N° 49

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 novembre 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de M. Nicolas ABOUT, relative à la responsabilité civile médicale ,

Par M. Jean-Louis LORRAIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Christian Bergelin, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir le numéro :

Sénat : 33 (2002-2003).

Santé publique.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi relative à la responsabilité civile médicale 1 ( * ) , déposée le 25 octobre dernier par notre collègue Nicolas About, Président de la commission des Affaires sociales, vise à apporter une première réponse aux difficultés que connaît aujourd'hui l'assurance en responsabilité civile médicale.

Ces difficultés sont anciennes. Contrairement à ce qui est parfois avancé, elles sont malheureusement bien antérieures à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Elles tiennent notamment au développement important du contentieux médical et d'une jurisprudence de plus en plus souvent défavorable aux professionnels de santé. Elles proviennent également de facteurs propres au monde de l'assurance et des difficultés que ce secteur connaît depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Ces difficultés ont aujourd'hui un retentissement direct sur le fonctionnement de notre système de santé : le retrait - très médiatisé - de plusieurs compagnies d'assurance du marché de la responsabilité civile médicale prive de nombreux médecins libéraux, la moitié des cliniques privées et certains hôpitaux publics de la possibilité de s'assurer.

Si rien n'était entrepris, cette situation pourrait - dès le 1 er janvier 2003 - interdire à ces professionnels et à ces établissements de santé de poursuivre leur activité. Elle génère une inquiétude bien compréhensible - et, comme on l'a vu récemment, des mouvements sociaux - chez les professionnels de santé et au sein des établissements, qui voient dénoncés les contrats d'assurance qui les couvraient jusqu'alors.

Le Gouvernement a rapidement pris la mesure du péril qui menaçait ainsi des pans entiers de notre système de santé. Après avoir largement consulté les représentants du système de soins, les assureurs et les associations de malades, qu'il a réunis lors d'une table ronde le 7 octobre dernier, M. Jean-François Mattei, ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées a annoncé qu'une modification de la loi du 4 mars 2002 apparaissait nécessaire afin d'inciter les assureurs à revenir sur le marché de la responsabilité civile médicale.

Tel est précisément l'objet de la proposition de loi déposée par le Président Nicolas About, issue largement de cette concertation, qui vise à rétablir le bon fonctionnement du marché de l'assurance en responsabilité civile médicale tout en préservant les droits des malades, et notamment des victimes d'infections nosocomiales.

Afin de rendre véritablement effective l'obligation d'assurance des professionnels et établissements de santé, introduite par la loi du 4 mars 2002, il est en effet apparu nécessaire à l'auteur de cette proposition de loi ainsi qu'à votre commission d'adapter les conditions de mise en cause de la responsabilité de ces derniers, et d'intervention de leurs assureurs. Il serait vain, en effet, d'imposer une obligation d'assurance si aucun assureur n'est disposé à couvrir le risque médical.

L'article premier de la proposition de loi opère ainsi un partage de la réparation financière des dommages résultant d'infections nosocomiales entre les assureurs et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM ) , institué par la loi du 4 mars 2002.

Est appelée infection nosocomiale, rappelons-le, toute infection qui apparaît au cours ou à la suite d'une hospitalisation alors qu'elle était absente à l'admission dans l'établissement de santé. Lorsque l'état infectieux du patient à l'admission est inconnu, l'infection est classiquement considérée comme nosocomiale si elle apparaît après un délai de 48 heures d'hospitalisation.

On distingue plusieurs types d'infections nosocomiales qui relèvent de modes de transmission différents :

- les infections d'origine « endogène » : le malade s'infecte avec ses propres germes, à la faveur d'un acte invasif ou en raison d'une fragilité particulière ;

- les infections d'origine « exogène » : il peut s'agir soit d'infections croisées, transmises d'un malade à l'autre par les mains ou les instruments de travail du personnel médical ou paramédical, soit d'infections provoquées par les germes portés par le personnel ou les visiteurs, soit d'infections liées à la contamination de l'environnement hospitalier (eau, air, matériel, alimentation...).

Selon une enquête réalisée en 2001 par l'Institut de veille sanitaire auprès de 1.533 établissements de santé, publics et privés, regroupant 78 % des lits d'hospitalisation en France, 7 % des patients hospitalisés avaient contracté une infection nosocomiale lors de leur séjour.

Dans ce contexte, le dispositif, qui résulterait de la présente proposition de loi, distingue :

- les infections nosocomiales ayant généré de faibles dommages, qui resteraient couvertes par les assureurs des professionnels et des établissements et dont le régime d'indemnisation n'est pas modifié ;

- les infections nosocomiales ayant généré des dommages graves, qui seraient indemnisées par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

Naturellement, ce dispositif ne remet en cause en aucune façon le niveau de garantie et d'indemnisation dont bénéficieront les victimes d'infections nosocomiales. Il répartit simplement de manière plus équilibrée la charge financière que représente cette indemnisation.

Comme le souligne l'auteur de la proposition de loi, une telle modification de la loi du 4 mars 2002 n'est cependant possible que si l'incitation des établissements à maîtriser le risque nosocomial est parallèlement renforcée. Le risque serait évidemment que le transfert à la charge de la solidarité nationale de l'indemnisation des dommages graves provoqués par les infections nosocomiales contribue à déresponsabiliser les établissements de santé et l'ensemble des personnels soignants.

Tel n'est évidemment pas l'objet de la proposition de loi. La lutte contre les infections nosocomiales est, aux yeux de votre commission, un enjeu essentiel de santé publique. Les efforts menés depuis une vingtaine d'années pour sensibiliser l'ensemble des équipes sur les efforts d'hygiène et d'asepsie qui permettent de prévenir ces infections doivent à l'évidence être poursuivis et accentués. Comme l'a souligné avec raison l'auteur de la proposition de loi, les infections nosocomiales ne sont pas une fatalité.

C'est la raison pour laquelle la proposition de loi, dans son article premier, maintient la possibilité d'un recours subrogatoire de l'ONIAM contre l'assuré responsable de l'infection nosocomiale en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales.

De même, elle prévoit que les commissions régionales d'indemnisation informeront le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation compétent, ainsi que l'ONIAM, des infections nosocomiales dont elles auront connaissance et qui présentent le caractère de gravité requis pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Dans un souci de transparence accrue, l'article premier prévoit également que l'ONIAM adressera au Parlement et à la Commission nationale des accidents médicaux, placée auprès des ministres chargés de la santé et de la justice, un rapport semestriel sur les infections nosocomiales dont il a aura eu connaissance. Ce rapport sera rendu public et sera dès lors accessible à tous.

Loin d'alléger la responsabilité pesant sur les professionnels et établissements de santé en matière d'infections nosocomiales, le dispositif proposé fait peser sur ceux d'entre eux qui se rendraient coupables de fautes ou de négligences la double menace d'une action subrogatoire de l'ONIAM et d'une publicité particulièrement dissuasive.

L'article 2 de la proposition de loi reporte l'application des dispositions pénales, introduites par la loi du 4 mars 2002, applicables aux professionnels et établissements de santé en cas de manquement à l'obligation d'assurance. Il précise ainsi que ces dispositions entreront en vigueur à une date prévue par le décret créant le Bureau central de tarification, et au plus tard le 1 er janvier 2004.

L'article 3, introduit à l'initiative de votre rapporteur et qui ne figurait pas dans la proposition de loi initiale, tend à lever toute ambiguïté quant à la date d'application du dispositif d'indemnisation de l'aléa thérapeutique mis en place par la loi du 4 mars 2002. Il confirme l'intention du législateur pour qui ce dispositif s'applique aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales survenus au plus tôt six mois avant la publication de la loi, soit postérieurement au 5 septembre 2001.

Les articles 4 et 5 définissent les modalités d'une limitation dans le temps de la durée de garantie des contrats d'assurance de responsabilité civile médicale, concrétisant ainsi le souhait formulé par le Sénat, à l'initiative de votre rapporteur, lors de l'examen du projet de loi relatif aux droits des malades.

L'article 4, qui constituait l'article 3 de la proposition de loi, modifie le code des assurances afin d'adapter les contrats de responsabilité civile médicale à la spécificité des dommages consécutifs à des accidents médicaux, qui peuvent survenir de nombreuses années après la réalisation des actes de soins.

L'article 5, enfin, qui figurait dans la proposition de loi sous la forme d'un article 4, définit les modalités d'entrée en vigueur des dispositions issues du nouvel article 4.

Une indemnisation des infections nosocomiales mieux partagée, des professionnels et des établissements de santé rassurés et effectivement assurés, les droits des victimes préservés : l'adoption de la présente proposition de loi devrait contribuer, en restaurant le marché de la responsabilité civile médicale, à préserver la pérennité et la qualité de notre système de santé.

* 1 Sénat, n° 33 (2002-2003)

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