N° 68

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès verbal de la séance du 21 novembre 2002

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2003 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 8

CULTURE ET COMMUNICATION :

PRESSE

Rapporteur spécial : M. Claude BELOT

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 230 , 256 à 261 et T.A. 37

Sénat : 67 (2002-2003)

Lois de finances.

I. PRINCIPALES OBSERVATIONS

La presse va-t-elle s'enfoncer dans la crise ? Les signaux sont contradictoires.

D'un côté, l'on peut lire dans la presse spécialisée des données plutôt rassurantes, au moins pour la presse quotidienne régionale.

C'est ainsi que le chiffre d'affaires brut de PQR66, l'association qui fait fonction de régie publicitaire de tous les titres de la presse régionale et départementale, a augmenté de près de 23 % de janvier à août 2002 par rapport à la même période de l'année précédente.

Parallèlement, l'audience des titres concernés reste stable. Près des 2/3 des Français lisent un quotidien régional, selon un sondage IPSOS. La même étude témoigne de la stabilité du lectorat et de l'importance de la PQR dans le paysage de la presse française, puisque le temps de lecture moyen serait de 24 minutes par jour. Seule la région parisienne fait exception puisque le taux de lecture y était sensiblement plus faible

De l'autre côté, le PDG de « La Voix du Nord », président de la PQR, a souligné que le secteur de la presse quotidienne régionale connaît déjà de réelles difficultés : les recettes publicitaires ont diminué de 1 % et la diffusion de 2,4 % par rapport à la même période d'août 2001.

Par ailleurs, les charges continuent d'augmenter. C'est ainsi que, selon M. Prévost, la masse salariale a été gonflée de 4 à 5 % du fait des accords de réduction du temps de travail, tandis que le prix du papier a augmenté de 10 % en 2001.

En tout état de cause, la situation des quotidiens nationaux est moins brillante (les derniers chiffres de l'année 2000 marquent un tassement du lectorat), tandis que la presse magazine féminine voit ses ventes reculer de près de 10 millions d'exemplaires entre 2000 et 2001.

C'est dans ce contexte que l'on voit se faire jour le retour des manoeuvres de concentration.

Tandis que M. Serge Dassault devient un actionnaire important de la Socpresse, le journal Le Monde s'efforce de constituer un groupe de dimension nationale.

Récent acquéreur du Midi Libre ainsi que d'une participation significative de 30 % dans le capital des publications de la Vie catholique, qui édite notamment Télérama, Le Monde constitue un pôle de développement de la presse française, qui, à certains égards, fait contrepoids à la Socpresse.

Tandis que ce dernier groupe vient de monter à 50 % dans le capital de la Voix du Nord, on prête au journal Le Monde un intérêt pour Sud-Ouest, ainsi que pour le Nouvel Observateur.

Au surplus, les difficultés de Vivendi Universal sont également une autre occasion de stratégie de regroupement. Vivendi a d'abord cédé à des fonds d'investissement sa presse professionnelle (Le Quotidien du médecin, l'Usine nouvelle) puis l'Express, l'Expansion, l'Étudiant, ainsi que la COMAREG, l'un des groupes leader en matière de presse gratuite.

L'aide de l'État est-elle suffisante ? Votre rapporteur spécial aurait tendance à répondre par l'affirmative, lorsqu'il s'agit des aides au fonctionnement, car l'essentiel est d'aider le secteur à s'adapter à de nouvelles formes de concurrence.

Notre pays est une exception en Europe où la plupart des pays connaissent une presse puissante, qui n'a en règle générale que peu ou pas besoin de l'aide de l'État.

Certes, la faiblesse relative du lectorat et de l'assise capitalistique de la presse française justifie une aide de l'État pour lui permettre d'absorber le choc de la concurrence audiovisuelle et de saisir la chance que lui offre le développement du multimédia et de la télévision de proximité.

Mais le poids des facteurs externes dans la crise de la presse ne doit pas être surestimé par rapport aux facteurs internes qui pourraient expliquer une certaine désaffection des Français pour la presse écrite, notamment pour la presse quotidienne.

En France, on lit peu la presse quotidienne et, en tous cas, moins que dans les autres grands pays développés. Instinctivement, votre rapporteur spécial a tendance à penser qu'il n'y a pas là l'effet de circonstances extérieures totalement indépendantes des acteurs du secteur.

D'abord, il y a le prix des journaux en général plus élevé qu'à l'étranger surtout pour la presse quotidienne nationale. Comment ne pas voir dans les contraintes syndicales au niveau de la fabrication comme de la distribution un facteur de coûts supplémentaires et donc une des raisons de prix peu attractifs. L'arrivée des nouveaux gratuits d'information générale constitue à cet égard un révélateur et risque de faire souffrir les journaux du matin.

Mais ensuite, votre rapporteur spécial estime qu'il y a des facteurs dans cette désaffection qui tiennent à la ligne éditoriale spontanément adoptée par un certain nombre de journaux. Les Français se reconnaissent-ils dans l'image que leur renvoie leur presse quotidienne ? Votre rapporteur spécial est persuadé que la tendance d'une certaine presse à mettre en avant tout ce qui ne va pas au détriment de ce qui marche finit par lasser le lecteur, qui n'a pas envie d'absorber tous les jours sa dose de mauvaises nouvelles.

Il faut donc aider la presse, mais, à condition qu'elle s'aide elle-même, d'une part, en produisant dans des conditions plus efficaces et, d'autre part, en offrant le produit que souhaitent ses lecteurs. Le souci de votre rapporteur spécial, c'est de ne pas engager l'État, au nom d'un légitime maintien du pluralisme, dans un système qui ferait de la presse un secteur durablement assisté, ce qui non seulement pourrait susciter des interventions des autorités de Bruxelles, mais encore pourrait finir par affaiblir le secteur au lieu de le renforcer.

1. L'Agence France-presse : un changement de statut nécessaire

Avec l'augmentation des crédits, il y a l'amorce d'une prise de conscience de l'importance de cet organisme du point de vue de la visibilité politique et diplomatique de la France sur le plan mondial.

La question reste de savoir si ces perspectives budgétaires, certes sensiblement améliorées depuis l'année dernière, sont suffisantes pour donner à cet organisme les moyens de se réformer et, à court terme, de faire face à l'accroissement de ses charges, notamment par suite de la réduction du temps de travail et, surtout, à la diminution probable de ses recettes par suite du ralentissement de la croissance économique.

L'État n'est pas seulement le client majeur de l'AFP mais aussi, en quelque sorte son actionnaire ; un actionnaire au demeurant discret , puisqu'à ce titre, il a plutôt procédé par abandon de créances que par dotation en capital. On rappellera toutefois que les pouvoirs publics ont acté, en mars 2001, le principe d'un apport financier, sous la forme d'un prêt participatif, d'un montant global de 15,2 M€, dont la dernière tranche va être versée prochainement.

Mais l'État définit aussi les règles du jeu . Votre rapporteur spécial persiste à penser que l'Agence France-Presse , qui est un vecteur très puissant de l'influence française dans le monde, est handicapée par des structures inadaptées .

Une entreprise, déjà dépourvue de capital, ne peut vraiment se développer à l'échelle mondiale, lorsque ses principaux clients, en l'occurrence la presse française, sont membres de son conseil d'administration , car ceux-ci sont en mesure de bloquer les tarifs des prestations de l'entreprise qui ne sont pas payés à leur prix.

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