21 novembre 2002 : Budget 2003 - Justice ( rapport général - première lecture )

III. SITUATION DE LA FRANCE PAR RAPPORT AUX AUTRES BAILLEURS

La diminution de l'APD française au cours des dernières années s'inscrit dans un mouvement global de diminution de l'aide bilatérale aux pays en développement , tant du fait de contraintes budgétaires que d'une remise en cause plus fondamentale de l'efficacité de l'aide et de sa légitimité au regard du respect de normes démocratiques. Si ce mouvement de repli est manifeste au sein du G7, il entre parfois en contradiction avec un discours qui continue de prôner les vertus de l'APD, comme ce fut le cas en France. En outre certains pays ont maintenu à un haut niveau leur aide publique , parfois bien au-delà des objectifs ambitieux des Nations-Unies (que seuls cinq pays respectent), de telle sorte que la France ne figure plus dans le peloton de tête des pays donateurs .

Selon les statistiques de l'OCDE, la France était en 2001 le cinquième pays donateur du CAD en montant absolu (après les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni), et le septième en termes d'effort en part du RNB, devant le Royaume-Uni. Le quatuor de tête est composé de pays d'Europe du nord (Danemark 1,01 %, Norvège 0,83 %, Pays-Bas 0,82 %, Luxembourg 0,8%), et la moyenne pondérée des membres du CAD se situe à 0,22 %.

Les pays membres du CAD et de l'Union européenne se révèlent plus généreux que ceux du G7 (au sein duquel nous sommes depuis deux ans premier ou second derrière le Royaume-Uni en termes d'effort), qui pâtit largement de l'étau budgétaire au Japon et de l'effort assez mesuré des Etats-Unis, qui demeurent néanmoins le premier pays donateur en volume. Il convient également de relever le dynamisme du Royaume-Uni 8 ( * ) , qui a compris l'utilité de l'APD et a donc engagé une remise à niveau de son effort à partir de 1999 sous l'impulsion de son ministre du développement international, Clare Short, et dépasse à présent la France en montant absolu.

APD des principaux pays de l'OCDE membres du CAD

APD
M €
(2001)

APD/ RNB
%

Progression réelle
2001/2000

Danemark

1 785

1,01%

-3,7%

Suède

1 760

0,76%

-3,1%

Norvège

1 503

0,83%

+6,8%

Pays-Bas

3 523

0,82%

-1,1%

Belgique

967

0,37%

+6,7%

France

4 631

0,32%

+5,9%

Royaume-Uni

5 202

0,32%

+6,2%

Japon

10 807

0,23%

-18,1%

Allemagne

5 448

0,27%

-1,5%

Etats-Unis

12 153

0,11%

+7%

Etats de l'UE

29 037

0,33%

+4,4%

Total G7

41 826

0,18%

-3,2%

Total CAD

51 354

0,22%

-1,4%

Source :OCDE, données prévisionnelles pour 2001

1989

1996

2000

2001

France

0,59

0,48

0,31

0,32

Allemagne

0,40

0,32

0,27

0,27

Etats-Unis

0,18

0,12

0,10

0,11

Japon

0,31

0,20

0,28

0,23

Royaume-Uni

0,32

0,27

0,32

0,32

Source : OCDE

Les politiques de développement des principaux pays donneurs

1. Les Etats-Unis : 12,2 milliards d'euros ; 0,11 % du RNB

Considérés comme des promoteurs du « trade, not aid », les Etats-Unis figurent néanmoins au premier rang des pays membres du CAD par le volume de leur APD, mais au dernier rang par leur effort en pourcentage du PNB : 0,11 %, soit une diminution de près de moitié en dix ans. Peu avant la conférence de Monterrey de mars 2002, les Etats-Unis ont annoncé un relèvement de leur aide pour la porter à 15 milliards de dollars d'ici 2007, mais continuent de se montrer vigilants sur les résultats effectifs et la conditionnalité de l'APD . L'aide est géographiquement très dispersée et plus de la moitié est affectée à des pays à revenu intermédiaire.

Les Etats-Unis soutiennent une approche fondée sur le partenariat, et l'USAID est à l'origine d'une alliance pour le développement mondial qui vise à associer plus étroitement les partenaires américains. Au plan international, des partenariats ont été noués avec le Japon et l'UE, et plusieurs accords ont été conclus concernant la lutte contre le VIH et la polyomélite. Les Etats-Unis souscrivent également aux objectifs du millénaire à l'horizon 2015, et le programme de l'administration Bush est prioritairement axé sur la croissance économique et l'agriculture, la santé mondiale et la prévention des conflits .

A l'échelon local, l'ambassadeur assure la cohérence et la coordination de l'action de la trentaine d'organismes américains composant les équipes par pays, mais cette coordination systématique n'est pas opérée au niveau des services centraux.

Depuis 1993, l'USAID utilise un système intégré de gestion fondée sur les résultats et met en oeuvre un processus coordonné de planification, de mise en oeuvre et de suivi.

2. Le Royaume-Uni : 5,2 milliards d'euros ; 0,32 % du RNB

L'aide au développement britannique connaît un renouveau et de profondes transformations depuis 1997. Le Department for International Development (DFID) est devenu une instance autonome , et le gouvernement s'est engagé à porter son rapport APD/RNB à 0,33 % en 2003. Le Royaume-Uni tend à privilégier largement l'aide programme sectorielle , et sur le plan géographique l'Afrique subsaharienne et l'Asie du sud.

L'action du DFID s'inscrit dans le cadre des objectifs internationaux de développement et promeut une cohérence entre bailleurs et des stratégies de partenariat par un recours accru à la mise en commun des fonds bilatéraux et au déliement de l'aide pour les PMA, dont le Royaume-Uni est un fervent partisan au sein du CAD et qu'il a appliqué dans toutes ses activités de coopération.

Un premier Livre blanc est paru en 1997, et un second fin 2000 , intitulé « L'élimination de la pauvreté dans le monde : Faire de la mondialisation un succès pour les pauvres », qui participe de la mise en oeuvre actuelle des principaux axes suivants : importance d'une action collective des donneurs et d'appareils d'Etat efficaces, déliement de la totalité de l'aide au développement encore liée à des achats de biens et services britanniques, sensibilisation de l'opinion publique, meilleure participation dans les organisations internationales, élaboration de documents stratégiques (Target Strategy Papers et Institutional Strategy Papers), plus grande transparence du DFID, renforcement de la présence sur le terrain, focalisation sur la réduction de la pauvreté, accent mis sur l'étude de secteurs pertinents plutôt que sur l'évaluation ex post des projets, conclusion avec le ministère des finances d'un accord triennal assignant des objectifs de résultats et leurs échéances. Une loi présentée au Parlement en 2001 a également renforcé la primauté de la lutte contre la pauvreté en tant qu'objectif de l'APD britannique.

Cette remise en question de la stratégie et de l'organisation de l'APD britannique comporte de nombreux enseignements, mais des lacunes ont également été relevées par le CAD.

3. Le Japon : 10,8 milliards d'euros ; 0,23 % du RNB

En octobre 1999, la Banque japonaise pour le financement des exportations et des importations et le Fonds japonais de coopération économique extérieure ont fusionné pour former la Banque japonaise de coopération internationale (JBID), devenue le plus grand établissement financier public bilatéral du monde. L'aide japonaise est concentrée sur l'Asie (72%) , et diminue en volume du fait des importantes contraintes budgétaires.

Le Japon tient des consultations régulières avec les partenaires extérieurs, et a organisé en 1993 et 1998 deux Conférences internationales sur le développement de l'Afrique (TICAD). La JBIC a pour mission de promouvoir les importations et exportations japonaises, de faire des prêts d'APD, et de contribuer à la stabilité du système financier international. Elle apporte également son concours pour la mise en oeuvre des stratégies de lutte contre la pauvreté (CSLP).

Les trois priorités de la politique japonaise sont l'atténuation du fossé numérique (16 milliards d'euros sur trois ans, sous forme partiellement de fonds d'APD, à la suite de l'adoption de la Charte d'Okinawa en juillet 2000), la lutte contre les maladies infectieuses (200 millions de dollars dégagés pour le Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme), et la prévention des conflits.

L'opinion publique manifeste des doutes grandissants à l'égard des grands projets, et une commission d'enquête chargée d'examiner le système d'évaluation de l'APD a récemment préconisé une refonte de ce système.

4. La Suède : 1,76 milliard d'euros ; 0,76 % du RNB

La coopération pour le développement se trouve aujourd'hui quelque peu concurrencée par les demandes liées à l'élargissement de l'Union européenne. L'aide bilatérale demeure cependant centrée sur les PMA.

Une commission d'enquête parlementaire a été chargée de remettre fin 2001 des propositions pour l'élaboration de politiques cohérentes au service de la lutte contre la pauvreté dans le contexte nouveau créé par la mondialisation

Les principaux domaines d'intervention de l'Agence suédoise de coopération pour le développement (ASDI) ont été l'aide humanitaire et la prévention des conflits (20 %), les secteurs sociaux (18 %) et les droits de l'homme et la démocratie (15 %). La Suède manifeste une grande disposition à participer à des programmes sectoriels et s'applique à trouver de nouveaux moyens d'améliorer la coordination entre bailleurs.

La Suède possède un système d'évaluation bien conçu et qu'elle ne cesse d'améliorer, mais aucune disposition particulière n'a été prise pour intégrer les objectifs internationaux de développement dans les documents stratégiques.

5. L'Allemagne : 4,9 milliards de dollars ; 0,27 % du RNB

Le Conseil des ministres a approuvé en avril 2001 le programme d'action à horizon 2015 pour la réduction de la pauvreté, et une stratégie de mise en oeuvre a été rendue publique début 2002. Le programme plaide en faveur d'un renforcement de la cohérence et des synergies multilatérales, notamment avec la Commission européenne, et confère au ministère de la coopération économique (BMZ) une plus grande marge de manoeuvre et de nouvelles missions, bien qu'il ne soit pas encore doté des capacités d'analyse suffisantes.

L'APD allemande dispose de ressources encore limitées, et le BMZ a décidé de concentrer ses moyens sur 37 pays « prioritaires » et 33 pays « partenaires » . L'aide bilatérale est constituée à 24% de prêts consentis par la KfW (Banque pour la reconstruction) et à 76% de dons (dont 60% est absorbée par l'Agence pour la coopération technique , la GTZ, dont l'organisation a été décentralisée et les moyens humains revus à la baisse), mais l'Allemagne se montre prudente sur l'aide budgétaire et les accords entre donneurs, du fait d'un certain scepticisme sur les capacités financières et d'audit des pays bénéficiaires.

* 8 Nous restons cependant le premier pays contributeur (25%) au sein de l'aide européenne, qui demeure malheureusement invisible pour les pays concernés...

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