B. LE CONTEXTE COMMUNAUTAIRE

1. Une intégration croissante

La recomposition du paysage aérien européen tend à faire émerger trois grandes compagnies, chacune adossée à une alliance mondiale. British Airways fait ainsi partie de Oneworld, Lufthansa de Star Alliance et Air France de Skyteam. A ces trois alliances principales s'ajoute, sans doute de façon provisoire, l'alliance Wings représentée en Europe par KLM.

POIDS DES ALLIANCES STRATÉGIQUES DANS LE TRAFIC MONDIAL EN 2001

Trafic total (millions de -passagers-kiomètres transportés)

Part du trafic mondial

en 2001

STAR ALLIANCE

Air Canada, Air New Zealand, All Nippon Airways, Austrian Airlines Group, British Midlands, Lufthansa, Mexicana Airlines, SAS, Singapore Alirlines, Thai Airlines, United Airlines, Varig

612

23 %

ONEWORLD

Aer Lingus, American Airlines, British Airways, Cathay Pacific, Finnair, Ibéria, LAN-Chile, Quantas

456

17 %

SKYTEAM

Aeromexico, Air France, Alitalia, Delta Airlines, Korean , CSA - Czech

344

13 %

WINGS

KLM, Northwest

175

7 %

TOTAL

1 587

60 %

Source : Direction générale de l'aviation civile - septembre 2002

Dans ces conditions, une concentration croissante des compagnies aériennes européennes paraît inéluctable. Dans le cas d'Air France, la privatisation devrait permettre le renforcement du partenariat avec Alitalia et un rapprochement de KLM, cohérent avec le rapprochement aux Etats-Unis de Continental et Nortwest de Delta Airlines.

Cette évolution se heurte à l'obstacle de la nationalité des entreprises, qui menace de remettre en jeu leurs droits de trafic. Il est à noter du reste que les alliances sont la conséquence de cette difficulté, qu'elles visent à contourner. Toutefois, le système actuel a sans doute atteint ses limites économiques.

L'essentiel reste cependant qu'il atteint désormais également ses limites juridiques.

2. Les règles communautaires interdisent au sein de l'Union européenne les discriminations entre ressortissants d'Etats membres

Par huit arrêts 7 ( * ) du 5 novembre 2002, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a jugé contraires au traité, et notamment à son article 43 (ex-52), les accords bilatéraux liant les Etats-Unis à huit Etats membres, quant aux droits de trafic de leurs compagnies aériennes.

En effet, ces accords bilatéraux, classiquement inspirés de la section 5 de l'article 1 er de la convention de Chicago 8 ( * ) , donnent aux parties le droit de restreindre ou supprimer les droits de trafic d'une compagnie dès lors qu'une des parties « n'aura pas la certitude qu'une part importante de la propriété et le contrôle effectif de cette entreprise se trouvent entre les mains de ressortissants » de l'autre partie.

Or l'article 43 du traité stipule que « les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites (...) La liberté d'établissement comporte (...) la constitution et la gestion d'entreprises ». Par conséquent, une entreprise détenue ou contrôlée par des ressortissants d'un Etat membre autre que celui où s'exerce l'activité ne saurait être pénalisée par rapport à une entreprise nationale.

3. Les conséquences à long terme

Il fait peu de doutes qu'à long terme, les Etats membres de l'Union devront renégocier l'ensemble de leurs accords bilatéraux, afin d'y intégrer une « clause communautaire » en lieu de la « clause de nationalité ». Ce sont donc près de 1800 traités qui devront être renégocier, ce qui pourrait prendre plus de dix ans.

4. Les conséquences à court terme pour Air France

Le dispositif de protection de la nationalité proposé par le projet de loi doit répondre à la difficile exigence de protéger la nationalité française de la compagnie sans être discriminatoire envers les ressortissants d'autres Etats membres de l'Union. De ce point de vue, le texte proposé par le Gouvernement ne comporte effectivement pas de disposition discriminatoire envers les ressortissants d'autres Etats membres, ce qui garantit sa validité future lorsque les accords bilatéraux commenceront d'être renégociés.

Il convient donc de s'interroger sur la mise en oeuvre pratique du dispositif de cession forcée, du point de vue de la non-discrimination, dans le cas peu probable où le mécanisme devrait être appliqué. Seraient contraints de céder leurs titres en cas de besoin en premier lieu les non-ressortissants d'un Etat de l'Union, dans l'ordre inverse de leur entrée au capital. Puis, dans le cas très hypothétique où cela n'aurait pas suffi, tous les autres actionnaires dans le même ordre, jusqu'à ce qu'une part suffisante d'actionnariat étranger soit sortie du capital. Cet élément implique une possibilité théorique que des actionnaires français entrés récemment au capital soient contraints de céder leurs titres. Votre rapporteur insiste toutefois sur le caractère peu vraisemblable d'une telle hypothèse.

* 7 C-466/98, C-467/98, C-468/98, C-469/98, C-471/98, C-472/98, C-475/98, C-476/98

* 8 Accord du 7 décembre 1944 précité.

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