique, qui sont autorisés en vertu de la loi du 24 juillet 1964 à exercer une activité de crédit à vocation sociale.

Le premier alinéa de l' article L. 1511-2-1 prévoit que, dans tous les cas, ces organismes devront être contrôlés par des commissaires aux comptes, tels que définis par les articles 218 et suivants de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. Cette précision constitue une garantie nécessaire.

On observera que les organismes visés par cet article sont identiques à ceux pris en compte dans le cadre du dispositif d'encouragement au développement des entreprises nouvelles (EDEN) institué par l' article L. 351-24 du code du travail qui a fait l'objet du décret n° 98-1228 du 29 décembre 1998. Ce précédent devrait donc faciliter la mise en oeuvre des nouvelles dispositions prévues par la proposition de loi.

Le deuxième alinéa de l' article L. 1511-2-1 précise qu'aucune collectivité ni groupement ne pourra apporter plus de 30 % des fonds distribués par chaque organisme.

Le troisième alinéa établit que l'ensemble des concours publics à chaque organisme ne pourra excéder 60% du total des fonds distribués.

Pour les motifs indiqués ci-dessus, ces dispositions prudentielles apparaissent particulièrement nécessaires, à la fois pour éviter d'exposer excessivement les collectivités sur le plan financier et pour assurer l'autonomie des organismes intéressés. Les taux fixés sont conformes aux solutions retenues dans le cadre de la convention entre l'Etat et France initiative réseau, qui ont été exposées ci-dessus.

Toutefois, le troisième alinéa de l' article L. 1511-2-1 augmente le taux maximum des concours publics dans les zones d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones de redynamisation urbaine mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Dans ces parties fragilisées du territoire, la mobilisation des financements privés peut être plus difficile.

C'est pourquoi, dans sa rédaction initiale, la proposition de loi portait à 70% la proportion des concours publics dans l'ensemble des fonds distribués. Cette proportion a été relevée à 80% dans les conclusions de la commission des Affaires économiques et du Plan.

L'avant dernier alinéa de l'article L. 1511-2-1 précise qu'une convention devra être conclue avec l'organisme bénéficiaire de la subvention, afin de fixer les obligations de ce dernier ainsi que les modalités de reversement des avances.

Toutefois, dans certains cas où le projet de création ou de reprise d'entreprise aura échoué, il peut être envisagé que l'avance ne donne pas lieu à remboursement.

Par un amendement, votre commission des Lois vous propose d'envisager cette hypothèse en renvoyant à la convention passée avec l'organisme gestionnaire le soin de déterminer les conditions dans lesquelles le remboursement pourra ne pas être exigé dans de tels cas.

En revanche, les avances doivent obligatoirement faire l'objet d'un remboursement lorsque l'organisme cesse son activité ou qu'ayant modifié son objet, il ne participe plus à la création ou à la reprise d'entreprises par le versement d'avances remboursables. Il doit également en être ainsi dans d'autres cas prévus par la convention, notamment une modification du champ d'intervention géographique de l'organisme.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement en ce sens qui rend obligatoires ces stipulations dans la convention, à peine de nullité.

Enfin, le dernier alinéa de l'article L. 1511-2-1 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer le plafond des concours financiers des collectivités (ou groupements) en pourcentage de leurs recettes réelles de fonctionnement.

Sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 6 de la proposition de loi dans la rédaction proposée par la commission des Affaires économiques et du Plan.

* 1 Evolution du nombre de créations d'entreprises

1989

1994

1995

1996

1997

1998

Créations et reprises

310.000

294.131

284.853

275.586

271.087

266.446

Dont créations ex-nihilo

204.000

183.764

178.764

171.941

166.850

166.190

Source INSEE - APCE

* 2 " La décentralisation : Messieurs de l'Etat, encore un effort ! "(n° 239, 1996-1997).

* 3 " Sécurité juridique, conditions d'exercice des mandats locaux : des enjeux majeurs pour la démocratie locale et la décentralisation ", rapport n° 166 (1999-2000).

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