E. FRAPPE DANS LA PROFONDEUR : UNE ACCENTUATION NOTABLE DE NOS CAPACITÉS

1. Un système de forces déterminant dans le nouveau contexte stratégique

Déjà soulignée à la suite du conflit du Kosovo, la nécessité de pouvoir délivrer des frappes précises, par tout temps et où que se situent les objectifs , a été pleinement illustrée lors de la réponse, en Afghanistan, aux attaques terroristes du 11 septembre 2001, qui imposait de réduire un adversaire peu visible sur un théâtre d'opérations lointain.

Les priorités d'aujourd'hui diffèrent de celles de la guerre froide : grâce aux nouvelles capacités de projection et de mobilité, l'objectif principal consiste à frapper, si possible par surprise, à l'intérieur du territoire hostile. Il n'y a plus de « lignes ennemies », et les forces à détruire s'appliquent à se mêler à des populations civiles pour susciter la réprobation des opinions publiques des puissances impliquées, en cas de dommages affectant les non-combattants.

C'est pourquoi les capacités de frappe dans la profondeur doivent permettre la destruction d'objectifs précisément localisés à l'intérieur d'un territoire qui ne peut être considéré comme globalement ennemi. Ces frappes doivent pouvoir être effectuées par tout temps et avec suffisamment de précision pour limiter le plus possible les pertes humaines et matérielles sur le territoire en cause, comme parmi les forces armées qui interviennent.

La frappe dans la profondeur requiert des moyens diversifiés : une capacité d'action aérienne à partir de la terre ou à partir de la mer, afin de pouvoir agir sur des théâtres éloignés, des armes de frappe à longue distance et de précision qui s'affranchissent de contraintes telles que la nuit ou le mauvais temps, une capacité d'actions ponctuelles au sol dans la profondeur du dispositif adverse.

Cette capacité stratégique, essentielle à la crédibilité de la France sur la scène internationale, par le caractère effectif des actions armées qu'elle serait en mesure de mener, si besoin était, n'est pas au niveau souhaitable au regard de l'évolution des menaces et du potentiel qu'exige la conduite de telles actions. Elle est affectée par l'indisponibilité régulière du groupe aéronaval et par un potentiel limité en armes de précision. Si elle demeure, avec celle des britanniques, la plus importante en Europe, elle doit être renforcée pour répondre à la dégradation de l'environnement international et à l'émergence, loin de nos frontières, de menaces pouvant gravement affecter notre sécurité.

Les capacités américaines et britanniques de frappe à longue distance

. Etats-Unis


La capacité de frappe des Etats-Unis est maximale dans tous les domaines. Les forces aériennes basées à terre ou embarquées disposent de plus de 4000 avions de combat capables de mener des missions d'attaque au sol dont 210 à très long rayon d'action du type B52, B1 ou B2.

Les armements mis en oeuvre sont performants, nombreux et variés et permettent tous les types de frappes :

- bombes à guidage (GPS, laser) de précision métrique tout temps, aux effets multiples : souffle, incendiaire, forte pénétration, non-létal (bombe au graphite, micro ondes de forte puissance) ;

- missiles de croisière, en service dans les 3 armées dont la portée s'échelonne de 150 à 2000 kms.

Actuellement, 11 porte-avions nucléaires sont disponibles et plus de 1000 avions de combat peuvent être embarqués.

La capacité de suppression des défenses aériennes ennemies (SEAD) repose sur une composante de brouillage offensif dans la totalité du spectre électromagnétique et sur l'emploi d'un armement dédié à base de missiles anti-radiation Harm. 120 avions du type EA 6B « Prowler » sont spécialement dévolus à cette mission. Ils sont en cours de modernisation et devraient être remplacés à la fin de la décennie par le EAF 18 « Growler » en cours de développement.

Les forces spéciales sont estimées à environ 46 000 hommes, instruits et équipés pour effectuer des missions « non conventionnelles » en totale autonomie. Les unités appartiennent aux 3 armées mais sont regroupées au sein d'un commandement unique.

. Royaume-Uni

Globalement, la capacité britannique de frappe dans la profondeur est comparable à celle de la France. Environ 350 avions de combat (Tornado, Jaguar, Harrier) peuvent mettre en oeuvre un armement conventionnel à base de bombes à guidage de précision ou de missiles de croisière avec la récente mise en service du missile « Storm Shadow », version britannique du Scalp EG français. La capacité de tir de précision métrique tout temps ne sera détenue qu'au milieu de la décennie.

Contrairement à la France, la Grande-Bretagne ne dispose pas de véritable porte-avions mais de 3 porte-aéronefs sans catapultes mettant en oeuvre des avions à décollage court et atterrissage vertical du type Harrier. En revanche, sa flotte sous-marine est équipée de missiles de croisière américains à changement de milieu Tomahawk. En matière de SEAD, aucune capacité de brouillage offensif n'a été développée mais l'armée de l'air met en oeuvre le missile antiradiation Alarm de conception nationale.

Les forces spéciales sont jugées équivalentes à celles de la France (environ 1500 hommes) avec une capacité de projection toutefois supérieure (hélicoptère lourds).

Le projet de loi de programmation engage ce renforcement de nos moyens grâce à la décision de lancer en 2005 la construction d'un second porte-avions, à la poursuite, sans nouveau retard, de la livraison du Rafale, aux programmes d'armes de précision - missiles de croisière ou armes guidées- et aux moyens nouveaux dévolus aux forces spéciales.

Durant la période 2003-2008, les ressources prévues pour le système de forces « frappe dans la profondeur » sont les suivantes:

( en millions d'euros 2003)

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total

AP

1 172

1 188

2 222

3 827

890

614

9 912

CP

1 355

1 707

1 907

1 983

2 015

2 074

11 041

2. Le lancement d'un second porte-avions : le choix de la cohérence

L'admission au service actif du porte-avions Charles de Gaulle, en 2001, a permis d'améliorer très notablement notre capacité d'action depuis la mer, mais depuis le désarmement anticipé du Foch, en 2000, et vendu depuis au Brésil, la permanence du groupe aéronaval n'est plus assurée.

Notre modèle d'armée comportait la livraison d'un second porte-avions , sous réserve « que les conditions économiques le permettent ». Il a été décidé de lever cette hypothèque et d'inscrire définitivement cet équipement à la liste de nos capacités . La commande du second porte-avions interviendra en 2005 pour une livraison à l'horizon 2014.

Cette décision, confortée par la démonstration du rôle irremplaçable du groupe aéronaval lors de l'opération Héraclès 18( * ) , vise également à mettre fin à l'incohérence faisant de notre pays une puissance « intermittente », dépourvues de ses capacités de riposte et de frappe à partir de la mer durant l'immobilisation pour entretien de son unique porte-avions (six mois en 2003, dix-huit mois en 2006, la révision portant alors sur les chaudières nucléaires).

Seul un second bâtiment, assurant la permanence du groupe aéronaval, donne également toute sa cohérence à l'investissement considérable déjà effectué pour la construction du Charles-de-Gaulle et surtout pour l'acquisition d'un groupe aérien embarqué composé de Rafale et d'avions de guet Hawkeye.

FRAPPE DANS LA PROFONDEUR - PRINCIPAUX PROGRAMMES

Programmes

Mission

Coût global
(M€)

Coût unitaire
(M€)

CP 2003 -2008

Commandes et livraisons

Industriel

Coopération

1 porte-avions

Frappe dans la profondeur et maîtrise du milieu

-

Entre 1 600 et 3.2 selon l'architecture

550

Commande en 2005, livraison avant 2014

A définir

Envisagée avec le Royaume-uni

60 avions de combat Rafale marine et 234 Rafale air

Attaque au sol tout temps, supériorité aérienne, frappe nucléaire, appui feu rapproché, reconnaissance, ravitaillement en vol, assaut à la mer

31.335

De 44,7 (monoplace air) à 57,8 (monoplace marine)

8 471

31 Rafale marine commandés et 21 livrés de 2003 à 2008
94 Rafale air commandés et 57 livrés de 2003 à 2008

Dassault-Aviation

 

500 missiles de croisière SCALP-EG

Neutralisation d'infrastructures par des frappes de précision métrique à longue portée

786

0,85

411,1

500 missiles livrés de 2003 à 2007

MDBA/Bae

Royaume-Uni, Italie, France

250 missiles de croisière navals

Frappe par missile de croisière depuis la mer (frégates et sous-marins)

Entre 747 et 823

 

156,1

250 missiles commandés en 2006 pour des livraisons à partir de 2011

MBDA

 

100 missiles anti-piste Apache

Missile de croisière tout temps de précision décamétrique pour la neutralisation des pistes d'aérodrome

675

1,61

63,6

Livraison des 45 derniers missiles en 2003 et 2004

MDBA

 

3000 munitions guidées air-sol modulaires AASM

Frappe à distance de sécurité et de précision métrique ou décamétrique

408

de 0,8 (précision décamétrique) à 1,01 (précision métrique)

221,4

Commande des 3000 munitions achevée en 2005 ; 1104 munitions livrées de 2005 à 2008

SAGEM.

 

10 hélicoptères Cougar MK2-EC 725

Opérations spéciales ; recherche et sauvetage au combat

307,8

27,6

316,7

10 livraisons de 2004 à 2006

Eurocopter

 

Notre collègue André Boyer a récapitulé, dans un rapport d'information paru en mai 2000 19( * ) , l'ensemble des raisons qui conduisaient votre commission des affaires étrangères et de la défense à plaider en faveur du lancement de la construction d'un second bâtiment. Elle ne peut donc aujourd'hui qu'approuver pleinement le choix du Président de la République et du Gouvernement.

Le projet de loi de programmation affecte 550 millions d'euros de crédits de paiement à compter de 2004 et jusqu'en 2008 pour financer des études préalables. Le lancement de la réalisation interviendrait en 2005 et nécessiterait, sur la période de la programmation, environ 1,2 milliard d'euros d'autorisations de programme.

L'échéance retenue pour la mise en service opérationnelle du bâtiment est fin 2014 au plus tard.

Dans ce cadre financier et chronologique, trois hypothèses sont à l'étude : soit la construction d'un autre porte-avions à propulsion nucléaire , bénéficiant des acquis, adaptés et modernisés, de la construction du Charles-de-Gaulle et disposant des avantages liés à ce type de propulsion (large autonomie) ; soit la construction d'un porte-avions à propulsion classique , dont la maintenance est moins contraignante, notamment en durée d'immobilisation, mais qui ne bénéficie pas de l'autonomie d'emploi, ni donc de « l'allonge » découlant de la propulsion nucléaire. Ce bâtiment pourrait être construit soit de façon autonome, soit -troisième hypothèse- en coopération avec la Grande-Bretagne . Ce pays vient, en effet, de lancer les études préalables à l'acquisition de deux porte-avions d'environ 50 000 tonnes pour en doter sa flotte, qui ne dispose pour l'heure que de porte-aéronefs.

La phase d'études a été ouverte au sein du ministère de la défense pour évaluer les différentes options. La coopération éventuelle avec les britanniques pourrait, en effet, prendre plusieurs formes, se limiter à certains équipements ou porter sur l'ensemble de leur programme.

3. L'arrivée très attendue du Rafale

Notre parc d'avions de combat en ligne va progressivement évoluer avec l'entrée en service du Rafale, selon l'échéancier suivant :

Avions de combat

2002

2003

2005

2008

2015

Rafale (Air)

0

0

10

50

150

Mirage 2000-5 F

30

30

30

30

30

Mirage 2000 C/B

80

80

80

60

20

Mirage 2000 D

60

60

60

60

60

Mirage 2000 N

60

60

60

40

40

Mirage F1 CR

40

40

40

40

0

Mirage F1 CT

40

40

40

20

0

Mirage F1 C/B

20

0

0

0

0

Jaguar A

20

15

0

0

0

Mirage IV P

5

5

0

0

0

Total Armée de l'air

355

330

320

300

300

Super Etendard modernisés

29

29

29

10

-

Rafale (Marine)

9

9

9

28

40

Total Marine

38

38

38

38

40

Total avions de combat

393

368

358

338

340

La cible définitive du programme Rafale est de 294 appareils, dont 234 pour l'Armée de l'air (dont 139 biplaces) et 60 pour la Marine (dont 35 biplaces).

La Marine dispose, depuis la fin 2001, de 10 Rafale monoplaces au standard F1 (air-air).

Le développement du standard F2 a été lancé à la fin de l'année 1998-pour une mise en service en 2006 -, qui équipera la première unité de l'armée de l'air , et les livraisons à venir pour renforcer la marine. Ce standard permettra une polyvalence accrue, avec une amélioration des capacités air-air du F1, et une intégration des capacités air-sol incluant l'utilisation des missiles Scalp et AASM ;

Le standard F3 (objectif de mise en service en 2009) intégrera des capacités anti-navires, avec l'utilisation du missile air-mer AM 39 Exocet (pour la version marine), d'une nacelle de reconnaissance de nouvelle génération, et de l'ASMP-A, qui permettra la frappe nucléaire.

L'appareil, du fait de sa polyvalence, devra être à même d'utiliser tous les armements modernes, dont les MICA et les MIDE-Météor.

Le projet de loi de programmation affecte à ce programme les financements suivants :

(en M€ 2003)

Programmes

M€

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total 03-08

Rafale
Air

AP

706

930

1051

1 090

1 157

1 198

6 134

CP

702

638

696

2 260

405

451

5 152

Rafale Marine

AP

265

248

136

950

185

43

1 807

CP

250

313

363

448

471

463

2 308

Il faut souligner que l'effort financier sera plus soutenu de 2005 à 2008. Ces crédits permettront les commandes et les livraisons décrites dans cet échéancier :

 
 

<2003

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Ult.

Rafale Air

C(1)

36

46

0

0

48

0

0

104

L(2)

3

0

5

10

13

14

15

174

Rafale

C

25

13

0

0

18

0

0

4

Marine

L

10

0

0

0

6

6

7

31

(1) commandes

(2)  livraisons


Les sommes affectées par le projet de loi au programme Rafale lui permettront donc de prendre enfin une consistance critique, alors que son évolution a été, jusqu'à présent, lente et chaotique, faute de régularité dans les financements prévus. Rappelons en effet que le développement a été lancé en 1986 pour le moteur et 1988 pour la cellule, le programme étant entré en phase de production en 1992, pour des premiers vols d'appareils de série en 1998.

Au total, la société Dassault Aviation, chargée du programme, estime à 9 ans le retard subi .

Les autres industriels engagés dans cette réalisation sont, pour les moteurs, la Snecma ; pour les radars, le système optronique secteur frontal (OSF), et les nacelles de reconnaissance nouvelle génération : Thales ; et, pour le système de contre-mesures Spectra : Thales et MBDA.

L'ampleur du programme Rafale a pâti de ces contretemps, financiers et industriels, mais le strict respect des commandes et livraisons prévues par le projet de loi permettra à nos forces de disposer d'appareils moins nombreux, mais plus performants qu'aujourd'hui.

Les bénéfices attendus du Rafale, sous ses différents standards, par l'armée de l'air et la marine, ne pourront être pleinement pris en compte qu'avec un strict respect des sommes qui y sont affectées par le présent projet de loi.

4. L'accès aux indispensables capacités des munitions de précision

En l'espace d'une décennie, l'utilisation des missiles et bombes de précision s'est généralisée et tend à devenir l'une des caractéristiques des opérations militaires modernes. Les munitions guidées représentaient en effet 35% des armes délivrées lors des opérations du Kosovo, contre moins de 10% lors de la guerre du Golfe. Au cours de la campagne d'Afghanistan , la part des munitions guidées a été porté à 85% , ne laissant qu'un rôle marginal aux autres types de munitions. Les Mirage et Super Etendard français ont d'ailleurs exclusivement délivré des bombes guidées laser.

Nos capacités en munitions de précision sont cependant actuellement limitées et l'on peut rappeler que l'insuffisance de nos stocks avait imposé, lors des opérations du Kosovo en 1999, l'achat d'urgence à un industriel américain, dans de mauvaises conditions de coût, de bombes guidées laser.

En matière d'aviation de combat , la mission d'attaque au sol à longue distance est assurée par 1 escadron de Jaguar (15 appareils) , 2 escadrons de Mirage F1CT (40 appareils) et 3 escadrons de Mirage 2000-D (60 appareils) pour l'armée de l'air, et par 2 flottilles de Super Etendard modernisés ( 28 appareils ) pour la marine. Les Mirages F1CR (2 escadrons), Mirage 2000-N (3 escadrons) et Mirage 2000-RDI (2 escadrons) ont également une capacité air/sol, mais limitée (armement non guidé) dans le cadre de leur mission secondaire. Quant groupe aérien embarqué, il est tributaire de la disponibilité du porte-avions « Charles de Gaulle », limitée en moyenne à 60% du temps.

L' armement air/sol de précision en service dans l'armée de l'air et l'aéronavale est constitué du missile AS30L et des bombes à guidage laser de précision métrique ; il est utilisable de jour comme de nuit, mais uniquement par beau temps.

Aucune capacité de tir de précision métrique tout temps n'est disponible pour le moment. Le système d'armes du Mirage 2000D (inertie+GPS) permet toutefois le tir par tous les temps de bombes lisses sur coordonnées avec une précision de l'ordre de 50m.

Ces performances seront notablement améliorées par la future nacelle Damoclès au profit de la Marine . Cette nacelle de désignation par laser sera équipée, pour effectuer ses repérages et cibler ses objectifs, d'une caméra TV d'une portée d'environ 25 km, avec un écran de report, installée dans la cabine de pilotage. Cette nacelle permettra des missions de reconnaissance, d'identification et d'illumination par laser de cibles, de jour comme de nuit.

Son utilisation, qui se substituera progressivement à des équipements moins performants, réduira la vulnérabilité de l'équipement qu'elle équipera, ainsi que les dommages collatéraux.

Enfin, ce bilan est altéré par l' absence de capacité en matière de suppression des défenses aériennes ennemies (SEAD) , que ce soit par brouillage offensif, ou armement spécialisé.

Un renforcement dans le domaine des munitions de précision est donc nécessaire, car la polyvalence des Rafale ne trouvera sa pleine utilité qu'avec une gamme plus large d'armements performants, plus précis et utilisables par tous temps , adaptés à la diversité des situations opérationnelles.

A cet égard, le projet de loi de programmation apporte d'incontestables éléments de satisfaction, puisqu'il prévoit la mise en service de missiles de croisière et de l' armement air-sol modulaire (AASM) , qui offrira une capacité de tir de précision tout temps sur coordonnées. Ces éléments positifs doivent toutefois être nuancés dans la mesure où la montée en puissance de nos capacités s'effectuera lentement, renvoyant par exemple très au delà de 2008 la livraison du missile de croisière naval.

a) L'armement air-sol modulaire (AASM)

Le développement du contrat de réalisation du programme d'armement air-sol modulaire (AASM) a été notifié en septembre 2000.

L'utilité de ce type d'armement, employé pour neutraliser ou détruire les cibles terrestres a été mise en valeur par le conflit du Kosovo. Son faible coût relatif en fait un complément des missiles de croisière Scalp, dont les performances les réservent à des objectifs plus difficiles à frapper.

L'AASM permet le tir à distance de sécurité (entre 15 et 50 km) de corps de bombes de 250 kg, avec une précision d'impact décamétrique ou métrique.

Trois versions sont prévues: décamétrique tout temps (guidage inertie et GPS), métrique beau temps (guidage infrarouge) et métrique tout temps (guidage radar).

Les premières livraisons de la version décamétrique, qui équiperont les Mirage 2000 D, ainsi que les Rafale, marine et air, s'effectueront à compter de 2005.

La version métrique beau temps commencera à être livrée à compter de 2007.

Quant à la version métrique « tout temps », sa réalisation débutera en 2005, avec une commande de 135 unités en 2007, livrables à partir de 2010.

Au total, il est prévu de disposer de 3.000 munitions, dont 2.000 pour l'armée de l'air, et 1.000 pour la Marine. Ces 3.000 munitions seront, pour 1452 d'entre elles, de précision décamétrique et, pour 1548, de précision métrique. Leur réalisation est confiée à la société SAGEM S.A.

Environ 220 millions d'euros seront consacrés à ce programme de 2003 à 2008.

b) Les missiles de croisière

. Le missile anti-piste Apache

Le missile anti-piste Apache , qui vient d'entrer en dotation, représente la première capacité tout temps dont se soit dotée la France. La livraison du premier missile a été effectuée en 2002 pour un objectif total de 100 en 2004.

L'Apache constitue l'armement tactique principal du Mirage 2000-D. C'est un missile modulaire ayant pour mission la neutralisation, par tous les temps et à une distance de sécurité de 140 km au maximum, de bases aériennes par la destruction des pistes et des aires bétonnées au moyen de sous-munitions à charges classiques.

Ce missile possède un système de navigation par inertie, aligné sur l'avion lanceur et recalé en croisière à la fois par GPS, corrélations d'altitude et d'images radar. Ces caractéristiques lui permettent de réaliser des approches autonomes à très basse altitude, en suivi de terrain programmé ; son radar assure également la détection et l'identification de l'objectif. Le missile emporte dix sous-munitions de cratérisation de 50 kg.

Une soixantaine de millions d'euros en crédits de paiement restent à affecter sur ce programme d'ici 2005.

. Le missile Scalp d'emploi général (EG)

La nouveauté technologiquement la plus en pointe est présentée par le programme de missile de croisière à longue portée d'emploi général (Scalp EG) . Véritable arme de frappe dans la profondeur, il est affecté à la neutralisation d'infrastructures, et équipera à la fin de l'année 2003 les Mirage 2000-D, puis les Rafale F2 de la marine et de l'armée de l'air à partir de 2006.

Les performances du Scalp-EG, qui a été développé à partir du missile « Apache », sont en nette progression au regard des possibilités de ce dernier.

Avec une précision d'impact métrique sur une cible qu'il détecte et identifie par imagerie infrarouge, sa portée est de plus de 400 km en vol à basse altitude (sans vent, et sans suivi de terrain). Il peut également voler à très basse altitude avec un suivi de terrain programmé. Il bénéficie d'une faible signature radar.

Sur les 500 missiles prévus, 450 seront affectés à l'armée de l'air et 50 à la marine.

Ce programme est développé en coopération avec le Royaume-Uni, élargie à l'Italie en 1999, avec une commande de 200 missiles par ce pays.

Les premiers tirs de qualification se sont achevés en 2002, et les 500 livraisons prévues s'échelonneront de 2003 à 2007, sous la maîtrise d'oeuvre industrielle de MDBA France.

. Le missile Scalp naval

La nécessité de diversifier les plate-formes de tir, pour couvrir toutes les capacités en matière de frappe par missile, imposait le développement d'un programme de missile naval.

Aussi a-t-il été décidé, en 2000, d'utiliser l'acquis du Scalp-EG pour développer un programme de missile de croisière naval, visant à conférer à notre marine une capacité de frappe de cette nature à partir de bâtiments de surface et de sous-marins.

Le missile Scalp naval devrait présenter des caractéristiques analogues à celles du Scalp-EG (notamment une bonne précision de navigation, et un système de guidage terminal autonome), avec une portée supérieure, de l'ordre de 500 à 1 000 km.

Il est prévu de passer une commande de 250 missiles en 2006, ainsi que de 50 dispositifs de changement de milieu en vue d'équiper les sous-marins nucléaires d'attaque. L'objectif est d'équiper les frégates à partir de 2011, et les sous-marins d'attaque Barracuda, à partir de 2015. L'enveloppe prévue sur la loi de programmation est de 156 millions d'euros en crédits de paiement.

Votre rapporteur renouvelle sa remarque suggérant l'étude des possibilités d'avancer le calendrier de livraison du missile Scalp naval. Nous disposerions ainsi plus tôt d'une capacité de frappe à partir de la mer, très utile compte tenu des limitations qui peuvent s'imposer aux actions aériennes, du fait de l'éloignement éventuel des théâtres d'opération. En outre, une accélération du calendrier du Scalp naval relancerait l'intérêt d'une coopération européenne avec les pays partenaires du programme Scalp-EG (Royaume-Uni et Italie), compte tenu notamment des échéances d'équipement britanniques. Il reste toutefois à examiner comment un tel calendrier resterait compatible avec la mise au point de la version destinée à équiper les sous-marins d'attaque, qui suppose vraisemblablement des délais de développement plus importants.

5. Un appréciable renforcement des équipements des forces spéciales

Regroupées au sein du commandement des opérations spéciales (COS), les forces spéciales comptent environ 2 000 hommes issus des trois armées et répartis entre :

- des unités commandos (1 000 hommes du 1er RPIMA, 400 fusiliers marins commandos des cinq commandos marine, 200 hommes du commando parachutiste de l'air n°10) ;

- des formations aériennes spécialisées ( hélicoptères Puma et Cougar du détachement opérations spéciales de l'aviation légère de l'armée de terre, hélicoptères et avions de transport spécialisés de l'armée de l'air).

Le 13 ème régiment de dragons parachutistes (900 hommes) a été intégré cet été à la nouvelle brigade des forces spéciales « terre » créée le 1 er juillet 2002 , qui se verra également transférer, avant l'été 2003, un régiment de la 11 ème brigade parachutiste.

À la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2002, le concept d'emploi des forces spéciales a été infléchi pour tenir compte de la probabilité accrue d'un engagement au sein d'une éventuelle coalition, alors qu'il n'était jusqu'à présent envisagé de ne les utiliser que sous commandement national. Les opérations d'Afghanistan ont mis en valeur l' action des forces spéciales en liaison avec celle des avions de combat , voire des drones, notamment pour le guidage laser des frappes aériennes. La nécessaire complémentarité , et donc l'interopérabilité, entre forces aériennes et forces spéciales terrestres est l'un des enseignements majeurs de cette campagne.

Le projet de loi de programmation met l'accent sur un renforcement des capacités des forces spéciales à travers deux axes d'effort privilégiés : la mobilité tactique et l'interopérabilité.

En ce qui concerne la mobilité tactique , les aéronefs des forces spéciales (environ douze hélicoptères de manoeuvre, dix hélicoptères d'appui, et deux avions de transport tactique) doivent être complétés par :

- la mise à disposition ponctuelle, par l'armée de l'air de deux avions de transport tactique supplémentaires ;

- l' acquisition de dix hélicoptères EC 725 Cougar MK2+ , d'un rayon d'action de 300 km, et d'une capacité de transport d'une quinzaine d'hommes ; 298,8 millions d'euros d'autorisations de programme ont déjà été prévus par la loi de finances rectificative pour 2001 dans cette perspective. Ces appareils disposent de moyens de communication performants, ainsi que de dispositifs de protection et de détection renforcés d'un armement de 12,7 mm et d'une caméra thermique. Le contrat a été notifié fin novembre 2002 et les livraisons s'échelonneront de 2004 à 2006. Ils seront utilisés pour les opérations spéciales, la recherche et le sauvetage au combat et les missions de contre-terrorisme maritime.

- l'arrivée à partir de 2005 de 4 hélicoptères d'appui et de protection Tigre , aux capacités supérieures aux Gazelle actuellement en service. Les Tigre pourront, ainsi, accompagner et éclairer les raids héliportés.

En matière d' interopérabilité , les liaisons radio et les moyens de transmission de données entre les forces spéciales au sol et leurs hélicoptères ou avions spécialisés seront modernisés, en veillant à l'harmonisation des moyens des trois armées. L'interopérabilité avec les forces américaines ou alliées sera développée, grâce à des liaisons entre les PC de théâtre des forces spéciales et ceux des forces aériennes et l'acquisition de moyens de transmission portables ou embarqués, compatibles avec les normes aéronautiques alliées.

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