G. AUDITION DE MME ANNIE THOMAS, SECRÉTAIRE NATIONALE DE LA CFDT

M. Jean DELANEAU, président - Je vous remercie madame la secrétaire nationale de la CFDT d'avoir bien voulu nous rejoindre, malgré notre invitation un peu tardive, pour nous donner votre avis sur ce texte qui vient de l'Assemblée nationale à propos des licenciements économiques. Je crois que vous regrettez que le Gouvernement ait pris ses décisions sans aucune concertation avec les organisations syndicales, ce qui, au regard du sujet, est un comble. Dans un premier temps, voulez-vous faire un survol général de ces textes pour nous donner la position de votre Confédération sur ces textes ?

Mme Annie THOMAS - Je vous remercie monsieur le président. Avant d'en arriver au commentaire des différents articles, permettez-moi de faire une introduction générale.

Nous trouvons qu'il y a eu une focalisation très sélective sur les différentes mesures de la loi de modernisation sociale. La loi comprend des mesures très diverses, dont certaines étaient demandées par la CFDT depuis très longtemps. Je pense en particulier à la validation des acquis de l'expérience. Les médias se sont focalisés sur les mesures pour la lutte contre les licenciements économiques. C'est la vie me direz-vous... Je remarque que l'intérêt du législateur est très sélectif et l'agitation autour de Marks & Spencer et Danone n'a pas permis de parler d'autres dossiers où nous constatons qu'il y a de vrais problèmes de stratégies industrielles. Le dernier exemple en date, hier, est l'annonce d'Alcatel. Je voudrais dire aussi que la question des licenciements des salariés des très petites entreprises et des PME continue de laisser indifférents la loi et les médias, ce que la CFDT trouve extrêmement dommageable car, si nous regardons les chiffres réels, 85 % des licenciés économiques sont des personnes qui ne sont pas protégées par des plans sociaux. Or le texte qui vous est présenté accroît la protection de ceux qui sont déjà les plus protégés et laisse dans le vide ceux qui le sont beaucoup moins.

J'avais attiré, tout à l'heure, votre attention sur la question des restructurations. Lorsque le rideau sera tombé sur la loi, le problème des restructurations demeurera posé, de même que la question de la protection des salariés menacés de chômage. La CFDT ne nie pas que l'intensification des règles de concurrence, la mondialisation et l'évolution des comportements des consommateurs amènent à faire évoluer l'appareil de production. C'est une évidence. En même temps, tendre vers le plein emploi, comme nous le souhaitons tous, n'empêchera pas les restructurations. C'est pourquoi il faut instaurer un véritable droit au reclassement pour les salariés et une véritable politique d'anticipation industrielle par rapport à des évolutions dont certaines sont prévisibles. Ce qui se passe chez Alcatel, d'autres secteurs l'ont mis en place, ainsi que nous pouvons le voir pour le secteur de la téléphonie et pour Philips. Depuis 1993, dans le domaine de l'emploi et du licenciement, beaucoup de choses ont évolué. Il y a eu des choses positives, de par l'action des organisations syndicales et des partenaires sociaux en général, notamment la mise en place de cellules de reclassement dont il aurait fallu s'inspirer. Nous pouvons prendre pour exemple les cellules qui ont travaillé dans l'Aube et dans les Vosges sur les questions liées au textile et à l'habillement. Il est toujours intéressant de voir comment l'économie s'adapte à la loi. Nous avons vu que, sur la question des licenciements, il y a eu une adaptation à la loi, une adaptation douce par la multiplication de départs en préretraite et une adaptation dure par la multiplication de contrats à durée déterminée et de recours aux intérimaires. Nous constatons qu'aujourd'hui, il y a à l'ANPE une montée régulière des inscriptions par fin de contrat. Petit à petit, les entreprises se sont adaptées et ont remplacé les licenciements collectifs par des contrats à durée déterminée. La loi ne répond pas à cette importante question.

Pour terminer cette introduction, monsieur le président, la CFDT regrette que les partenaires sociaux n'aient pas été consultés pour une question qui les concerne au premier chef, eux, les employeurs et les acteurs touchés par les problèmes de réindustrialisation de sites. C'est nous qui avons à gérer la situation dans les entreprises ; cette gestion va parfois jusqu'au soutien des personnes. Il est donc anormal que nous n'ayons pas été consultés. Nous apprécions votre invitation de ce jour, mais nous estimons qu'il y aurait dû y avoir un véritable travail préparatoire. D'autant plus, je le redis, qu'il y a des expériences de terrain qui peuvent nous inspirer et qui sont très positives.

Souhaitez-vous que je m'exprime à présent sur les différents articles ?

M. Jean DELANEAU, président - Comme vous le souhaitez, à moins que nous ne vous posions des questions. Vous pouvez aussi passer le texte en revue.

Mme Annie THOMAS - C'est ce que je vais faire.

J'évoquerai tout d'abord l'application du projet de loi. En ce qui concerne les questions d'adaptation des salariés à leur entreprise, nous souhaitons qu'il y ait une véritable politique d'anticipation. Cet aspect des choses a été évoqué par la CFDT, mais aussi par d'autres, lors de la négociation en cours sur la réforme de la formation professionnelle, dans le cadre de la refondation sociale. Notre objectif en la matière est de renforcer la négociation de branches. Nous pensons que c'est par ce biais que nous pouvons travailler sur l'adaptation des salariés.

A propos l'article 322-1, il s'agit de l'amendement Michelin. Il n'y a pas de problème, mais cette injonction et cette partie du code du travail ne devraient avoir qu'une durée de vie limitée. En effet, la nouvelle durée légale du travail, 35 heures, s'appliquera à tous à partir de 2002.

Concernant la transparence et l'information, l'article 238.1 porte sur les organes de direction de surveillance. Je vais faire un peu d'ironie. Nous pouvons imaginer que les actionnaires savent ce dont il s'agit et il nous semble que leur intérêt devrait davantage être attiré sur leurs responsabilités sociale et territoriale.

Sur les questions de consultation et d'information, les articles 431-5-1 et 432-1 viennent conforter les droits des représentants du personnel en matière de stratégie économique et, éventuellement, de restructurations. Il nous restera à obtenir les informations pertinentes et de qualité pour toute la réalité juridique et économique du groupe. A noter que cela ne change rien pour les entreprises non couvertes par un comité d'entreprise, c'est-à-dire celles qui sont les plus nombreuses. De plus, cela n'implique pas, à priori, de consultation sur l'environnement économique de l'entreprise, en particulier la sous-traitance. Sur ce sujet, seule une information pour le donneur d'ordre est exigée. Par rapport à la responsabilité territoriale, il nous semble que nous pourrions peut-être aller plus loin.

Pour ce qui est du droit d'opposition et du recours au médiateur, cela concerne les articles 432-1 et 432-1-3. Ces articles tournent autour de la volonté de certains d'instituer un droit de veto. La rédaction laisse des zones d'ombre pour leur application. A quelle entreprise ce droit s'applique-t-il ? Ce droit sera de plus plutôt inégalitaire puisqu'il semble ne concerner que des licenciements d'au moins 100 personnes. Par ailleurs, l'externalisation du compromis par la présence d'un médiateur ne joue pas pour le dialogue social et n'a pas l'approbation de la CFDT. Cela ne renforce pas la responsabilité des partenaires sociaux.

Sur la question du droit de veto, nous n'y sommes pas favorables car cela rendrait les représentants des salariés cogestionnaires des restructurations, et éventuellement coresponsables des licenciements. Des syndicalistes ne peuvent avoir envie d'approuver cela. Un certain nombre de choix serait ainsi renvoyé à l'administration. Là aussi, cela ne nous semble pas être la meilleure des solutions.

A propos de la définition du licenciement économique, nous n'étions pas partisans de restreindre la notion de licenciement économique. Toutes sortes de choses ont été dites autour de cet article. En particulier, certains voulaient introduire la question des licenciements dits boursiers. Je le dis franchement, pour la CFDT, il n'y a pas de licenciements qui soient pires les uns que les autres. Vouloir en distinguer un et dire qu'il faut un traitement spécial pour les licenciements boursiers constitue une petite insulte pour ceux qui subissent un licenciement et ne sont absolument pas protégés par un plan social. Nous ne voulons pas de distinguo et nous estimons qu'à partir du moment où les personnes sont licenciées pour raisons économiques, elles ont toutes droit à une protection.

La définition restrictive du licenciement économique est-elle vraiment réaliste par rapport aux évolutions économiques parfois nécessaires de l'activité de l'entreprise ? Nous nous posons des questions. Est-ce que cela va changer la situation quant à l'appréciation de la réalité des difficultés que vit l'entreprise ? Nous avons aussi peur de certaines formes d'effets pervers. Je disais qu'on s'adapte toujours à une loi. Depuis 1993, des entreprises ont réussi à s'adapter à la loi, aussi ne faut-il pas fournir un « marchepied » qui pourrait s'avérer dangereux. Nous avons peur que cette approche écarte des personnes licenciées de la protection du plan social, en poussant les entreprises à détourner cette règle et en allant vers des licenciements individuels.

Enfin, l'interprétation du licenciement reviendra au juge. Je pense que vous connaissez la position de la CFDT. Le juge est nécessaire et la justice aussi, mais nous pensons qu'il vaut mieux, dans l'entreprise, privilégier la responsabilité sociale plutôt que la responsabilité judiciaire. En la matière, cette disposition ne plaide pas pour le dialogue social et la responsabilité des partenaires sociaux. Nous savons qu'elle est parfois difficile à exercer, mais nous souhaitons le faire.

Concernant le plan de sauvegarde prévu par les articles 321-1, 321-4-1 et 34 bis F. Le texte approfondit les moyens du reclassement, sans pour autant en faire un droit complet. Cela vient, nous semble-t-il, appuyer le processus que nous avons négocié dans le cadre de la négociation sur l'assurance chômage, en mettant en place le PARE qui est un dispositif d'accompagnement et un droit au reclassement. Cette question est très importante pour nous. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont avancé dans ce domaine. Mais il reste des choses à faire, soit à travers des mesures législatives, soit par le biais des partenaires sociaux. Nous avons approuvé les mesures destinées à la réindustrialisation des bassins d'emplois concernés. C'est une bonne mesure, même si nous pouvons aller plus loin.

A propos du contrôle et du suivi, il s'agit des articles 321-7 et 321-4. Cette introduction d'une obligation de suivi nous satisfait. Cela permettra d'exercer un droit de vigilance jusqu'à la mise en oeuvre des mesures et d'exiger pour chacun des reclassements conformes aux souhaits des personnes concernées.

Pour résumer, c'est une loi qui met en place une protection accrue pour ceux qui sont déjà protégés, mais qui, par ses applications, peut aussi avoir des effets pervers. Elle laisse de côté 85 % de licenciés économiques. C'est un droit qui va se complexifier, qui sera difficile à expliquer aux salariés et qui ne sera pas toujours facile à contrôler par les représentants du personnel. Il aboutit à laisser plus de place pour le juge et moins de pouvoir pour les acteurs sociaux. Sur le droit au reclassement, nous portons un regard positif, mais il faut aller plus loin. Sur la réindustrialisation, nous avons aussi un jugement positif. Toutes les mesures qui confortent la consultation, l'information et le droit d'expertise pour les représentants des salariés sont des avancées intéressantes.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je voudrais vous remercier pour votre exposé plein de rigueur et de clarté. Mais je voudrais savoir si vous ne pensez pas que nous aurions pu arriver à quelque chose de mieux en passant par le dialogue social et avec les partenaires ? Pourquoi faire appel automatiquement à une approche législative, pour laquelle, de plus, vous n'avez pas été consulté ? Nous nous apercevons qu'un texte sort et qu'il ne donne que peu satisfaction. Il me semble que c'est dommage car cela va apporter de l'espoir au personnel et cet espoir va être déçu. Aurions-nous pu mieux travailler par le dialogue social et arriver à quelque chose qui aboutirait à une protection, un suivi des risques de licenciement ?

Mme Annie THOMAS - Vous ne serez pas surpris de ma réponse positive, à travers ce que je vous ai déjà dit. En la matière, la CFDT pense qu'il est utile de travailler avec le législateur et le Gouvernement sur ces questions. Nous avons besoin de reconstruire des garanties collectives, de les faire le plus large possible et cela pour tous. Nous pensons que les partenaires sociaux avaient leur mot à dire, que ce soit les syndicats ou les employeurs, car ils ont de l'expérience et ont réussi, à travers quelques essais, à trouver des solutions satisfaisantes qui ont pu, à la fois, satisfaire les salariés et le territoire.

Nous aurions pu, dans un premier temps, faire un bilan de tout ce qui s'est déjà construit de manière contractuelle à travers le pays. Nous aurions aussi pu nous inspirer des outils que les instances paritaires ont mis en place, notamment les congés de conversion créés par l'UNEDIC et dont le principe a été élargi à travers le PARE. D'autres initiatives ont été prises dans des instances de la formation professionnelle. Il y avait là une première phase de diagnostic.

Nous sommes dans une drôle de période où certains évènements frappent l'opinion, sont repris par les médias et relayés par le politique dans un certain sens. En tant que syndicaliste, je ne vais pas vous dire que nous n'avons pas à être émus par la douleur des personnes concernées par les problèmes de licenciement. Simplement, nous en sommes restés à une réaction épidermique, médiatisée. Dans le social, ce n'est jamais bon. Ce qui a été encore plus ennuyeux, c'est que les partenaires sociaux auraient pu stopper ce processus. Pour cela, il fallait prendre le temps de consulter les partenaires essentiels qui sont concernés par les licenciements économiques. Nous ne sommes pas pressés. D'ailleurs, vous-mêmes avez décidé de reporter à l'automne l'examen de ces mesures.

M. Jean DELANEAU, président - Dans la mesure où nous savons que l'Assemblée nationale ne pourra pas s'en saisir avant le 20 novembre.

Mme Annie THOMAS - La preuve est faite que nous n'avions pas besoin que la loi soit votée fin juin.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je suis d'accord avec vous. D'ailleurs, un délai de 15 jours nous a reculé dans notre travail. La loi arrivera quoi qu'il se passe le 20 novembre à l'Assemblée Nationale. Nous allons travailler dessus le 9 octobre et cela ne recule rien.

M. Roland MUZEAU - Vous regrettez nettement que le politique se soit mêlé, dans un instant très médiatisé, d'une problématique liée aux licenciements. Vous indiquez aussi que vous auriez souhaité que l'accent soit mis sur l'incitation à la négociation entre les partenaires sociaux, mais vous concédez que le politique aussi peut exister dans cette négociation. Cela me rassure un peu. Dans la situation qui est celle des plans de licenciements dans les grandes entreprises, qui font des profits colossaux et qui ont des sites qui sont tous rentables ou quasiment, l'incompréhension ne peut être que totale chez les salariés qui se retrouvent mis à la porte. Le politique ne peut faire autrement, c'est d'ailleurs son rôle, que de s'interroger sur cette problématique. Faut-il précipiter les choses ou non ? La question doit être dépassée. Il nous semble que l'amélioration de la définition de ce que sont les licenciements économiques est un progrès. Vous l'indiquez aussi mais en y mettant une réserve immédiate avec le fait qu'elle ne s'applique qu'aux grandes entreprises où les salariés sont déjà protégés. C'est vrai. Mais, cela étant, n'est-il pas judicieux de profiter des navettes parlementaires pour avancer des propositions qui viseraient à mieux protéger tous ces secteurs où les salariés sont les plus nombreux ? Quelles sont, en la matière, les propositions de la CFDT ?

M. Guy FISCHER - Il est évident que nous avons dû faire face à nos responsabilités dans ce débat, en tant que législateurs. Il est vrai que cela pose des problèmes importants. Néanmoins, depuis le 24 avril, et nous avons vu qu'entre le 24 avril et la mi-juin, nous avons été très porteurs sur un certain nombre d'amendements, nous avons fait plusieurs propositions concernant en particulier le contrôle des fonds publics. Lorsque nous reprenons vos conclusions, vous êtes très critiques. Ce que nous souhaitons, c'est de trouver le juste équilibre entre la négociation collective et le rôle du législateur, qui est légitime. Vous avez fait référence aux priorités de la CFDT, c'est-à-dire la négociation de branche. Mais, nous avons vu que des accords de branches ont pu être signés et n'avoir que des effets limités. Pour notre part, nous sommes preneurs de propositions qui pourraient venir, mais je crois qu'il faut que le législateur trouve sa juste place dans des problèmes qui ne peuvent pas laisser insensibles. L'engagement du politique repose, que ce soit au niveau de l'Etat ou des collectivités territoriales, aussi sur des projets économiques.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je suis forcé de réagir. Personne n'a dit que le législateur ne devait pas faire son travail, mais je crois qu'il y a des priorités. Les syndicats, sur le terrain, sont confrontés toute l'année, à travers tout le pays, à des plans sociaux dans des grandes et des moyennes entreprises. Consulter les syndicats avant de se lancer dans un texte qui a été annoncé comme important, est un minimum. A la deuxième lecture, il fallait encore revenir vers les syndicats pour leur demander leurs positions sur les modifications et les ajouts. Le législateur a son mot à dire, mais enrichi par toutes les réalités qui se passent dans la vie.

M. Jean CHERIOUX - Madame, vous avez fait état de votre souci d'assurer une protection plus égalitaire pour les travailleurs. Mais, est-ce qu'égalité signifie uniformité ? Les conditions sont très différentes suivant les branches et les entreprises. Est-ce que vous n'estimez pas que c'est une raison supplémentaire pour que, dans le cadre de la loi, il y ait des possibilités d'adaptation branche par branche, dans le cadre de négociations collectives. Nous bâtissons une loi qui est basée uniquement, comme vous l'avez dit, sur ce qui se passe dans les grands groupes. Il faut que tout le monde soit protégé, mais nous ne pouvons pas protéger tous les gens de la même façon. Dans les entreprises où il n'y a pas de risque de délocalisation, la situation est très différente par rapport à celle qui existe dans les entreprises multinationales.

Mme Annie THOMAS - S'il y avait une incompréhension sur la place du législateur, je tiens à la lever tout de suite. La CFDT estime que le législateur doit, bien évidemment, légiférer lorsqu'il le faut et quand il le faut. Simplement, nous devons mieux travailler que nous ne le faisons.

Nous voulons faire en sorte que la loi laisse l'espace nécessaire à la négociation contractuelle et à son résultat. Nous souhaitons d'ailleurs nous inspirer de ce qui se passe au niveau européen, par exemple donner aux partenaires sociaux le droit de saisine sur les questions essentielles qui les intéressent. Des propositions peuvent être faites sur cette question et j'espère qu'elles le seront car je pense que c'est une bonne initiative. Nous pouvons progresser en faisant une place aux différents acteurs. Les syndicalistes se mouillent la chemise tous les jours sur des questions de licenciements, et cela à tous les niveaux, de l'entreprise jusqu'aux commissions juridiques dans les unions départementales qui traitent des problèmes des personnes licenciées. Le fond de notre réflexion est de faire une place aux partenaires sociaux dans leurs domaines respectifs et de faire en sorte que la loi prenne en charge tous les salariés qui sont concernés par les licenciements, pas forcément de manière égalitariste. Il y a un acharnement thérapeutique autour des salariés des grandes entreprises. Vous connaissez autant que moi la situation chez Danone. Qui, dans cette salle, peut croire que le plan social chez Danone va vraiment être mauvais ?

M. Roland MUZEAU - Excusez-moi de vous interrompre, mais la question n'est pas là.

Mme Annie THOMAS - Elle était là lorsque les décisions de Danone ont été incendiées, en faisant pleurer les chaumières autour de leurs salariés. La situation est très difficile pour ces salariés, je le sais. Mais, l'objectivité qui est la nôtre doit être de dire qu'au niveau du traitement du plan social qu'ils vont subir, ce ne sera pas le pire de toute la France.

M. Roland MUZEAU - La question n'est pas là...

M. Jean DELANEAU, président - Monsieur Muzeau, nous ne sommes pas en séance !

M. Roland MUZEAU - Nous nous sommes mal compris. La question réside dans la disparition de sites entiers dans des régions qui vont devenir des régions de désertification économique.

Mme Annie THOMAS - Je critique simplement la façon dont l'affaire a été traitée. Il y aurait pu y avoir à ma place la secrétaire générale de la Fédération agroalimentaire, qui a Danone dans son territoire, et qui vous aurait fait part des réactions des syndicalistes CFDT. Je n'en rajoute pas.

Au-delà de la question du rôle des partenaires sociaux et de celle de l'égalité pour tous les salariés, il faut savoir comment nous prenons en compte, dans une société où l'économie prend une forme de plus en plus mondialisée, les problèmes de restructuration. Je crois que, tant qu'il n'y aura pas de vrai débat sur ce que cela signifie en termes de politique et de stratégie industrielles, d'anticipation et d'évolution, nous ne pourrons réagir qu'au coup par coup. C'est une responsabilité pour tous, les pouvoirs publics, les chefs d'entreprise et les organisations syndicales. Même dans une situation de plein emploi, nous aurons des restructurations industrielles car l'appareil de production, les enjeux et la demande des consommateurs sont aujourd'hui faits ainsi. Il vaudrait mieux en débattre avant et voir comment nous pouvons anticiper pour les salariés et pour les territoires. Nous avons des positions fortes concernant les salariés des TPE et des PME ; c'est un axe revendicatif pour la CFDT que de dire qu'ils ne doivent pas être écartés des garanties collectives. En l'occurrence, nous constatons à la lecture des différents textes, en particulier celui-ci, que les salariés des très grandes entreprises sont dotés de l'amorce d'un droit au reclassement. C'est l'entreprise qui doit prendre en charge ce droit. Or c'est beaucoup plus difficile pour les entreprises artisanales. Ceci étant, cela ne nous dédouane pas de nous occuper de cette question car il pourrait y avoir là un relais des pouvoirs publics et des instances paritaires. L'UNEDIC commence à le faire mais nous pourrions trouver des solutions avant que cela n'en arrive là.

Au niveau des fonds de formation professionnelle, nous savons que cette question est importante. Mais, en cas de licenciement avec reclassement, les gens ne se formeront vraiment que s'il y a un projet professionnel derrière. Dans le cas contraire, ils n'iront pas dans les stages que vous leur proposerez, quels qu'ils soient. Il faut donc lier la possibilité d'avoir une réorientation professionnelle à l'existence d'un projet professionnel qui pourrait être construit. En résumé, nous avons besoin d'anticipation, d'une réorganisation des fonds publics et paritaires et de faire en sorte que ce droit au reclassement puisse arriver jusqu'aux salariés des TPE et des PME. L'entreprise ne pourra pas être la seule responsable dans ce domaine.

La question sur les possibilités d'adaptation branche par branche est intéressante. Nous en revenons à ce que doit être la loi. La loi sur la question des licenciements ne peut pas tout régler. Les licenciements dans un secteur comme le textile ou dans l'informatique sont très différents. Dans le textile, le licencié doit pouvoir se dire qu'il peut bénéficier une réorientation professionnelle. Dans l'informatique, cela peut être une question de formation, d'adaptation au métier. Je mets de côté les politiques industrielles qui ne sont pas de mon ressort. Mais cela tourne autour d'une adaptation du droit au reclassement en lien avec le secteur d'origine et le parcours professionnel que nous allons proposer à la personne.

Le droit au reclassement tel qu'il est proposé ici ne concerne que les grandes entreprises. Pour certaines autres entreprises, nous pouvons peut-être descendre les chiffres proposés ici. Il y a des entreprises petites et moyennes qui font des profits et qui licencient. L'entreprise elle-même est donc à examiner. Les pouvoirs publics donnent beaucoup d'argent pour la formation des chômeurs. Peut-être pourrait-il y avoir une réorientation de ces fonds vers ces personnes avant qu'elles n'arrivent au chômage. Il faut aussi que les partenaires sociaux jouent un rôle, dans le cadre des systèmes paritaires que nous gérons, à la fois l'UNEDIC mais aussi la formation professionnelle, qui devraient pouvoir participer à un système de ce type.

M. Jean DELANEAU, président - Je vous remercie madame. J'indique que les amendements extérieurs peuvent arriver jusqu'au 8 octobre. Je ne doute pas que cette période de réflexion supplémentaire entraînera une génération de nouvelles propositions.

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