N° 251

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 avril 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EN NOUVELLE LECTURE, relative à l' égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ,

Par Mme Annick BOCANDÉ,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri
Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 2132 , 2220 , 2225 et T.A. 469

Deuxième lecture : 2604 , 2698 , 2744 et T.A. 577

Commission mixte paritaire : 2866

Nouvelle lecture : 2838 , 2875 , 2882 et T.A. 631

Sénat : Première lecture : 258 , 475 (1999-2000), 1 et T.A. 1 (2000-2001)

Deuxième lecture : 111 , 139 et T.A. 48 (2000-2001)

Commission mixte paritaire : 189 (2000-2001)

Nouvelle lecture : 208 (2000-2001)

Femmes.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est amené à se prononcer, en nouvelle lecture, sur la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

La commission mixte paritaire, réunie le 16 janvier dernier, n'a en effet pas pu se mettre d'accord sur un texte commun.

Cet échec témoigne de l'ampleur des divergences entres nos deux assemblées. Mais il ne doit pas masquer pour autant l'importance du travail déjà accompli.

La navette a progressivement permis d'enrichir une proposition de loi initialement modeste et finalement de portée très restreinte pour en faire aujourd'hui, grâce aux apports des deux assemblées, un texte plus conséquent, celui-ci étant passé de 22 à 42 articles. Des compromis satisfaisants ont ainsi pu être réalisés avant la réunion de la commission mixte paritaire. On peut notamment citer les mesures en faveur d'une meilleure reconnaissance professionnelle des conjoints collaborateurs ou d'une plus grande représentation des femmes dans les élections prud'homales.

Ces exemples illustrent a contrario les risques que fait peser l'urgence sur la qualité des travaux parlementaires. La navette a, dans le cas présent, permis d'instaurer un réel dialogue entre les deux chambres et de trouver des compromis satisfaisants sur certains points même si un accord global n'a pu se dégager. Votre commission se félicite donc qu'une véritable discussion se soit engagée sans avoir été escamotée par une déclaration d'urgence qui n'aurait, à l'évidence, pas permis d'aboutir aux mêmes avancées.

Il semble pourtant que ce dialogue touche désormais à son terme.

20 articles restaient ainsi en discussion à l'issue de la deuxième lecture au Sénat. L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, est revenue pour l'essentiel à son texte de deuxième lecture. Et le Sénat est donc saisi, en nouvelle lecture, de 21 articles restant en discussion.

Le bilan de la navette apparaît alors, pour la nouvelle lecture, on ne peut plus mince.

L'Assemblée nationale n'a voté conforme aucun article adopté par le Sénat. Elle est revenue mot pour mot à son texte de deuxième lecture pour 18 articles. Elle a modifié deux articles et a adopté un nouvel article additionnel.

Votre commission observe toutefois que cette nouvelle lecture n'a pas été totalement stérile. Elle constate en effet avec satisfaction que deux importantes dispositions introduites par le Sénat en deuxième lecture ont été adoptées par l'Assemblée nationale.

Il s'agit d'abord de la nouvelle allocation d'assurance maternité versée à la salariée enceinte ou venant d'accoucher, médicalement inapte à occuper un poste de nuit et ne pouvant être affectée à un poste de jour. Il s'agit également de la prolongation, pendant une durée maximale d'un mois si le médecin du travail le juge nécessaire, de la période d'affectation de la salariée travaillant généralement la nuit à un poste de jour à l'issue du congé de maternité.

Ces mesures -très concrètes- permettront d'assurer une réelle protection de la maternité des femmes travaillant la nuit. Et votre commission se félicite que le Sénat soit l'origine de ces dispositions.

Pour autant, ces convergences ne peuvent occulter l'ampleur des désaccords qui séparent les deux assemblées.

Ces désaccords sont au nombre de cinq.

Le premier désaccord touche au coeur du contenu initial de la proposition de loi, à savoir la négociation collective sur l'égalité professionnelle. Sur ce point, il est clair que les deux assemblées ne partagent pas la même conception du rôle de la négociation collective. Le Sénat estime en effet que la mise en place d'obligations de négocier doit rester compatible avec la nécessaire autonomie des partenaires sociaux. Il considère ainsi que la loi n'a pas à fixer le socle, le rythme et le déroulement de ces négociations. Il estime surtout que l'introduction d'une sanction pénale directe et immédiate n'est pas un moyen approprié pour ouvrir un dialogue social serein et constructif en matière d'égalité professionnelle.

Le deuxième désaccord concerne la question cruciale de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle, qui n'est pas abordée par la présente proposition de loi. Or, ce sont pourtant bien souvent les difficultés que rencontrent les femmes à concilier vie familiale et vie active qui alimentent les inégalités professionnelles. Les femmes restent encore trop fréquemment dans l'obligation d'interrompre leur carrière pour élever leurs enfants et se heurtent à d'importantes difficultés pour revenir sur le marché du travail. Aussi, le Sénat a fait sur ces points deux propositions concrètes et raisonnables. Mais l'Assemblée nationale les a supprimées. Votre commission le déplore.

Le troisième point de désaccord concerne la représentation des femmes dans le monde professionnel. Le Sénat, sur proposition de notre collègue Gérard Cornu, avait pris de fortes initiatives en la matière. S'inscrivant dans cette perspective, votre commission avait souhaité affirmer le principe d'une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans la constitution des listes de candidatures pour les élections des délégués du personnel et aux comités d'entreprise, en prenant bien entendu en compte leurs effectifs respectifs dans l'entreprise. L'Assemblée nationale a choisi une autre voie, dénuée de portée normative, se contentant d'inscrire dans la loi une simple faculté d'examen de la question par les organisations syndicales intéressées, sans pour autant en préciser les moyens d'application. Cette démarche, preuve d'un évident embarras, semble insuffisante.

Quatrièmement, et sans doute plus profondément, la question du travail de nuit divise nos deux Assemblées. Si l'Assemblée nationale et le Sénat sont certes d'accord sur la nécessité d'une modernisation du cadre juridique actuel, d'ailleurs largement inexistant, ils s'opposent sur le contenu de ce nouveau régime légal.

La rédaction issue de l'Assemblée nationale est en effet loin d'être satisfaisante car elle se révèle paradoxalement à la fois inutilement contraignante pour les entreprises et insuffisamment protectrice pour les salariés.

Certes, l'Assemblée nationale a repris en nouvelle lecture les propositions du Sénat en faveur d'une meilleure protection des femmes enceintes ou venant d'accoucher travaillant la nuit. Mais elle n'a pas suivi le Sénat dans son souci de garantir une plus grande autonomie pour les partenaires sociaux. Or, votre commission estime indispensable de renforcer ce qui relève du dialogue social par rapport à ce qui est fixé trop uniformément par la loi. Il lui semble aussi nécessaire de privilégier la négociation d'entreprise qui a le mérite d'être plus proche des réalités du terrain et plus respectueuse des intérêts des salariés.

Sur ce point, un exemple est très significatif de la rigidité de la position de l'Assemblée nationale et des conséquences dommageables qu'elle ne manquera pas d'entraîner. C'est la question des contreparties au travail de nuit.

L'Assemblée nationale a rendu obligatoire, parmi ces contreparties, un repos supplémentaire, la majoration de rémunération n'étant qu'optionnelle

L'intention est certes louable, mais elle apparaît pourtant peu appropriée. Elle ne prend pas en compte le mouvement actuel de réduction du temps de travail qui permet déjà aux salariés de bénéficier de repos supplémentaires. Elle ne répond pas aux aspirations des salariés qui souhaitent généralement des majorations de rémunération. Mais surtout, elle oblige à renégocier la majeure partie des accords signés ces derniers mois sur la réduction du temps de travail qui abordent, pour la plupart, le travail de nuit.

Dès lors, une telle disposition devient une source grave d'insécurité juridique pour les entreprises et les oblige à reprendre les négociations dans un contexte difficile. Elle ne prend pas non plus en compte les efforts réalisés par de nombreuses entreprises pour organiser le travail de nuit.

Votre commission avait fait, en deuxième lecture, des propositions concrètes visant à corriger les effets pervers de telles dispositions. Elles se sont hélas heurtées à une fin de non-recevoir de la part de l'Assemblée nationale. Il aurait été pourtant souhaitable, au minimum, de reporter l'entrée en vigueur de ces dispositions pour les entreprises ayant déjà un accord abordant la question du travail de nuit. Mais, en dépit des soucis de conciliation de votre rapporteur, l'intransigeance de l'Assemblée nationale sur ce point demeure.

Le dernier point de désaccord concerne le volet Fonction publique du texte. Le Sénat est favorable à l'inscription dans la loi de la " clause de sauvegarde " qui permet d'assurer exceptionnellement la mixité dans les jurys par la présence d'un seul membre de l'un ou l'autre sexe. L'Assemblée nationale y est opposée alors que la démarche du Sénat se veut très pragmatique. Il s'agit simplement de prendre en compte les difficultés d'application qui pourraient survenir dans certains corps dont la représentation par sexe est très déséquilibrée.

Ces désaccords restent profonds. Les chances d'aboutir à un compromis sur l'un ou l'autre de ces points semblent aujourd'hui, en l'état actuel du débat, inexistantes. Car, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a confirmé la quasi-totalité des positions qu'elle avait adoptées en deuxième lecture. Elle a donc ainsi clairement signifié qu'elle avait d'ores et déjà dit son dernier mot.

Dans ces conditions, votre commission considère qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération. Elle vous propose en conséquence d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable à la présente proposition de loi.

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