B. LES OBSTACLES A L'ENGAGEMENT DE L'EUROFOR

L'un des obstacles techniques à l'engagement de l'Eurofor, déjà souligné en 1997 par votre commission, est l' absence d'un système d'information et de commandement dédié .

En effet, à l'heure actuelle, ces systèmes d'information et de commandement sont pourvus à tour de rôle par chaque Etat partie, selon un principe de rotation de deux années. Ce système est vite apparu très insatisfaisant pour l'entraînement et a fortiori pour un engagement éventuel en opérations dans le cadre d'une mission de réaction rapide.

Un accord de principe est intervenu, au mois de mai 1999, selon lequel l'Italie mettrait à disposition, à titre permanent, une unité de système d'information et de commandement , les coûts d'entretien et de fonctionnement étant répartis entre les pays membres.

L' achat d'un équipement de fabrication italienne (24 consoles SIACCON) est prévu, le coût total d'acquisition de l'unité (évalué initialement à environ 9 millions d'euros) étant partagé entre les 4 pays membres. L'Italie fournira par ailleurs une compagnie de transmissions.

Toutefois, ce projet, sur lequel l'accord de principe est intervenu il y a près de trois ans, tarde à entrer dans sa phase de réalisation concrète.

Au-delà de ce handicap technique, bientôt surmonté il faut l'espérer, d' autres obstacles se sont opposés à l'engagement de l'Eurofor.

Il s'avère tout d'abord que, jusqu'à présent, les nations composant l'Eurofor n'ont guère été empressées de l'inclure dans la planification des relèves de leurs unités participant à des opérations extérieures multinationales , en particulier dans les Balkans. L'une des difficultés est de déterminer avec réalisme le format qu'il serait raisonnable d'envisager pour un déploiement de l'Eurofor, compte tenu des capacités de son état-major, sans doute plus adapté à un niveau de type brigade qu'à celui de type division.

Mais indépendamment des avantages ou des inconvénients que chaque état-major national peut voir dans un éventuel engagement de l'Eurofor dans une circonstance donnée, il apparaît également que des contraintes strictement politiques peuvent plaider, pour une opération déterminée, en faveur de la constitution d'une force ou d'un état-major ad hoc, au détriment de forces préétablies comme l'Eurofor. Que ce soit en raison des nations qui la composent ou du pays qui en assure le commandement, une force multinationale préétablie présente moins de souplesse et offre moins de possibilité d'adaptation au contexte géopolitique de l'opération. Il semble ainsi, qu'un temps envisagé, l'engagement de l'Eurofor en Macédoine dans le cadre de l'opération « Amber Fox », initiée par l'OTAN, ait été écarté, pour des motifs d'opportunité politique.

Enfin, sur un plan plus général, on doit constater qu'en tant que force multinationale européenne, l'Eurofor peine à trouver sa vocation dans les évolutions actuelles de la politique européenne de sécurité et de défense comme dans les projets de l'OTAN .

L' OTAN entreprend actuellement une révision de la structure de ses forces qui doit se traduire par la sélection de trois états-majors de force de réaction rapide « terre » ( high readiness forces ) et de six états-majors de relève « terre » ( forces of lower readiness ), la distinction entre ces deux catégories reposant sur le degré de rapidité de projection en opération et la capacité « d'entrée en premier » sur un théâtre. Après l'ARRC britannique, le Corps européen devrait être retenu d'ici la fin de cette année pour constituer le deuxième état-major de force de réaction rapide. Il restera donc à édifier le troisième état-major de force, normalement voué à couvrir l'espace nord de la Méditerranée. Il semblerait que l'on s'oriente, pour ce « Corps sud », vers une solution strictement nationale (projets de corps turc, espagnol ou italien) et non vers un corps multinational, sur le modèle du Corps européen, dans lequel l'Eurofor aurait peut-être pu trouver à s'intégrer.

En ce qui concerne l' Union européenne , elle entend elle aussi se doter d'éléments de réaction rapide, sans qu'il apparaisse clairement aujourd'hui si l'Eurofor et son état-major permanent pourraient trouver, dans ce cadre, une opportunité de consolidation.

Il faut par ailleurs souligner que les différents pays membres de l'Eurofor sont engagés dans divers projets dont les enjeux éclipsent quelque peu cette dernière. C'est le cas pour la France, qui fait de la sélection du Corps européen comme force de réaction rapide de l'OTAN une priorité. Mais c'est également le cas de l'Espagne et de l'Italie, avec leurs projets nationaux de troisième corps de réaction rapide « sud » de l'OTAN.

Il faut donc tenir compte des limites qui s'imposent aujourd'hui au développement de l'Eurofor et aux projets qui exigeraient de lui consacrer des moyens beaucoup plus important.

Pour autant, il n'est pas possible de rester dans la situation actuelle de « sous-emploi » de l'état-major de Florence.

La mise en place rapide d'un système d'information et de commandement dédié et l' insertion de l'état-major de l'Eurofor dans la planification des relèves pour les différentes opérations extérieures en cours devrait être recherchés en priorité. Il apparaît notamment que compte tenu du format actuel de son état-major, l'Eurofor pourrait assurer des missions de protection ou d'extraction d'observateurs, du type notamment de la mission « Amber Fox » en Macédoine, dont la relève éventuelle par l'Union européenne reste toujours en débat.

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