B. UNE HARMONISATION DES SMIC QUI FOURNIT L'OCCASION D'UNE RÉFORME AMBITIEUSE DES ALLÉGEMENTS GÉNÉRAUX DE CHARGES SOCIALES

1. Une réforme rendue nécessaire par l'harmonisation des SMIC

Après l'harmonisation des SMIC, toutes les entreprises devront supporter le même salaire minimum, le SMIC horaire, et ce indépendamment des modalités de convergence qui seront retenues. Afin d'éviter des inégalités de traitement susceptibles d'engendrer des distorsions de concurrence, il est donc impératif que le coût minimal du travail soit le même pour toutes les entreprises. En d'autres termes, un salarié doit ouvrir droit à un même taux d'exonération de charges qu'il travaille à 35 ou à 39 heures. La création d'un barème unique de réduction de cotisations s'impose donc.

En outre, la disparition des garanties mensuelles de rémunération va provoquer une augmentation du SMIC horaire qui concernera l'ensemble des entreprises restées à 39 heures. Or, on estime qu'une hausse d'un point du SMIC « détruit » 1,5 % des emplois directement concernés. Afin d'en limiter les effets sur l'emploi peu qualifié, il paraît donc nécessaire de définir un nouveau dispositif neutralisant tout ou partie des hausses de coût salarial liées à la sortie du dispositif des garanties mensuelles.

2. Un nouvel allégement de charges dont le dispositif s'inspire de la ristourne « Juppé »

Le nouvel allégement défini dans le projet de loi se substitue, à compter du 1 er juillet 2003, à la ristourne « Juppé » et à l'allégement « Aubry II ».

a) Les allégements généraux sur les bas salaires actuellement en vigueur subsistent jusqu'au 30 juin 2003

Jusqu'au 30 juin 2003 , les deux allégements généraux de cotisations sociales patronales existants demeureront donc en vigueur. Il s'agit de :

Ø la ristourne dégressive sur les bas salaires (« ristourne Juppé ») : depuis le passage de la durée légale du travail à 35 heures, la « ristourne Juppé » continue à s'appliquer aux entreprises dont la durée effective du travail est restée à 39 heures, ainsi qu'à celles qui, bien qu'ayant conclu un accord collectif de réduction du travail, ne remplissent pas les conditions exigées par la loi « Aubry II » pour pouvoir bénéficier des allégements correspondants (accord approuvé par la majorité des syndicats présents dans l'entreprise ; engagements en termes de création ou de maintien d'emplois).

« Ristourne Juppé »

Réduction dégressive des cotisations sociales patronales sur les bas salaires selon le dispositif suivant :

- pour les salaires inférieurs au SMIC (39 heures) : la réduction atteint son niveau maximal, soit 18,2 points de cotisations (sur un total de 30,2 8 ( * ) ) ;

- pour les salaires compris entre le SMIC et 1,3 fois le SMIC : l'allégement devient dégressif ;

- pour les salaires supérieurs à 1,3 fois le SMIC : aucune réduction de cotisations patronales n'est accordée.

Ø l'allégement lié à la réduction du temps de travail (« Aubry II ») bénéficie aux entreprises qui, par accord collectif, ont fixé la durée collective du travail, au plus, à 35 heures hebdomadaires (ou à 1.600 heures sur l'année) et qui remplissent, par ailleurs, les conditions générales exigées par la loi pour ouvrir droit à cet allégement (cf. ci-dessus).

Allégement « Aubry II »

- pour tous les salaires (quel que soit leur montant) : un abattement forfaitaire de cotisations patronales, « l'aide pérenne aux 35 heures », d'un montant mensuel de 53,97 euros (juillet 2002) ;

- pour les salaires situés en dessous d'un plafond (1,8 fois le SMIC 35 heures) : réduction dégressive des cotisations patronales (incluant l'aide pérenne aux 35 heures) à partir d'un maximum équivalent, pour les plus bas salaires, à 290,13 euros par mois (juillet 2002).

Il convient de souligner que l'allégement « Aubry II » est également dégressif dans le temps . Lors de sa conception initiale (en 2000), et compte tenu du niveau atteint par le SMIC à cette époque, l'allégement « Aubry II » se traduisait (au SMIC) par une réduction maximale de 26 points de cotisations . Or, le jeu conjugué, d'une part, de la formule retenue pour le calcul de l'allégement et, d'autre part, des revalorisations successives, au 1 er juillet de chaque année, des minima salariaux (SMIC + garanties mensuelles) se traduit par une diminution progressive du montant de cet allégement au niveau du SMIC. Ainsi, pour le SMIC 35 heures en vigueur depuis le 1 er juillet 2002, l'allégement maximal ne représente-il plus que 23,5 points de cotisations (contre 26 points au 1 er juillet 2000).

Ø après application des allégements de cotisations sociales patronales, le coût horaire du travail au niveau du SMIC est, actuellement, comparable pour les entreprises à 35 ou à 39 heures , particulièrement en ce qui les entreprises qui sont passées tôt aux 35 heures, comme l'illustre le tableau ci-après :

Coût horaire du travail dans les entreprises à 35 heures et à 39 heures
au 1 er juillet 2002 (cas d'une entreprise de moins de 20 salariés) 9 ( * )

Entreprises à 39 heures
« ristourne Juppé »

Entreprises à 35 heures
allégement « Aubry II »

SMIC (au 1 er juillet 2002)

GMR2 *

GMR5 **

Salaire brut mensuel (en euros)

1154,3

1114,3

1154,3

Salaire brut horaire

6,83

7,35

7,61

Montant d'exonération

210,1

290,1

270,8

Coût horaire du travail avant exonération

10,02

10,67

11,05

Coût horaire du travail après exonération

8,76

8,75

9,26

Taux d'exonération

18,2 %

26,0 %

23,5 %

* garantie mensuelle en vigueur au 1 er janvier 2000

** garantie mensuelle en vigueur au 1 er juillet 2002

b) Un dispositif unique s'inspirant de la ristourne dégressive sur les bas salaires

Le nouvel allégement de cotisations sociales patronales s'inspire directement de la « ristourne Juppé », notamment en ce qui concerne :

Ø la définition des employeurs bénéficiaires : le champ d'application du nouvel allégement recouvre l'ensemble des employeurs soumis à l'obligation d'assurance chômage, ainsi que les salariés d'entreprises publiques, d'établissements publics industriels et commerciaux, de collectivités territoriales ou de sociétés d'économie mixte dans lesquelles ces collectivités ont une participation majoritaire. Sont également concernés les employeurs relevant des régimes spéciaux des mines, des marins ainsi que des clercs et employés de notaires.

Ø le « profil » de l'allégement accordé : l'allégement proposé prend la forme d'une ristourne dégressive sur les salaires inférieurs à 1,7 fois le SMIC (« ristourne Juppé » : 1,3 fois le SMIC). Au niveau du SMIC, le montant maximum d'exonérations de cotisations est de 26 points (18,2 points pour le « ristourne Juppé »), soit l'équivalent du maximum initialement prévu pour l'allégement « Aubry II ».

Comparaison de la réduction des cotisations sociales patronales résultant de la « ristourne Juppé », de l'allégement « Aubry II » et du nouvel
allégement dans son régime définitif
(sur la base d'un SMIC horaire à 7,61 euros
et d'une durée du travail à 151,7 heures)

Salaires bruts

Cotisations avant réduction

Réduction part patronale en euros

Réduction part patronale en points de cotisations

Salarié

Employeur

« Juppé »

« Aubry II »

PJL

« Juppé »

« Aubry II »

PJL

SMIC

1.154

173

349

210

271

300

18,2

23,5

26,0

1,1

1.270

190

383

140

222

257

11,0

17,5

20,3

1,2

1.385

208

418

70

181

214

5,1

13,0

15,5

1,3

1.501

225

453

0

146

171

0

9,7

11,4

« Ristourne Juppé »

1,4

1.616

242

488

0

116

129

0

7,2

8,0

1,5

1.731

260

523

0

91

86

0

5,2

5,0

1,6

1.847

277

558

0

68

43

0

3,7

2,3

1,7

1.962

294

593

0

54

0

0

2,8

0,0

PJL et seuil « aide pérenne » Aubry II

1,8

2.078

312

627

0

54

0

0

2,6

0,0

1,9

2.193

329

662

0

54

0

0

2,5

0,0

2

2.309

346

697

0

54

0

0

2,3

0,0

Par rapport à la ristourne « Juppé » (cf. tableau ci-dessus) ,  le nouvel allégement est plus avantageux (plafond et montant de l'exonération plus élevés).

Par rapport à l'allégement « Aubry II », le nouvel allégement est comparable jusqu'à 1,4/1,5 fois le SMIC, puis devient, ensuite, moins élevé. Ce constat s'explique, notamment, par la suppression, prévue dans le projet de loi, de « l'aide pérenne aux 35 heures » (exonération d'un montant fixe et forfaitaire accordée pour les salaires supérieurs au plafond de l'allégement « Aubry II »).

Ainsi, et comme l'illustre le graphique de la page suivante, la « pente » des courbes (qui rend compte de la diminution de l'exonération accordée pour un euro de salaire brut supplémentaire) est plus atténuée dans le nouveau dispositif qu'avec la « ristourne Juppé ». En revanche, cette pente est comparable à celle de l'allégement « Aubry II » jusqu'à 1,4 fois le SMIC, et nettement supérieure au-delà (jusqu'au plafond de 1,7 fois le SMIC).

LE NOUVEAU BARÈME D'ALLÉGEMENT DE CHARGES PATRONALES (CONFIGURATION À TERME)

Ø la possibilité de cumul avec d'autres exonérations de cotisations sociales : le bénéfice du nouvel allégement ne peut être cumulé avec aucune autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales, à l'exception, d'une part, de la réduction portant sur l'avantage en nature repas des hôtels, cafés, restaurants et, d'autre part, des aides incitatives à la réduction du temps de travail « de Robien » et « Aubry I » (en ce cas, le montant de la réduction est minoré d'un montant forfaitaire, à l'instar de la règle déjà appliquée pour les allégements « Aubry II », et le cumul de ces aides incitatives avec le nouvel allégement est limité au montant des cotisations dues pour chaque salarié concerné). Le nouvel allégement peut également être cumulé avec le soutien accordé par l'Etat aux entreprises au titre de l'emploi des jeunes.

3. Une réduction de cotisations sociales dont les modalités de calcul visent à garantir la neutralité à l'égard de la durée du travail

a) Un allégement calculé sur la base du SMIC horaire

Un élément essentiel distingue le nouvel allégement de la « ristourne Juppé » et de l'allégement « Aubry II » : sa neutralité au regard de la durée du travail . En effet, son calcul s'effectuera en fonction du salaire horaire, et non de la rémunération mensuelle (comme c'est le cas pour la « ristourne Juppé » et l'allégement « Aubry  II »).

Le nouveau dispositif s'inscrit ainsi dans la logique d'ensemble du projet de loi. Comme l'explique le dossier d'information relatif au projet de loi :

« Le recours aux heures supplémentaires sera assoupli sous réserve d'accords collectifs. Mais il faut également que le coût des heures supplémentaires ne soit pas dirimant. Or, actuellement, le coût effectif d'une heure supplémentaire au niveau du SMIC est de l'ordre de 190 % pour une entreprise à 35 heures et de plus de 200 % pour une entreprise à 39 heures. La raison en est simple : les ristournes Aubry et Juppé étant calculées en fonction de la rémunération mensuelle, chaque heure supplémentaire, rémunérée à 125 %, vient accroître cette rémunération et donc diminuer fortement le niveau de l'aide.

« Dans le cas d'un allégement fondé sur le salaire horaire, seule la bonification de 25 % contribuerait à augmenter le salaire horaire moyen et, par conséquent, à réduire le niveau de l'allégement. »

b) Un allégement qui tend à rendre moins coûteuses les heures supplémentaires

L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui « pilote » la branche recouvrement de la sécurité sociale, a comparé les effets du nouveau dispositif avec ceux de l'allégement « Aubry II » en matière d'heures supplémentaires (cf. tableaux ci-après) .

Allégements de charges et heures supplémentaires
Comparaison du nouveau dispositif et de l'allégement « Aubry II »
(Source : ACOSS)
Projet d'allégement (1)

en euros horaire de travail hebdomadaire et mensuel

Salaire en % du SMIC

Salaire mensuel €

Salaire horaire

35
151,7

37
160,3

38
164,7

39
169,0

40
173,3

1

1.154

7,6

300

26,0 %

311

25,2 %

317

24,8 %

322

24,4 %

307

22,6 %

1,1

1.270

8,4

257

20,3 %

265

19,5 %

269

19,1 %

273

18,6 %

258

17,1 %

1,4

1.616

10,7

129

8,0 %

127

7,4 %

127

7,1 %

126

6,8 %

105

5,5 %

1,5

1.731

11,4

86

5,0 %

81

4,4 %

79

4,1 %

77

3,9 %

54

2,7 %

1,6

1.847

12,2

43

2,3 %

38

1,8 %

32

1,6 %

28

1,3 %

4

0,2 %

1,7

1.962

12,9

-

0,0 %

-

0,0 %

-

0,0 %

-

0,0 %

-

0,0 %

2

2.308

15,2

-

0,0 %

-

0,0 %

-

0,0 %

-

0,0 %

-

0,0 %

2,5

2.886

19,0

-

0,0 %

-

0,0 %

-

0,0 %

-

0,0 %

-

0,0 %

(1) calcul effectué sur la base d'un SMIC horaire revalorisé de 11,4 % par rapport au montant du 01.07.2002

Allégement Aubry II (2)
en euros

1

1.154

7,6

301

26,0 %

262

21,2 %

244

19,1 %

228

17,3 %

213

15,6 %

1,2

1.385

9,1

204

14,7 %

172

11,6 %

157

10,2 %

143

9,1 %

131

8,0 %

1,4

1.616

10,7

135

8,3 %

107

6,2 %

95

5,3 %

83

4,5 %

72

3,8 %

1,5

1.731

11,4

107

6,2 %

81

4,4 %

70

3,6 %

59

3,0 %

58

2,7 %

1,6

1.847

12,2

83

4,5 %

59

3,0 %

56

2,7 %

56

2,6 %

58

2,6 %

1,7

1.962

12,9

62

3,1 %

56

2,7 %

56

2,6 %

56

2,5 %

58

2,4 %

2

2.308

15,2

56

2,4 %

56

2,3 %

56

2,2 %

56

2,1 %

56

2,1 %

2,5

2.886

19,0

56

1,9 %

56

1,8 %

56

1,8 %

56

1,7 %

56

1,6 %

(2) application de la formule avec SMIC horaire revalorisé de 11,4 % par rapport au montant du 01.07.2002

Les conclusions de l'ACOSS

« Avec le nouveau dispositif, une entreprise rémunérant ses salariés sur la base d'un salaire horaire donné voit ses allégements augmenter (en valeur) avec la durée du travail.

« Ainsi ( première ligne du premier tableau ci-dessus ), au niveau du SMIC, l'allégement mensuel serait de 300 euros pour une durée de 35 heures, soit un taux d'exonération de 26 points de cotisations. Pour 38 heures, il serait de 317 euros, soit une augmentation de 17 euros, mais ce montant ne représente plus que 24,8 points de cotisations, l'écart traduisant l'impact de la majoration pour ces trois heures supplémentaires.

« Cette situation diffère fortement de celle qui prévaut pour la « ristourne Juppé » et l'allégement « Aubry II ». S'agissant de cette dernière, la diminution de la part patronale était fortement réduite en cas d'heures supplémentaires, du fait de la hausse de la rémunération mensuelle : le taux d'exonération passe ainsi de 26 points pour 35 heures à 19,1 points pour 38 heures ( première ligne du second tableau ci-dessus ). Le constat est identique avec la « ristourne Juppé ».

« Par rapport à la situation actuelle, le nouvel allégement rend donc les heures supplémentaires, structurelles ou conjoncturelles, beaucoup moins coûteuses. »

Ainsi, les modalités de calcul définies pour la nouvelle réduction de cotisations sociales patronales répondent parfaitement aux objectifs généraux du projet de loi, en « déconnectant » ce nouvel allégement de la durée du travail.

4. Un dispositif dont les objectifs sont de favoriser la création d'emplois, compenser les effets de l'harmonisation des SMIC et de limiter les risques de « trappes à bas salaires »

a) Favoriser la création d'emplois

L'évaluation des effets sur l'emploi des divers dispositifs d'allégement de charges s'avère généralement difficile, cette difficulté nourrissant d'ailleurs les querelles d'experts et les controverses politiques.

En outre, et plus au fait des réalités de la vie économique que son prédécesseur, le Gouvernement n'a pas pris d'engagements quantifiés en la matière. En effet, les créations d'emplois ne se décident pas par la loi, même si cette dernière peut définir les conditions les plus propices à ces créations.

Toutefois, une récente étude de l'INSEE, permet d'apprécier les effets, en termes d'emplois, de la ristourne dégressive sur les bas salaires, dite ristourne « Juppé » dont s'inspire directement le nouvel allégement.

A la différence des études précédentes (effectuant une analyse a priori sur la base de données macro-économiques agrégées ), cette évaluation de l' INSEE 10 ( * ) présente une double originalité à savoir :

- une mesure rétrospective des effets des allégements de cotisations sur les bas salaires au cours de la période 1994-1997 ;

- réalisée à partir d'un échantillon représentatif d'entreprises ayant bénéficié de ces allégements (entreprises dont on a comparé les créations d'emplois à d'autres entreprises ne bénéficiant pas de ces allégements).

L'étude de l'INSEE met ainsi en évidence l'effet significatif des allégements de charges définis entre 1994 et 1997 sur le niveau de l'emploi.

Ces allégements correspondraient à une baisse du coût du travail moyen de 1,7 % dans l'ensemble de l'échantillon. Cette baisse expliquerait une progression sur l'emploi de 2,6 % dans l'industrie (en 1997 par rapport à 1994) et de 3,4 % dans les services. En appliquant ces données aux nombres d'emplois recensés au niveau national, les auteurs de l'étude en ont conclu donc que ce dispositif a permis la création de 460.000 emplois dont 150.000 dans l'industrie et 310.0000 dans les services.

Evaluation du nombre d'emplois créés à la faveur de l'allégement
des cotisations sociales sur les bas salaires (1994-1997)

Industries

Services

Total

Emploi non qualifié (1)

70.000

150.000

220.000

Emploi qualifié

80.000

160.000

240.000

Emploi
Total

150.000

310.000

460.000

Source : INSEE

(1) Ouvriers et employés non qualifiés, apprentis et stagiaires.

On notera que, par « effet de contagion », ce dispositif a également favorisé la création d'emplois qualifiés . Néanmoins, il ne faudrait pas en conclure, suite à une lecture rapide du tableau ci-dessus, que l'allégement des charges sociales sur les bas salaires a, paradoxalement, davantage favorisé la création d'emplois qualifiés que ceux d'emplois non qualifiés. En effet, en proportion (nombre d'emplois créés/effectifs totaux de chaque catégorie), les emplois non qualifiés ont bien été les véritables bénéficiaires de cette mesure : représentant 25 % de la main-d'oeuvre totale, ils constituent ainsi près de 50 % du nombre d'emplois créés .

Les résultats de cette étude tendent ainsi à démontrer que, dans le cadre d'un dispositif simple, et similaire à celui du nouvel allégement défini dans le présent projet de loi, les allégements de charges peuvent effectivement favoriser la création d'un nombre significatif d'emplois.

Ces résultats sont à comparer avec le bilan de la réduction du temps de travail, remis le 6 septembre dernier à la Commission nationale de la convention collective, qui évalue à 300.000 les créations d'emplois correspondantes. Encore convient-il d'observer que :

- d'une part, ces créations sont moins imputables aux 35 heures proprement dites, qu'aux baisses de charges qui les accompagnaient ;

- d'autre part, que l'octroi de l'allégement « Aubry II » était subordonné à des conditions si contraignantes qu'une partie des entreprises, pourtant passées aux 35 heures, ne peuvent en bénéficier.

b) Compenser les effets, sur le coût du travail, de l'harmonisation des SMIC

Le Gouvernement a fait le choix, courageux, d'harmoniser les SMIC « par le haut ». La nouvelle réduction a donc également pour objet de compenser, pour partie, aux entreprises, les effets de cette harmonisation sur le coût du travail.

Des critiques ont été émises sur la compensation par les exonérations jugées insuffisantes au niveau atteint par le SMIC horaire en 2005. Il convient de distinguer la situation des entreprises selon la date de leur passage à 35 heures.

Evaluation du coût du travail au niveau du salaire minimum

Evolution réelle du coût du travail sur 2003-2005

Contribution des nouvelles baisses de charges à la réduction du coût du travail

GMR 1

5,2

- 0,3

GMR 2

3,6

0,0

GMR 3

0,8

1,0

GMR 4

- 1,2

1,8

GMR 5

- 2,1

2,1

SMIC

4,6

6,5

Ce tableau montre que le coût réel de la convergence des SMIC est d'autant plus important que l'entreprise est passée de façon précoce aux 35 heures. Cela s'explique dans la mesure où elles auront versé pendant plusieurs années une garantie mensuelle de rémunération plus basse que les entreprises restées à 39 heures. Par ailleurs, elles auront bénéficié des aides plus importantes liées à la réduction du temps de travail. Il n'est donc pas illégitime, et il est d'ailleurs techniquement inévitable, qu'elles aient à fournir un effort salarial plus important, sachant, en outre, que les accords 35 heures ont généralement été accompagnés de clauses de modération salariale.

S'agissant du SMIC proprement dit, on ne peut contester que le barème laisse à la charge des entreprises une hausse de 4,6 % du coût salarial. Cette hausse étalée sur trois ans -qui ne représente que 40 % de la hausse globale de 11,4 %- est cependant à apprécier au regard du droit existant. En effet, il convient de rappeler que toutes les entreprises ne bénéficient pas, loin s'en faut, des allégements Aubry II et que le nouveau dispositif représente pour nombre d'entre elles une réelle amélioration.

Niveau maximal d'exonération en points de cotisations en 2002

GMR 1*

26,4

GMR 2*

26,0

GMR 3*

24,8

GMR 4*

23,9

GMR 5*

23,5

169 SMIC**

18,2

* Allégement Aubry I ** Réduction dégressive

Ainsi, le tableau ci-dessus illustre le fait que, à l'exception des entreprises passées à 35 heures avant le 30 juin 1999, toutes les entreprises bénéficieront au 1 er juillet 2005 d'un taux d'exonération (maximal) au niveau du SMIC supérieur à ce qu'il est aujourd'hui. Pour près de la moitié des salariés payés au SMIC, c'est-à-dire presque un million de personnes, le taux maximal d'exonérations augmentera quasiment de huit points par rapport à la situation actuelle. Toutes les entreprises bénéficieront donc, à terme, et sans les contraintes liées à la réduction de la durée effective du travail, d'un niveau d'allégement comparable à celui de l'allégement Aubry II (soit 26 points de cotisations).

c) Limiter les risques de « trappe à bas salaires »

L'un des reproches les plus communément exprimés à l'encontre des allégements dégressifs de charges sociales est le risque de « trappe à bas salaires » auquel ils pourraient condamner les salariés au titre desquels ces allégements sont accordés.

En effet, pour les salaires situés en dessous du plafond d'exonération, toute augmentation de leur rémunération entraîne, mécaniquement, une diminution de l'allégement accordé à l'entreprise. Le renchérissement du coût du travail qui en résulte, pour l'employeur, est particulièrement sensible dans l'hypothèse où, du fait de cette augmentation, le montant du salaire « dépasse » le plafond d'exonération. Dans ce cas, en effet, l'employeur perd la totalité de l'allégement de charges.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'employeur peut être incité à refuser des augmentations aux salariés concernés qui se trouvent, ainsi, prisonniers de la « trappe à bas salaires ».

Or, le dispositif défini dans le cadre du projet de loi tend à limiter cet effet négatif de la « trappe à bas salaires » en raison de l'élévation du plafond d'exonération à 1,7 fois le SMIC. De ce fait, la « pente » du nouvel allégement est moins accentuée que celle de la ristourne dégressive sur les bas salaires.

La dégressivité du nouveau dispositif est ainsi moins forte que celle de la ristourne « Juppé », et comparable à celle de l'allégement « Aubry II » jusqu'à, environ, 1,4 fois le SMIC.

* 8 Les cotisations sociales patronales concernées par la « ristourne Juppé », l'allégement « Aubry II » et le dispositif du projet de loi, sont les mêmes, à savoir : cotisations d'assurances sociales (maladie-maternité-invalidité-décès-veuvage), d'allocations familiales, d'accidents du travail et de maladies professionnelles dues au titre de la rémunération mensuelle brute. Au total, et sur la base des taux actuellement en vigueur, ces cotisations patronales représentent 30,2 % du salaire brut (pour une cotisation moyenne d'accidents du travail de 2,2%).

* 9 Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale - septembre 2002

* 10 B. Crépon et R. Desplatz : Une nouvelle évaluation des effets des allégements de charges sociales sur les bas salaires - INSEE - Economie et statistiques n° 348, août 2001.

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