II. RÉDUIRE LA DETTE PUBLIQUE : UNE IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ

Pour votre commission des finances, l'orthodoxie budgétaire consistant à réduire prioritairement le déficit budgétaire et à diminuer le poids de la dette publique n'est pas un dogme absolu s'imposant erga omnes .

Elle estime cependant que la situation actuelle marquée par la non réduction du déficit budgétaire, et partant, l'accroissement du montant de la dette publique, n'est pas acceptable. Cette situation n'est pas, au demeurant, compatible avec les engagements pris au titre du pacte de stabilité et compromet ainsi gravement l'objectif affiché par le gouvernement d'un retour à l'équilibre des finances publiques d'ici 2004. Elle fait enfin écho aux sombres périodes du début des années 1990 où, faute d'avoir procédé, pendant les années de forte croissance à une réforme des structures publiques, le gouvernement avait été frappé de plein fouet par le retournement de la conjoncture.

A. LES ENSEIGNEMENTS DES BUDGETS 1991 À 1993 À MÉDITER

1. Une explosion du déficit et de l'endettement publics du fait du ralentissement brutal de la croissance

Entre 1990 et 1993, la France a connu un niveau de croissance en exécution, inférieur à celui prévu en loi de finances initiale. Le décalage « limité » à 0,4 point de PIB en 1990 s'est fortement accru au point de s'élever en 1993 à 3,5 points de PIB (2,6 % de croissance en prévision, - 0,9 % réalisé en exécution).

La croissance entre 1990 et 1993 : de la prévision à l'exécution

(en points de PIB)

 

1990

1991

1992

1993

Prévision

3

2,7

2,2

2,6

Exécution

2,6

1,1

1,2

- 0,9

Ecart

- 0,4

- 1,6

- 1

- 3,5

Le ralentissement brutal de la croissance entre 1990 et 1993

(en points de PIB)

L'impact de ce ralentissement a été immédiat et significatif, tant sur le niveau du déficit budgétaire que sur le montant de l'endettement public : ainsi, en 1992 et en 1993, le solde budgétaire exécuté a été plus de deux fois supérieur à celui prévu en loi de finances initiale .

La forte dérive des déficits publics entre 1990 et 1993

1990

1991

1992

1993

Solde budgétaire

Prévision (1)

en Mds d'euros

- 13,74

- 12,23

- 13,71

- 25,22

en % PIB

- 1,4

- 1,2

- 1,3

- 2,2

Exécution (hors FMI et FSC) (2)

en Mds d'euros

- 14,24

- 20,68

- 34,5

- 48,11

en % PIB

- 1,5

- 2,0

- 3,3

- 4,2

Capacité de financement des APU

Prévision (1)

- 1,1

- 1,2

- 1,5

- 2,4

Exécution (2)

- 1,6

- 2,2

- 3,8

- 5,8

Sources :

(1) rapport économique et financier du projet de loi de finances pour l'année concernée

(2) Insee

L'explosion du déficit budgétaire (1990-1993)

(en milliards d'euros)

L'effet a été immédiat et très significatif sur l'endettement public : exprimée en terme de dette brute des administrations publiques, au sens de Maastricht, celle-ci a augmenté du fait de cette dérive du solde budgétaire entre 1991 et 1994 de près de 13 points de PIB, passant de 35,7 % en 1991 à 48,5 % du PIB en 1994. L'évolution est tout aussi significative s'agissant de l'évolution de la dette totale de l'Etat, qui est passée de 284,63 milliards d'euros (1.867 milliards de francs) en 1991 à 445,44 milliards d'euros (2.922 milliards de francs) en 1994 soit une progression de 160,81 milliards d'euros (1.055 milliards de francs) : + 56,5 % 48( * ) .

L'augmentation de la dette brute des administrations publiques françaises

(en points de PIB)

2. Dès lors, des perspectives toujours lointaines de résorption significative de la dette publique

Cette forte augmentation de l'endettement public entre 1990 et 1994 a eu pour conséquence de réduire très significativement l'avantage comparatif en terme de dette publique dont notre pays a longtemps bénéficié . Ainsi, eu égard au laxisme budgétaire des années 1990-1993, la perspective affichée par le gouvernement d'un retour d'ici 2030 au niveau de dette publique des années 1980 paraît, à tout le moins, très optimiste.

En effet, dans le programme pluriannuel de finances publiques 2002-2004, après avoir constaté que la France avait longtemps bénéficié d'un niveau d'endettement relativement bas, le gouvernement estime qu'elle « s'est engagée plus tardivement dans la stratégie de réduction de cet endettement ». Afin d'éviter un effet d'éviction des charges d'intérêt aux dépens d'autres dépenses « plus utiles », et pour « alléger le fardeau de la dette léguée aux générations futures », il plaide pour une accélération de ce mouvement.

A cette fin, il esquisse deux scénarii de réduction de la dette publique. Le premier, dans lequel le solde des administrations publiques se maintient à l'équilibre à partir de 2004, ne permettrait une réduction dudit endettement que grâce à l'activité économique. Dans ce cas, la décrue serait lente : ce n'est qu'à l'horizon 2030 que le poids de la dette dans le PIB retrouverait son niveau des années 1980, c'est-à-dire 20 points de PIB.

Dans la seconde hypothèse où, après le retour à l'équilibre en 2004, « la capacité de financement des administrations publiques continuerait de s'améliorer d'environ 0,3 point de PIB par an », le ratio d'endettement retrouverait le niveau précité des années 1980 avant l'horizon 2015, le gouvernement envisageant de voir la dette entièrement remboursée avant 2020.

Force est de constater que ces hypothèses semblent pêcher par un grand optimisme.

Selon le gouvernement, la réalisation de ces scénarii repose tout d'abord sur « l'évolution maîtrisée des dépenses publiques ». On peut s'étonner que l'ampleur de cette maîtrise ne soit pas chiffrée. En outre, le scénario le plus optimiste table sur un excédent des finances publiques d'environ trois points de PIB en 2015. Si votre rapporteur général partage bien évidemment cet objectif, il constate que, en la matière, les faits auront des difficultés à se mettre en conformité avec les intentions !

Enfin, il ressort de ces deux scénarii que, si le solde des administrations publiques redevenait négatif après 2004, même de manière temporaire, le retour au niveau d'endettement de 1980 ne pourrait être atteint en 2030. Autant dire que le reflux de l'endettement n'est pas une sérieuse priorité pour le gouvernement !

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page