III. L'ASSOUPLISSEMENT DU DISPOSITIF DES COOPÉRATIONS RENFORCÉES

Le dispositif des coopérations renforcées, introduit pour la première fois par le traité d'Amsterdam, a pour objet, en l'absence d'une volonté unanime de l'ensemble des Etats membres, de permettre à certains pays qui le souhaitent d'approfondir leur coopération dans un domaine d'action particulier. Il ouvre la voie à une Europe à « géométrie variable », choix pragmatique le plus propre sans doute à faire progresser la construction européenne dans une Europe élargie. Le traité d'Amsterdam avait cependant encadré l'utilisation des coopérations renforcées d'une manière restrictive. Il avait notamment posé quatre verrous :

- le droit de veto (justifié par une « raison de politique nationale importante ») reconnu à tout Etat pour s'opposer à la mise en place d'une coopération renforcée ;

- en second lieu, l'initiative exclusive de la Commission pour proposer au Conseil des coopérations renforcées dans le cadre du pilier communautaire ;

- la nécessité, ensuite, de réunir une majorité d'Etats pour mettre en oeuvre une coopération renforcée ;

- enfin, l'exclusion de la politique étrangère et de sécurité (deuxième pilier) du champ d'application des coopérations renforcées.

Les coopérations renforcées ne figuraient pas à l'origine dans l'ordre du jour de la CIG dont la vocation première, rappelons-le, était de trouver une solution aux points institutionnels majeurs qui n'avaient pas trouvé de solution à Amsterdam. Par ailleurs, depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, ce mécanisme n'a encore fait l'objet d'aucune application . Pour les tenants du statu quo, il pouvait paraître prématuré de modifier sans le recul de l'expérience le dispositif originel. Selon une majorité d'Etats, cependant, les limites fixées par le traité à l'emploi des coopérations renforcées pouvaient expliquer cette situation. Les Quinze se sont finalement accordés sur la nécessité d'un assouplissement : le thème des coopérations renforcées a été ajouté à l'ordre du jour de la CIG par le Conseil européen de Feira, en juin 2000, alors que la conférence avait déjà commencé ses travaux.

Le traité de Nice, même s'il ne lève pas tous les verrous posés à la mise en oeuvre des coopérations renforcées, apporte cependant trois améliorations significatives : la réduction -dans le cadre d'une Europe élargie- du nombre minimal d'Etats nécessaire pour engager une coopération renforcée ; la levée du veto pour le premier pilier communautaire et le troisième pilier -coopération policière et judiciaire en matière pénale- ; l'introduction des coopérations renforcées dans le deuxième pilier -politique étrangère et de sécurité commune.

Si l'ensemble du dispositif consacré aux coopérations renforcées a été entièrement refondu, il comprend toujours des mesures communes aux trois piliers et des dispositions propres à chacun d'entre eux.

A. UNE MISE EN oeUVRE PLUS FACILE

1. L'abaissement du nombre minimal d'Etats nécessaires pour engager une coopération renforcée

Dans le cadre actuel, le recours aux coopérations renforcées doit répondre à sept conditions :

1) favoriser la réalisation des objectifs de l'Union ;

2) respecter les principes des traités et le cadre institutionnel unique de l'Union ;

3) rester dans les limites des compétences de l'Union ou de la Communauté ;

4) n'être utilisé qu'en dernier ressort lorsque les objectifs des traités ne pourraient être atteints en appliquant les procédures pertinentes qui y sont prévues ;

5) concerner au moins une majorité d'Etats membres ;

6) n'affecter ni l'acquis communautaire, ni les droits et obligations des Etats qui n'y participent pas ;

7) être ouvert à tous les Etats membres.

Le traité de Nice apporte des modifications à la quatrième et à la cinquième de ces conditions :

- les coopérations renforcées sont mises en oeuvre en dernier ressort lorsque les objectifs qui leur ont été assignés ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable en appliquant les traités ; ainsi, d'une part, les objectifs auxquels il est fait référence ne renvoient plus aux traités eux-mêmes, mais à ceux poursuivis par les coopérations renforcées, ce qui paraît élargir le champ d'action des Etats membres ; d'autre part, la mention au « délai raisonnable » devrait contribuer à surmonter l'inertie et la lourdeur du processus de décision (art. 43 A TUE) ;

- le nombre minimal d'Etats membres participant a été fixé à huit alors que la règle actuelle de la majorité aurait conduit à la porter à 14 dans une Union élargie à 27 membres (art. 43 g).

2. La suppression du droit de veto pour les premier et troisième piliers

Aux termes du traité d'Amsterdam, la mise en oeuvre d'une coopération renforcée résulte d'une décision du Conseil à la majorité qualifiée. Cependant, un Etat peut s'opposer à l'autorisation de recourir à une coopération renforcée en arguant des « raisons de politique nationale importantes ». Dans ce cas, il n'est pas procédé au vote ; le Conseil peut alors, à la majorité qualifiée, renvoyer la responsabilité de trancher au Conseil qui se prononce à l'unanimité.

Ce droit de veto a été désormais levé pour les premier et troisième piliers ; il a été remplacé par le droit de tout Etat de demander un simple débat au Conseil européen. Il appartient ensuite au Conseil de statuer à la majorité qualifiée (art. 40 A § 2 TUE ; art. 11 § 2 CE).

Par ailleurs, le Conseil et la Commission doivent, en dernier ressort, veiller à la cohérence des différentes coopérations renforcées les unes par rapport aux autres ainsi que de l'articulation entre les actions entreprises sur ce fondement et les politiques de l'Union et de la Communauté (art. 45 TUE).

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