II. UNE PROCÉDURE DE CONCLUSION DES ACCORDS CONTESTABLE ET LOURDE DE CONSÉQUENCES

Si le contenu des projets d'accords d'entraide judiciaire et d'extradition avec les Etats-Unis ne soulève plus qu'un nombre limité de difficultés, il n'en est pas de même de la procédure envisagée pour la conclusion de ces accords.

A. UNE PROCÉDURE CONTESTABLE

Les projets d'accords avec les Etats-Unis ont été négociés sur la base de l'article 24 du traité sur l'Union européenne.

Cet article, introduit par le traité d'Amsterdam et modifié par le traité de Nice, s'applique aux dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, ainsi qu'à la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

Il dispose, dans son premier alinéa, que : « lorsqu'il est nécessaire de conclure un accord avec un ou plusieurs Etats ou organisations internationales en application du présent titre, le Conseil peut autoriser la présidence, assistée, le cas échéant, par la Commission, à engager des négociations à cet effet. De tels accords sont conclus par le Conseil sur recommandation de la présidence ».

Le deuxième alinéa prévoit que : « le Conseil statue à l'unanimité lorsque l'accord porte sur une question pour laquelle l'unanimité est requise pour l'adoption de décisions internes ».

Enfin, l'alinéa 5 dispose que : « aucun accord ne lie un Etat membre dont le représentant au sein du Conseil déclare qu'il doit se conformer à ses propres règles constitutionnelles ; les autres membres du Conseil peuvent convenir que l'accord est néanmoins applicable à tire provisoire ».

La rédaction de l'article 24 du traité sur l'Union européenne est ambiguë, dans la mesure où elle ne précise pas si les accords sont conclus au nom de l'Union européenne, des Etats membres, ou encore de l'Union européenne et des Etats membres.

Dans un avis rendu le 19 décembre 2002, le service juridique du Conseil de l'Union européenne a estimé que tout accord conclu en application de l'article 24 du traité sur l'Union européenne était conclu au nom de la seule Union, et non au nom des Etats membres. Ainsi, l'Union européenne serait la seule partie contractante, avec les Etats-Unis, à ces accords .

Une telle interprétation est contestable :

- en premier lieu, elle revient à reconnaître à l'Union européenne une personnalité juridique qu'aucun texte ne lui attribue expressément. Si les traités prévoient que « la Communauté a la personnalité juridique », rien n'est prévu pour l'Union européenne. Un groupe de travail a été chargé, au sein de la Convention européenne, de formuler des propositions sur cette question et a suggéré de reconnaître expressément une personnalité juridique à l'Union européenne. Une telle proposition montre que l'Union n'est pas à ce jour dotée de la personnalité juridique. En tout état de cause, la question est fortement débattue comme le montre l'exposé des motifs de la proposition de résolution soumise à votre commission ;

- en second lieu, l'interprétation juridique de l'article 24 du traité sur l'Union européenne faite par le service juridique du Conseil de l'Union revient à reconnaître à l'Union européenne une compétence externe pour négocier et conclure des accords internationaux en des matières qui relèvent pourtant de la compétence des Etats membres en vertu des traités .

Comme l'indique la proposition de résolution , « considérer que ces accords peuvent être conclus au nom de l'Union seule ne revient-il pas à reconnaître implicitement à l'Union une compétence exclusive pour négocier et signer des accords dans toutes les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, ainsi que de la coopération policière et judiciaire pénale ?

« Or, comment imaginer que, dans ces domaines, les Etats membres ne puissent plus conduire individuellement des accords internationaux, notamment sur un plan bilatéral ?

« Et, comment expliquer que la conclusion d'accords internationaux sur ces matières serait facilitée, alors même que, sur le plan interne, l'établissement d'une politique étrangère et de sécurité commune, de même que la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice ne sont restés que de belles et de stériles fictions du traité ?

« Ne serait-il pas paradoxal, si l'on prend le cas des présents accords, que les Etats membres s'accordent à mettre en place immédiatement des équipes communes d'enquête et à faciliter l'extradition avec les autorités américaines, sans que ces mesures ne nécessitent théoriquement une ratification préalable et une transposition dans les législations nationales, alors même que ces instruments ne sont toujours pas en vigueur au sein de l'Union ?

« Il y a là une contradiction majeure car l'Europe est prête à accorder à des pays tiers ce qu'elle se refuse à elle-même ».

Ajoutons qu'une déclaration annexée au traité d'Amsterdam exclut expressément tout transfert de compétences dans le cadre des accords passés sur le fondement de l'article 24 du traité sur l'Union européenne puisqu'elle dispose que « les dispositions des articles J.14 et K.10 (devenus les articles 24 et 38) ainsi que tout accord qui en résulte n'impliquent aucun transfert de compétences des Etats membres vers l'Union européenne ».

Il semble pourtant que les gouvernements des Etats membres aient décidé d'accepter la lecture de l'article 24 du traité sur l'Union européenne adoptée par le service juridique du Conseil.

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