EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi aujourd'hui soumis à votre examen porte habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Il s'agit une nouvelle fois d'autoriser le Gouvernement, en vertu de la procédure de l'article 38 de la Constitution, à opérer une modernisation du droit applicable dans les départements d'outre-mer, dans les territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et surtout dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Si le recours à la procédure des ordonnances a été relativement fréquent pour opérer les modifications législatives nécessaires à l'outre-mer, il semble désormais devenir usuel, se substituant aux projets de loi portant dispositions diverses ou " projets de loi balai ". Alors que la seconde méthode ne favorise guère un débat parlementaire de fond du fait du caractère extrêmement disparate des dispositions portées à la discussion, la première aboutit encore davantage à escamoter le débat.

Cette technique qui emporte dessaisissement du législateur tend donc à se banaliser et démontre que les consignes gouvernementales résultant des deux circulaires du Premier ministre concernant l'application des textes législatifs outre-mer du 21 avril 1988 et du 15 juin 1990 adressées aux administrations centrales sont largement restées lettre-morte. La première précisait en effet que son but était de " sensibiliser les administrations à la prise en compte de l'outre-mer dans l'élaboration de leur politique et dans la rédaction des textes législatifs et réglementaires " et prenait acte qu'il " est encore trop souvent constaté que cette préoccupation est tardive, voire absente, et conduit, uniquement pour des raisons de calendrier ou de procédure, à différer l'application de certains textes outre-mer et, par conséquent, à accentuer des différences non justifiées entre la métropole et les DOM-TOM ". La seconde appelait à nouveau ces administrations à " associer suffisamment tôt le ministère des départements et territoires d'outre-mer aux travaux préparatoires des textes pour qu'il puisse apprécier, en droit et en opportunité, leur applicabilité aux territoires d'outre-mer ".

En dépit de ces appels renouvelés, force est de constater que les projets de texte incluant d'emblée les mesures nécessaires à leur extension ou à leur mise en oeuvre outre-mer sont encore largement minoritaires et il est à craindre que les facilités offertes par un recours banalisé à la procédure des ordonnances ne démobilisent encore plus les administrations des divers ministères, laissant au secrétariat d'Etat à l'outre-mer le soin de procéder par ordonnances au balayage des lois et règlements, afin de les rendre applicables dans l'outre-mer.

Cette situation entraîne des conséquences néfastes pour les administrations locales et les citoyens confrontés à des situations juridiques mal établies dans l'attente de l'entrée en vigueur de telles ordonnances.

Par ailleurs, d'autres facteurs expliquent que l'outre-mer n'applique qu'avec retard les avancées du droit métropolitain. Ses spécificités impliquent en effet des adaptations législatives et réglementaires. De plus, le régime législatif particulier applicable à certaines de ces collectivités, supposant la consultation préalable des assemblées locales et donc la prise en considération des délais correspondants dans le calendrier d'élaboration des textes, ne favorise pas non plus une évolution concomitante du droit métropolitain et du droit applicable outre-mer.

En effet, les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une part, les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la collectivité territoriale de Mayotte d'autre part, obéissent à des régimes législatifs différents.

I. LE RÉGIME LÉGISLATIF APPLICABLE AUX COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

A. LE RÉGIME DE L'ASSIMILATION LÉGISLATIVE

1. Le principe dit de " l'assimilation législative " s'applique aux départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ainsi, les lois métropolitaines y sont de plein droit applicables, l'article 73 de la Constitution prévoyant seulement que " le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière ".

Ces mesures d'adaptation ne sauraient cependant être d'une ampleur telle qu'elles tiendraient en échec le principe d'assimilation : le Conseil constitutionnel vérifie ainsi qu'elles n'ont pas " pour effet de conférer aux départements d'outre-mer une organisation particulière, prévue par l'article 74 de la Constitution pour les seuls territoires d'outre-mer " (décision n° 82-152 DC du 2 décembre 1982).

Par ailleurs, s'agissant de la Guyane, de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, l'adoption de dispositions expresses d'extension est parfois requise, en dehors de ces mesures d'adaptation fondées sur la spécificité de leur situation, concernant des textes antérieurs à 1946, dès lors qu'avant la loi de départementalisation du 19 mars 1946 ces collectivités étaient soumises au régime de la spécialité législative.

Il en est de même concernant Saint-Pierre-et-Miquelon pour l'extension de dispositions législatives antérieures à 1977. A Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité territoriale depuis 1985, les lois sont applicables de plein droit, à l'exception de celles qui relèvent de la compétence du conseil général (urbanisme et fiscalité). Cependant, cet l'archipel ne faisant pas partie de l'Union européenne, l'application de certains textes est impossible, ce qui rend nécessaire une mention expresse d'extension.

2. Un principe qui n'exclut pas une consultation des assemblées locales

Si ce principe d'assimilation vaut à la fois pour les départements d'outre-mer et la collectivité à statut particulier de Saint-Pierre-et-Miquelon, la procédure applicable conservait une spécificité concernant Saint-Pierre-et-Miquelon . En effet, l'article 24 de la loi statutaire du 11 juin 1985 ayant abrogé la loi de départementalisation du 19 juillet 1976 prévoit l'obligation de consulter le conseil général.

Cette obligation existait également pour les départements d'outre-mer mais sa portée juridique était moindre puisqu'elle résultait d'un simple décret (article 1 er du décret du 26 avril 1960 relatif à l'adaptation du régime législatif et de l'organisation administrative des départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion).

Or, la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 a donné une base légale à la consultation des conseils généraux et des conseils régionaux en introduisant les nouveaux articles L. 3444-1 et L. 4433-3-1 du code général des collectivités territoriales. L'article L. 3444-1 dispose que " les conseils généraux des départements d'outre-mer sont consultés sur les projets de loi, d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions d'adaptation du régime législatif et de l'organisation administrative de ces départements. L'avis des conseils généraux est réputé acquis en l'absence de notification au représentant de l'Etat d'un avis exprès dans le délai d'un mois à compter de la saisine. Ce délai est réduit à quinze jours en cas d'urgence sur demande du représentant de l'Etat ". L'article L. 4433-3-1 reprend des dispositions similaires s'agissant des conseils régionaux.

Il s'agit de la première application de ces articles en matière législative.

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