CHAPITRE QUATRE

DEUXIÈME FRONT : L'AUGMENTATION DES CHARGES DE PENSION18 ( * )

I. LA NÉCESSAIRE RÉFORME DU RÉGIME DE L'ÉTAT

Il convient de rappeler que le régime de l'Etat, à la différence des autres régimes, ne fait pas l'objet d'une individualisation juridique : les fonctionnaires de l'Etat n'ont pas de caisse des retraites.

Il est cependant habituel, afin de raisonner comme si le régime de l'Etat était individualisé (ce qui permet les comparaisons avec d'autres régimes), d'en donner la représentation suivante : des cotisations salariales sont prélevées sur les rémunérations ; ces cotisations sont majorées par une contibution d'équilibre de l'Etat-employeur à due concurrence des charges , qui comprennent principalement les prestations de pensions , et accessoirement la compensation vieillesse 19 ( * ) versée aux autres régimes (en raison d'une situation démographique comparativement plus favorable dans le régime de l'Etat).

Le « jaune » « fonction publique » dresse un tableau retraçant les emplois et les ressources du régime de l'Etat, dont voici une version condensée :

Ressources et charges des pensions de l'Etat

en millions d'euros

exécution 2000

exécution 2001

LFI 2002

PLF 2003

augmentation 2003 / 2002

Emplois

Pensions

28538

29620

31063

32383

4,2%

Transferts (essentiellement la compensation démographique )

2843

2498

3051

2575

-15,6%

Total emplois

31381

32117

34114

34958

2,5%

Ressources

Cotisations salariales

4341

4531

4627

4702

1,6%

Autres ressources (cotisations des employeurs autres que l'Etat et transferts)

4534

4799

4793

5004

4,4%

Contribution d'équilibre

22506

22787

24694

25252

2,3%

Total ressources

31381

32117

34114

34958

2,5%

Source: "jaune" "fonction publique" annexé au projet de loi de finances pour 2003

Il apparaît que, par construction, le régime de l'Etat est toujours équilibré, même si le rapport démographique entre pensionnés et cotisants se détériore : c'est la contribution d'équilibre, assimilable à une cotisation patronale fictive, qui augmente. Et cette augmentation, qui constitue un besoin de financement , est préoccupante pour le régime de l'Etat. Mais compte tenu du caractère fictif de ce régime qui ne connaît pas, en réalité, la contrainte de financement, c'est tout simplement l'évolution de la masse des pensions qui pèse sur le budget de l'Etat.

L'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit l'instauration d'un « compte des pensions » en 2006. Il ne s'agira jamais que d'une individualisation comptable, et non juridique. Un des enjeux principaux de cette clarification est la responsabilisation, au sein des programmes, des gestionnaires qui devront aussi intégrer dans le calcul de leurs coûts les cotisations employeur se rapportant aux fonctionnaires qui en dépendent.

Dans le régime de l'Etat, le rapport entre l'effectif des cotisants et celui des pensionnés (rapport démographique), passerait de 1,9 en 1998, à 1,1 en 2020 et à 0,9 en 2040 (celui du régime général passerait de 1,7 en 1998 à des valeurs proche du régime de l'Etat en 2020 et en 2040 ; le choc démographique y sera donc un peu moins fort).

Le tableau suivant montre l'accroissement de la masse des pensions et du besoin de financement du régime de l'Etat en 2010, 2020 et 2040.

Progression de la masse des pensions et du besoin de financement du régime de l'Etat (en milliard d'euros constants)

Année

2003

2010

2020

2040

Masse des pensions

32

44

60

96

Augmentation du besoin de financement

-

9

20

37

source: ministère de la fonction publique

Si rien n'est fait, ce sont ainsi 12 milliards d'euros supplémentaires qui pèseront sur le budget dès 2010, 28 milliards en 2020, et 64 milliards en 2040.

Ces évaluations sont faites en euros constants. Mais elles ne rendent pas compte de l'augmentation du PIB (produit intérieur brut) dont l'effet sera d'amoindrir le poids relatif de ces pensions dans la création de richesse annuelle, et, partant, dans le budget de l'Etat, leurs évolutions respectives étant naturellement fortement corrélées.

D'après le premier rapport du conseil d'orientation des retraites (COR) de décembre 2001, le poids des pensions publiques et privées devrait s'élever de 11,6 % du PIB en 2000 à 13,6 % du PIB en 2020, et à 15,7 % du PIB en 2040 . Il est vrai qu' une personne sur cinq a plus de soixante ans aujourd'hui, et qu' on en comptera une sur trois en 2040 , ce qu'explique principalement le passage du gros de la génération du « baby-boom » de 2005 à 2035, et un allongement de la durée de vie évalué à un an et demi tous les dix ans .

En 2000, les pensions du régime de l'Etat représentaient 2,06 % du PIB et 12 % du budget de l'Etat . Elles correspondraient en 2020 à 2,78 % du PIB , et à 3,27 % du PIB en 2040 . Il en découle :

• la croissance 20 ( * ) du poids des pensions du régime de l'Etat dans celui de la masse totale des pensions , ce poids augmentant de 17,7 % en 2000 à 20,4 % en 2020, puis à 20,8 % en 2040 ;

• l'importance des ajustements budgétaires qui devraient alors être opérés jusqu'en 2020, le poids relatif des pensions de l'Etat augmentant de 35 % 21 ( * ) . Le poids relatif des pensions de l'Etat augmenterait encore de 17,5 % 2 de 2020 à 2040.

Votre rapporteur spécial s'est livré à un travail d'actualisation dont il ressort que l'augmentation du PIB requise pour que le poids relatif des pensions de l'Etat soit constant, se situe dans des fourchettes très élevées. Ces taux de croissance sont exprimés en termes réels (hors inflation).

Echéance

2010

2020

2040

Taux de croissance annuel moyen requis à partir de 2003 pour que le poids des pensions de l'Etat dans le PIB soit le même qu'aujourd'hui

4,65%

3,77%

3,01%

Sauf à considérer que l'économie se situe à l'aube d'une période de croissance exceptionnelle par son intensité et sa durée, il ne faut donc pas compter sur l'« effet PIB » pour absorber l'impact des charges qui s'annoncent 22 ( * ) .

* 18 Avertissements : les évaluations qui suivent concernent le régime de l'Etat, et sont effectuées sans préjudice des transferts d'effectifs de ce régime à celui des agents des collectivités locales qui seraient susceptibles de résulter d'une relance de la décentralisation ; en tout état de cause, les recommandations qui suivent sont aisément transposables à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), dont les règles de liquidation sont similaires à celles du régime de l'Etat.

* 19 Ce mécanisme de solidarité vise en particulier à compenser les différences de situation démographique existant entre les régimes.

* 20 Cette croissance relative est à rapprocher de la dégradation comparativement plus forte du rapport démographique qui est attendu dans le régime de l'Etat.

* 21 Explications : 2,06 x 135 % = 2,78 ; 2,78 x 117,5 % = 3,27

* 22 Cela d'autant plus que les revalorisations des pensions seraient plus fortes en cas d'augmentation du PIB supérieure à celle qui a servi d'hypothèse au calcul de l'évolution de la masse des pensions, ce qui entraîne que les taux de croissance calculés sont vraisemblablement sous-évalués ; ils constituent ainsi des planchers.

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