EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS
DU CONJOINT SURVIVANT

Article premier
Réorganisation du chapitre III du titre premier
du livre troisième du code civil

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première comme en deuxième lecture, cet article procède à une réorganisation formelle du chapitre III du titre I du livre III du code civil relatif aux divers ordres de succession.

Cette réorganisation tend, en premier lieu, à regrouper en tête du chapitre, dans un nouvel article 732-1 , les dispositions relatives aux droits successoraux des enfants naturels figurant actuellement dans les articles 756 à 758 qui sont abrogés.

Il tend ensuite à découper le chapitre III de manière à l'organiser en fonction de la présence ou de l'absence de conjoint successible . La présence d'un conjoint modifie en effet profondément la dévolution des biens dans la famille.

A l'intérieur d'une nouvelle section III intitulée « des droits du conjoint successible », l'Assemblée nationale a réparti les articles actuels du code civil en 3 paragraphes, consacrés respectivement aux successions déférées aux descendants, aux successions déférées aux ascendants et aux successions collatérales.

Dans la ligne qu'elle vous a suggérée conduisant à englober la réforme des droits du conjoint survivant dans une réécriture des trois premiers chapitres actuels du titre Ier du livre troisième du code civil, votre commission vous proposera, à cet article, un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture donnant une nouvelle rédaction du début du chapitre III de ce titre, à savoir de deux articles préliminaires et d'une section I.

Ce chapitre s'intitulerait «  Des héritiers ».

Il comprendrait deux articles préliminaires.

L'article 731 prévoit que la succession est dévolue par la loi aux parents du défunt et au conjoint successible.

L'article 732 définit le conjoint successible comme le conjoint survivant non divorcé, contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps ayant force de chose jugée, reprenant la définition donnée par l'Assemblée nationale à l'article 765 du code civil ( art. 2 de la proposition de loi ).

Le texte proposé détermine ensuite, comme l'a fait l'Assemblée nationale, les héritiers venant à la succession en distinguant selon que le défunt laisse ou non un conjoint successible. La section I du chapitre intitulée « des droits des parents en l'absence de conjoint successible » reprend, en les clarifiant, les dispositions actuelles du code.

Le texte abandonne, comme l'a fait l'Assemblée nationale, la section consacrée aux « Droits successoraux résultant de la filiation naturelle », et pose d'emblée, dans un article 733 , le principe que « la loi ne distingue pas entre la filiation légitime et la filiation naturelle pour déterminer les parents appelés à succéder » et que les « droits résultant de filiation adoptive sont réglés au titre de l'adoption ». Cette formulation a d'ailleurs été reprise mot pour mot en deuxième lecture par l'Assemblée nationale à l'article 732-1.

La section I détermine les différentes vocations successorales des parents par le sang en reprenant les grands principes du code civil.

Sont successivement abordés :

- la distinction des différents ordres d'héritiers ( art. 734 à 740 ) ;

- la détermination des degrés de parenté permettant le classement des héritiers de chaque ordre ( art. 741 à 745 ) ;

- la distinction des branches paternelle et maternelle qui opère lorsque le défunt ne laisse pas de descendant ( art. 746 à 750 ) ;

- le mécanisme de la représentation qui constitue, dans certaines hypothèses, un correctif des règles précédentes ( art. 751 à 755 ).

L'ensemble de ces dispositions comporte quelques innovations .

Ainsi en est-il, tout d'abord, des droits des collatéraux consanguins, utérins et germains 3 ( * ) . Les règles en vigueur ( art. 733 et 752 actuels du code civil ) confèrent une situation différente aux deux premiers qui ne peuvent prétendre à des droits que dans la branche à laquelle ils appartiennent et aux troisièmes qui peuvent se réclamer de leur appartenance aux deux branches.

Dans le souci d'une plus grande égalité entre frères et soeurs et de simplification des règlements successoraux, le texte supprime cette distinction. Les demi-frères et soeurs du défunt auront donc les mêmes droits successoraux que ses frères et soeurs.

En deuxième lieu, la modification des structures familiales vers un resserrement des liens autour du couple conduit à proposer, à l'article 745 , de limiter, dans tous les cas, la vocation successorale des collatéraux au sixième degré en supprimant les exceptions prévues à cette règle par l'article 755 actuel du code civil . Ce dernier article permet actuellement aux collatéraux jusqu'au douzième degré de succéder lorsque le défunt était incapable de tester. Il permet également à tous les descendants de frères et soeurs de succéder (mais cette exception ne pourrait en tout état de cause pas raisonnablement conduire à dépasser le sixième degré puisque le premier descendant au delà du sixième degré serait le petit fils de l'arrière petit neveu du défunt...).

Votre commission vous propose de rétablir la rédaction adoptée en première lecture pour l'article 1 er .

Article 2
Droits successoraux du conjoint survivant

Cet article fixe les nouveaux droits successoraux du conjoint survivant dans la dévolution légale en fonction des autres parents laissés par le défunt.

Dans sa rédaction, adoptée par l'Assemblée nationale en première comme en deuxième lecture, il crée dans le chapitre III du titre Ier du livre III du code civil une section 4 intitulée « des droits du conjoint successible » dans laquelle il insère un premier paragraphe « de la nature des droits et leur montant » comprenant les articles 765 à 767-2.

En première lecture, le Sénat avait, à cet article, poursuivi la rédaction du chapitre III en adoptant une structure identique à celle prévue par l'Assemblée nationale.

Il avait donc inséré dans ce chapitre III , à la suite de la section I rédigée par l'article premier de la proposition de loi, une section II intitulée « des droits du conjoint successible » comportant un paragraphe premier intitulé « De la nature des droits, de leur montant et de leur exercice » composé des articles 756 à 758-4 .

Votre commission vous proposera un amendement reprenant, sous réserve de quelques modifications, la rédaction globale de l'article 2 adoptée en première lecture, intégrant des changements substantiels au dispositif adopté par l'Assemblée nationale à cet article.

Article 765 du code civil
Définition du conjoint survivant successible -
Conditions dans lesquelles il est appelé à la succession

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première comme en deuxième lecture, cet article préliminaire définit de manière générale le conjoint successible et les droits qui lui sont conférés.

Le premier alinéa définit le conjoint successible comme le conjoint survivant non divorcé et contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée.

Comme en première lecture, votre commission vous a proposé d'introduire cette définition du conjoint successible à l'article premier de la proposition de loi, dans un article 732 placé en tête du chapitre relatif aux héritiers.

Le second alinéa de cet article précise que le conjoint survivant est appelé à la succession soit seul, soit en concours avec les parents du défunt. Cette annonce générale précédant la description précise des droits successoraux du conjoint fera, comme en première lecture, l'objet d'un article 756 dans le texte proposé par l'amendement de rédaction globale de l'article 2 présenté par votre commission .

Article 766 du code civil
Droits successoraux du conjoint survivant
en présence de descendants du défunt

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première comme en deuxième lecture, cet article fixe les droits du conjoint en l'absence de dispositions testamentaires quand il se trouve en présence de descendants du défunt. Il lui attribue dans cette hypothèse un quart de la succession .

A l'heure actuelle, le conjoint ne reçoit dans cette hypothèse que le quart des biens en usufruit.

Contrairement aux différentes propositions figurant dans divers rapports et projets de loi intervenus dans les dernières années, l'Assemblée nationale n'a donc pas ouvert au conjoint la possibilité de bénéficier d'un usufruit.

L'usufruit apparaît pourtant comme la meilleure manière de ne pas bouleverser les conditions de vie du conjoint survivant.

En première lecture, le Sénat avait adopté la proposition de M. Robert Badinter et des membres du groupe socialiste, à laquelle votre commission s'était ralliée, permettant au conjoint survivant de bénéficier d'une option entre l'usufruit et le ¼ en propriété dans le cas où le conjoint se trouverait uniquement en présence d'enfants issus du mariage .

Il semble à cet égard, qu'il aurait été préférable de viser, plutôt que les enfants issus du mariage, les enfants issus des deux époux de manière à englober sans aucune ambiguïté l'ensemble des enfants communs aux deux époux, y compris ceux nés antérieurement au mariage.

Dans le cas où le conjoint se trouverait au moins en présence d'un enfant non commun avec le défunt, le Sénat avait estimé que l'usufruit pourrait présenter des inconvénients importants. Il avait en conséquence prévu que le conjoint serait systématiquement doté dans cette hypothèse du ¼ en propriété. Il avait donc différencié les solutions en fonction des situations familiales sans que cette différence de traitement puisse s'analyser comme une atteinte à l'égalité des filiations. Les enfants communs ou non communs sont en effet dans des situations différentes par rapport au conjoint survivant.

Votre commission vous proposera de confirmer la possibilité pour le conjoint de choisir l'usufruit quand il se trouve en présence d'enfants communs avec le défunt.

Elle vous proposera, en outre, comme en première lecture également, de ne pas faire porter l'exercice des droits successoraux du conjoint sur l'ensemble de la succession, comme l'a prévu l'Assemblée nationale, mais sur les biens du défunt existants au décès .

Puisqu'il s'agit de permettre au conjoint de maintenir au mieux son cadre de vie, il n'est en effet pas souhaitable de remettre en question à son profit des donations qui ont pu être faites notamment aux enfants, y compris aux enfants d'un premier lit. Cette possibilité irait manifestement à l'encontre de la paix des familles. Le rapport des donations a pour objet de préserver une stricte égalité entre les héritiers. Or, contrairement à l'argument avancé par le rapporteur de l'Assemblée nationale, le conjoint survivant n'est pas un héritier comme les autres. Il se trouve de facto dans une situation spécifique.

Votre commission admettra cependant que les droits en propriété du conjoint soient calculés sur l'ensemble de la succession , à condition qu'ils ne s'exercent que dans la limite des biens existants , et sur ces mêmes biens. En cas de donations antérieures, la part du conjoint ainsi obtenue serait supérieure à celle calculée sur les seuls biens existants, sans qu'il y ait lieu de remettre en cause les donations antérieures. L'amélioration de la situation successorale du conjoint serait ainsi confortée sans créer de situations inextricables dans les familles.

On retrouverait ainsi la distinction traditionnelle entre la masse de calcul et la masse d'exercice développée à l'article 767 actuel du code civil s'agissant de l'usufruit légal du conjoint.

Votre commission vous proposera donc de ne plus préciser, comme l'a fait le Sénat en première lecture, que les droits en propriété du conjoint portent sur les biens existants mais d'introduire dans le code civil un nouvel article 758-5 précisant le mode de calcul et d'exercice des droits en propriété du conjoint sur le modèle de la formulation figurant actuellement à l'article 767 du code civil.

Il convient enfin de prévoir des modalités d'exercice de l'option entre la propriété et l'usufruit de nature à éviter un blocage des opérations successorales. Votre commission vous proposera de reprendre à cet effet les dispositions adoptées en première lecture, à savoir :

- l'article 758-1 précisant que les droits du conjoint sont incessibles tant qu'il n'a pas exercé l'option ;

- l'article 758-2 prévoyant la preuve par tout moyen de l'exercice par le conjoint de son droit d'option ;

- l'article 758- 3 permettant à tout héritier d'enjoindre par écrit le conjoint à exercer son option dans un délai de trois mois à l'issue duquel le conjoint serait réputé avoir opté pour l'usufruit ;

- l'article 758-4 prévoyant que le conjoint serait réputé avoir opté pour l'usufruit s'il décédait sans avoir pris parti.

Votre commission vous propose donc de reprendre, dans l'amendement de rédaction globale de l'article 2 qu'elle vous présente, le texte de l'article 757 ainsi que celui des articles 758-1 à 758-4 adoptés en première lecture, sous réserve :

- de viser les enfants issus des deux époux plutôt que les enfants issus du mariage ;

- de ne plus préciser que les droits en propriété du conjoint portent sur les biens existants mais d'introduire dans le code civil un nouvel article 758-5 distinguant la masse de calcul et la masse d'exercice des droits en propriété du conjoint sur le modèle des dispositions figurant actuellement à l'article 767 du code civil.

Article 767 du code civil
Droits successoraux du conjoint survivant
en présence des père et mère du défunt

A défaut de descendants , et en présence de père et mère du défunt, cet article prévoit, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première comme en deuxième lecture, que le conjoint recueillera la moitié de la succession , l'autre moitié étant dévolue pour un quart au père et pour un quart à la mère.

Le Sénat a prévu la même règle à l'article 757-1 du code civil, sous réserve de faire porter les droits du conjoint sur les biens existants au décès. Cette dernière précision n'a d'ailleurs plus de raison d'être, compte tenu de l'adoption du nouvel article 758-5 .

Ce quart revenant à chaque parent est égal à la réserve qui est reconnue à chacun d'eux par l'article 914 du code civil.

A l'heure actuelle, le conjoint ne reçoit, en présence des deux parents du défunt, que la moitié des biens en usufruit ( art. 767 ).

En l'absence d'un des parents, l'Assemblée nationale a prévu que la part qui aurait dû lui échoir reviendrait au conjoint survivant . Ce dernier recevrait donc les trois-quarts des biens.

Le Sénat a décidé d'attribuer dans ce cas aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants, plutôt qu'au conjoint, la part qui aurait dû revenir au parent décédé (voir l'argumentaire à l'article suivant).

Votre commission vous proposera de confirmer votre position de première lecture.

Votre commission vous propose en conséquence de reprendre, dans l'amendement de rédaction globale de l'article 2 qu'elle vous présente, le texte de l'article 757-1 adopté par le Sénat en première lecture, sous réserve de ne pas mentionner les biens existants .

Article 767-1 du code civil
Droits successoraux du conjoint survivant en l'absence
de descendants et des père et mère du défunt

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première comme en deuxième lecture, cet article prévoit que le conjoint recueille toute la succession en l'absence de descendant du défunt et de ses père et mère .

Le conjoint écarterait donc de la succession les collatéraux privilégiés et les ascendants ordinaires .

En première lecture, le Sénat n'a pas souhaité que l'accroissement légitime des droits du conjoint survivant ne conduise à évincer la famille par le sang. Il a considéré que le défunt devait certes avoir la possibilité, en l'absence de descendant ou d'ascendant privilégiés, de laisser tous ses biens à son conjoint. Mais il a estimé qu'il ne revenait pas au législateur de présumer que le défunt a voulu écarter sa famille .

Il a donc prévu, au deuxième alinéa de l'article 757-1 , que, en l'absence des père et mère ou de l'un d'eux, la part qui leur serait échue reviendrait aux frères et soeurs ou à leurs descendants.

Il a en outre adopté un article 757-2 prévoyant que le conjoint survivant hériterait en pleine propriété de la moitié des biens existants en présence d'ascendants dans les deux branches paternelle et maternelle et des trois quart des biens en présence d'ascendants dans une seule branche. La dévolution entre les ascendants aurait obéi dans chaque branche aux règles posées par les articles 747 et 748 4 ( * ) . Là encore, il ne sera plus utile de viser les biens existants du fait de l'adoption du nouvel article 758-5 .

Dans chaque cas, le conjoint aurait recueilli des droits plus importants qu'à l'heure actuelle : la moitié en propriété au lieu de la moitié en usufruit en présence de collatéraux privilégiés ou d'ascendants dans les deux branches ; les trois quarts en propriété au lieu de la moitié en l'absence de collatéraux privilégiés et d'ascendants dans une branche ( voir tableau récapitulatif inséré dans la discussion générale ).

Dans un article 758, le Sénat avait enfin prévu l'attribution au conjoint survivant de l'intégralité de la succession en l'absence d'héritiers des trois premiers ordres.

Votre commission vous propose en conséquence de reprendre, dans l'amendement de rédaction de l'article 2 qu'elle vous présente, le texte des articles 757-2 et 758 adopté en première lecture, sous réserve de ne pas viser les biens existants .

Article 767-2 du code civil
Créance d'aliments contre la succession
au profit des ascendants ordinaires du défunt

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première comme en deuxième lecture, cet article reconnaît aux ascendants ordinaires du défunt dans le besoin une créance d'aliments contre la succession quand le conjoint recueille les trois quarts ou l'intégralité de la succession.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a complété le texte de cet article pour reprendre les dispositions relatives au délai dans lequel doivent être demandés les aliments. Elle a adopté à cet égard les mêmes dispositions que celles insérées à l'article 4 de la proposition s'agissant du droit aux aliments du conjoint survivant prévu à l'article 207-1 du code civil. Elle a également reproduit les précisions sur la répartition de la charge entre les héritiers et les légataires figurant à l'heure actuelle à ce même article 207-1 .

Ce droit de créance est la contrepartie du fait que les ascendants ordinaires ne sont plus appelés à la succession en présence d'un conjoint survivant.

Il ne se justifie pas dans la logique adoptée par le Sénat n'excluant pas les ascendants ordinaires de la succession. Il ne figurait donc pas dans le texte adopté par le Sénat.

Votre commission vous proposera de confirmer cette position en ne reprenant pas cet article dans le texte proposé par l'amendement de rédaction globale de l'article 2 qu'elle vous présente.

Cet amendement de rédaction globale proposé pour l'article 2 reprendra donc, sous réserve de légères modifications, le texte des articles 756 à 758-4 adoptés par le Sénat en première lecture, complété par un article 758-5 relatif à la distinction des masses de calcul et d'exercice des droits en propriété du conjoint survivant.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi rédigé .

Article 2 bis
(art. 759 à 762 du code civil)
Conditions de conversion de l'usufruit du conjoint

Compte tenu des aspects « anti-économiques » de l'usufruit, le Sénat avait souhaité en première lecture organiser la possibilité de le convertir en une rente viagère ou en un capital, tout en préservant les droits du conjoint survivant .

Il avait introduit à cet effet une section comportant les articles 759 à 762 .

Cette section unifiait et complétait les règles applicables à tout usufruit du conjoint sur les biens du prédécédé, qu'il résulte de la loi, d'un testament, d'une donation de biens à venir ou d'une clause du régime matrimonial.

Elle prévoyait que tout usufruit du conjoint ouvrirait une possibilité de conversion en rente viagère à la demande de l'un des héritiers nu-propriétaires ou, ce qui est nouveau, du conjoint lui-même ( art. 759 ).

Le juge arbitrerait en cas de désaccord et déterminerait, s'il fait droit à la demande, le montant des sûretés devant être fournies ainsi que le type d'indexation propre à maintenir l'équivalence de la rente avec l'usufruit ( art. 760 ).

Mais il ne pourrait pas ordonner contre la volonté du conjoint la conversion de l'usufruit portant sur le logement que ce dernier occupe à titre de résidence principale ni du mobilier le garnissant ( art. 760, dernier alinéa ). Il s'agit ici de l'extension à l'ensemble des usufruits du conjoint d'une disposition prévue par l'article 1094-2 actuel du code civil pour certaines libéralités. S'agissant de l'usufruit légal du conjoint, l'article 767 actuel du code civil prévoit la possibilité de sa conversion en rente sans aménager d'exception pour le logement servant de résidence principale.

Cette protection de l'usufruit du logement est particulièrement importante pour le conjoint âgé . La valeur de l'usufruit diminuant avec l'âge de son bénéficiaire, il est en effet à craindre que la rente en résultant soit trop faible pour permettre le financement d'un autre logement. Pour un usufruitier âgé de plus de 70 ans, le barème fixé à l'article 762 du code général des impôts attribue à l'usufruit une valeur égale à 1/10e de celle du bien.

A la différence du droit actuel, cette faculté de conversion serait d'ordre public et s'imposerait à tous, y compris au prédécédé ( art. 759-1 ).

Par accord entre les héritiers et le conjoint, il pourrait en outre être procédé à la conversion de l'usufruit en un capital ( art. 761 ).

La conversion de l'usufruit serait comprise dans les opérations de partage. Elle ne produirait pas d'effet rétroactif, sauf accord des parties ( art. 762 ).

En cohérence avec sa position n'accordant pas au conjoint la possibilité de bénéficier de droits en usufruit, l'Assemblée nationale a supprimé cet article .

Votre commission vous propose de rétablir cet article 2 bis dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

Article 3
Droit au logement

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, en première comme en deuxième lecture, cet article prévoit au profit du conjoint des droits sur le logement qui lui servait de résidence principale à l'époque du décès. Il aménage, d'une part, un droit au logement temporaire après le décès ( art. 767-3 ) et, d'autre part, un droit au logement viager ( art. 767-4 à 767-8 ).

Le Sénat a apporté plusieurs modifications de fond à ces dispositions et les a introduites dans un paragraphe spécifique du code civil intitulé « Du droit au logement temporaire et du droit viager au logement », comprenant les articles 763 à 766 venant à la suite des dispositions proposées aux articles précédents de la proposition de loi.

Votre commission vous proposera un amendement rétablissant l'entête de l'article adopté en première lecture.

Article 767-3 du code civil
Droit au logement temporaire

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, cet article accorde au conjoint survivant, pendant un an après le décès de son époux, des droits liés au logement qui lui servait de résidence principale à l'époque du décès, ces droits étant servis par la succession .

Si le logement appartenait aux deux époux, ou au défunt seulement, le conjoint aurait pendant un an la jouissance gratuite de ce logement et du mobilier le garnissant.

Si le conjoint habitait dans un logement en location, les loyers en seraient remboursés par la succession , au fur et à mesure de leur acquittement.

Ces droits seraient réputés effets directs du mariage et non droits successoraux. Ils ne s'adresseraient cependant qu'au conjoint successible, c'est à dire au conjoint non divorcé contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée.

Ils seraient d'ordre public . Le défunt ne pourrait donc pas prendre de dispositions contraires. Les époux ne le pourraient pas non plus dans leur convention de séparation de corps par laquelle il leur est possible, en application de l'article 301 du code civil, de renoncer à leurs droits successoraux.

Ces droits sont à rapprocher des dispositions de l'actuel article 1481 du code civil, prévoyant, pendant un délai de neuf mois après le décès, la prise en charge par la communauté des frais de nourriture et de logement du conjoint survivant ainsi que des frais de deuil. Ce dernier article est abrogé par l'article 8 de la présente proposition.

En première lecture, le Sénat a adhéré au dispositif proposé. Il a cependant supprimé la mention précisant que ce droit s'adresse au « conjoint non divorcé et contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée », ce qui correspond à la définition du conjoint successible. Il a en outre visé le logement « dépendant en tout ou partie de la succession », plutôt qu'un logement « appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession ». Il a enfin numéroté l'article en article 763 .

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a repris son texte de première lecture tout en visant le conjoint successible plutôt que la périphrase le désignant.

Votre commission admet qu'il est préférable de ne pas faire porter le droit au logement du conjoint sur un logement sur lequel des personnes étrangères à la succession auraient des droits.

Votre commission vous propose d'adopter sans modification le texte de l'Assemblée nationale sous réserve d'un amendement numérotant à nouveau l'article en article 763 .

Article 767-4 du code civil
Conditions d'attribution au conjoint d'un droit viager
au logement - Modalités d'exercice de ce droit

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, en première, comme en deuxième lecture, cet article accorde au conjoint survivant un droit viager d'habitation sur le logement qui appartenait aux époux, ou au défunt seul, et qui lui servait de résidence principale à l'époque du décès. Ce droit est assorti d'un droit d'usage sur le mobilier garnissant le logement.

Il précise que le défunt ne peut priver son époux de ce droit que par testament authentique .

Le présent article soumet le droit d'habitation et d'usage aux règles posées les articles 627, 631, 634 et 635 du code civil.

Le conjoint devra ainsi jouir du bien « en bon père de famille » ( art. 627 ) et il devra exercer ce droit à titre personnel, n'étant autorisé ni à le céder ni à le louer à une autre personne ( art. 631 et 634 ). Il devra, comme un usufruitier, assurer les charges liées au logement qu'il occupe ( art. 635 ). Lui incomberont donc les frais d'entretien et le paiement des contributions, le propriétaire devant assurer les grosses réparations.

Le conjoint ou un héritier a la possibilité d'exiger que soit dressé un inventaire des meubles et un état de l'immeuble soumis au droit d'habitation et d'usage.

L'Assemblée nationale a apporté une exception à l'obligation d'exercice personnel du droit d'habitation et d'usage en permettant au conjoint de louer le local, à usage exclusif d'habitation, si son état de santé exige qu'il soit hébergé dans un établissement spécialisé.

Le Sénat a approuvé l'institution de ce droit d'habitation et d'usage.

Ce droit d'habitation sera essentiel dans le cas où le conjoint ne recueillera pas l'usufruit du logement lui servant de résidence principale.

Le Sénat a prévu que ce droit d'habitation serait un minimum garanti au conjoint dont le défunt ne pourrait pas le priver.

Pour préserver la liberté testamentaire du défunt, il a cependant donné la possibilité au défunt de prévoir que l'exercice de ce droit portera sur un logement autre que celui servant de résidence principale à son conjoint au moment du décès. Il a introduit à cet effet un article 765 (voir ci-dessous).

Par ailleurs, le Sénat a estimé qu'il était trop restrictif de subordonner la possibilité pour le conjoint de louer le logement à la condition d'un hébergement dans un établissement spécialisé. D'autres cas peuvent se présenter où l'état du conjoint nécessite un déménagement . Il a donc prévu que le conjoint, ou son représentant s'il est incapable, pourra louer le local afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d'hébergement si son état fait que le logement n'est plus adapté à ses besoins.

Votre commission vous proposera en conséquence deux amendements à cet article permettant de revenir au texte adopté en première lecture .

Le premier amendement renuméroterait cet article en article 764 et supprimerait la mention figurant en tête de l'article précisant que le défunt ne peut priver son conjoint du droit d'habitation que par un testament authentique .

Le deuxième amendement rétablirait au dernier alinéa de l'article la possibilité pour le conjoint de donner à bail le logement pour financer de nouvelles conditions d'hébergement, si, en raison de son état, le logement n'est plus adapté à ses besoins .

Article 765 du code civil
Possibilité de faire porter le droit au logement sur un autre local

Cet article, introduit par le Sénat en première lecture, ouvre la possibilité au défunt de faire porter le droit au logement sur un local autre que celui servant de résidence principale à son conjoint.

Il apporte une certaine souplesse au dispositif sans retirer la garantie au conjoint qu'il pourra bénéficier d'un logement.

Il a été supprimé par l'Assemblée nationale, le rapporteur ayant considéré que ce dispositif n'accordait pas une protection suffisante au conjoint.

Votre commission vous proposera un amendement rétablissant cet article 765 dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

Article 767-5 du code civil
Imputation de la valeur des droits d'habitation et d'usage
sur la valeur des droits en propriété recueillis par le conjoint

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, cet article prévoit que la valeur des droits d'habitation et d'usage s'impute sur la valeur des droits successoraux recueillis par le conjoint.

Si la valeur des droits d'habitation et d'usage était inférieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint pourrait prendre le complément sur la succession.

Le Sénat a, à cet égard, remplacé, par coordination, le terme de succession par celui de biens existants .

Si la valeur des droits d'habitation et d'usage était supérieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint ne serait pas tenu de récompenser la succession.

Sur ce point, le Sénat a prévu que le conjoint devrait récompenser la succession si par son importance le logement dépasse de manière manifestement excessive ses besoins effectifs . Les héritiers doivent certes assurer un logement au conjoint mais il ne leur revient pas de maintenir à tout prix ce dernier dans un cadre d'existence qui dépasserait à la fois ses besoins et ses moyens.

Votre commission vous proposera à cet article trois amendements permettant de revenir au texte adopté en première lecture.

Le premier amendement procéderait à la renumérotation de cet article en article 765-1.

Le deuxième amendement préciserait que le conjoint peut prendre le complément de ses droits sur les biens existants .

Le troisième amendement rétablirait l'obligation pour le conjoint de récompenser la succession au cas où le logement dépasserait de manière manifestement excessive ses besoins effectifs.

Article 767-6 du code civil
Délai laissé au conjoint pour opter pour le droit au logement

Cet article accorde au conjoint un délai d'un an après le décès pour manifester sa volonté de bénéficier du droit d'habitation et d'usage.

Votre commission vous proposera un amendement renumérotant cet article en article 765-2.

Article 765-3 du code civil
Transfert exclusif du droit au bail

Cet article, adopté par le Sénat en première lecture, prévoyait que le bail appartenant en commun aux époux en application de l'article 1751 du code civil serait attribué de droit au conjoint survivant à l'exclusion de tous autres éventuels ayants-droit, à la demande du conjoint,

L'Assemblée nationale, en première comme en deuxième lecture, a inséré une disposition analogue à l'article 7 de la proposition de loi. Elle a en effet préféré modifier directement l'article 1751 du code civil prévoyant la co-titularité du bail du logement servant de domicile conjugal. Elle a en conséquence supprimé cet article en deuxième lecture.

Votre commission admet qu'il est préférable de modifier l'article 1751 du code civil .

Elle ne vous proposera donc pas de rétablir cet article 765-3 .

Article 767-7 du code civil
Droit d'usage sur le mobilier d'un logement pris à bail

Cet article accorde au conjoint, pour le cas où le logement qui lui servait de résidence principale à l'époque du décès était pris en location , un droit d'usage sur le mobilier le garnissant.

Le Sénat n'a pas modifié cet article, sous réserve de le renuméroter en article 765-4 .

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a précisé que le conjoint visé était le conjoint successible.

Votre commission vous proposera d'adopter cet article sans modification, sous réserve d'un amendement procédant à nouveau à sa renumérotation en article 765-4 .

Article 767-8 du code civil
Conversion des droits d'habitation et d'usage
en une rente viagère ou en capital

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, cet article prévoit que, par accord entre les héritiers et le conjoint, le droit d'habitation peut être converti en une rente viagère ou en un capital.

Le Sénat a renuméroté cet article en article 765-5 et il l'a complété par un alinéa précisant que s'il est parmi les successibles un mineur ou un majeur protégé, la convention doit être autorisée par le juge des tutelles .

L'Assemblée nationale a retenu cette dernière précision.

Votre commission vous proposera un amendement renumérotant à nouveau cet article en article 765-5.

Article 766 du code civil
Clause d'ingratitude

Cet article, adopté par le Sénat en première lecture, prévoit une clause d'ingratitude exonérant la succession de la charge du droit d'habitation et d'usage pour le cas où le conjoint aurait, durant le mariage, manqué gravement à ses devoirs envers le défunt.

L'Assemblée nationale a supprimé cet article.

Après réflexion, votre commission a décidé de ne pas proposer le rétablissement de cette clause d'ingratitude, considérant qu'il pourrait être malsain de permettre aux héritiers de faire, après la mort de l'un des époux, le procès de la vie conjugale du couple.

En conséquence votre commission ne vous proposera pas de rétablir cet article.

Votre commission vous a donc présenté onze amendements à l'article 3.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .

Article 3 bis
(art. L. 132-7 du code des assurances)
Couverture du risque décès en cas de suicide

Cet article, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de M. Maurice Adevah-Poeuf, tend à imposer aux assurances d'apporter leur couverture en cas de suicide intervenu à l'expiration d'un délai d'un an après la signature d'un contrat d'assurance-décès.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale complétait à cet effet l'article L. 132-7 du code des assurances par un alinéa précisant que les dispositions de cet article sont d'ordre public.

Votre commission avait approuvé l'objectif poursuivi par l'auteur de l'amendement. Le suicide d'un époux peut en effet placer le conjoint survivant dans une situation très difficile, principalement dans le cas d'une assurance-décès liée à la souscription d'un emprunt pour l'acquisition d'un bien immobilier. Si l'assurance argue d'un suicide pour ne pas rembourser la banque, le conjoint survivant peut se trouver dans l'impossibilité de régler les mensualités afférentes au prêt et être privé du domicile conjugal.

De l'autre côté, votre commission aurait estimé choquant d'obliger les assurances à couvrir un suicide intervenant à une date trop rapprochée de la signature du contrat.

Un délai d'exclusion du suicide pendant un an lui avait semblé être une bonne solution.

Votre commission avait cependant constaté que la formulation de l'article adoptée par l'Assemblée nationale ne semblait pas répondre à l'objectif poursuivi, procédant à une confusion sur la portée réelle de l'article L. 132-7 du code des assurances, par ailleurs déjà d'ordre public en application de l'article L. 111-2 du code des assurances.

Le Sénat avait donc, sur proposition de votre commission, complété l 'article L. 132-7 du code des assurances par un alinéa contraignant les assureurs à couvrir le suicide dès la deuxième année d'un contrat d'assurance-décès . Un amendement de M. Jacques Machet avait appliqué la même solution s'agissant des garanties supplémentaires souscrites en cours de contrat.

L'Assemblée nationale a adopté cette disposition sans modification.

En outre, votre commission avait souhaité que l'exclusion puisse vraiment jouer pendant la première année du contrat . Or, elle avait craint que l'expression « consciemment » caractérisant le fait de se donner volontairement la mort figurant au premier alinéa de l'article L. 132-7 du code des assurances ne rende difficilement applicable la clause d'exclusion pour suicide au cours de la première année d'un contrat d'assurance-décès. Il est en effet impossible de prouver qu'une personne s'étant suicidée l'a fait « consciemment ».

Le Sénat avait en conséquence supprimé, dans le premier alinéa de l'article L. 132-7 du code des assurances, la mention « consciemment »  caractérisant le fait de se donner volontairement la mort.

L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, son rapporteur estimant que la réflexion devait se poursuivre sur ce plan.

Votre commission constate en tout état de cause que la rédaction donnée à l'article 3 bis par l'Assemblée nationale répond à l'objectif initial consistant à donner aux familles une garantie de couverture en cas de suicide de l'assuré intervenant au-delà de la première année du contrat d'assurance-décès.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 bis sans modification .

Article 4
(art. 207-1 du code civil)
Devoir de secours à l'égard du conjoint survivant

Cet article aménage le droit de créance dont bénéficie le conjoint survivant sur la succession en application de l'article 207-1 du code civil .

Il transforme cette créance en un véritable devoir de secours et prévoit une clause d'ingratitude permettant d'exonérer la succession de sa charge.

L'article 207-1 prévoit actuellement que la succession de l'époux prédécédé doit des aliments à l'époux survivant qui est dans le besoin. L'Assemblée nationale a adopté une formulation ne faisant plus référence à l'état de besoin mais mettant à la charge de la succession un devoir de secours sous la forme d'une pension alimentaire si les « conditions de vie du conjoint survivant se trouvent gravement amoindries » par la mort de son époux. Cette formulation évoque celle retenue pour la prestation compensatoire.

En première lecture, l'Assemblée nationale a repris la disposition actuelle prévoyant que la pension doit être demandée par le conjoint dans le délai d'un an à partir du décès , ce délai étant prolongé, en cas de partage, jusqu'à son achèvement.

L'Assemblée nationale a en outre complété l'article 207-1 par une clause d'ingratitude permettant au juge, saisi par un héritier, de libérer la succession de la charge de la pension si le conjoint a gravement manqué à ses devoirs envers le défunt. Une telle clause n'existe à présent que dans le cadre de l'obligation alimentaire prévue réciproquement entre ascendants et descendants ( art. 207 du code civil ). Seuls les « indignes », personnes condamnées pénalement pour avoir attenté à la vie du défunt ou l'avoir gravement calomnié, peuvent être privées de leurs droits successoraux en application de l'article 727 du code civil.

En première lecture, le Sénat est revenu à la formulation actuelle faisant référence à l'état de besoin du conjoint , estimant que le conjoint ne devait pas solliciter les héritiers en cas d'amoindrissement, même grave, de sa situation tant qu'il n'est pas dans le besoin.

Il a prévu que le départ du délai pour demander des aliments pourrait être, dans le cas où les héritiers auraient fourni des prestations au conjoint, reporté la date à laquelle ils auraient arrêté de le faire. Cette précision avait pour objet d'éviter qu'une aide transitoire accordée par les héritiers ne dissuade le conjoint de réclamer la pension dans le délai prescrit.

Le Sénat a en outre prévu une prolongation de ce délai « en cas d'indivision » et non seulement « en cas de partage » de manière à être certain que la prolongation jouerait même dans le cas où le partage n'aurait pas commencé à l'expiration du délai d'un an.

Le Sénat a en outre, souhaité préciser que la pension pouvait s'exécuter par le versement ou la constitution d'un capital .

Sur la forme, il a estimé préférable de faire figurer ces dispositions parmi les dispositions consacrées aux droits du conjoint survivant dans la partie du code civil consacrée aux successions. Telle est d'ailleurs la solution retenue par l'Assemblée nationale à l'article 2 s'agissant du droit à aliments des ascendants ordinaires.

Le Sénat avait donc transféré le contenu de l'article 207-1 actuel , assorti des modifications proposées, dans un nouveau paragraphe consacré au droit à pension du conjoint survivant et comprenant les articles 767 et 767-1 venant à la suite des articles déjà proposés concernant le conjoint survivant.

L'article 767 comprenait les dispositions actuelles de l'article 207-1 , assorties des quelques modifications proposées concernant le délai dans lequel la demande peut être effectuée et la possibilité de versement d'un capital.

L'article 767-1 était consacré à la clause d'ingratitude.

Le Sénat avait en conséquence abrogé l'article 207-1 du code civil.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a repris son texte de première lecture, sous réserve de prévoir, comme l'avait souhaité le Sénat, une prolongation du délai en cas de fourniture de prestations volontaires par les héritiers et en cas de maintien dans l'indivision.

Votre commission vous proposera de reprendre la rédaction adoptée en première lecture .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi rédigé .

Article 4 bis
(art. 832 du code civil)
Attribution préférentielle de la propriété du mobilier du logement
servant de résidence principale au conjoint survivant

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ouvre au conjoint la possibilité de demander l'attribution préférentielle de la propriété du mobilier garnissant le local qui lui servait de résidence principale à l'époque du décès.

Il modifie à cet effet le septième alinéa de l'article 832 du code civil.

A l'heure actuelle, est seule visée par l'article 832 la propriété des objets mobiliers garnissant un local professionnel.

Le Sénat a adopté une disposition similaire à l'article 838-2 du code civil proposé par l'article 9 Bis U , dans le cadre de la réforme globale du droit des successions.

Votre commission vous propose d'adopter cet article 4 bis sans modification.

Article 5
(art. 832 du code civil)
Attribution préférentielle de la propriété du logement
au conjoint survivant

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, cet article prévoyait que l'attribution préférentielle de la propriété d'un local où le conjoint survivant avait sa résidence principale serait de droit pour le conjoint survivant qui aurait demandé à bénéficier du droit d'habitation sur ce local .

Il complétait à cet effet le dixième alinéa de l'article 83 2 du code civil.

Le Sénat avait adhéré à la possibilité offerte au conjoint de bénéficier d'une attribution préférentielle de droit sur le logement lui servant de résidence principale. Il avait cependant refusé de subordonner ce droit au fait que le conjoint ait demandé ou non à bénéficier du droit d'habitation , estimant que le droit de propriété et le droit d'habitation n'étaient pas de même nature.

Il avait en outre prévu une attribution préférentielle de droit au conjoint du bail du local lui servant de résidence principale.

Sur la forme, il avait intégré ces dispositions à l'article 839 du code civil résultant de la réécriture totale des dispositions relatives à l'attribution préférentielle à laquelle il avait procédé à l'article 9 bis U de la proposition de loi dans le cadre de la réforme globale des successions.

Il avait, à ce même article 839 , accordé au conjoint le bénéfice de délais de paiement pouvant porter sur la moitié de la soulte et ne pouvant excéder dix ans, étant considéré que la fraction de la soulte restant due deviendrait immédiatement exigible en cas de vente totale ou partielle du bien attribué.

Il avait enfin adopté un article 839-1 précisant que les droits résultant de l'attribution préférentielle ne préjudicieraient pas au droit viager d'habitation et d'usage du conjoint.

En conséquence, le Sénat avait supprimé le présent article 5 .

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli dans un paragraphe I son texte de première lecture, en le complétant, en cohérence avec l'article précédent, par l'attribution préférentielle de droit du mobilier garnissant le local .

Elle a introduit un paragraphe II reprenant les dispositions relatives au délai de paiement adoptées par le Sénat en première lecture.

Dans la mesure où votre commission ne vous propose plus une réforme globale du droit des successions, elle est conduite à accepter la modification de l'article 832 actuel du code civil.

Elle ne vous proposera pas de reprendre la disposition adoptée en première lecture relative à l'attribution préférentielle du bail, considérant, d'une part, qu'il est suffisant de prévoir, comme le fait l'article 7 de la proposition de loi, l'attribution exclusive au conjoint du bail du local servant de domicile conjugal et, d'autre part, qu'il est préférable d'éviter des interférences complexes entre le droit de l'attribution préférentielle et le droit immobilier.

Votre commission vous présentera au paragraphe I un amendement supprimant à nouveau la disposition subordonnant le bénéfice de l'attribution préférentielle de droit à une demande préalable du conjoint d'un droit d'habitation sur le logement et d'usage sur le mobilier.

Elle vous proposera un deuxième amendement complétant le paragraphe II du texte adopté par l'Assemblée nationale par un alinéa reprenant la précision selon laquelle les droits résultant de l'attribution préférentielle ne préjudicieraient pas au droit viager d'habitation et d'usage bénéficiant au conjoint.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .

Article 5 bis
(art. 832-1 du code civil)
Coordination

Cet article, adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, procède à une coordination dans le texte de l'article 832-1 du code civil.

Il modifie un visa à l'article 832 du code civil pour tenir compte de l'insertion de deux nouveaux alinéas à cet article par l'article 5 de la proposition.

Il convient de tenir compte de l'adjonction d'un alinéa supplémentaire proposée par votre commission. Un amendement vous sera proposé à cet effet.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 bis ainsi modifié .

Article 6
(art. 914-1 du code civil)
Réserve au profit du conjoint survivant

Cet article institue au profit du conjoint survivant une réserve s'élevant au quart des biens du défunt , en l'absence de descendant ou d'ascendant du défunt.

Il crée à cet effet un article 914-1 dans le code civil.

En première lecture, le Sénat a supprimé cet article.

Votre commission n'est pas favorable à la création d'une réserve fixée à une quotité de la succession au bénéfice du conjoint . Elle estime que le défunt doit pouvoir laisser librement ses biens à ses frères et soeurs ou à d'autres personnes s'il le souhaite, à partir du moment ou un minimum est assuré au conjoint à travers le droit au logement et le droit à pension s'il est dans le besoin.

Au demeurant, il peut sembler paradoxal que l'Assemblée nationale ait prévu que le conjoint puisse être complètement privé de tous droits successoraux en présence de descendants et d'ascendants, y compris du droit au logement, et qu'à leur défaut il bénéficie d'une réserve.

Votre commission vous propose de supprimer l'article 6.

Article 7
(art. 1751 du code civil et art. 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989)
Transmission du droit au bail au conjoint survivant

Cet article renforce le droit du conjoint survivant d'obtenir le transfert d'un bail à son nom.

Le paragraphe I de l'article complète l'article 1751 du code civil par un alinéa prévoyant que le conjoint survivant, co-titulaire du droit au bail du local qui servait effectivement d'habitation aux deux époux, disposera d'un droit exclusif sur ce bail après la mort de son conjoint, sauf s'il y renonce expressément.

L'article 1751 prévoit actuellement le sort du bail commun aux époux en cas de divorce mais ne précise rien en cas de décès.

Le Sénat a souscrit à la mesure proposée. Il a cependant jugé préférable, plutôt que de compléter l'article 1751 du code civil , d'inclure une disposition analogue dans le titre consacré aux successions. Il a donc inséré, à l'article 3 de la présente proposition, un article 765-3 prévoyant l'attribution exclusive du bail au conjoint qui en fait la demande.

Le Sénat a en conséquence supprimé le paragraphe I de cet article.

Votre commission est sensible à l'argument du rapporteur de l'Assemblée nationale selon lequel il est préférable de faire figurer cette mesure dans le chapitre relatif au contrat de louage plutôt que dans les dispositions successorales. Elle reconnaît par ailleurs que le texte adopté par l'Assemblée nationale est plus protecteur des droits du conjoint en ce qu'il ne subordonne pas le droit exclusif au bail à une demande du conjoint.

Votre commission vous proposera en conséquence d'adopter sans modification le paragraphe I de cet article.

En conséquence elle vous proposera également d'adopter sans modification le paragraphe II de cet article qui modifie le septième alinéa de l'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 de manière à viser expressément la possibilité de transfert du bail au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1751 du code civil, c'est-à-dire d'un conjoint qui n'aurait pas cohabité avec le défunt. Le Sénat n'avait en effet modifié ce paragraphe en première lecture que pour remplacer le visa à l'article 1751 du code civil par un visa à l'article 765-3 .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 sans modification

Article 8
(art. 301, 1481 et 1491 du code civil)
Coordinations

Cet article procède à diverses coordinations dans le code civil ou le code de la propriété intellectuelle. Il comprend quatre paragraphes.

Le paragraphe I de l'article modifie l'article 301 du code civil.

Cet article 301 prévoit que, lors d'une séparation de corps sur demande conjointe, les époux peuvent inclure dans leur convention une renonciation à leur droits successoraux conférés par les articles 765 à 767.

En première comme en deuxième lecture, l'Assemblée nationale a modifié ces dernières références pour viser l'ensemble des dispositions prévues par les articles 2 et 3 de la présente proposition de loi ( articles 765 à 767-8 ) à l'exception de l'article 767-3 relatif au droit temporaire au logement qui n'est pas un droit successoral mais un effet du mariage.

Le Sénat avait visé les articles du code civil résultant du texte adopté aux articles 2 et 3 , à savoir les articles 756 à 758 et 764 à 765-5 .

Votre commission vous proposera un amendement rétablissant ces dernières références.

Le paragraphe II abrogeant l'article 1481 du code civil selon lequel le conjoint survivant marié sous le régime de communauté légale peut faire prendre en charge par la communauté pendant les neuf mois suivant le décès sa nourriture, son logement et les frais de deuil et le paragraphe III procédant à une coordination au sein de l'article 1491 ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées .

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a complété l'article par un paragraphe IV procédant à une coordination au sein de l'article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle.

Elle a remplacé dans le texte de cet article relatif à l'usufruit du droit d'exploitation d'une oeuvre la référence actuelle à l'usufruit que le conjoint tient de l'article 767 du code civil par une référence aux droits qu'il tient des articles 765 à 767-8 . Elle a de plus visé l'article 913 relatif à la réserve des enfants au lieu des « articles 913 et suivants ».

Votre commission vous proposera deux amendements à ce paragraphe IV , le premier visant les droits successoraux prévus par le Sénat aux articles 756 à 758 et 764 à 765- 5, et le second rétablissant une référence à l'article 914 du code civil relatif à la réserve des parents, supprimée involontairement par l'Assemblée nationale en même temps que les références aux articles suivants du code civil relatifs aux droits des enfants adultérins.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 8 ainsi modifié .

* 3 Frères et soeurs germains : issus du même père et de la même mère ; utérins : issus seulement de la même mère  ; consanguins : issus seulement du même père.

* 4 La succession se divise par moitié entre chaque branche paternelle et maternelle. Dans chaque branche, l'ascendant qui se trouve au degré le plus proche exclut les autres ascendants. Les ascendants au même degré succèdent par tête.

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