b) Différencier les règles applicables en fonction des situations familiales

En présence de descendants, l'Assemblée nationale propose une règle unique dans tous les cas, que le conjoint se trouve en concurrence avec des enfants non communs avec le défunt ou que seuls des enfants communs soient appelés à la succession.

Or, le respect de l'égalité des filiations , d'ailleurs renforcé par la présente proposition, ne doit pas conduire à adopter des solutions uniformes pour régler des situations fondamentalement différentes aussi bien sur le plan pratique que sur le plan juridique.

L'analyse de la jurisprudence montre que le recours à l'usufruit est souvent source de contentieux en présence d'enfants du défunt d'un lit différent. Cette règle n'est pas absolue, certains beaux-enfants pouvant s'entendre avec leurs beaux-parents aussi bien, voire mieux, que ne le feraient des enfants avec leurs parents. Mais, en tout état de cause, il ne conviendrait pas de transformer en « nus-propriétaires à perpétuité » des enfants qui auraient le même âge, voire seraient plus âgés que le conjoint survivant usufruitier.

Le Sénat a donc souhaité éviter l'attribution dans le cadre de la dévolution légale de droits d'usufruit au bénéfice du conjoint survivant sur des biens dont la nue-propriété reviendrait à des enfants du défunt d'un autre lit.

Il a donc prévu, sur la proposition de M. Robert Badinter et des membres du groupe socialiste, à laquelle votre commission s'était ralliée , de n'ouvrir l'option entre l'usufruit et le quart des biens en propriété que si tous les enfants étaient communs aux deux époux. En présence d'un seul enfant non commun, le conjoint aurait recueilli automatiquement le quart des biens existants en pleine propriété ( art. 2, art. 757 du code civil ).

En présence d'enfants communs, la proposition du Sénat tend donc à aligner la dévolution légale sur le choix effectué le plus fréquemment à l'heure actuelle par les conjoints survivants dans le cadre des donations entre époux intervenant en application de l'article 1094-1 du code civil .

Votre commission vous proposera de confirmer cette position qui en première lecture avait été largement partagée par des sénateurs de la majorité comme de l'opposition sénatoriale .

c) Organiser la conversion de l'usufruit

Compte tenu des aspects « anti-économiques » de l'usufruit, il importe d'organiser la possibilité de le convertir en une rente viagère ou en un capital, tout en préservant les droits du conjoint survivant .

Le Sénat a en conséquence consacré une section du code civil à la conversion de l'usufruit du conjoint. Les dispositions de cette section unifieraient et complèteraient les règles applicables à tout usufruit du conjoint sur les biens du prédécédé, qu'il résulte de la loi, d'un testament, d'une donation de biens à venir ou d'une clause du régime matrimonial ( article additionnel après l'article 2, art. 759 à 762 nouveau du code civil ).

Tout usufruit du conjoint ouvrirait une possibilité de conversion en rente viagère à la demande de l'un des héritiers nu-propriétaire ou, ce qui serait nouveau, du conjoint lui-même ( art. 759 ).

Le juge arbitrerait en cas de désaccord ( art. 760 ). Mais il ne pourrait pas ordonner contre la volonté du conjoint la conversion de l'usufruit portant sur le logement que ce dernier occupe à titre de résidence principale ni du mobilier le garnissant ( art. 760, dernier alinéa ). Il s'agit ici de l'extension à l'ensemble des usufruits du conjoint d'une disposition prévue par l'article 1094-2 actuel du code civil pour certaines libéralités.

A la différence du droit actuel, cette faculté de conversion serait d'ordre public et s'imposerait à tous, y compris au prédécédé ( art. 759-1 ).

Par accord entre les héritiers et le conjoint, il pourrait en outre être procédé à la conversion de l'usufruit en un capital ( art. 761 ).

Votre commission vous proposera de reprendre ces dispositions en deuxième lecture.

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