CHAPITRE III BIS
COMITÉS DE MASSIF

2002 sera l'année internationale des montagnes.

Le 5 février dernier, M. Lionel Jospin, Premier ministre, déclarait devant le Conseil national de la montagne 58 ( * ) que celle-ci devrait bénéficier de la nouvelle étape de la décentralisation engagée par le Gouvernement.

Il s'engageait à « préparer un texte » prévoyant la fusion des comités de massif Alpes du Nord et Alpes du Sud, instituant une co-présidence des comités de massif par le représentant de l'Etat et un élu régional et renforçant le rôle de ces instances.

Il indiquait que, dès 2001, le Gouvernement examinerait, dans le premier projet de loi consacré à la décentralisation, les conditions dans lesquelles des structures solides -tels les établissements publics de coopération- pourraient être mises en oeuvre pour accompagner le développement solidaire des régions et des départements.

Aucune initiative n'ayant été prise en ce sens, le président de l'Association nationale des élus de montagne, M. Jean-Louis Idiart, et plusieurs députés ont saisi l'occasion de l'examen par le Parlement du projet de loi relatif à la démocratie de proximité pour déposer et faire adopter, à l'Assemblée nationale, des amendements insérant deux articles additionnels relatifs aux comités de massif.

L'article 12 bis prévoit la réunification du massif des Alpes, actuellement divisé entre Alpes du Nord et Alpes du Sud, avec pour conséquence la fusion des deux comités de massif actuels. L'article 12 ter tend à placer les comités de massif sous la co-présidence du représentant de l'Etat dans la région, coordinateur de massif, et d'un élu local.

On rappellera que l'article 25 du projet de loi relatif à la Corse , adopté définitivement par l'Assemblée nationale le 18 décembre 2001 tend, d'une part, à attribuer à l'Assemblée de Corse compétence pour répartir les crédits destinés à la politique de la montagne et déterminer la composition et les règles de fonctionnement du comité de massif de Corse et, d'autre part, à confier au président du conseil exécutif de Corse la présidence de ce comité.

Article 12 bis (nouveau)
(art. 5 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985
relative au développement et à la protection de la montagne)
Fusion des massifs Alpes du Nord et Alpes du Sud

Cet article tend à modifier l'article 5 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, afin de regrouper en un seul massif, dénommé « Alpes », les massifs Alpes du Nord et Alpes du Sud.

Il a été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Augustin Bonrepaux, Didier Migaud, Jean-Louis Idiart et François Brottes -M. Michel Bouvard avait déposé un amendement ayant un objet analogue- et avec l'accord du Gouvernement.

La commission des Lois de l'Assemblée avait donné un avis défavorable à cet amendement mais, en séance publique, son rapporteur M. Bernard Derosier s'y est déclaré favorable à titre personnel.

1. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article premier de la loi du 9 janvier 1985, la montagne constitue « une entité géographique, économique et sociale dont le relief, le climat, le patrimoine naturel et culturel nécessitent la définition et la mise en oeuvre d'une politique spécifique de développement, d'aménagement et de protection », impliquant une démarche originale « d'auto-développement ».

Reconnue par la Nation, cette situation doit être prise en compte par l'Etat, les établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements dans les actions qu'ils conduisent. Le Gouvernement doit s'attacher à obtenir la même prise en compte par l'Union européenne.

Le délimitation de zones de montagne et de massifs

La loi prévoit la délimitation de zones de montagne, dont elle définit les caractéristiques 59 ( * ) et qui revêtent une grande importance en matière d'urbanisme.

Ces zones de montagne forment, avec les zones qui leur sont immédiatement contiguës, des circonscriptions nouvelles : les massifs . Leur liste figure à l'article 5 de la loi ; il s'agit des Alpes du Nord, des Alpes du Sud, de la Corse, du Massif central, du Massif jurassien, des Pyrénées et du Massif vosgien. La délimitation de chaque massif est faite par décret 60 ( * ) . Dans les départements d'outre-mer, il y a un massif par département. Il comprend exclusivement les zones de montagne.

Ces nouvelles circonscriptions sont dotées d'institutions spécifiques, le Conseil national de la montagne et les comités de massif. Le rôle de ces derniers sera présenté à l'article 12 ter .

Les politiques spécifiques en faveur des massifs

Les massifs de montagne s'étendant sur plusieurs régions font l'objet de politiques interrégionales. Ces politiques peuvent prendre la forme d'un schéma interrégional d'aménagement et de développement du massif élaboré et approuvé conjointement par les conseils régionaux, qui doivent s'inscrire dans les schémas de services collectifs prévus par la loi du 4 février 1995.

En 2000, l'Etat et les conseils régionaux ont signé cinq conventions interrégionales de massif, concernant les Alpes, les Pyrénées, les Vosges, le Jura et le Massif central, qui sont intégrées dans les programmes interrégionaux pour la période 2002-2006.

Ces conventions bénéficieront de crédits de l'Etat (Fonds national pour l'aménagement du territoire et budgets ministériels), 184 millions d'euros (1,204 milliard de francs) étant consacrés au développement socio-économique des massifs et 273 millions d'euros (1,789 milliard de francs) aux infrastructures, de l'Union européenne (FEDER et FSE), pour un montant d'environ 25 millions d'euros (164 millions de francs), et des collectivités territoriales, pour un montant d'un milliard de francs (152,5 millions d'euros).

Chaque préfet de région coordonnateur de massif assurera la programmation de l'axe interrégional du document unique de programmation (DOCUP).

2. La position de votre commission des Lois

Les Alpes constituent le seul massif géographique à être divisé en deux entités incluses dans les territoires des régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Cette décision résultait du constat d'un décalage économique entre Nord et Sud et de modes de développement différenciés.

En réponse à votre rapporteur, il a été indiqué qu'une telle séparation n'avait plus guère aujourd'hui de fondement et privait les Alpes d'une réflexion commune sur des axes fondamentaux de développement, qu'il s'agisse des nouvelles technologies de l'information et de la communication, du pastoralisme, du tourisme ou encore des questions relatives à la traversée alpine.

Il est vrai que les différences réelles entre les deux parties des Alpes ne sont pas plus marquées que celles que l'on constate entre la plaine de la Limagne et les montagnes sèches de Lozère, et qu'il existe, au sein de chacun de ces deux massifs alpins, des disparités fortes entre territoires.

Cette situation illustre une nouvelle fois les difficultés à concilier, sans multiplier les niveaux d'administration, les exigences de proximité et d'aménagement du territoire.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 12 bis sans modification .

Article 12 ter (nouveau)
(art. 7 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985
relative au développement et à la protection de la montagne)
Présidence des comités de massif

Cet article tend à modifier l'article 7 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, afin de prévoir la co-présidence des comités de massifs par le préfet coordonnateur de massif et par un élu local.

Il a été introduit par l'Assemblée nationale, contre l'avis de sa commission des Lois mais avec l'accord du Gouvernement, à l'initiative de MM. Augustin Bonrepaux, Didier Migaud, Jean-Louis Idiart et François Brottes -M. Michel Bouvard avait déposé un amendement ayant un objet analogue.

1. Le droit en vigueur

La composition des comités de massif

Institués dans chacun des massifs, ces comités comprennent, sous la présidence du préfet de région chargé de la coordination du massif 61 ( * ) , des représentants des régions, des départements, des communes ou de leurs groupements, des établissements publics consulaires, des parcs nationaux et régionaux, des organisations socioprofessionnelles et des associations concernées par le développement, l'aménagement et la protection du massif. Cette composition a pour objet de regrouper tous les acteurs du développement local et de les associer au travail de concertation du comité.

Le nombre des participants varie selon les comités, en raison de la différence de taille et de structure des massifs. La loi dispose que chaque comité comprend une majorité de représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements .

Si elle laisse à un décret en Conseil d'Etat et au règlement intérieur des comités le soin de définir leurs modalités de fonctionnement, elle impose la mise en place d'une commission spécialisée en matière d'unités touristiques nouvelles, composée majoritairement d'élus locaux.

Depuis la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, chaque comité de massif constitue une commission permanente, composée en majorité d'élus locaux 62 ( * ) . Cependant, leur existence résulte d'un décret en Conseil d'Etat et non de la loi.

Les commissions permanentes élisent en leur sein leur président. Associées à la préparation de l'ordre du jour des réunions des comités de massif, elles contribuent à la préparation de leurs propositions, participent au suivi des programmes européens de développement régional concernant les massifs et assurent la synthèse des différents groupes de travail constitués par les comités.

Le rôle des comités de massif

Les comités de massif jouent un rôle exclusivement consultatif . Ils sont informés au moyen d'un rapport annuel, établi par le préfet désigné pour assurer la coordination dans le massif, des décisions d'attribution des crédits inscrits dans la section locale à gestion déconcentrée du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire et correspondant à des projets situés en zone de montagne.

Ils sont également consultés sur l'élaboration des prescriptions particulières de massif et sur les projets d'unités touristiques nouvelles -les avis sont rendus par les commissions spécialisées précitées.

Les comités peuvent proposer et sont saisis pour avis de tout projet de modification de la délimitation des massifs. Ils sont informés chaque année sur les programmes d'investissement de l'Etat, des régions, des départements et des établissements publics dans le massif, ainsi que sur les programmes de développement économique, notamment sur les programmes de développement agricole. Enfin, depuis les lois n° 95-115 du 4 février 1995 et n° 99-533 du 25 juin 1999, les comités de massif sont consultés sur les schémas interrégionaux de massif.

2. La position de votre commission des Lois

Votre commission des Lois considère que les comités de massif constituent des lieux de concertation précieux , car ce sont les seules instances dans lesquelles les questions relatives à la montagne sont abordées à titre principal.

Toutefois, et sans doute faute de moyens, ils n'ont jusqu'à présent pu jouer qu'un rôle modeste . Circonscription administrative de l'Etat, ils sont dépourvus de la personnalité morale et ne disposent pas de services propres. Leur secrétariat est généralement assuré par un fonctionnaire de la délégation à l'aménagement du territoire.

S'il n'est certainement pas souhaitable de créer un nouvel échelon d'administration , il convient toutefois de donner à ces comités les moyens de jouer tout leur rôle de proposition en faveur du développement des zones de montagne.

Confier la co-présidence des comités de massif à un élu local devrait contribuer à leur donner un nouvel élan . En effet, les préfets coordonnateurs de massif, à la fois préfets de région et préfet de département, accaparés par des tâches multiples, ne sont sans doute pas en mesure de consacrer à ces instances toute l'attention qu'elles méritent. Un élu local, élu de montagne, sera sans doute plus intéressé à animer les travaux et à susciter les débats et les réflexions au sein du comité qu'il préside. En revanche, le rôle éminent de l'Etat dans la politique d'aménagement des zones de montagne justifie, sinon en Corse du moins sur le continent, que le préfet coordonnateur de massif conserve la co-présidence des comités.

Tout en souscrivant à l'objectif recherché par le présent article, votre commission des Lois vous soumet un amendement tendant à améliorer son dispositif, en inscrivant dans la loi l'existence de la commission permanente des comités de massifs , composée en majorité d'élus locaux, et en prévoyant que le président de cette commission sera , avec le représentant de l'Etat, le co-président du comité de massif .

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 12 ter ainsi modifié .

* 58 Présidé par le Premier ministre, le Conseil national de la montagne réunit des parlementaires, des représentants des assemblées permanentes des établissements consulaires, des organisations nationales propres au milieu montagnard et de chacun des comités de massif. Sa composition et son fonctionnement ont été précisés par le décret n° 85-994 du 20 septembre 1985.

Il définit les objectifs et précise les actions qu'il juge souhaitables pour le développement, l'aménagement et la protection de la montagne. Il a notamment pour objet de faciliter, par ses avis et ses propositions, la coordination des actions publiques dans les zones de montagne. Il est consulté sur les priorités d'intervention et les conditions générales d'attribution des aides accordées aux zones de montagne par le fonds national d'aménagement et de développement du territoire. Il est informé, chaque année, des programmes d'investissement de l'Etat dans chacun des massifs de montagne.

* 59 Selon l'article 3 de la loi du 9 janvier 1985, les zones de montagne se caractérisent par des handicaps significatifs entraînant des conditions de vie plus difficiles et restreignant l'exercice de certaines activités économiques. Elles comprennent, en métropole, les communes ou parties de communes caractérisées par une limitation considérable des possibilités d'utilisation des terres et un accroissement important des coûts des travaux dus soit à l'existence, en raison de l'altitude, de conditions climatiques très difficiles se traduisant par une période de végétation sensiblement raccourcie ; soit à la présence, à une altitude moindre, dans la majeure partie du territoire, de fortes pentes telles que la mécanisation ne soit pas possible ou nécessite l'utilisation d'un matériel particulier très onéreux ; soit à la combinaison de ces deux facteurs lorsque l'importance du handicap, résultant de chacun d'eux pris séparément, est moins accentuée. Chaque zone est délimitée par un arrêté interministériel.

* 60 Il s'agit des décrets n° 85-995 à 85-1001 du 24 septembre 1985.

* 61 Le rôle des préfets coordonnateurs se situe à l'échelle interrégionale et dans le champs interministériel. A ce titre, ils informent les membres du comité de massif des éléments de la politique nationale relatifs à la montagne, mettent au débat les sujets relevant de la politique du massif conformément à l'article 7 de la loi montagne, rendent compte de l'activité des services de l'Etat annuellement sur le massif. Ils sont assistés dans leur tâche par un commissaire à l'aménagement du massif. Le renforcement de leur rôle, annoncé par le premier ministre devant le Conseil national de la montagne devrait se traduire par un décret leur confiant l'ordonnancement secondaire de l'ensemble des crédits de la convention interrégionale de massif.

* 62 Les comités de massif se réunissent au moins deux fois par an.

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