CHAPITRE III :

LES DÉGRÈVEMENTS ET EXONERATIONS DE TAXE D'HABITATION : UNE SUBVENTION « IMPLICITE » AUX COLLECTIVITES LOCALES

Les dégrèvements législatifs d'impôts locaux s'analysent économiquement comme des subventions « implicites » aux collectivités territoriales : l'Etat, c'est à dire le contribuable national se substitue au contribuable local pour le paiement de l'impôt. Un coin est ainsi introduit entre le montant d'impôt perçu par la collectivité locale et le montant payé par le contribuable local. Des considérations d'équité (pour la taxe d'habitation) et d'efficacité économique (pour la taxe professionnelle) peuvent certes justifier l'introduction des dégrèvements dans un système fiscal local que l'on n'a pas réformé en temps utile ; mais cette pratique a pour conséquence de déresponsabiliser l'élu local puisque le poids de l'impôt, contrepartie de la dépense, n'est plus répercuté sur un grand nombre de contribuables-électeurs. Enfin, les dégrèvements créent un mécanisme de redistribution verticale entre collectivités locales  sans que l'on sache a priori s'il renforce les objectifs de péréquation -en aidant les communes les plus pauvres- ou si au contraire il les contrecarre - en favorisant les communes les plus dépensières.

Votre rapporteur ne peut que constater l'absence d'études en ce domaine. Il souhaite qu'un rapprochement des sources fiscales (pour les impôts locaux) et des sources administratives (pour les dotations de l'Etat) permettent à l'avenir d'éclairer ce problème au moment où le principe de péréquation des ressources et des charges est sur le point d'être inscrit dans la Constitution. En attendant, il a souhaité jeter quelques coups de projecteur sur cette question en se limitant à l'analyse des dégrèvements législatifs et compensations d'exonérations de taxe d'habitation 15 ( * ) . Il a utilisé pour ce faire le fichier informatisé pour 2001 des états 1389 de la comptabilité publique au niveau le plus fin, celui de l'échelon communal, même si certaines données concernant les plus petites communes sont considérées comme non diffusables. Il a ensuite jugé que la présentation de graphiques permettait mieux que de lourds tableaux statistiques de mettre en évidence à la fois les tendances générales mais aussi la plus ou moins forte dispersion des situations communales autour de ces tendances.

Cette présentation sera précédée d'un rappel sommaire du régime des dégrèvements et exonérations de taxe d'habitation.

I. LA TAXE D'HABITATION N'EST PLUS UN PUR IMPÔT LOCAL

La taxe d'habitation est devenue progressivement un impôt à double assiette et à double taux :

La cotisation normale de taxe d'habitation correspond à un impôt local : elle est déterminée par application à la valeur locative nette de l'habitation d'un taux global d'imposition, somme des taux votés par le département, la commune et le cas échéant l'EPCI.

Mais suite à un ensemble de mesures d'exonérations et de dégrèvements législatifs, la cotisation effective d'un contribuable peut être plafonnée et dépendre pour l'essentiel du montant de son revenu 16 ( * ) et du nombre de parts de quotient familial dont il bénéficie. Elle devient déconnectée des choix fiscaux locaux et s'apparente de ce fait pour le contribuable qui bénéficie de ces mesures à un impôt national .

A. LA SITUATION DU CONTRIBUABLE

Depuis la réforme de 2000, le principal dégrèvement législatif (article 1414 A CGI) plafonne la cotisation de taxe d'habitation d'un contribuable à 4.3 % de son revenu de référence diminué d'un abattement variable suivant le nombre de parts de quotient familial. Ce plafonnement ne bénéficie qu'aux contribuables dont le revenu de référence n'excède pas un certain niveau (105 170 F en 2001-10 633 €- pour une seule part de quotient familial; 129740 F-19 779 €- pour une part et demie, 149 070 F -22 725 €- pour deux parts et 19 330 F-2 -947 €- par demi part supplémentaire)

L'ensemble du barème résultant de ces dispositions est illustré par le graphique suivant qui présente en fonction du nombre de parts de quotient familial la cotisation maximale exigible d'un contribuable. Si la cotisation assise sur la valeur locative lui est supérieure, le contribuable est automatiquement dégrevé de la différence.

Cotisation maximale de taxe d'habitation après dégrèvement en 2001

Un régime plus avantageux est accordé aux contribuables de plus de 60 ans, aux veufs et veuves sans conditions d'âge, aux invalides et aux titulaires de l'allocation aux adultes handicapés. Ces contribuables bénéficient d'une exonération totale lorsque leur revenu n'excède pas en 2001 44.730 F -soit 6.819 €- pour la première part de quotient familial plus une majoration de 11.950 F -1.822 €-par demi part supplémentaire Au delà, ils retombent dans le régime de dégrèvement de droit commun, comme le montre le graphique ci-dessous :

Cotisation maximale de taxe d'habitation après exonération ou dégrèvement en 2001(contribuables > 60 ans, veufs et veuves)

A côté de ces deux dispositifs principaux subsistent trois dégrèvements subsidiaires : un dégrèvement d'office des bénéficiaires du RMI , (maintenu au cours de l'année suivant la cessation de l'attribution du RMI),  un régime transitoire pour les bénéficiaires de l'ancien mécanisme de plafonnement à 3.4 % du revenu, supprimé en 2000 ; enfin un dégrèvement des cotisations inférieures à 80 F .

* 15 L'analyse des dégrèvements législatifs de taxe professionnelle pose un délicat problème de localisation, dans la mesure où ils sont accordés à des entreprises dont les établissements peuvent être répartis entre de multiples communes. Cette difficulté n'existe pas pour les dégrèvements de taxe d'habitation.

* 16 Le revenu pris en considération s'entend du montant net des revenus et plus-values retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu majoré de divers compléments (revenus soumis aux prélèvements libératoires ...) définis au IV de l'article 1417 CGI.

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