EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner la proposition de loi n°43 rectifiée (2002-2003) présentée par M. Robert Del Picchia et plusieurs de ses collègues tendant à modifier l'article 6 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger afin d'autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections dudit Conseil.

Les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger, « assemblée représentative des Français établis hors de France » sont marquées par un fort taux d'abstention en dépit de modalités de vote assouplies par rapport au droit commun (vote par correspondance). En effet, pour ce scrutin, les distances et les difficultés de communication viennent s'ajouter à la hausse de l'abstention constatée lors de toutes les élections récentes.

Afin d'adapter cette particularité du vote des Français établis hors de France aux nouvelles technologies et de favoriser la participation électorale de nos compatriotes expatriés, cette proposition de loi tend à compléter les modalités de vote existantes par l'autorisation du vote par correspondance électronique.

Le système retenu doit permettre de garantir la confidentialité et la sincérité du scrutin et de rétablir effectivement l'égalité des citoyens devant le suffrage.

Dans le cadre de l'article 37-1 nouveau de la Constitution, cette procédure inédite pourrait être appliquée, à titre expérimental, dès le prochain renouvellement du Conseil supérieur des Français de l'étranger, dans les circonscriptions des Etats-Unis d'Amérique, donnant ainsi un rôle pionnier aux Français établis hors de France. Cette expérimentation constituerait le premier test national du recours à ce mode de votation.

Ainsi, la présente proposition de loi vise à faire progresser la démocratie en facilitant les démarches de nos compatriotes expatriés et à expérimenter une piste prometteuse dans la réflexion actuelle sur la lutte contre l'abstention.

1. L'amélioration nécessaire des modalités de vote de l'élection du Conseil supérieur des Français de l'étranger pour lutter contre l'abstentionnisme

a) Le Conseil supérieur des Français de l'étranger, première des « instances représentatives des Français établis hors de France »

Il convient de rappeler que l'article 24 actuel de la Constitution énonce que « Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat ». En application de cette disposition constitutionnelle, la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France prévoit que douze sénateurs sont élus par les Français établis hors de France.

Cette représentation est également assurée depuis 1948 par le Conseil supérieur des Français de l'étranger, « assemblée représentative des Français établis hors de France » 1 ( * ) . En vertu de la nouvelle rédaction de l'article 39 de la Constitution que le Congrès du Parlement vient d'adopter, le Conseil supérieur des Français de l'étranger est devenu la principale des « instances représentatives des Français établis hors de France » désormais régies par la loi.

Le Conseil a des attributions consultatives et délibératives. Il est chargé de donner au Gouvernement des avis sur les questions et projets intéressant les Français établis hors de France et le développement de la présence française à l'étranger. Les délégués du Conseil élisent les douze sénateurs des Français établis hors de France et parrainent les candidats à l'élection du Président de la République.

Depuis la loi du 7 juin 1982, le Conseil supérieur des Français de l'étranger est composé de 150 membres 2 ( * ) élus pour six ans au suffrage universel direct par les Français établis hors de France et inscrits sur des listes électorales spécifiques tenues par les consulats. Il est renouvelable par moitié tous les trois ans , les membres élus du conseil étant répartis en deux séries A (pays d'Amérique et d'Afrique) et B (pays d'Europe, d'Asie et du Levant) d'importance approximativement égale 3 ( * ) .

Depuis 1990, l'élection a lieu à la représentation proportionnelle dans les circonscriptions élisant au moins trois délégués et au scrutin majoritaire à un tour dans les autres circonscriptions.

Série A

Série B

Circonscriptions électorales :

- d'Amérique 30
- d'Afrique 47
TOTAL 77

Circonscriptions électorales :

- d'Europe 52
- d'Asie et du Levant 21
TOTAL 73

b) Des élections marquées par un taux d'abstention préoccupant

Or, lors du dernier renouvellement triennal (sièges de la zone B), le 18 juin 2000, le taux d'abstention s'est élevé à plus de 81 % avec des variations sensibles d'une circonscription à l'autre (voir annexe).

Outre le fait que l'inscription sur les listes électorales du Conseil supérieur des Français de l'étranger est automatique, sauf opposition de la part des intéressés et ne résulte donc pas d'une démarche active, l'abstention a deux causes principales.

Tout d'abord, l'interdiction de faire de la propagande à l'étranger 4 ( * ) ne facilite pas la mobilisation des électeurs.

Par ailleurs, la participation des électeurs est fragilisée par la grande difficulté de déplacement pour de nombreux électeurs dans des circonscriptions étendues.

Nombre de nos compatriotes installés à l'étranger résidant très loin du bureau de vote renoncent en effet à voter car ils n'ont ni les moyens financiers, ni la possibilité matérielle, ni le temps d'effectuer les déplacements nécessaires. Cette situation n'est pas acceptable au regard du rôle essentiel du Conseil pour la prise en compte des Français établis hors de France.

c) Les limites du vote par correspondance des Français établis hors de France

Le vote doit être personnel et doit obéir aux principes constitutionnels d'universalité, d'égalité et de secret 5 ( * ) .

Le Conseil d'Etat 6 ( * ) , juge de l'élection des délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger, assure le respect de ces règles démocratiques fondamentales.

Toutefois, en raison des conditions particulières dans lesquelles nos compatriotes expatriés exercent leur droit de vote, les modalités de vote aux élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger constituent déjà aujourd'hui une exception : inscrits sur des listes électorales distinctes de celles qui sont tenues pour les élections politiques 7 ( * ) , les électeurs votent soit dans les bureaux de vote ouverts à cet effet dans les consulats, soit par correspondance 8 ( * ) . En revanche, le vote par procuration n'est pas admis.

Le vote par correspondance, supprimé pour les élections politiques en 1975, a en effet été maintenu pour les élections au Conseil supérieur des Français de l'étranger en raison des conditions très particulières dans lesquelles s'exerce le droit de vote de nos compatriotes expatriés et du fait que certains Etats n'ont autorisé ces élections sur leur territoire que par correspondance.

L'autorité consulaire envoie en temps voulu aux électeurs concernés, avec les bulletins de vote, une enveloppe portant une formule d'identification ainsi que l'enveloppe de scrutin opaque et non gommée destinée à contenir le bulletin qu'ils auront choisi. Les plis contenant les votes par correspondance sont conservés par l'autorité consulaire ou préfectorale jusqu'au matin du scrutin et apportés dans la salle de vote au commencement des opérations de vote. Ils sont remis au président qui en donne décharge avant de vérifier l'identité de l'électeur en contrôlant sa signature. Puis, le président introduit les bulletins dans l'urne.

Cependant, le vote par correspondance présente des limites évidentes susceptibles de décourager la participation des Français établis hors de France. Ses modalités ne sont pas des plus incitatives et nombre de nos compatriotes expatriés oublient de procéder aux formalités requises.

De plus, les difficultés des services postaux, parfois permanentes, dans certaines régions du monde, nuisent à l'efficacité du vote par correspondance. Le vote des électeurs ne doit pas être dépendant de la célérité voire de la fiabilité de l'acheminement du courrier.

2. Les dispositions de la proposition de loi : l'autorisation du vote par correspondance électronique pour permettre les expérimentations

L'article 6 actuel de la loi du 7 juin 1982 indique que les électeurs votent soit dans les bureaux ouverts en application de l'article 5 ci-dessus, soit par correspondance. Il rappelle également le caractère secret du scrutin.

La présente proposition de loi tend à modifier cet article pour préciser que les électeurs peuvent voter par correspondance sous pli fermé ou par voie électronique. Il ouvrirait aux électeurs du Conseil supérieur des Français de l'étranger une possibilité supplémentaire de voter en autorisant le vote par correspondance électronique .

a) Le vote électronique fait l'objet de nombreuses expérimentations à l'heure actuelle

Le vote électronique recouvre deux réalités, le vote par Internet, mais également le vote dans une urne électronique au sein des bureaux de vote, afin de faciliter et de rendre moins coûteuses les opérations de dépouillement.

Si l'article L. 57-1 du code électoral autorise le recours à des urnes électroniques dans le cadre des bureaux de vote , sous réserve d'un agrément préalable du ministre de l'intérieur, le vote par Internet n'est pas autorisé.

Toutefois, il convient de noter que le réseau Internet a fait son apparition dans le droit électoral français dans le cadre de la codification du droit électoral outre-mer : le décret n°2002-105 du 25 janvier 2002 a en effet inséré dans le code électoral 9 ( * ) et dans le décret n°79-160 du 28 février 1979 10 ( * ) portant application de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen des dispositions relatives à la communication des bulletins de vote et des circulaires par voie du courrier électronique ou par l'intermédiaire du réseau Internet.

Il convient également de noter que certains consulats bénéficient déjà des listes de courriers électroniques pour la correspondance et l'information. Les Français établis hors de France sont particulièrement réceptifs à l'utilisation des nouvelles technologies.

Le vote par correspondance électronique ne constitue en fait qu'une adaptation du vote par correspondance sous pli fermé à l'évolution des nouvelles technologies consistant pour l'électeur à voter de son domicile au moyen d'un ordinateur relié au réseau Internet.

Il fait aujourd'hui l'objet de multiples expérimentations à l'étranger.

Il est utilisé pour les votations à Genève depuis 2002 et a été mis en oeuvre lors des élections locales de mai dernier en Grande-Bretagne (vote par Internet ; bornes dans les lieux publics ; possibilité de voter par téléphone en utilisant le code d'accès figurant sur la carte électorale...).

En France, des expériences de vote électronique ont également eu lieu, à l'exemple de l'installation d'urnes électroniques à Mérignac (Gironde) lors des dernières élections présidentielles. Il convient également de mentionner l'élection par Internet des conseillers de quartiers d'Issy-les-Moulineaux, le 11 décembre 2002.

Le représentant du ministère de l'intérieur a par ailleurs annoncé, lors des rencontres Democr@tics le 28 janvier dernier, la mise en place de tels dispositifs dans les communes lors des élections régionales de 2004.

A ce titre, le ministre de l'intérieur, tout en affirmant son opposition à la généralisation du vote électronique aux élections politiques, a indiqué qu'une telle procédure pour l'élection des délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger pourrait être envisageable 11 ( * ) .

b) Une modalité de vote garantissant le secret du scrutin et rétablissant l'égalité des citoyens devant le suffrage
(1) L'autorisation du vote par correspondance électronique et la possibilité de l'expérimenter lors du prochain renouvellement du Conseil supérieur des Français de l'étranger dans les circonscriptions des Etats-Unis d'Amérique

L'objet de la proposition de loi est de modifier l'article 6 de la loi du 7 juin 1982 afin de créer la base juridique nécessaire en vue d'autoriser le vote par correspondance électronique, modalité nouvelle du vote par correspondance (alinéa premier de l'article 6 modifié).

L'institution d'une nouvelle forme de vote par correspondance requiert l'intervention du législateur. Aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi doit fixer « les règles concernant (...) le régime électoral des assemblées parlementaires ». Selon le Conseil constitutionnel, « les règles relatives à la composition » du Conseil supérieur des Français de l'étranger « et à l'élection de ses membres » relèvent en effet de la loi 12 ( * ) .

Il s'agit en fait de permettre une expérimentation éventuelle de cette procédure inédite lors des prochaines élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger (1 er juin 2003) dans les seules circonscriptions des Etats-Unis d'Amérique.

Le vote du Congrès a achevé hier la procédure de révision de la Constitution relative à l'organisation décentralisée de la République. L'article 37-1 nouveau de la Constitution prévoit ainsi de permettre à la loi ou au règlement de comporter des dispositions à caractère expérimental afin de rénover l'action publique . A l'initiative du rapporteur de votre commission des Lois 13 ( * ) , ce droit d'expérimentation a été encadré.

En effet, la loi ou le décret doit assigner aux expérimentations un objet et une durée limités . Par définition, l'expérimentation entraîne une rupture de l'égalité entre les territoires et les individus qui entrent dans son champ et ceux qui en seront exclus. Toutefois, dans le champ même de chaque expérimentation, le principe d'égalité doit être respecté.

Enfin, l'expérimentation est temporaire et réversible : une fois la durée expirée, l'unité de la règle doit être rétablie par une généralisation, si l'expérience est un succès, ou par un retour à la norme ancienne en cas d'échec. Un dispositif d'évaluation de l'expérimentation doit donc être introduit pour statuer sur son éventuelle extension.

En l'espèce, les modalités effectives de l'expérimentation éventuelle seront précisées par le pouvoir réglementaire.

(2) Le respect du secret du vote serait garanti

Le vote par correspondance électronique nécessite des procédures garantissant une sécurisation totale des données contre les risques de piratage informatique.

Il demeure également problématique au regard de l'accès de tous les citoyens à un terminal 14 ( * ) et à un réseau de communications . Pour l'instant, même dans les pays développés, seule une partie de la population est connectée à Internet. C'est pourquoi, dans l'immédiat, l'expérimentation serait limitée aux seules circonscriptions des Etats-Unis d'Amérique.

Les moyens techniques retenus 15 ( * ) permettraient de respecter les principes élémentaires du vote tels que l'identification du votant, l'inviolabilité et la confidentialité du scrutin, la sécurité du vote ainsi que la neutralité du vote avec un contrôle démocratique du fonctionnement du système.

L'identification du votant serait assurée grâce à l'expédition par l'ambassade ou le consulat au domicile de l'électeur d'une « lettre de convocation de l'électeur ».

Cet envoi sous pli fermé contiendrait, outre le matériel électoral de vote par correspondance postale (profession de foi et bulletins de vote), une lettre personnalisée faisant état du nom et de l'adresse du destinataire ainsi qu'un code secret pour le vote par correspondance postale (profession de foi et bulletins de vote) et une lettre personnalisée faisant état du nom et de l'adresse du destinataire avec un code secret pour le vote par correspondance électronique.

Ce code secret serait masqué. Il serait attribué de manière aléatoire. L'administration n'aurait donc aucun moyen de le connaître.

Pour le lire -et être le seul à le lire- l'électeur devrait, par exemple, en gratter la surface, de la même façon que pour la transmission par les banques du code secret d'une carte bancaire.

L'électeur se connecterait au site sécurisé, créé spécialement pour l'élection, à partir de n'importe quel ordinateur possédant un accès Internet. Grâce à son code secret, il pourrait consulter les professions de foi des candidats et voter pour une des listes ou voter blanc (le vote nul n'existant pas sur Internet).

Les interrogations relatives au respect de la confidentialité du scrutin sont semblables à celles que posent le vote par correspondance sous pli fermé, qui est en vigueur pour l'élection du Conseil supérieur des Français de l'étranger .

Le principe du secret du scrutin , précisé par la commission nationale informatique et libertés (CNIL) 16 ( * ) en matière de vote électronique, serait réaffirmé (deuxième alinéa de l'article 6 modifié).

Les dispositions de l'article L. 113 du code électoral 17 ( * ) , sanctionnant les violations au secret du vote et les atteintes à la sincérité du scrutin d'une amende de 15 000 euros et/ou d'un emprisonnement d'un an, s'appliqueraient (troisième alinéa de l'article 6 modifié).

La confidentialité du scrutin serait assurée par un système d'urnes électroniques.

Le dispositif retenu garantirait que les votes exprimés ne puissent pas être consultés, même par les informaticiens en charge de la programmation. Pour ce faire, le vote serait crypté selon une clef , que personne ne connaîtrait dans sa totalité. En effet, deux personnes, que le collège électoral désignerait, auraient chacune connaissance d'une partie seulement de la clef qui est nécessaire pour ouvrir l'urne électronique à la clôture du scrutin.

En ce qui concerne le secret du nom du votant , on utiliserait l'équivalent du mécanisme classique de double enveloppe du vote par correspondance, assurant le secret absolu du vote et évitant de voter deux fois.

L'anonymat de l'électeur serait protégé par :

- une « enveloppe externe » cryptant son identifiant,

- une « enveloppe interne » protégeant et cryptant le contenu du vote.

Le vote et l'identification de l'électeur seraient immédiatement séparés à l'arrivée sur le serveur 18 ( * ) et les résultats du vote resteraient chiffrés et stockés sur le serveur (urne électronique).

En effet, la procédure de réception du vote séparerait l'enveloppe interne contenant le vote (toujours crypté) de son enveloppe externe. In fine , les administrateurs du système sauraient que telle personne a effectivement voté sans savoir pour qui.

Quant à la sécurisation du vote, avec les nouvelles techniques de cryptage et de sécurité, le transfert d'informations à travers Internet ne poserait plus de problèmes techniques majeurs.

Les serveurs ont prouvé leur capacité à résister à tous types d'attaques sur le réseau public : lors d'élections organisées par le gouvernement britannique, l'opérateur compétent (qui héberge les systèmes pour les élections municipales anglaises de mai 2002 et de mai 2003), a été amené à effectuer des tests sur la résistance des serveurs. Ces contrôles déterminent un pourcentage de fiabilité, défini au millième près. Le taux de fiabilité des serveurs a été de 99,99 %.

Le système utilisé pourrait permettre à 200 millions d'électeurs de voter en 15 heures, de manière parfaitement sécurisée. Cela représente 4.000 votes par seconde.

Or, la charge à supporter par les serveurs sera relativement faible, puisqu'il s'agit de pouvoir enregistrer, dans les heures de pointe, une charge maximum estimée à 200 bulletins par heure.

Les serveurs seraient installés sur les territoires concernés par l'élection afin d'optimiser les temps de réponse sur Internet.

Afin de proposer une sécurité maximale, l'électeur n'aura pas besoin d'installer ou de télécharger des logiciels 19 ( * ) additionnels, ce qui comporterait le risque d'importer un virus 20 ( * ) .

Un logiciel spécifique de détection d'intrusion surveillerait et alerterait sur toute activité anormale éventuelle sur les différents éléments actifs du réseau.

Enfin, la fiabilité du vote électronique semble garantie . Un « jeton » serait associé au vote de chaque électeur. Il s'agit d'un moyen de comptabiliser le nombre de votes et de vérifier que ce nombre correspond bien au nombre des votants.

Par exemple, pour une liste électorale de 10.000 inscrits, un nombre fixe de 10.000 jetons est alloué à la circonscription. A chaque vote est attribué un jeton.

Ce procédé reproduit le processus de comptage des enveloppes du vote « papier » et permet un audit précis de la régularité de l'élection.

Les votes seraient ensuite stockés cryptés jusqu'à la clôture du scrutin.

Enfin, ils seraient ouverts et décryptés par les administrateurs à l'aide des doubles clefs.

Dans l'hypothèse où un électeur aurait voté par plusieurs moyens différents (par correspondance postale, et/ou par correspondance électronique, et/ou en personne), c'est le premier vote qui serait retenu.

Le vote par correspondance papier serait conservé (fermé) en cas de contentieux (puis détruit).

La liste électorale serait mise à jour en temps réel. Les administrateurs pourraient connaître l'heure exacte du vote, l'adresse d'origine du vote ainsi que le nombre de tentatives de connexion au site de vote. Les électeurs pourraient consulter à tout moment la liste électorale, sur Internet, afin de s'assurer que leur vote a bien été enregistré.

3. La position de votre commission des Lois : le vote par correspondance électronique, modalité de vote complémentaire rétablissant l'égalité des citoyens devant le suffrage

Par l'autorisation du vote par correspondance électronique, le législateur pourrait assurer effectivement le respect du principe d'égalité des citoyens devant la loi et le suffrage . Le lieu de résidence des électeurs du Conseil supérieur des Français de l'étranger ne constituerait plus un obstacle au droit de vote.

Par ailleurs, le vote par correspondance électronique ne se substituerait pas aux modalités de vote actuelles 21 ( * ) . Il serait une procédure complémentaire de vote par correspondance. Il viendrait donc s'ajouter aux modalités de vote existantes.

Conformément à la tradition électorale française, l'électeur aurait donc le choix entre deux modalités de votation : le vote personnel dans un bureau de vote et le vote par correspondance, sous pli fermé ou par voie électronique.

L'autorisation du vote par correspondance électronique pourrait permettre de relancer la participation électorale. Elle susciterait l'intérêt des électeurs de 18-25 ans, traditionnellement moins enclins à participer aux élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger et particulièrement sensibilisés à l'utilisation des nouvelles technologies.

Elle pourrait inciter les Français établis hors de France à accroître leur participation aux autres élections.

Le dispositif proposé constitue, plus généralement, une piste prometteuse dans le cadre de la réflexion sur la lutte contre l'abstention électorale . Si l'expérimentation était satisfaisante, la question de son extension et de son adaptation à d'autres scrutins pourrait être posée.

De plus, le vote par correspondance électronique aurait un coût moindre que la procédure de vote classique, dix fois moindre selon l'auteur de la proposition de loi.

Enfin, cette réforme est l'objet d'un consensus dépassant les clivages politiques traditionnels. L'ensemble des sénateurs des Français établis hors de France et le Conseil supérieur des Français de l'étranger (voir annexe 4) sont ainsi favorables à un texte qui tend à rétablir l'égalité des citoyens devant le suffrage. De même, le chef de l'Etat s'était engagé dès le 24 septembre 2001 22 ( * ) , en faveur de la réforme :

... « Je souhaite que, dès les prochaines échéances nationales, le vote par Internet puisse être expérimenté pour des milliers de Français expatriés qui, en raison de leur éloignement d'un consulat, sont souvent privés de l'effectivité de leur droit de vote. La vie politique ne peut se satisfaire d'une abstention élevée lors des consultations populaires. Elle ne peut non plus se satisfaire de l'existence d'exclus du suffrage universel »...

Ces propos ont été confirmés par le ministre des affaires étrangères dans son discours inaugural de la 55 ème Assemblée plénière du Conseil Supérieur des Français de l'étranger le 2 septembre 2002 23 ( * ) .

*

* *

Pour ces motifs, votre commission des Lois a souscrit à l'objet de la proposition de loi qui doit permettre de rétablir l'égalité des citoyens devant le suffrage et d'expérimenter un dispositif susceptible de lutter efficacement contre l'abstention.

Cependant, à l'issue d'un débat auquel ont participé Mme Michèle André, MM. Patrice Gélard, Pierre Fauchon, Daniel Hoeffel et José Balarello, votre commission des Lois a décidé, à l'unanimité , de compléter le dispositif initial afin d'indiquer que les modalités de mise en oeuvre du vote par correspondance électronique seront précisées par décret.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter la présente proposition de loi dans la rédaction figurant ci-après.

* 1 Article 1 er A de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger.

* 2 Le Conseil est en outre composé des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France, de vingt personnalités compétentes et d'un représentant des Français établis dans la principauté d'Andorre désignés pour six ans par le ministre des affaires étrangères. Il est présidé par ce dernier.

* 3 Il y a au total 48 circonscriptions, comptant de 1 à 6 sièges.

* 4 Article 5 de la loi du 7 juin 1982.

* 5 Article 3 de la Constitution.

* 6 Article 9 de la loi du 7 juin 1982.

* 7 Les Français établis hors de France et inscrits sur des listes de centres de vote peuvent voter dans ceux-ci pour les élections présidentielles et les référendums.

* 8 Le vote par correspondance a été supprimé pour les élections politiques en 1975.

* 9 Article R. 249 concernant l'élection de l'Assemblée de la Polynésie française ; article R. 277 relatif à l'élection des sénateurs en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna.

* 10 Article 27.

* 11 Réponse à la question écrite n°67877 de M. Christian Estrosi ; Journal Officiel du 21 janvier 2002.

* 12 Décision n°99-187L du 6 octobre 1999 : « Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la Constitution : « les Français établis hors de France sont représentés au Sénat » ; qu'en vertu de l'article 13 de l'ordonnance susvisée du 4 février 1959, dans sa rédaction issue de l'article premier de la loi n°83-390 du 18 mai 1983 relative à l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France :  « Les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par un collège formé des membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger » ; qu'il suit de là que relèvent du domaine de la loi les règles relatives à la composition de ce Conseil et à l'élection de ses membres, au nombre desquelles figurent la délimitation des circonscriptions électorales, le nombre de sièges attribué à chacune d'elles, le mode de scrutin, le droit de suffrage, l'éligibilité, ainsi que le régime contentieux de l'élection... ».

* 13 Rapport n°27 de M. René Garrec sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, Sénat (2002-2003).

* 14 Voir définition en annexe.

* 15 Projet « e-vote » du ministère des affaires étrangères.

* 16 La commission a rappelé que les modalités de mise en oeuvre des expérimentations du vote électronique ne devaient pas porter une atteinte caractérisée aux principes fondamentaux qui doivent commander les opérations électorales . Elle a ajouté que « la garantie du secret du suffrage constitue un principe fondamental que seuls le caractère personnel et anonyme du vote, la sincérité des opérations électorales, la surveillance effective du scrutin et le contrôle a posteriori par le juge de l'élection peuvent assurer .»-délibération n°02-022 du 2 avril 2002 relative à la demande d'avis présentée par la mairie de Vandoeuvre-les-Nancy concernant l'expérimentation d'un dispositif de vote électronique par Internet à l'occasion de l'élection présidentielle.

* 17 « En dehors des cas spécialement prévus par les dispositions des lois ou des décrets en vigueur, quiconque, soit dans une commission administrative ou municipale, soit dans un bureau de vote ou dans les bureaux des mairies, des préfectures ou sous-préfectures, avant, pendant ou après un scrutin, aura, par inobservation volontaire de la loi ou des arrêtés préfectoraux, ou par tous autres actes frauduleux, violé ou tenté de violer le secret du vote, porté atteinte ou tenté de porter atteinte à sa sincérité, empêché ou tenté d'empêcher les opérations du scrutin, ou qui en aura changé ou tenté de changer le résultat, sera puni d'une amende de 15 000 euros et d'un emprisonnement d'un an ou de l'une de ces deux peines seulement ».

* 18 Voir définition en annexe.

* 19 Voir définition en annexe.

* 20 Voir définition en annexe.

* 21 Cette exigence a été rappelée par la commission nationale informatique et libertés dans la délibération précitée.

* 22 Propos tenus lors de la vingt-troisième conférence internationale des commissaires à la protection des données.

* 23 « Pour l'avenir, et afin de faciliter la participation électorale, je souhaite que nous étudiions attentivement l'utilisation des nouvelles technologies, je pense en particulier à Internet, pour élargir la possibilité de voter à distance. Pourquoi ne pas imaginer que la communauté des Français à l'étranger joue, en la matière, un rôle pilote ? »...

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