2. Combler les lacunes logistiques

La priorité accordée à la réussite de la professionnalisation au détriment des équipements a fortement dégradé la capacité opérationnelle des forces françaises. Mais l'augmentation des crédits ne suffira pas à rétablir rapidement celle-ci compte tenu de l'inertie des programmes d'armement.

La France connaîtra inéluctablement des faiblesses en termes de mobilité . Sa capacité de projection de forces sur les théâtres extérieurs sera rendue plus fragile au cours des prochaines années.

Quelle que soit la décision de nos partenaires allemands en ce qui concerne les commandes de l'A-400M, les livraisons interviendront trop tard pour que la France ne souffre pas entre 2005 et 2011 d'un « trou capacitaire » par suite des retraits programmés des C-160 Transall, qu'un usage trop intensif empêche d'utiliser plus longtemps encore.

En matière d'hélicoptères, il faudra également entreprendre une coûteuse rénovation des matériels existants, Cougar et Puma, dont certains ont près de quarante ans d'âge, faute de pouvoir commander, en nombre suffisant par rapport aux besoins, les nouveaux hélicoptères NH90.

3. Une industrie européenne de l'armement toujours en gestation

La France ne peut pas développer seule, à l'instar des États-Unis, des matériels performants répondant à tous les besoins d'une puissance mondiale.

En dépit de l'institutionnalisation de la coopération européenne sur le plan industriel avec la création en novembre 1996 de l' OCCAR , organisation conjointe de coopération en matière d'armement, il y a tout lieu d'être soucieux en ce qui concerne les perspectives d'une industrie européenne de la défense.

Certes, l'OCCAR s'occupe de près de 20 programmes mais dans cette Europe à géométrie variable, le nombre de partenaires sur chaque programme individuel, est insuffisant pour que jouent les synergies et que s'amortissent les coûts fixes. Au surplus, l'attraction exercée par les États-Unis est toujours aussi forte comme en témoigne l'annonce du ralliement de la Grande-Bretagne au projet américain d'avions du futur Joint Strike Fighter. Cette situation est d'autant plus inquiétante qu'elle va mobiliser sur ce projet une partie des capacités de recherche européennes qui, une fois de plus, se fédèreront sous maîtrise d'ouvrage américaine.

Un domaine particulièrement important est celui des communications et du renseignement. Les opérations en Afghanistan ont confirmé le bon fonctionnement du système de forces dit « C3R », commandement, conduite, communication, renseignement. Les satellites de renseignement sont un atout précieux pour garantir à la France et à l'Europe une capacité autonome d'évaluation des situations.

Mais, s'il est un domaine où l'avance américaine est patentée, c'est celui de l'acquisition et de l'utilisation des informations aux fins d'actions immédiates. La supériorité américaine est ainsi considérable en matière de drones , qui sont des petits avions sans pilote à usage multiple. L'armée de l'air va acquérir en 2003 trois drones de type intermédiaire dits moyenne altitude, longue endurance, MALE. Cet effort n'est probablement pas à la mesure des besoins stratégiques.

L'affectation de 1,2 milliard d'euros à la définition et au développement de Galileo , le système de navigation concurrent du Global Positioning System (GPS) doit être saluée comme une excellente nouvelle pour les industriels du secteur de l'espace qui ont besoin d'un certain équilibre entre commandes publiques et privées.

La France ne peut supporter, à elle seule, le coût de développement de tels matériels. D'une façon générale, au moment où l'industrie spatiale européenne traverse une crise préoccupante, compte tenu de la surcapacité dans le domaine des lanceurs, il serait important de prendre une initiative politique pour donner corps aux ambitions européennes dans le domaine des industries spatiales militaires.

Vers la mise en place de l'Europe de la défense ?

L'Europe de la défense n'est pas à la mesure de l'Europe économique. Certes, l'on assiste à l'amorce d'une prise de conscience de l'impératif de défense. C'est ainsi que les ministres de la défense de l'Union Européenne, réunis en Conseil informel les 4 et 5 octobre 2002 en Crète, se sont en effet engagés à oeuvrer plus intensivement à résorber tous les déficits de capacités militaires pour mars 2003.

Surtout, les ministres ont décidé de constituer un nouveau groupe de travail, chargé d'explorer tous les moyens de financement des capacités de défense, y compris la promotion de projets industriels communs, dont la création devrait être formellement approuvée lors du Conseil affaires générales et relations extérieures des 17 et 18 novembre 2002.

Mais, la nécessité d'une impulsion politique forte au niveau de la coopération multilatérale européenne ne doit pas faire oublier les enjeux d'une coopération bilatérale avec l'autre grande puissance militaire, à l'échelle de l'Europe, qu'est la Grande-Bretagne . Et c'est dans ce contexte que s'inscrit la perspective d'une commande en 2005 et d'une mise en service en 2015, du second porte-avions , dont le principe sera décidé avec la nouvelle loi de programmation militaire 2003-2008.

Même si la Grande-Bretagne a annoncé au début du mois son intention de retenir la version à décollage court et atterrissage vertical (STOVL) du futur avion de combat américain F-35 (JSF) pour ses porte-avions, une coopération est encore envisageable. Le gouvernement britannique affirme que ses futurs porte-avions seront « modulables », c'est-à-dire qu'ils pourront être aménagés pour transporter d'autres générations d'appareils, avec la possibilité d'installer des catapultes, comme cela est requis par le Rafale.

La construction d'un second porte-avions en coopération avec les Britanniques reste donc possible. Elle est une des options étudiées par le groupe d'étude qui devra remettre ses conclusions en juin 2003 au ministre de la défense Mme Michèle Alliot-Marie.

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