B. L'ANALYSE DE LA DÉCISION N° 2002-464 DC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DU 27 DÉCEMBRE 2002

La décision du Conseil constitutionnel marque une évolution par rapport à sa jurisprudence antérieure. Au regard des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, la logique voudrait que toutes les initiatives ne modifiant que la répartition, et non le montant global des prélèvements sur recettes, soient considérées comme des cavaliers budgétaires. Or, seules l'étaient, jusqu'à présent, et de moins en moins, celles concernant la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) entre les collectivités territoriales.

Le rapport de notre collègue député Jacques Barrot sur l'application de l'article 40 de la Constitution 3 ( * ) indique ainsi : « Une lecture stricte de l'article 1 er , alinéa 3, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 pourrait conduire à l'exclusion des lois de finances des dispositions déterminant l'attribution et la répartition du produit des impositions, puisque cet alinéa ne mentionne que l'assiette, le taux et le recouvrement de celles-ci. Cependant, le Conseil constitutionnel a, au moins implicitement, validé à plusieurs occasions la présence en loi de finances de mesures se bornant à affecter et répartir le produit d'impositions sans toucher ni à leur assiette, ni à leur taux, ni à leurs modalités de recouvrement. Il a de même laissé passer des dispositions de répartition du produit - sans effet sur leur montant global - de prélèvements sur recettes tels que le FNPTP (fonds national de péréquation de la taxe professionnelle). Il a, en revanche, à deux occasions, censuré des dispositifs de répartition du produit de la DGF (dotation globale de fonctionnement) (décisions n° 82-155 DC du 30 décembre 1982 et 89-268 DC du 29 décembre 1989) ».

Les cavaliers budgétaires : extraits des décisions du Conseil constitutionnel déclarant
non conformes à la Constitution des articles de lois de finances tendant à répartir le produit de la DGF

Décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982 - Loi de finances rectificative pour 1982

(...) En ce qui concerne l'article 23 :

15. Considérant que les dispositions de l'article 23 de la loi ont pour objet de modifier les conditions de répartition entre les communes intéressées de la dotation supplémentaire instituée par l'article L. 234-14 du code des communes ; que, comme le font valoir les auteurs de la saisine, elles ne modifient en rien le montant global de ladite dotation qui a le caractère d'un prélèvement, et non d'une dépense de l'Etat ; que, par suite, l'article 23 est étranger à l'objet des lois de finances ;

16. Considérant dès lors que l'article 23 de la loi a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;

( ....)

Décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989 - Loi de finances pour 1990

(...) En ce qui concerne les moyens tirés de ce que les articles 47-VIII et 120 ont un contenu étranger à celui imparti aux lois de finances :

26. Considérant que les sénateurs auteurs de la deuxième saisine et les députés auteurs de la première saisine soutiennent, les premiers, que le paragraphe VIII de l'article 47, et, les seconds, que l'article 120, ont un contenu étranger à celui imparti aux lois de finances ;

27. Considérant, d'une part, que les dispositions du paragraphe VIII de l'article 47 de la loi ont pour objet de modifier les conditions de répartition entre les communes intéressées de la dotation globale de fonctionnement instituée par la loi n° 79-15 du 3 janvier 1979 ; qu'elles ne modifient pas le montant global de ladite dotation qui a le caractère d'un prélèvement sur recettes, et non d'une dépense de l'Etat ; que, par suite, l'objet du paragraphe VIII de l'article 47 est étranger à ceux qui peuvent seuls relever d'une loi de finances en vertu des dispositions de l'article premier de l'ordonnance portant loi organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;

Le Conseil constitutionnel a, au cours des dernières années, déclaré conformes à la Constitution de nombreux articles relatifs à la répartition des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, y compris concernant la DGF. L'encadré ci-après retrace quelques exemples d'articles n'ayant pas d'impact sur les ressources et les charges de l'Etat mais néanmoins déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Les articles de lois de finances n'ayant pas d'impact sur les ressources et les charges de l'Etat et déclarés conformes par le Conseil Constitutionnel


Dans la loi de finances rectificative pour 2001 , plusieurs articles semblent avoir « échappé » à la vigilance du Conseil constitutionnel, bien que n'ayant aucun impact sur les ressources et les charges de l'Etat :

- l'article 14 (modalités de répartition de la régularisation de la dotation globale de fonctionnement) ;

- l'article 42 (majoration de la dotation globale de fonctionnement des communautés de communes à fiscalité additionnelle) ;

- l'article 43 (neutralisation des conséquences sur la DGF des communautés de communes à fiscalité additionnelle des variations du nombre de membres de cette catégorie) ;

- l'article 44 (modification du calcul de l'effort fiscal des communes) ;

- l'article 45 (conditions d'engagement de travaux financés par la dotation globale d'équipement).


Dans la loi de finances pour 2001 , le Conseil constitutionnel avait déclaré conformes à la Constitution  :

- l'article 41 (date du vote de l'arrêté des comptes par les collectivités territoriales) ;

- l'article 72 (extension des collectivités éligibles à la dotation globale d'équipement) ;

- l'article 73 (réforme des modalités de calcul du potentiel fiscal des communautés de communes à fiscalité additionnelle).


Dans la loi de finances rectificative pour 2000 , le Conseil constitutionnel avait déclaré conformes à la Constitution :

- l'article 28 (garantie de dotation globale de fonctionnement pour les communautés d'agglomération créées ex nihilo dès leur deuxième année d'existence) ;

- l'article 55 (potentiel fiscal des communes membres d'un syndicat d'agglomération nouvelle) ;

- l'article 56 (modification du mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale des établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique) ;

- l'article 57 (extension du mécanisme de garantie de la dotation globale de fonctionnement pour les établissements de coopération intercommunale qui font suite à un ou plusieurs établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre).


Dans la loi de finances rectificative pour 1999 , le Conseil constitutionnel avait déclaré conforme à la Constitution l'article 39 (modification des modalités de calcul du potentiel fiscal des établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique).


• Enfin, dans la loi de finances pour 1999 , le Conseil constitutionnel avait déclaré conforme à la Constitution l'article 118 (dotation forfaitaire des communes - dispositions relatives aux communes bénéficiaires et contributrices de la dotation de solidarité urbaine) ;

* 3 Rapport d'information n° 1273, Xème législature, « Article 40 de la Constitution ».

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