N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 octobre 2000

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention de sécurité sociale entre la République française et la République du Chili ,

Par M. Hubert DURAND-CHASTEL,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure,
Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 400 (1999-2000)

Traités et conventions .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La convention de sécurité sociale, signée à Santiago, le 25 juin 1999, entre la République française et la République du Chili, s'inscrit dans la continuité des nombreuses conventions bilatérales passées par notre pays et qui permettent de coordonner la couverture des risques vieillesse, invalidité et survie.

Première convention de ce type négociée par la France avec un Etat d'Amérique latine, elle répond à un double objectif. D'une part, offrir aux ressortissants non-réfugiés des garanties de prise en compte de leur cotisation dans le calcul des différentes pensions. D'autre part, assurer une coordination de régimes nationaux aux fonctionnements hétérogènes -le régime français fondé sur la répartition et le régime chilien fonctionnant presque exclusivement par capitalisation.

L'élaboration d'un tel dispositif témoigne de la remarquable ouverture de la démocratie chilienne, confrontée à l'héritage politique et social de la dictature du général Pinochet. Modèle économique régional, l'Etat chilien doit poursuivre sa modernisation et l'ouverture de son économie au reste du monde. En ce sens, l'accord-cadre de coopération du 21 juin 1996 entre l'Union européenne et le Chili, présenté devant notre commission par notre collègue, M. Daniel Goulet 1 ( * ) , précise les modalités à terme d'une association à caractère politique et économique.

Cette convention rappelle également l'existence d'une tradition de protection sociale propre à l'Amérique latine, dont le système chilien demeure emblématique. Ce dernier, initialement fondé sur la répartition, a connu une évolution maîtrisée vers la capitalisation, tout en assurant une couverture des risques sociaux étendue à l'ensemble de la population chilienne. Cette mutation est suivie avec attention par de nombreux pays de la région dont les systèmes sociaux sont bien souvent en proie à de sérieuses difficultés.

I. LE RENOUVEAU DE LA DÉMOCRATIE CHILIENNE

1. Evolution institutionnelle depuis 1973

La mort du président Allende, lors du coup d'Etat fomenté par une junte militaire dirigée par le général Pinochet, le 11 septembre 1973, marque le début de la dictature militaire et, sur le plan économique, d'une politique de libéralisme intégral.

L'anéantissement des libertés publiques dura près de quinze ans : en 1987, le général Pinochet décréta la levée de l'état de siège et autorisa les partis non communistes. La progressive ouverture du régime militaire se poursuivit, l'année suivante, avec l'arrivée de civils aux postes ministériels et l'organisation d'un référendum, le 5 octobre 1988, sur le devenir des institutions. La victoire du " non ", rassemblant près de 55 % des suffrages, obligea le pouvoir en place à organiser des élections libres.

L'arrivée de M. Patricio Aylwin au Palais de la Moneida permit de restituer au pouvoir législatif son rôle et de concourir au rétablissement de la liberté d'expression. Cependant, l'absence de jugement des crimes commis pendant la dictature (plus de 3000 victimes recensées) laissa subsister un profond sentiment d'impunité. En outre, la démocratisation des institutions n'a pu être conduite à son terme, en raison du dispositif législatif hérité du général Pinochet : les lois d'amarrage (inamovibilité des commandants en chefs nommés pour quatre ans et habilités à proposer leur successeur au chef de l'Etat, maintien d'un Conseil de sécurité nationale dominé par les militaires, quantum des sénateurs désignés et à vie, privilèges budgétaires de l'armée). Ces dernières n'ont pu être abolies du fait de la majorité des sénateurs, majoritairement nommés ou cooptés par le général Pinochet.

Succédant en 1993 au Président Aylwin, M. Eduardo Frei, candidat de la " Concertation ", a donné la priorité au développement et à la lutte contre la pauvreté. Si une profonde réforme de la justice -refonte du code pénal et du code de procédure pénale, création d'un ministère public et modernisation du système de nomination des juges à la Cour suprême- doit être mise à l'actif du gouvernement Frei, d'inspiration démocrate-chrétienne, les lois prévues pour achever la transition démocratique (suppression des sénateurs désignés à vie, financement public des campagnes électorales, réforme du mode de scrutin) ont été bloquées par le Sénat chilien, fidèle à l'héritage institutionnel du général Pinochet.

En outre, les élections législatives de 1997 ont été l'occasion d'une progression de l'opposition de droite qui demeure à ce jour majoritaire au Sénat.

Enfin, l'élection, en décembre 1999, de M. Ricardo Lagos, opposant de longue date à la dictature, consacre le retour au Palais de la Moneida d'un socialiste, près de 30 années après Salvador Allende. Les principaux points de son programme concernent la réduction des inégalités sociales, la réforme des institutions léonines héritées de la dictature et la préservation d'une alliance gouvernementale qui présente de sérieux signes d'essoufflement face à une droite en plein essor.

2. Les conséquences de l'arrestation du général Pinochet le 16 octobre 1998

Devenu sénateur à vie, en 1998, conformément aux dispositions de la Constitution de 1980 adoptée sous le régime militaire, le général Pinochet a été remplacé au poste de commandant en chef de l'armée de terre par un officier non compromis dans les atteintes aux droits de l'Homme commises auparavant. En outre, la suppression du jour férié du 11 septembre semblait s'inscrire dans le processus de réconciliation nationale engagé lors du rétablissement de la démocratie.

Cependant, l'arrestation du général Pinochet à Londres, le 16 octobre 1998, a fait resurgir les tensions entre les alliages gauche et droite, suscitant les protestations rigoureuses des forces armées et du gouvernement chilien, au nom de la défense de la souveraineté. Si cette affaire divise la classe politique, entre partisans de l'extradition, de l'immunité présidentielle ou encore d'un jugement au Chili, elle semble avoir laissé l'opinion publique assez largement indifférente et ne pas avoir trouvé d'écho lors de la campagne présidentielle de décembre dernier.

En revanche, un vaste débat sur les exactions commises par la junte militaire s'est instauré à l'occasion de cette affaire. Si une loi d'amnistie couvre les agissements des militaires depuis novembre 1990, la création d'une structure de dialogue, constituée de représentants des différentes églises, d'avocats des droits de l'Homme, d'intellectuels et de militaires, a abouti en juin 2000 à un protocole d'accord sur la recherche des disparus, que renforce une loi ultérieure garantissant l'anonymat des informateurs.

En outre, la justice chilienne a engagé plus de cent cinquante procédures judiciaires à l'encontre de l'ancien dictateur. Si des obstacles juridiques, comme la loi d'amnistie couvrant les crimes commis par le régime militaire de 1973 à 1978, risquent d'entraver de telles poursuites, la levée de l'immunité parlementaire du général Pinochet, décidée par la Cour d'appel de Santiago en juin 2000 et confirmée par la Cour suprême en août dernier, marque un tournant dans le rapport des Chiliens avec cette période sombre de leur histoire et souligne leur volonté de refonder l'Etat sur le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

3. Un partenariat renouvelé avec la France

Les contacts ministériels entre la France et le Chili ont été repris dès la fin du régime militaire, avec la visite à Paris du Président Aylwin en septembre 1989. Des mesures conjointes, décidées en 1994, ont concouru au rapprochement entre nos deux pays : levée de l'obligation de visas, mise en place de consultations politiques périodiques, ainsi que d'une commission économique, financière et industrielle bilatérale.

Si les essais nucléaires français ont quelque peu perturbé le climat d'amitié et d'entente qui prévalait depuis 1989, les relations bilatérales ont repris dès la fin de la campagne, comme l'attestent les deux visites en France du Président Frei, en 1997 et 1999, et le déplacement au Chili du ministre délégué à la coopération et à la francophonie, M. Charles Josselin (juin 1999). A cette occasion, ont été signés la présente convention de sécurité sociale ainsi qu'un accord destiné à faciliter la validation mutuelle des études, conclu par la conférence des recteurs du Chili et notre conférence des présidents d'université.

En outre, divers programmes de coopération ont été définis, notamment dans les domaines des droits de l'Homme et de la coopération spatiale.

La bonne tenue de nos relations bilatérales s'inscrit également dans la durée : deux accords, signés en 1955 et 1962, définissent les domaines de notre coopération culturelle, scientifique et technique, dont l'enveloppe s'élève pour 2000 à 14,6 millions de francs. Notre coopération scientifique et technique vise à encourager la recherche en sciences fondamentales et appliquées, assurer la formation des futurs cadres supérieurs chiliens (obtention de bourses), participer à la modernisation de l'Etat chilien (contribution à la formation du service public) et représente, cette année, 13,1 MF de crédits d'intervention.

Il est à noter que notre coopération se développe également par le biais de l'Union européenne (participation annuelle de 30 MF).

* 1 Rapport n° 354 (1997-1998) de M. Daniel Goulet sur l'accord-cadre de coopération entre la Communauté européenne et la République du Chili.

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