TITRE III
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RATIFICATION DU CODE DE LA MUTUALITÉ

I. LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES ASSURANCE AUX MUTUELLES : UN LONG CHEMIN SEMÉ D'EMBÛCHES

La question de la transposition des « directives assurance » aux mutuelles est posée depuis maintenant une dizaine d'années.

Votre rapporteur renvoie à l'avis qu'il avait fait au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires 32 ( * ) .

Il en rappellera les principaux points :

- le secteur de la mutualité a demandé son assujettissement aux directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992, dites « directives assurance » ;

Les directives de 1992 apportent quatre modifications principales aux deux premières générations de directives (1973 et 1979) :

- le principe de spécialité , qui impose aux entreprises d'assurance communautaire de gérer dans une personne morale distincte les activités qui ne découlent pas directement de leurs opérations d'assurances ;

- l'harmonisation des règles prudentielles applicables à l'ensemble des entreprises d'assurance de l'Espace économique européen : obligation de disposer d'une marge de solvabilité et d'un minimum de fonds de garantie (fonds propres), obligation de constituer des provisions suffisantes à la couverture de leurs engagements représentés par des actifs équivalents, obligation de respecter les coefficients de dispersion et les règles de congruence applicables aux placements représentant les engagements réglementés ;

- les conditions de délivrance d'un agrément unique par l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le siège social de l'entreprise d'assurance communautaire en vue d'intervenir en liberté d'établissement et en libre prestation de services dans l'Espace économique européen. Cette « licence unique » est délivrée par l'Etat membre d'origine pour chaque branche d'assurance pratiquée, au vu d'un programme d'activité et prend en compte l'adéquation de l'organisation administrative au programme d'activité et l'honorabilité ainsi que la qualification ou l'expérience professionnelle des dirigeants ;

- la mise en place par l'Etat membre d'origine d'un contrôle des entreprises d'assurance communautaires depuis le siège social « Home country control » permettant de protéger efficacement les intérêts des preneurs d'assurance grâce à des moyens techniques et humains adaptés, à des sanctions graduées et à une coopération entre les autorités de contrôle communautaires.

Par ailleurs, l'application des directives a pour conséquences l'adaptation du système de transfert de portefeuilles (lorsqu'une entreprise d'assurances décide de vendre ou de transférer un ensemble de contrats à une autre entreprise d'assurances, il est indispensable, dans l'intérêt des assurés, que l'acquisition du portefeuille ne soit pas réservée aux seules mutuelles) et l'adaptation du système de réassurance (les contrats de réassurance doivent être accessibles à toutes les entreprises d'assurance et de réassurance de l'Union, et non limités au seul monde mutualiste).

- ces directives ont été transposées dès 1993 et 1994 aux compagnies d'assurance et aux institutions de prévoyance, mais n'avaient toujours pas été transposées à la mutualité ;

- les gouvernements successifs ont tenté à de nombreuses reprises de transposer ces directives aux mutuelles, en demandant des rapports : le rapport Bacquet (avril 1994), puis le rapport Rocard (avril 1999) ont ainsi étudié les pistes d'une transposition « adaptée » aux spécificités du secteur mutualiste, mais respectant les règles édictées par Bruxelles ;

- le choix d'une transposition « sèche » des directives a été écarté au bénéfice d'une refonte globale du code de la mutualité , permettant de prendre en compte, par le même texte, des demandes anciennes émanant du secteur mutualiste ;

- alors qu'un projet de loi avait été enfin préparé par le Gouvernement et présenté au Conseil d'Etat début juillet 2000, la présentation de ce projet de loi s'est transformé in extremis en une « communication relative à la réforme du code de la mutualité » : « Compte tenu de la nécessité d'assurer au plus vite l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, le Gouvernement a choisi de procéder par ordonnance. Dès septembre prochain, un projet de loi l'habilitant à transposer, par ordonnances, certaines directives européennes, et notamment celles relatives à l'assurance, sera présenté au Parlement » .

Le projet de loi en question, portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, a été discuté au Sénat les 25 octobre et 7 novembre 2000, puis à l'Assemblée nationale le 5 décembre 2000, avant de faire l'objet d'un accord en commission mixte paritaire, le mardi 12 décembre 2000.

Les conclusions de cette commission mixte paritaire ont été adoptées par l'Assemblée nationale le 13 décembre 2000 et par le Sénat le 21 décembre 2000.

L'article 4 de la loi n° 2001-1 du 3 janvier 2001 portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, parue au Journal officiel n° 3 du 4 janvier 2001, prévoit ainsi :

« Outre les mesures législatives nécessaires à la transposition des directives 92/49 et 92/96 mentionnées à l'article premier, le Gouvernement est autorisé à procéder, par ordonnances, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à la refonte du code de la mutualité et à la modification du code des assurances, du code de la sécurité sociale, de la loi n° 78-741 du 13 juillet 1978 relative à l'orientation de l'épargne vers le financement des entreprises et de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, afin :

D'assurer l'harmonisation des règles applicables aux organismes mutualistes, institutions de prévoyance et entreprises d'assurance ;

De garantir les droits et d'assurer la protection des intérêts des membres des organismes mutualistes ou des institutions de prévoyance et de leurs bénéficiaires, ainsi que des assurés, souscripteurs, adhérents et bénéficiaires de contrats d'assurance ;

Et d'assurer la participation effective des membres des organismes mutualistes au fonctionnement de leurs instances dirigeantes » .

Votre commission des Affaires sociales avait proposé au Sénat de voter l'article autorisant l'habilitation, parce qu'elle avait estimé qu'il convenait de privilégier « l'impératif de rapidité » . Mais cet accord s'appuyait sur une condition expresse : l'engagement d'un véritable débat lors de la ratification. En outre, votre commission des Lois avait été à l'origine d'un amendement à l'article 5 du projet de loi (article 6 de la loi), ramenant de six mois à quatre mois le délai prévu pour prendre l'ordonnance, « des projets de lois de ratification des ordonnances devront être déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du deuxième mois » à compter de l'expiration des quatre mois prévus.

Votre commission des Affaires sociales estimait en outre que la procédure des ordonnances obligeait paradoxalement le Gouvernement à agir, alors qu'un texte de loi peut à tout moment être retiré de l'ordre du jour.

II. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L'ORDONNANCE DU 19 AVRIL 2001

Le Gouvernement a respecté les délais fixés par la loi du 3 janvier 2001, puisque l'ordonnance a été prise le 19 avril 2001.

A. LES ARTICLES DE L'ORDONNANCE

L'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité et transposant les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992 comprend neuf articles :

- l'article premier renvoie à la partie législative du code de la mutualité, présentée en annexe de l'ordonnance ;

- l'article 2 prescrit le remplacement des références aux dispositions abrogées par l'article 3 par les références correspondantes du code de la mutualité ;

- l'article 3 abroge les dispositions du code actuel ;

- l'article 4 précise les conditions d'entrée en vigueur du code de la mutualité : les mutuelles, unions et fédérations créées avant la publication de la présente ordonnance disposent d'un délai d'un an pour se conformer aux nouvelles dispositions du code ;

- l'article 5 prévoit des dispositions transitoires, portant principalement sur la demande d'agrément des mutuelles déjà existantes et sur la composition d'un Conseil supérieur de la mutualité « transitoire », dans l'attente des nouvelles dispositions, dont le mandat prendra fin au plus tard le 1 er juin 2002 ;

- les articles 6 et 7 comprennent des dispositions relatives aux entreprises d'assurance régies par le code des assurances et aux institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale qui sont dotées d'une nouvelle procédure de liquidation spéciale et d'un fonds de garantie propre au secteur paritaire et instituent une taxe visant à financer les frais de contrôle de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance. En outre, l'article 6 (XXXI) vise à remédier à un précontentieux avec la Commission européenne, portant sur l'obligation de rédiger les contrats d'assurance en langue française. Les dispositions proposées s'attachent à concilier le respect du droit communautaire, la protection du consommateur et la défense de la langue française. Ce même article (XXXII) tire les conclusions de l'invalidation de la fiche signalétique des contrats d'assurance par la Cour de justice des communautés européennes.

L'article 8 de l'ordonnance consacre le caractère viager des couvertures complémentaires en matière d'assurance santé, souscrites à titre individuel ou collectif facultatif auprès de l'un des trois intervenants de la protection sociale complémentaire.

Enfin, l'article 9 précise les ministres chargés de l'exécution de l'ordonnance.

B. LE CODE ANNEXÉ

Le nouveau code est composé de six livres qui comprennent à la fois certaines dispositions actuellement en vigueur et de nouveaux articles réformant en profondeur le régime juridique des organismes mutualistes.

Le livre premier (art. L. 111-1 à L. 115-8) réunit les règles générales applicables aux mutuelles, unions et fédérations.

Il est lui-même divisé en cinq chapitres.

Le chapitre Ier redéfinit le rôle et l'objet de ces organismes. Ainsi, selon l'article L. 111-1, « les mutuelles sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif » qui mènent en faveur de leurs membres « une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide ». Elles agissent dans le but de contribuer à leur « développement culturel, moral et physique » et à « l'amélioration de leurs conditions de vie ». L'ordonnance élargit leurs activités. Dorénavant, les mutuelles pourront intervenir dans de nouveaux secteurs d'assurance : protection juridique, assistance aux personnes, cautionnement. Ces opérations s'ajoutent aux activités traditionnelles : maladie, incapacité, invalidité, vie, retraite, capitalisation et chômage.

C'est dans ce chapitre qu'apparaît le concept de mutuelle ou d'union-soeur créé pour mettre en oeuvre le principe de spécialité défini dans les directives européennes (art. L. 111-3 et L. 111-4). En vertu de ce principe, les activités d'assurance devront, sauf exception, être séparées des activités de gestion de réalisations sanitaires, sociales et culturelles. En outre, les mutuelles exerçant une activité d'assurance ne pourront à la fois mener des opérations de vie et de capitalisation, et contracter certains autres engagements : protection juridique, chômage, cautionnement.

Le chapitre II reprend les dispositions protégeant le terme « mutuelle » et traite des principes mutualistes : absence de sélection médicale, non-individualisation des cotisations en fonction de l'état de santé (art. L. 112-1).

Dans le chapitre III , le rôle de l'assemblée générale en matière de création, de fusion, de scission et de dissolution des mutuelles, unions et fédérations est consacré.

Composé de sept sections, le chapitre IV traite des règles de fonctionnement communes à l'ensemble de ces structures : adhésion, droits et obligations des membres, contenu des statuts, organisation des instances, rôle des administrateurs et du directeur général, dispositions financières et comptables. Un engagement lie l'adhérent à sa mutuelle, formalisé par la signature du bulletin d'adhésion (art. L. 114-1).

Ce chapitre instaure également un statut de l'élu. L'exercice de ses fonctions est désormais encadré : limite d'âge, cumul des mandats, formation à la gestion (art. L. 114-22, L. 114-23 et L. 114-25).

Enfin, au chapitre V , sont reprises les règles particulières fixées par le code actuel pour les mutuelles d'entreprises, les mutuelles à caractère professionnel ainsi que pour les mutuelles de militaires.

Le livre II (art. L. 211-1 à L. 226-1) comprend deux titres. Ils concernent exclusivement les mutuelles et unions pratiquant des opérations d'assurance et de capitalisation.

Le titre premier est consacré aux règles de fonctionnement de ces organismes. Il est divisé en trois chapitres qui portent sur l'accès à l'activité d'assurance, le fonctionnement des organismes concernés et les peines encourues en cas de non-respect des obligations.

C'est dans le chapitre premier que figurent les dispositions relatives à l'agrément institué dans le but de respecter le principe de spécialité (art. L. 211-7 à L. 211-9). Pour l'obtenir, les mutuelles devront remplir un certain nombre de conditions : comptabilité des moyens administratifs, techniques et financiers, respect des règles d'éligibilité des administrateurs, « honorabilité » et « qualification professionnelle des dirigeants ».

Le chapitre II contient le nouveau régime financier et comptable auquel les organismes mutualistes sont désormais soumis en application des directives européennes (art. L. 212-1). Les mutuelles devront constituer des provisions techniques leur permettant d'assurer le règlement intégral de leurs engagements. Elles devront également disposer à tout moment d'une marge de solvabilité et créer un fonds de garantie. Les organismes qui auront conclu une convention de substitution seront dispensés de ces règles prudentielles. Une autre disposition importante du chapitre II est l'autorisation de constituer des groupes (art. L. 212-7). Ces ensembles pourront être composés de mutuelles, d'institutions de prévoyance et d'entreprises d'assurance. Ils devront avoir une direction et des services communs et des liens de réassurance « durables ».

Le titre II comporte six chapitres, qui fixent le nouveau cadre juridique régissant les engagements contractuels pris par les organismes mutualistes à l'égard de leurs membres.

Le livre III (art. L. 310-1 à L. 320-6) contient les dispositions relatives aux mutuelles qui réalisent des opérations de prévention et d'action sociale et qui gèrent des réalisations sanitaires sociales. Il comporte deux titres : l'un concerne la constitution et le fonctionnement de ces organismes et l'autre, leur champ d'intervention. Ces groupements acquièrent la personnalité morale lorsqu'ils satisfont à trois conditions : tenue d'une assemblée générale constitutive, respect des règles d'activité applicables à leur champ d'intervention et inscription au registre national des mutuelles.

Le livre IV (art. L. 411-1 à L. 431-8), traitant des relations avec l'Etat et autres collectivités publiques, est organisé en trois titres.

Le premier concerne les organes administratifs de la mutualité. Il s'agit essentiellement du Conseil supérieur de la mutualité (CSM). Les missions de cet organisme sont étendues. En effet, le CSM sera désormais saisi pour avis de tous les projets de textes relatifs au fonctionnement des organismes mutualistes. Il sera également consulté avant tout agrément d'une mutuelle ou d'une union.

Le CSM sera chargé en outre de la tenue du registre national des mutuelles et gérera le Fonds national de solidarité, institué dans le titre II (art. L. 411-1).

Quant au titre III, il est consacré au fonds de garantie destiné à préserver les droits des mutualistes lorsque la mutuelle n'est plus en mesure de faire face à ses engagements (art. L. 431-1).

Le livre V (art. L. 510-1 à L. 510-15) est relatif au contrôle des organismes mutualistes (mutuelles, unions, fédérations) par la Commission de contrôle des mutuelles et institutions de prévoyance (CCMIP). Cette instance disposera de pouvoirs identiques à ceux de la commission de contrôle des assurances. Elle pourra prononcer à l'encontre d'une mutuelle, en cas d'infraction, des sanctions allant de l'avertissement au retrait d'agrément (art. L. 510-11).

Le livre VI (art. L. 610-1 et L. 610-2), relatif aux dispositions d'application, comporte seulement deux articles. Le premier prévoit que les dispositions des statuts et des règlements, celles prévues pour le fonctionnement des instances ou encore les clauses des contrats collectifs ne peuvent déroger aux dispositions du code de la mutualité, qui sont d'ordre public. Le second article précise que les modalités réglementaires d'application du nouveau code sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

III. UN TEXTE QUI MÉRITERAIT D'ÊTRE ENRICHI, PRÉCISÉ ET MODIFIÉ PAR LE DÉBAT PARLEMENTAIRE

A l'évidence, le texte de l'ordonnance, par ses absences et ses déficiences, méritait un débat parlementaire.

Ainsi que le note l'Agence fédérale d'information mutualiste, rendant compte des efforts réalisés par les juristes de la FNMF pour publier, en partenariat avec un éditeur spécialisé, une version commentée de la partie législative du code de la mutualité :

« Une ordonnance ne suit pas le même itinéraire qu'une loi. En particulier, elle ne fait pas l'objet, avant son adoption, de rapports des commissions parlementaires ni de débats à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Résultat : il est plus difficile de connaître les intentions du législateur, ce qui rend ardue l'interprétation de certaines dispositions » 33 ( * ) .

De fait, le débat à l'Assemblée nationale sur l'article 7 du projet de loi, qui occupe une page et demie au Journal officiel, sera de peu d'utilité pour les exégètes.

Cette absence d'un débat parlementaire article par article, en amont et en aval, est d'autant plus regrettable que le dispositif est susceptible de n'être que partiellement conforme aux directives communautaires.

A. UNE CONFORMITÉ AUX DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES SUSCEPTIBLE D'ÊTRE REMISE EN CAUSE

Votre rapporteur doute de la stricte conformité du texte de l'ordonnance aux directives assurance au regard de trois éléments :

- le principe de spécialité ;

- la liberté de réassurance ;

- la notion de contrats de substitution

Le principe de spécialité fait l'objet d'un aménagement, à travers la notion « d'activités accessoires ». C'est l'objet du III de l'article L. 111-1 du code de la mutualité, qui étend cette possibilité ouverte aux mutuelles exerçant une activité d'assurance de « mettre en oeuvre une action sociale » ou de « gérer des réalisations sanitaires et sociales » non seulement aux adhérents de ladite mutuelle, mais également aux souscripteurs d'un contrat proposé par une compagnie d'assurance, une institution de prévoyance, ou une autre mutuelle d'assurance, dès lors qu'une convention a été signée avec ces organismes et si « les prestations délivrées découlent directement du contrat passé avec ces souscripteurs » .

L'article L. 111-3 du code, précisant les conditions de création d'une « mutuelle soeur », n'appelle pas d'observations particulières, en dehors du dernier alinéa, relatif aux « transferts financiers », qui risque de réduire à néant la conformité de cet article aux règles communautaires, même si lesdits transferts ne peuvent « remettre en cause les exigences de solvabilité définies à l'article L. 212-1 » . Ces « transferts financiers » prendront sans doute la forme d'une subvention.

S'agissant de la liberté de réassurance , le code prévoit de donner aux fédérations une responsabilité opérationnelle, puisque même « si elles ne peuvent pas pratiquer directement des opérations d'assurance » , « elles sont autorisées à pratiquer des opérations de réassurance » 34 ( * ) au moyen d'unions consacrées à ces catégories d'opérations.

Le g) de l'article L. 114-9 précise que l'assemblée générale de la mutuelle ou de l'union statue à une majorité qualifiée 35 ( * ) , entre autres décisions, sur les « règles générales auxquelles doivent obéir les opérations de cession de réassurance » . Il est fait mention, à l'article L. 114-12 des « principes directeurs en matière de réassurance » , ce qui n'induit pas -a priori- une différence autre que terminologique avec la notion de « règles générales » . Il est curieux de prévoir une telle solennité, alors qu'il s'agit d'un acte de gestion courante.

La notion de contrats de substitution , qui permet à des mutuelles de se substituer intégralement à d'autres mutuelles ou unions pour la délivrance de ces engagements, n'est pas prévue par les textes communautaires. A la suite d'une convention de substitution, les opérations faites en application sont considérées comme des opérations directes de la mutuelle ou de l'union qui s'est substituée à l'organisme concerné.

Sur le plan de l'opportunité, cette notion de contrats de substitution n'apparaît pas nécessaire, compte tenu de la possibilité pour les petites mutuelles de déroger aux règles communautaires, disposition expressément prévue par les directives assurances. En revanche, la conformité des « contrats de substitution » est susceptible d'être remise en cause par Bruxelles.

En règle générale, la délimitation précise de ces « dérogations » aux règles communautaires, et plus particulièrement la définition des activités « accessoires » relève du pouvoir réglementaire. Or, ces décrets sont actuellement en cours de rédaction. Selon M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, « ils devraient traduire très pragmatiquement le dispositif législatif retenu » 36 ( * ) : cette traduction « très pragmatique » risque toutefois d'être difficile, en l'absence de travaux parlementaires.

B. L'AGRÉMENT ET LA TENUE DU REGISTRE DES MUTUELLES : DES DISPOSITIONS HAUTEMENT CRITIQUABLES

L'article 5 de l'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité et transposant les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992 prévoit que les mutuelles, unions et fédérations créées avant la publication de la présente ordonnance et qui n'auront pas accompli, dans un délai d'un an, les démarches nécessaires à leur inscription au registre national des mutuelles, tenu par le secrétariat général du Conseil supérieur de la mutualité, seront purement et simplement dissoutes.

Votre rapporteur considère que la sanction est à l'évidence disproportionnée. De ce point de vue, il aurait été préférable de prévoir un mécanisme simplifié, précisé par décret en Conseil d'Etat, pour l'agrément de mutuelles dont l'existence peut remonter à plus de cent ans. Le paragraphe V de l'article 136 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, qui insère un nouvel article L. 321-1-1 au code des assurances, prévoit un dispositif d'agrément de cette nature pour les entreprises de réassurance existant à la date de publication de la loi. Il est de plus curieux de confier cette tâche au Conseil supérieur de la mutualité, organe consultatif : la tenue d'un registre national au niveau du greffe des tribunaux de grande instance apparaissait une solution juridiquement plus sûre.

La composition du nouveau Conseil supérieur de la mutualité est fixée, selon l'article L. 411-3 du code, par décret en Conseil d'Etat. Il aurait été préférable de préciser dans la loi cette composition, compte tenu notamment du nouveau rôle qui lui est confié.

C. LES SYSTÈMES FÉDÉRAUX DE GARANTIE : UNE OPTION OU UNE QUASI-OBLIGATION ?

Le dernier alinéa de l'article L. 111-5 prévoit que les membres d'une fédération peuvent créer une union chargée de gérer un « système fédéral de garantie ». Une mutuelle ou une union, selon l'article L. 111-6, ne peut être membre de plus d'un système fédéral de garantie. Ces systèmes fédéraux de garantie, innovation du nouveau code, dérogent à la règle traditionnelle, affirmée par l'ancien article L. 123-1, selon laquelle « les unions et les fédérations ne peuvent s'immiscer dans le fonctionnement interne des mutuelles adhérentes » . En effet, sans préjudice des pouvoirs de la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance, les SFG « veillent à l'application par leurs membres des dispositions législatives et réglementaires qui les régissent et exercent un contrôle administratif, technique et financier sur leur organisation et leur gestion » .

L'adhésion aux SFG est facultative. Leur intervention n'est prévue qu'ultérieurement au fonds de garantie contre la défaillance des mutuelles et des unions pratiquant des opérations d'assurance. Selon l'article L. 431-8, l'adhésion à un SFG permet toutefois de bénéficier d'une forme de « remise » à une partie des cotisations versées au fonds de garantie.

Il est certes possible de quitter le SFG, mais la procédure est entourée d'une « publicité » : le ministre chargé de la mutualité et la commission de contrôle sont informés de ce départ.

D. LE FONCTIONNEMENT DES MUTUELLES : DES CONFUSIONS DOMMAGEABLES

Le troisième alinéa de l'article L. 114-16 prévoit que le conseil d'administration d'une mutuelle, union ou fédération ne peut être composé pour plus de la moitié d'administrateurs exerçant des fonctions d'administrateurs, de dirigeants ou d'associés dans une personne morale de droit privé à but lucratif appartenant à un « groupe » au sens de l'article L. 212-7. Il apparaît ainsi curieux de prévoir un traitement différencié pour les administrateurs de « groupe ».

Les limites d'âge posées à l'article L. 114-22 (70 ans) apparaissent étranges compte tenu du mode d'élection, par l'assemblée générale, des administrateurs.

L'article L. 114-26, après avoir affirmé que « les fonctions d'administrateur sont gratuites », édicte une série de dérogations qui pourraient aboutir à une professionnalisation excessive du métier d'administrateur : il aurait été préférable de limiter ces dérogations au président, au trésorier et au secrétaire, c'est-à-dire le « bureau » du conseil d'administration.

L'article L. 114-19 marque une confusion entre les dirigeants salariés et les mandataires sociaux. Selon la taille de la mutuelle, soit il n'existe pas de directeur, soit le directeur est un simple préposé, soit le directeur général est véritablement un mandataire social. Or, en recourant à l'expression de « dirigeant salarié » , le code risque d'introduire une confusion regrettable, comme le montre l'article L. 114-42, relatif à l'intervention du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, lorsque ces derniers ont connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de la mutuelle, union ou fédération, auprès d'un « dirigeant salarié » .

Enfin, la rédaction de l'article L. 114-31, relatif aux commissions versées aux mandataires désignés par une personne morale souscriptrice d'un contrat collectif, apparaît ambiguë : elle ne saurait signifier que les commissions « individuelles » sont permises.

E. LES NON-DITS DE LA RÉFORME : ET LA FISCALITÉ ?

Le nouveau code de la mutualité ne comporte aucune disposition relative à la fiscalité des mutuelles.

La question de l'assujettissement des mutuelles, ou de l'exonération des compagnies d'assurance sous réserve d'engagements de non discrimination, à la taxe sur les conventions d'assurance reste ainsi posée, de même que celle de l'assujettissement des mutuelles, sans dérogations, à l'impôt sur les sociétés.

Ce sujet a fait l'objet d'une lettre envoyée au Gouvernement le 14 février 2001 par la DG IV, en charge de la fiscalité au sein de la Commission européenne. Outre la taxe sur les conventions d'assurance, seraient concernés la taxe professionnelle, la taxe d'apprentissage, la taxe sur les véhicules de sociétés, les droits d'enregistrement sur les acquisitions immobilières, la contribution des institutions financières et la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la C3S.

Selon la Commission européenne, « la prestation d'assurance maladie complémentaire est un service marchand, souscrit sur la base du volontariat, dont la gestion ne relève pas de la solidarité nationale et fait appel à une technique de mutualisation des risques commune à toute assurance. Le caractère non lucratif d'un établissement n'est pas un critère pertinent pour préciser si l'activité exercée est, ou non, une activité d'entreprise soumise aux règles de la concurrence. Cette activité d'assurance complémentaire exercée par les mutuelles et institutions de prévoyance est donc soumise aux règles normales de la concurrence. Les mutuelles bénéficient du reste des dispositions des troisièmes directives communautaires pour le secteur des assurances » 37 ( * ) .

Votre rapporteur rappellera que la taxe sur les conventions d'assurance est censée abonder le FOREC, le fonds de financement des trente-cinq heures...

Le Gouvernement devrait logiquement annoncer cette « réforme fiscale » à l'occasion du projet de loi de finances pour 2002, sous peine d'être condamné par les autorités de Bruxelles.

Art. 7
Ratification de l'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001

Objet : Cet article ratifie l'ordonnance du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité.

I - Le dispositif proposé

Cet article ratifie l'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité et transposant les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992, prise en application de la loi n° 2001-1 du 3 janvier 2001 portant habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

La ratification de cette ordonnance nécessite un accord sur le principe et une approbation sur le fond.

Sur le principe, M. Jean-Jack Queyranne, ministre chargé des relations avec le Parlement, avait expliqué au Sénat, lors du débat sur le projet de loi d'habilitation : « naturellement, au terme de la procédure, le Parlement sera amené à se prononcer sur les projets de loi de ratification que le Gouvernement déposera. Ces projets regrouperont les ordonnances par matière, ce qui permettra, lors de leur discussion, d'aborder les questions de façon plus précise encore. A cette occasion, chaque parlementaire pourra, bien sûr, exercer son droit d'amendement » 38 ( * ) .

M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, n'était pas avare de promesses : « Le recours à la procédure de l'ordonnance s'accompagne d'un engagement du Gouvernement à déposer et à inscrire à l'ordre du jour des assemblées un projet de loi de ratification donnant ainsi au Parlement la possibilité d'exercer son droit d'initiative pour réformer le code » 39 ( * ) . Un peu plus tard dans le débat sur l'article autorisant l'habilitation, il ajoutait : « Quant aux promesses relatives à l'inscription certaine, dans le calendrier, d'un débat autour d'un projet de loi de ratification, je reprendrai un argument qui a été développé précédemment : il est un aspect qui n'est pas traité dans l'ordonnance, c'est le calage fiscal. M. le ministre de l'économie et des finances et de l'industrie s'est engagé à régler le problème dans la loi de finances pour 2002. Cela vous donne donc une idée approximative de ces échéances » 40 ( * ) .

Votre commission doute du respect du « cahier des charges » précisé par M. Queyranne -un débat par « thème »- et des « promesses » de M. Hascoët au regard de la présence, au sein d'un nouveau texte fourre-tout, frappé immédiatement par la procédure d'urgence, d'un article autorisant cette ratification parmi tant d'autres, intervenant sur un nombre de sujets impressionnant.

Sur le fond, le dispositif pris par l'ordonnance du 19 avril 2001 appelle un certain nombre d'interrogations et apparaît, à l'évidence, éminemment perfectible (cf. supra) .

Dès lors, votre commission avait le choix entre supprimer purement et simplement cet article ou adopter une série d'amendements revoyant, sur des points centraux, la rédaction retenue par l'ordonnance. Cette dernière solution aurait néanmoins consisté à entériner la « mauvaise manière » faite au Sénat, et à avaliser un certain nombre d'articles, dont la rédaction est imparfaite, même si elle n'est pas dirimante au vu d'un premier examen.

En effet, compte tenu des délais auxquels le Gouvernement astreint le Parlement, et plus singulièrement les commissions chargées des Affaires sociales, votre commission n'a pas pu entreprendre le travail toujours nécessaire, consistant à auditionner l'ensemble des acteurs du monde de la prévoyance complémentaire.

Dès lors, le choix de supprimer l'article s'imposait et s'imposait seul.

Pour ces raisons, votre commission a adopté un amendement de suppression de cet article.

* 32 Avis n° 35 (2000-2001).

* 33 Agence fédérale d'information mutualiste, jeudi 10 mai 2001, n° 1663.

* 34 Cette distinction entre « assurance » et « réassurance », s'agissant de deux domaines d'intervention somme toute similaires, peut laisser sceptique.

* 35 Le nombre de membres présents, représentés ou ayant fait usage de la faculté de vote par correspondance doit être au moins égal à la moitié (article L. 114-12).

* 36 Le compte rendu de l'audition de M. Guy Hascoët est reproduit infra.

* 37 Citation extraite d'Espace social européen du 23 au 29 mars 2001, p. 7.

* 38 JO Débats du Sénat, séance du 25 octobre 2000, p. 5487.

* 39 JO Débats du Sénat, séance du 25 octobre 2000, p. 5532.

* 40 JO Débats du Sénat, séance du 25 octobre 2000, p. 5535.

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