B. LES OBSTACLES À LA CRÉATION ET À LA REPRISE D'ENTREPRISES

Les premiers obstacles à la création et à la reprise d'entreprise sont d'ordre culturels : notre pays est encore trop imprégné de méfiance vis-à-vis de l'initiative économique, sinon d'une culture de dénigrement des « patrons », d'une part, d'aversion profonde au risque et de stigmatisation de l'échec, d'autre part. En outre, on ne peut que déplorer que l'entreprise, la connaissance économique et l'expérience entrepreneuriale ne connaissent qu'une place si congrue dans notre système d'enseignement, qu'il soit général, secondaire ou universitaire. Comment les jeunes Français peuvent-ils se voir insuffler le goût d'entreprendre ou préparer la réalisation de leurs aspirations alors même que si peu est fait pour leur faire ne serait-ce que découvrir le monde de l'entreprise ?

Ce constat souligne la nécessité d'un discours public mobilisateur , accompagné d'une action pédagogique de longue haleine, de nature à réhabiliter la prise de risques , valoriser la création d'entreprise et apporter aux entrepreneurs, y compris s'ils échouent, la reconnaissance et la confiance qui leur font trop souvent défaut .

Le Sénat y prend d'ailleurs toute sa part, au travers d'initiatives comme l'accueil, le 27 janvier 2003, de 500 entrepreneurs dans l'hémicycle du Palais du Luxembourg, en présence de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, pour le 6 ème Masters de la création d'entreprises .

De même, votre commission spéciale souhaite rappeler que la statistique, trop souvent avancée, selon laquelle une entreprise sur deux disparaît avant sa cinquième année, n'est pas seulement de nature à dissuader les créateurs d'entreprise, comme d'ailleurs les établissements de crédit, mais aussi trompeuse. En fait, comme l'a souligné M. François Hurel, délégué général de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE), lors de son audition par votre commission spéciale ( ( * )1), seulement 15 % des nouvelles entreprises connaissent un réel et définitif échec économique dans les trois à cinq années qui suivent leur création .

Cela étant, les créateurs ou repreneurs d'entreprise potentiels sont également souvent dissuadés par la complexité du processus de création d'entreprise . Ce sentiment repose pour partie sur des idées qui ne reflètent plus la réalité. Il est en effet d'ores et déjà possible de créer son entreprise en une journée. Cependant, ce sentiment, qui explique pour partie l'écart impressionnant entre le désir d'entreprendre de nos concitoyens et leur passage à l'acte, justifie de nouvelles avancées , même et surtout symboliques, comme la suppression d'une exigence de capital minimal pour la SARL prévue par le présent projet de loi.

Par ailleurs, il s'avère que la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur , qui constitue déjà en elle-même une réelle prise de risques personnels et souvent familiaux, peut être freinée par des obstacles juridiques et sociaux et un manque de souplesse de notre droit du travail.

En outre, les créateurs d'entreprise sont trop souvent seuls pour faire face à un environnement économique et administratif complexe et stressant. Ainsi, contrairement à une idée reçue, moins d'une création d'entreprise sur quatre est aidée par les pouvoirs publics . Les risques économiques encourus au cours des toutes premières années sont aggravés par une législation sociale qui ponctionne immédiatement les revenus tirés de l'activité, sans considération pour la possibilité contributive réelle de l'entrepreneur.

De plus, seules 25.000 à 30.000 créations d'entreprises par an bénéficient d'un accompagnement , alors même que les taux de réussite des créations d'entreprises accompagnées sont considérablement plus élevés que la moyenne, et que l'accompagnement constitue parfois la condition sine qua non pour que certains de nos concitoyens les plus démunis puissent donner vie à leurs idées.

Mais la difficulté de trouver des financements constitue le principal frein pour les porteurs de projet . En effet, les créateurs ou repreneurs de petites entreprises n'ont, sauf exception, pas accès aux marchés financiers. En outre, malgré les dispositifs publics de garantie ou l'intervention des sociétés de caution mutuelle, le crédit bancaire leur est souvent rationné , en raison notamment des effets conjugués des coûts d'examen de la viabilité d'un micro-projet, des normes internationales de fonds propres imposées aux établissements de crédit à raison de leurs concours aux PME, et du plafonnement à bas niveau des taux d'intérêts du fait de notre législation sur « l'usure ».

Enfin, la reprise d'entreprises existantes est logiquement plus efficiente que la création ex nihilo d'entreprises nouvelles dans le même secteur d'activité. Or , la transmission d'une entreprise est considérablement freinée par le frottement fiscal que subissent le vendeur et/ou l'acquéreur du fait de l'imposition des plus-values, des droits de mutation et, dans certaines configurations, de la non-déductibilité des intérêts des emprunts souscrits par le repreneur. Il est à cet égard indispensable de rompre avec un discours, bien éloigné de la vie de nos territoires, consistant à mettre en exergue les créations pures d'entreprises pour mieux ignorer les problèmes de transmission des entreprises ayant fait la preuve de leur pérennité .

C'est à cette multiplicité d'obstacles et de contraintes que s'attaque, avec détermination et méthode, le présent projet de loi pour l'initiative économique, dont l'objectif est de modifier en profondeur l'environnement juridique dans lequel évoluent les créateurs et entrepreneurs de ce pays.

* (1) Les noms et qualités des personnes que votre commission spéciale et ses rapporteurs ont entendues dans le cadre de la préparation de leurs travaux figurent en annexe au présent rapport.

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