III. FAVORISER LA CRÉATION D'EMPLOIS PAR UNE SIMPLIFICATION ET UNE PLUS GRANDE EFFICACITÉ DES ALLÉGEMENTS DE COTISATIONS SOCIALES PATRONALES

Le titre III du projet de loi (« Dispositions relatives au développement de l'emploi ») regroupe sept articles définissant un nouveau dispositif d'allégement de cotisations sociales patronales sur les bas salaires.

Prenant acte de la multiplicité parfois coûteuse des dispositifs existants, le présent projet de loi entend ainsi saisir l'occasion fournie par l'harmonisation des SMIC pour réaliser une réforme ambitieuse des allégements de charges sur les bas salaires.

La nouvelle réduction de cotisations sociales patronales ainsi définie, qui s'inspire directement de la ristourne « Juppé », vise à favoriser la création d'emplois et à compenser les effets, sur le coût du travail, de la convergence des minima salariaux. « Déconnecté » de la durée du travail, cet allégement fera l'objet d'une mise en oeuvre progressive, sans formalités excessives pour les employeurs. En outre, son coût, déjà limité par la suppression des dispositifs qu'il remplace, sera intégralement compensé à la sécurité sociale.

A. LES ALLÉGEMENTS DE CHARGES SOCIALES : DES DISPOSITIFS DÉPOURVUS DE COHÉRENCE D'ENSEMBLE ET DONT LE COÛT N'EST QUE PARTIELLEMENT COMPENSÉ À LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. Des dispositifs dépourvus de cohérence d'ensemble

Les allégements de charges sociales ont été mis en oeuvre, depuis une dizaine d'années, par l'accumulation de mesures spécifiques sans qu'aucune vision d'ensemble ne préside véritablement à leur définition.

Les exonérations de cotisations sociales liées à la politique de l'emploi

Un essai de typologie
(Extrait du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale - septembre 2001)

Le nombre des exonérations de cotisations sociales liées à la politique de l'emploi gérées par les URSSAF s'élève à environ trente-cinq qui, à la fin de l'année 2000, concernaient environ 13,5 millions d'emplois .

Sous l'angle de leur place dans la politique de l'emploi, elles peuvent être, de façon quelque peu arbitraire, classées en trois grandes catégories :

1. Des exonérations ciblées sur certaines catégories de salariés ou de contrats de travail :

- les exonérations associées à des dispositifs dirigés vers des personnes dont l'insertion sur le marché du travail est jugée devoir être aidée (jeunes, chômeurs de longue durée). Il s'agit, par exemple, de l'exonération associée au contrat initiative-emploi (CIE) ;

- les exonérations qui visent à encourager des formes particulières d'emploi : exonération pour l'emploi d'un premier salarié, par exemple.

2. Des exonérations de charges sociales ciblées sur certaines zones géographiques , comme les zones franches urbaines ou la Corse.

3. Des exonérations de caractère général sur les bas salaires et la réduction du temps de travail (qui ont vocation à terme à ne former qu'un seul dispositif) :

- l'allégement général de charges sociales pour les bas salaires, avec les cas particuliers que constituent les secteurs des hôtels-cafés-restaurants et du transport* ;

- les exonérations en faveur de l'aménagement-réduction collective du travail : dispositif « de Robien », dispositif « Aubry ».

* A partir de la mise en oeuvre de la deuxième loi sur la réduction du temps de travail, le plafond de l'exonération générale peut être de 1,3 SMIC ou de 1,8 SMIC selon les situations au regard de la réduction du temps de travail.

En dépit de la typologie esquissée par la Cour des comptes (cf. encadré ci-dessus) , les mesures d'allégement des charges sociales actuellement en vigueur se caractérisent donc par leur extrême hétérogénéité , notamment en ce qui concerne :

- Les cotisations visées : le plus souvent, on l'a vu, les allégements concernent les cotisations patronales de sécurité sociale. Toutefois, certains dispositifs (ex. zones franches urbaines) s'appliquent également aux cotisations dues par les entreprises au titre du Fonds national d'aide au logement (FNAL) ou du versement transport (VT). Enfin, dans certains cas particuliers, tel l'apprentissage, l'exonération concerne la totalité des cotisations de sécurité sociale (patronale et salariale) ;

- La durée d'application de la mesure considérée , celle-ci pouvant avoir un caractère permanent (cf. « ristourne Juppé » ; « allégement Aubry II ») ou, au contraire, être limitée dans le temps (cf. aides incitatives « de Robien » et « Aubry I ») . A ce sujet, il convient de noter que certains dispositifs, aujourd'hui abrogés, continueront néanmoins à produire leurs effets pendant encore plusieurs années.

Ainsi, les dernières conventions « de Robien », conclues avant l'abrogation de ce dispositif en 1998, demeureront en vigueur jusqu'à leur terme normal en 2005.

- Les modalités d'application des exonérations , certaines mesures étant liées à des embauches (cf. volet offensif « de Robien » et « Aubry I »), d'autres concernant les salariés en place (cf. réduction dégressive des cotisations sur les bas salaires) .

- Le mode de calcul de l'allégement de charges accordé, comme l'illustrent les quelques exemples recensés dans le tableau ci-après :

Principaux modes de calcul des allégements de cotisations sociales

Abattement forfaitaire

- de Robien

- Aubry I

Abattement proportionnel

- Abattement temps partiel et abattement pour les emplois à temps réduit dans les entreprises ayant réduit la durée du travail (30 % des cotisations patronales de sécurité sociale)

Exonérations limitées aux cotisations d'allocations familiales

- Salariés des exploitants agricoles (selon montant mensuel de la rémunération)

- Régimes spéciaux (selon montant mensuel de la rémunération)

Exonérations limitées aux salaires inférieurs à un plafond

- Ristourne Juppé (1,3 SMIC)

- Aubry II (1,8 SMIC)

Exonérations au-delà des cotisations de sécurité sociale

- Contrat d'apprentissage (également chômage, retraite complémentaire, CSG, CRDS, FNAL (fonds national d'aide au logement), VT (versement transport), taxe sur les salaires pour entreprises artisanales d'au plus dix salariés)

- Zones franches urbaines (également FNAL, VT)

- Emploi d'une aide à domicile par une personne âgée ou invalide (également FNAL)

- La possibilité (ou non) de cumuler plusieurs mesures au titre d'un même emploi salarié, l'accumulation progressive de divers dispositifs ayant conduit le législateur à autoriser, dans certains cas, et sous certaines conditions, ce cumul. Le tableau ci-dessous résume les règles de cumul applicables aux principales mesures de réduction des cotisations sociales patronales actuellement en vigueur (ristourne dégressive ; aides « de Robien » et « Aubry I » ; allégements « Aubry II »).

Dispositif


Cumulable
avec :

Ristourne dégressive

Aide de Robien

Aide incitative Aubry I

Allégement Aubry II

Ristourne dégressive sur les bas salaires

Oui

Oui

Non

Aide de Robien

Oui

Non

Oui
(minoration)

Aide incitative Aubry I

Oui

Non

Oui
(minoration)

Allégement Aubry II

Non

Oui
(minoration)

Oui
(minoration)

Le cumul autorisé de plusieurs mesures peut même aboutir, dans certains cas, à une exonération totale de la cotisation sociale patronale. Les règles relatives à l'allégement « Aubry II » précisent ainsi que le total des exonérations ou des réductions accordées à un employeur ne peut excéder le montant « global » des cotisations sociales dues par celui-ci.

2. Un coût partiellement compensé à la sécurité sociale

Indépendamment de leurs modalités, les allégements de charges se traduisent très nécessairement par une perte de recettes de cotisations pour les régimes de sécurité sociale.

Depuis l'adoption de la « loi Veil » de 1994, toute mesure d'exonération de cotisations (intervenue depuis juillet 1994) devrait donc « donner lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application » 6 ( * ) .

Conformément à cette disposition, le taux de compensation, à la sécurité sociale, des allégements de cotisations est ainsi passé de 43 % en 1992 à 78,07 % en 1996 (la part non compensée correspondant aux mesures entrées en vigueur avant 1994).

Or, depuis 2000, la création du FOREC (qui n'est devenue effective qu'en 2001) a compromis la cohérence de ce dispositif 7 ( * ) :

- en permettant à l'Etat de se décharger sur le FOREC du fardeau de la compensation financière due à la sécurité sociale ;

- et en faisant participer celle-ci, à hauteur de 4,5 milliards d'euros (30 milliards de francs) en année pleine, au financement de cette compensation, par « réaffectation » au FOREC de recettes fiscales dont les régimes de base bénéficiaient antérieurement.

Des circuits de financement particulièrement opaques et complexes ont été ainsi mis en place par le précédent Gouvernement afin de faire supporter, à la sécurité sociale, une part croissante d'une dispendieuse politique de l'emploi fondée sur la réduction du temps de travail.

Au total, et envisagées du seul point de vue de leurs modes de financement, les exonérations de cotisations comptabilisées au titre du régime général peuvent être aujourd'hui regroupées en trois catégories :

§ les exonérations non compensées : il s'agit, notamment, du reliquat des mesures d'exonération mises en oeuvre avant l'entrée en vigueur de la « loi Veil » de 1994 ;

§ les exonérations compensées par l'Etat qui sont relatives aux dispositifs suivants :

- la formation en alternance (apprentissage ; contrats de qualification jeunes et adultes) ;

- les dispositifs d'insertion des publics en difficulté (contrats initiative-emploi ; insertion par l'économique, contrats de retour à l'emploi) ;

- des mesures spécifiques en faveur de zones géographiques ou de divers secteurs d'activité (zones de revalorisation rurale, zones de redynamisation urbaine, zones franches, Corse et DOM, hôtels-cafés-restaurants)

§ les exonérations compensées par le FOREC qui regroupent la réduction dégressive sur bas salaires, les aides incitatives « de Robien » et « Aubry I », les allégements 35 heures « Aubry II » et les exonérations de cotisations d'allocations familiales accordées à certaines entreprises.

Il convient de souligner que le coût de cette dernière catégorie d'exonérations, qui est de loin la plus importante en termes de masses financières, s'élève à 15,5 milliards d'euros en 2003.

Ce (bref) constat sur les dispositifs d'allégement de charges en vigueur démontre, si besoin est, la nécessité d'une réforme d'ensemble des allégements de charges actuellement en vigueur, ne serait-ce que pour en renforcer l'efficacité en terme de création d'emplois.

* 6 Article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

* 7 Voir rapport Sénat n° 60 (2001-2002) Tome I (Equilibres financiers généraux et assurance maladie) de M. Alain Vasselle sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

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