B. UNE RÉFORME DIFFICILEMENT VIABLE ET PEU CONSTRUCTIVE

1. Une réforme conflictuelle et délibérément vexatoire

Votre commission des Lois ne peut souscrire à l'esprit de dénigrement ayant présidé à l'élaboration de cette réforme. Accepter les dispositions de ce projet de loi reviendrait non seulement à cautionner le constat exagéré et les accusations outrancières portées à l'encontre des juridictions consulaires mais également à approuver une entreprise de déstabilisation fondée uniquement sur quelques exemples frappants et fortement médiatisés.

Peut-on réellement formuler des propositions crédibles et équilibrées en insultant l'Institution qu'on entend réformer ? La meilleure réponse à cette question figure dans les rapports de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale et de la mission interministérielle diligentée par le Gouvernement : les magistrats consulaires sont « corrompus », « indisponibles », ils « détournent », « contournent ». A aucun moment, ces travaux n'ont tenté de mener une analyse objective du fonctionnement d'une « justice de connivence » condamnée par avance.

Mener une réforme en profondeur de la justice commerciale est un exercice difficile comme l'ont montré l'échec des nombreuses tentatives de réformes parmi lesquelles on peut citer  un projet de loi déposé en 1979 146 ( * ) par M. Alain Peyrefitte, alors Garde des Sceaux, visant à modifier l'organisation de la carte judiciaire et instituer un statut des juges consulaires qui ne fut cependant jamais discuté ou encore la refonte du droit des entreprises en difficulté opérée en 1985 qui devait s'accompagner d'une réforme de la justice consulaire envisagée par M. Robert Badinter destinée à instituer un échevinage mais qui ne vit jamais le jour.

A cet égard, la réforme d'une institution exige un minimum de concertation et de consensus avec les principaux acteurs qui l'animent . Tel n'a pas été le cas. Depuis la démission collective de près d'un quart du corps des magistrats consulaires en octobre 1999, prolongée par la seule grève de toute l'histoire de la justice consulaire, la tension entre les promoteurs de la réforme et les juges consulaires n'a cessé de croître. La réalité a largement démenti les promesses de Mme Elisabeth Guigou alors Garde des Sceaux, lors des assises de la conférence générale des tribunaux de commerce, en octobre 1997, d'engager une « phase de concertation [...] afin de réfléchir [...] à l'équilibre d'ensemble du dispositif » 147 ( * ) .

Les juges consulaires eux-même, conscients de l'évolution nécessaire de l'institution, ont formulé des propositions constructives dans le rapport aux assises nationales de la conférence générale des tribunaux de commerce publié en octobre 1997 et le livre blanc publié par la conférence générale des tribunaux de commerce en 2000  parmi lesquelles figurent la création d'un véritable statut du juge consulaire, l'élargissement nécessaire du corps électoral, l'institution d'un conseil national des juges des tribunaux de commerce et la présence des magistrats professionnels au sein des formations de jugement.

Ces voies de réforme au demeurant nécessaires étaient de nature à répondre à bien des critiques adressées à la magistrature consulaire dans un climat serein . Votre rapporteur regrette que le Gouvernement n'ait pas choisi la voie de la concertation avec des juges consulaires prêts à accepter une modernisation de la justice commerciale.

Comment dans un tel contexte est-il possible d'accepter un projet de loi dont les principales dispositions ne peuvent être vécues que comme une sanction ?

* 146 N°247 - Sénat (1978-1979).

* 147 Rapport aux assises nationales des tribunaux de commerce (rapport de M. Henri-Jacques Nougein) - 24 octobre 1997 - p.10.

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