B. - Opérations à caractère définitif des comptes d'affectation spéciale

ARTICLE 9 bis (nouveau)

Abondement du fonds de réserve des retraites (FRR) par le biais du compte d'affectation spéciale n° 902-24

Commentaire : le présent article propose d'affecter au fonds de réserve des retraites (FRR) des recettes issues du compte d'affectation spéciale des produits de cession de titres n° 902-24 dans la limite d'un montant cumulé de 1,6 milliard d'euros pour 2002 et 2003.

I. LE FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES, UN FONDS DONT LES BESOINS FINANCIERS SONT ÉNORMES

Le fonds de réserve pour les retraites (FRR), institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, a constitué la seule mesure concrète du précédent gouvernement en matière de retraites. L'engagement du précédent gouvernement, que l'actuel gouvernement a repris à son compte, était de mettre en réserve 152 milliards d'euros d'ici 2020 , ce qui n'a pas manqué de susciter le scepticisme de nombre d'observateurs. Le FRR a en effet été mis en place avec retard, les versements au fonds irréguliers et, jusqu'à présent, en-deçà des objectifs annoncés.

Les différentes catégories de ressources du fonds de réserve, mentionnées à l'article L. 135-7 du code de la sécurité sociale, sont les suivantes :

- une fraction du solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) ;

- le versement de tout ou partie des excédents du Fonds de Solidarité Vieillesse ;

- le versement de l'excédent de la CNAVTS au titre du dernier exercice clos, une partie de ce versement pouvant être anticipée en cours d'exercice ;

-  une fraction égale à 65 % du prélèvement social de 2 % portant sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ;

-  le versement du produit des licences UMTS (téléphonie mobile de 3 ème génération) affecté au fonds ;

- toute autre ressource affectée au FRR, soit, actuellement,  une partie des recettes liées à l'ouverture du capital des autoroutes du sud de la France (ASF), l'affectation du produit de la vente des actifs des caisses d'épargne  et des ressources secondaires, créées par la loi du 19 février 2001 sur l'épargne salariale ;

- les produits des placements financiers effectués jusqu'en 2020.

La gestion administrative du fonds est assurée par la Caisse des dépôts et consignations, sous l'autorité d'un directoire composé de trois membres, présidé par le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

La situation financière du FRR a évolué de la façon suivante depuis 1999 :

Récapitulatif de la situation financière du Fonds de réserve des retraite

(en millions d'euros)

1999

2000

2001

2002

2003

Evolution 2003/2002 en %

RECETTES

Contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés

304,9

Excédent FSV (N-1)

286,6

0

0

-

Excédent CNAVTS (N-1)

767,4

483,5

1.518,3

1.652,9

+ 8,9

Prélèvement de 2 % sur les revenus du capital

890

971,9

1.248,7

1.277,3

+ 2,3

Caisses d'épargne

718,2

718,2

718

492,5

- 31,4

Versement Caisse des dépôts et consignations (CDC)

457,3

457,3

-

UMTS

1.238,50

619,2

-

Recettes de privatisation

1.240

Contribution de 8,2 % sur la part de l'abondement de l'employeur au PPESV, supérieure à 2.300 euros

Sommes issues de l'application du titre IV du livre IV du code du travail et reçues par la CDC au terme du délai de prescription

Réserves de la Caisse de prévoyance sociale de Mayotte

75

n.s.

Intérêts de placements

1,5

33,1

163,3

230

503,3

+ 118,8

Produits sur cessions de titres

5,0

-

Total recettes

306,4

2.866

3.862

5.579,3

4.000,9

- 28,3

DÉPENSES

Frais de gestion administrative

2

5

+ 150

Fiscalité

0,1

3,4

15,7

-

-

Charges sur cessions de titres

6,2

3,7

Total dépenses

0,1

3,4

21,9

5,7

5

- 12,3

Résultat année N

306,2

2.862,7

3.840,1

5.573,6

4.995,9

- 10,4

Cumul au 31/12/N

306,2

3.168,9

7.009

12.582,7

16.578,6

+ 31,8

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 - Annexe f

Fin 2002, le montant cumulé des réserves du FRR devrait s'élever à 12,6 milliards d'euros. Le montant prévu par le précédent gouvernement, soit 13,2 milliards d'euros, ne sera pas atteint, compte tenu de la souscription d'un seul opérateur - contre deux prévus - aux licences de téléphonie mobile de 3ème génération (UMTS).

Dès lors, le présent article adopté à l'Assemblée nationale sur l'initiative du gouvernement, propose de relever le montant des recettes susceptibles de provenir du compte d'affectation spéciale n° 902-24 dit de privatisation et de profiter de « l'aubaine » de la recette exceptionnelle tirée de la vente de la part de l'Etat dans le Crédit Lyonnais.

II. LA RECETTE EXCEPTIONNELLE TIRÉE DE LA VENTE DE LA PART DE L'ETAT DANS LE CRÉDIT LYONNAIS

Le gouvernement a mis aux enchères dans la journée du 23 novembre 2002 6 ( * ) les 10,9 % que détenait encore l'Etat dans le Crédit Lyonnais. Aux termes de la journée d'enchères, quatre sociétés avaient répondu. L'assureur AGF, filiale du groupe Allianz, a présenté une offre sur seulement 3,5 % du capital du Crédit Lyonnais. La Société Générale a répondu à l'appel d'offres avec une offre de 1,79 milliard d'euros et le Crédit Agricole avec une offre de 1,67 milliard d'euros. BNP Paribas a proposé 2,2 milliards d'euros pour la participation de l'Etat.

Les « tergiversations » autour de la vente de la dernière part de l'Etat dans le Crédit Lyonnais ont donc cessé grâce à ces enchères de 24 heures, le samedi 24 novembre 2002. Cette opération est assurément une « belle affaire » pour le budget de l'Etat et donc pour le compte d'affectation spéciale n° 902-24. Le cours de 58 euros l'action que BNP a accepté de payer a permis à l'Etat d'engranger, non une plus-value car le produit de la cession des parts de l'Etat dans le Crédit Lyonnais doit être rapproché du coût budgétaire de la structure de défaisance de l'ex-banque publique, mais une recette bienvenue de 2,2 milliards d'euros. Par comparaison, la cession de juillet 1999 opérée par le précédent gouvernement n'avait rapporté que 1,56 milliard d'euros, pour un montant par action d'un peu plus de 26 euros...

Sur le plan patrimonial, force est de reconnaître que l'affaire a été bien menée et que sa conclusion est plutôt inespérée après l'année d'hésitation entre les aspirations des membres du Groupement d'actionnaires partenaires (GAP), les velléités d'indépendance du management et les ambitions industrielles du gouvernement.

Si comme l'a indiqué le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, l'Etat n'est « plus concerné par l'évolution du capital du Crédit Lyonnais », l'avenir du Crédit Lyonnais manque encore aujourd'hui de visibilité. Une nouvelle bataille entre groupes bancaires se déroule sur la place de Paris sans que le secteur bancaire français n'en sorte vraiment renforcé.

Répartition du capital du Crédit Lyonnais au 25 novembre 2002

III. UN ABONDEMENT DU FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES PAR LE COMPTE DE PRIVATISATION DANS LA LIMITE D'UN MONTANT CUMULÉ DE 1,6 MILLIARD D'EUROS EN 2002 ET 2003

L'article 34 de la loi de finances pour 2002 du 28 décembre 2001 a autorisé le gouvernement à affecter des recettes issues des privatisations au Fonds de réserve des retraites (FRR) dans la limite d'un montant de 1,24 milliard d'euros. Concrètement, cette nouvelle source de financement du Fonds de réserve des retraites a été ajoutée pour pallier à la disparition en 2002 de la « manne UMTS », qui par le biais du compte d'affectation spéciale n° 902-33 de provisionnement des charges de retraite, devait apporter une forte contribution au FRR et n'a pas répondu aux attentes excessives du précédent gouvernement. Les moins-values de recettes sur l'UMTS, qui se sont chiffrées en 2002 à 1,24 milliard d'euros, ont donc dû être compensées par le gouvernement de l'époque grâce à l'ouverture de capital d'Autoroutes du Sud de la France et à l'affectation d'une fraction des recettes au FRR.

Sur 1,8 milliard d'euros de recettes issues de l'ouverture de capital d'ASF, 1,1 ont été affectés en 2003 au FRR.

Le gouvernement souhaite tirer partie de la recette exceptionnelle issue de la vente de la part de l'Etat dans le Crédit Lyonnais pour affecter 500 millions d'euros, sur les 2,2 milliards d'euros qui seront reçus, au FRR.

Ce seront donc au total 1,6 milliard d'euros cumulés qui seront versés au FRR par le biais du compte d'affectation spéciale n° 902-24 pour 2002 et 2003. Ce type de versement à partir du compte d'affectation spéciale étant dérogatoire, il convient que le Parlement autorise le versement de recettes de privatisations au FRR, dans la limite d'un montant cumulé de 1,6 milliard d'euros pour 2002 et 2003.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article vise à satisfaire les engagements du gouvernement précédent et du gouvernement actuel sur les dotations réalisées année après année au Fonds de réserve des retraites. Il respecte la logique selon laquelle des cessions d'actifs doivent financer des opérations de type patrimonial, les engagements de retraite constituant une dette de la Nation qu'il est possible de solder ainsi.

Il appelle deux séries de remarques. La première tend à constater que les besoins en dotation en capital des entreprises publiques s'élèveront, selon les estimations du gouvernement, à 8 milliards d'euros. Si le gouvernement a préparé un ambitieux programme de privatisation, sa réalisation sera conditionnée en partie par l'état des marchés financiers. La diminution de recettes de 500 millions d'euros qui est ici proposée pourrait, en cas d'instabilité persistante des marchés financiers, accroître l'effet de ciseau entre le besoin de financement des entreprises publiques et les produits de cessions de titres.

La seconde tend à considérer que les recettes tirées des privatisations et affectées au FRR constituent 1 % des montants attendus sur ce fonds d'ici 2020. Elles n'apportent pas de réponse à la hauteur des besoins financiers du FRR. Elles constituent des recettes de poche, exceptionnelles et non reconductibles, pour un fonds dont les besoins de financement sont durables.

Le Fonds de réserve des retraites n'apporte d'ailleurs, quant à lui, pas l'ensemble des réponses à un problème des retraites qui est beaucoup plus large et dont les enjeux financiers sont beaucoup plus élevés.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 6 Si la cession de parts au sein d'une entreprise comme le Crédit Lyonnais n'est évidemment pas du domaine législatif, on peut regretter que la commission des finances du Sénat n'ait été informée d'une telle mise aux enchères que par la presse, et ce dix jours après une audition du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relative à l'Etat actionnaire. Le secret des affaires, s'il doit être préservé, n'implique pas nécessairement que la presse soit informée avant le Parlement...

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