D. L'ÂGE D'ÉLIGIBILITÉ À LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

Votre commission des Lois n'a pas accepté l'abaissement à 18 ans de l'âge d'éligibilité du président de la République, dont l'initiative a été prise par l'Assemblée nationale ( article 2 ).

On peut, tout d'abord, s'interroger sur l'intérêt pratique d'une telle mesure, qui ne semble pas figurer parmi les préoccupations des jeunes concernés, quand M.  Bernard Roman, président de la commission des Lois, demande, au cours de l'examen du texte à l'Assemblée nationale : " qui peut croire que quelqu'un sera candidat à 18 ans ? ".

Il a estimé que " pour pouvoir attendre (de la jeunesse), dès l'âge de 18 ans, un comportement citoyen , il était normal de lui conférer, en contrepartie , tous les droits politiques auxquels elle peut légitimement prétendre ", comme si ce comportement devait être conditionné et l'était, dans l'esprit des intéressés, par l'éligibilité à la présidence de la République.

Votre commission des Lois conteste que l'âge d'éligibilité du président de la République doivent être aligné sur celui applicable aux mandats locaux.

N'est-il pas surprenant au contraire d'accréditer l'idée selon laquelle le jour même où le citoyen accède au droit de vote, il est en capacité d'exercer les fonctions de président de la République ? Est-il responsable de proposer une telle disposition alors que l'obligation de parrainage la rend largement illusoire ?

E. LE RÉEXAMEN DES COMPTES DE CAMPAGNE APRÈS LEUR APPROBATION PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Enfin, votre commission des Lois s'est opposée à la procédure, dont l'Assemblée nationale a pris l'initiative, qui permettrait un réexamen des comptes de campagne dans un délai de trois ans après la décision du Conseil constitutionnel ayant approuvé ces comptes ( article 3 bis ).

Il convient comme l'a fait M. Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur devant l'Assemblée nationale, de s'interroger sur la constitutionnalité du dispositif proposé au regard du second alinéa de l'article 62 de la Constitution 7 ( * ) .

Ne s'agirait-il pas, dans les faits, d'une remise en cause une décision du Conseil constitutionnel, ce qui est pourtant formellement exclu par l'article 62 de la Constitution.

S'agirait-il d'une autosaisine du Conseil constitutionnel, conditionnée par la simple transmission d'une information par une juridiction ?

Il est douteux que le Conseil constitutionnel reconnaisse au législateur organique le droit de créer un nouveau cas de saisine de la Haute juridiction, y compris à son bénéfice.

On sait, en effet, que le Conseil constitutionnel apprécie de manière stricte ses propres compétences 8 ( * ) .

Ne s'agirait-il pas d'une communication faite par un Parquet dans la perspective d'une éventuelle remise en cause d'une décision du Conseil constitutionnel, qui pourtant " s'impose " à toutes les autorités juridictionnelles ?

Il est vrai que, s'agissant d'un projet de loi organique, le Conseil constitutionnel sera obligatoirement saisi, conformément à l'article 61 de la Constitution pour examen de sa conformité à la Constitution.

Votre commission des Lois a considéré qu'il convenait sans aucun doute de clarifier la législation sur les comptes de campagne et d'améliorer les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel doit exercer son contrôle, ce qui l'a conduit à approuver la plupart des dispositions du projet de loi organique initial.

Elle a estimé, en revanche, que toute décision prise par le Conseil constitutionnel devait être définitive, conformément à l'article 62 de la Constitution.

En conséquence, votre commission des Lois vous propose d'adopter le dispositif suivant :

1 - mise à jour des dispositions du code électoral applicables à l'élection présidentielle . Votre commission des Lois a complété cette actualisation par des dispositions relatives à l'outre-mer , insérées dans le code électoral par l'ordonnance n° 2000-350 du 19 avril 2000 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable outre-mer.

Cette mise à jour maintiendrait à 23 ans l'âge d'éligibilité du président de la République et comporterait l'adaptation de la valeur en euros des montants exprimés en francs dans les textes organiques relatifs à l'élection du président de la République (en particulier, montant du plafond de dépenses électorales), à compter du 1 er janvier 2002.

2 - extension de la liste des élus habilités à présenter un candidat à la présidence de la République aux :

- maires délégués des communes associées ;

- maires d'arrondissement de Lyon et de Marseille, les maires d'arrondissement de Paris étant déjà habilités en leur qualité de conseillers de Paris ;

- ressortissants français membres du Parlement européen élus en France, qui seraient, pour l'application des règles sur l'origine départementale des présentateurs, réputés élus dans un même département, de la même manière que les élus des Français établis hors de France.

- présidents de certaines structures intercommunales (communautés urbaines, communautés d'agglomération et communautés de communes).

Par ailleurs, les conseillers régionaux qui seront désormais élus dans des circonscriptions régionales, ainsi que les conseillers à l'Assemblée de Corse, seraient réputés être les élus des départements dans lesquels ils participeront à l'élection des sénateurs , selon les modalités déjà prévues par la loi du 19 janvier 1999 précitée.

3 - Afin de clarifier le financement des campagnes et d'en faciliter le contrôle par le Conseil constitutionnel :

- les frais d'expertise comptable seraient inscrits dans les comptes de campagne, de manière à en permettre le remboursement par l'Etat,

- les personnes physiques ne pourraient plus accorder des prêts et avances aux candidats, le Conseil constitutionnel pouvant difficilement s'assurer de la réalité de leur remboursement. Les dons resteraient, en revanche, admis dans les conditions en vigueur,

- les mandataires financiers (personnes physiques ou associations de financement) verraient la durée de leurs fonctions prolongée jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois après la décision du Conseil constitutionnel. Cette mesure aurait, de fait, pour effet de laisser au Conseil constitutionnel un plus long délai pour l'examen des comptes.

En effet, l'établissement de son bilan comptable par le mandataire financier, dernier acte qu'il doit accomplir avant la fin de ses fonctions, doit être précédé par plusieurs opérations pour lesquelles un délai minimum est nécessaire : l'approbation du compte de campagne par le Conseil constitutionnel, qui conditionne le remboursement par l'État. Ce remboursement rend ensuite possible le paiement des dettes de campagne.

Il convient donc de prévoir, pour le mandataire financier, un délai incompressible de " vie " après la décision du Conseil constitutionnel.

- les agents de l'administration des impôts seraient déliés du secret professionnel à l'égard des membres du Conseil constitutionnel et de leurs rapporteurs-adjoints,

- une marge d'appréciation sur les conséquences financières d'une méconnaissance de la législation par un candidat serait accordée au Conseil constitutionnel :

. en cas de dépassement du plafond de dépenses , le montant du reversement au Trésor public serait fixé par le Conseil constitutionnel. Il pourrait être inférieur au montant du dépassement, sans qu'un candidat dans une telle situation puisse pour autant être dispensé de tout reversement,

. le remboursement des dépenses électorales , en principe supprimé en cas de dépassement du plafond de dépenses, lorsque le compte de campagne n'a pas été déposé dans les formes et délais requis ou lorsqu'il a été rejeté, pourrait être maintenu par le Conseil constitutionnel (au niveau qu'il fixerait, dans la limite du plafond légal), dans les cas où la méconnaissance des dispositions applicables serait non intentionnelle et de portée réduite .

4 - Le taux maximum du remboursement forfaitaire accordé par l'Etat aux candidats ayant recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés serait, pour l'élection présidentielle, aligné sur celui applicable pour les autres scrutins (soit 50% du montant du plafond applicable ).

Le remboursement pourrait donc atteindre, pour un candidat présent au premier tour seulement, 47,18 millions de francs et, pour chaque candidat au second tour, 63,02 millions de francs.

5 - Votre commission des Lois s'est opposée à l'institution d'une procédure de réexamen des comptes de campagne approuvés par le Conseil constitutionnel, procédure qui serait contraire à l'article 62 de la Constitution .

*

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi organique.

* 7 "  Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. "

* 8 Décisions n° 92-313 DC du 23 septembre 1992 : " considérant que la compétence du Conseil constitutionnel est strictement délimitée par la Constitution ; qu'elle n'est susceptible d'être précisée et complétée par voie de loi organique que dans le respect des principes posés par le texte constitutionnel. "

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