N° 280

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 mai 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages ,

Par M. Yves DÉTRAIGNE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, Serge Mathieu, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros:

Sénat : Première lecture : 116 , 143 , 154 et T.A. 64 (2002-2003)

Deuxième lecture : 204 (2002-2003)

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 606 , 635 et T.A. 98

Risques technologiques.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Nous abordons l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages examiné les 4, 5 et 6 mars dernier par l'Assemblée nationale.

S'agissant du volet « risques technologiques » , on peut souligner, en le regrettant, que l'Assemblée nationale n'ait pas tout à fait partagé l'approche du Sénat consistant à ne pas alourdir les contraintes pesant sur les entreprises. Elle a ainsi fait de nombreuses propositions, dont certaines sont en contradiction avec celles défendues par votre commission des affaires économiques en première lecture.

Ainsi, à l'article 1 er , le projet de loi initial prévoyait une réunion publique obligatoire pour les demandes d'autorisation d'une installation classée « Seveso seuil haut » et le Sénat avait substitué à cette obligation une saisine facultative du CLIC. L'Assemblée nationale a rétabli le texte du projet de loi initial.

A l'article 4, qui constitue le coeur du projet de loi car il précise la mise en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques autour des établissements à risques, l'Assemblée nationale a procédé à un certain nombre de modifications substantielles.

Elle a tout d'abord limité le bénéfice du droit de délaissement et la possibilité pour l'Etat de procéder à l'expropriation à raison des risques créés par des installations existantes avant la date de publication de la loi.

Par ailleurs, elle a rétabli le principe du financement tripartite des mesures d'urbanisme (Etat, exploitants et collectivités locales), alors que le Sénat avait prévu la participation des collectivités locales uniquement en tant que de besoin.

Parallèlement, elle a adopté un dispositif très judicieux permettant à l'Etat, aux collectivités locales et à leurs groupements de subventionner les investissements de réduction des risques à la source en réduisant les périmètres de dangers que réalisent les exploitants, si cette participation financière est inférieure aux coûts que la collectivité devrait supporter pour le financement des mesures d'urbanisme.

Enfin, dans le cadre de la disposition prévoyant que les terrains faisant l'objet du délaissement ou de l'expropriation pourront être cédés à prix coûtant aux exploitants, l'Assemblée nationale a précisé que les exploitants ne pourraient y installer des activités créant un risque supplémentaire. Cette disposition pourrait occasionner des blocages freinant le nécessaire développement des activités industrielles.

Sur le volet du projet de loi relatif au droit du travail, délégué au fond à la commission des affaires sociales en première lecture, l'Assemblée nationale et le Sénat ont partagé, à quelques différences près, la même approche. Sur l'article 9 notamment, la position du Sénat a été largement retenue par l'Assemblée nationale et la double formation du comité d'hygiène et de sécurité des conditions du travail reste supprimée au profit d'un élargissement au cas par cas de celui-ci.

Deux articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale semblent en revanche poser problème.

En premier lieu, l'article 5 A vise à majorer de 50 % le crédit d'heures accordé aux représentant du personnel siégeant au CHSCT dans les établissements Seveso « seuils hauts », ce qui ne paraît pas être la solution la plus opportune.

D'autre part, l'article 8 bis A vise à autoriser un accord collectif à majorer le nombre des membres de la délégation du personnel siégeant au CHSCT dans les établissements « Seveso seuil haut ». Une telle disposition semble juridiquement inutile.

Sur le chapitre IV, relatif à la réparation des dommages, des modifications importantes ont été apportées.

L'Assemblée nationale a ainsi supprimé le dispositif assurantiel couvrant les victimes de sinistres miniers, adopté à l'initiative de M. Philippe Leroy, qui posait, il est vrai, un certain nombre de problèmes juridiques.

En contrepartie, le Gouvernement a proposé, par voie d'amendement un dispositif qui fait à nouveau appel au fonds de garantie « automobile », et qui devra être précisé et amélioré.

En outre, a été rétabli par l'Assemblée nationale l'article 14 du projet de loi, que le Sénat avait supprimé. Ce dispositif oblige les exploitants d'une installation Seveso à évaluer la probabilité d'occurrence et surtout le coût des dommages matériels potentiels aux tiers en cas d'accident et de remettre cette évaluation tant au président du CLIC qu'au préfet. Votre commission des affaires économiques défendant la même analyse qu'en première lecture vous proposera à nouveau la suppression de cet article.

Sur l'article 16, relatif aux nouvelles mentions qui devront être contenues dans le rapport annuel aux actionnaires des sociétés, l'Assemblée nationale a rétabli la disposition qui prévoyait que la société informait des moyens prévus pour la gestion de l'indemnisation des victimes en cas de catastrophe technologique. La commission entend supprimer à nouveau cette disposition.

L'Assemblée nationale a introduit un article additionnel prévoyant qu'en cas de redressement judiciaire des entreprises, il sera procédé à un bilan environnemental, alors que ce dernier portait exclusivement sur les conséquences économiques et sociales de l'activité de l'entreprise. Cette disposition va dans le bon sens, mais le dispositif apparaît peu opératoire et il vous sera proposé de le modifier.

Sur les cinq amendements que le Gouvernement avait présenté au Sénat lors de la première lecture pour répondre aux interrogations suscitées par la fermeture de Metaleurop, l'Assemblée nationale en a adopté trois conformes et a apporté des modifications rédactionnelles à la disposition permettant au préfet d'imposer aux installations classées la constitution de garanties financières.

S'agissant du dispositif prévoyant que les industriels doivent procéder à la dépollution de leur site lors de la cessation d'activité, l'Assemblée a précisé que ce niveau de dépollution à atteindre ne pouvait excéder ce que justifie un futur usage industriel du site. Cela signifie que si une entreprise cède un terrain à une collectivité locale qui souhaite y implanter un établissement recevant du public ou un lotissement, cette dernière devra prendre à sa charge le niveau supplémentaire de dépollution exigé par le changement d'usage du terrain.

L'Assemblée a également adopté un article additionnel prévoyant que si un exploitant cède un terrain sur lequel il y a eu manipulation ou stockage de produits chimiques ou radioactifs, il doit alors en informer l'acquéreur. Votre commission vous propose une simplification de ce dispositif.

Enfin, sur le modèle du dispositif adopté par le Sénat pour les propriétaires privés, l'Assemblée a introduit un avantage fiscal, consistant en une diminution de la taxe foncière sur les propriétés bâties, au bénéfice des bailleurs sociaux devant réaliser les travaux prescrits par un plan de prévention des risques technologiques. Cette disposition semble légitime même si l'avantage fiscal peut paraître large. Votre commission vous propose une amélioration technique de ce dispositif.

S'agissant du volet « risques naturels » , les modifications apportées par l'Assemblée nationale ont globalement permis d'améliorer encore la lisibilité du texte et de renforcer le dispositif approuvé et complété par le Sénat en première lecture.

Parmi ces modifications, on peut citer :

- l'article additionnel 17 A qui harmonise les règles de concertation à mettre en oeuvre pour l'élaboration tant d'un plan de prévention des risques technologiques que d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles ;

- les corrections apportées à l'article 20 instaurant des servitudes dans les zones de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement ou les zones de mobilité de cours d'eau qui simplifient le régime de déclaration des travaux dans ces zones.

L'Assemblée nationale a également approuvé la création de la commission départementale des risques introduite par le Sénat ainsi que la reconnaissance des établissements publics territoriaux de bassin.

En outre, plusieurs dispositions insérées par l'Assemblée nationale améliorent les dispositifs proposés.

En ce qui concerne les nouvelles obligations incombant aux maires en matière d'information, l'aide des services de l'Etat est désormais mentionnée à l'article 17 et il est précisé également que les communes auront accès gratuitement aux informations et prévisions des exploitants d'ouvrages hydrauliques, afin d'améliorer leur information sur les crues.

Les communes voient également leurs moyens d'action renforcés. On peut citer, à titre d'exemple, l'article 21 bis qui autorise les communes à récupérer, pendant quinze ans, les subventions qu'elles peuvent verser pour la plantation des haies si celles-ci sont détruites, ou encore l'article 21 ter qui autorise à déroger, sans attendre sa révision, à une règle du plan local d'urbanisme pour autoriser la reconstruction d'un bâtiment détruit par une catastrophe naturelle afin de respecter les prescriptions d'urbanisme de protection qui lui sont imposées.

Enfin, l'article additionnel 26 bis A, qui résulte d'un amendement du gouvernement, ouvre aux communes la voie de l'action civile pour demander la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié sans ou en méconnaissance d'une autorisation d'urbanisme dans un secteur soumis à des risques naturels prévisibles.

En ce qui concerne les dispositions relatives aux agriculteurs, outre un amendement de précision sur les modalités de leur indemnisation dans les zones grevées de servitudes, l'Assemblée nationale a suivi le Sénat, dans sa volonté d'encadrer les dispositions autorisant des dérogations au statut du fermage en précisant, à l'article 23, que celles-ci ne pouvaient porter que sur les modes d'utilisation du sol.

Enfin, il faut citer, pour l'approuver, l'élargissement du champ d'intervention du Fonds Barnier prévu à l'article 26 du projet de loi qui pourra financer l'acquisition amiable, par une commune, d'entreprises de moins de vingt salariés et non pas seulement dix, ou encore la réalisation de travaux de prévention dans ces mêmes entreprises.

Au delà de ces dispositions, votre commission souhaite évoquer trois mesures, l'une ajoutée par l'Assemblée nationale à l'article 24 bis A, l'autre à l'article 27 bis modifiant le droit des contrats d'assurance et la dernière modifiant sensiblement l'article 30 relatif à l'information des acquéreurs et des locataires qui suscitent des interrogations, voire quelques réserves

A l'article 24 bis A qui résulte d'un amendement du Gouvernement reprenant un amendement du député François-Michel Gonnot, il est proposé aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, sur la base du volontariat, de se constituer un domaine public fluvial, notamment par transfert de propriété de celui de l'Etat .

Actuellement, sans en être propriétaire, les collectivités territoriales ont souvent pris le relais de l'Etat, à travers des transferts de gestion des cours d'eau domaniaux, des occupations temporaires du domaine public, voire une simple participation financière par un fonds de concours. Ceci n'est pas très satisfaisant en termes d'imbrication de responsabilité, d'éligibilité au FCTVA ou encore de fixation des redevances.

L'article additionnel crée donc un nouveau mode optionnel de propriété des cours d'eau, en précise les modalités de gestion, de déclassement et de financement partiel par le biais des redevances.

Le dispositif proposé présente des analogies fortes avec plusieurs articles de la loi portant réforme de l'eau adoptée par l'Assemblée nationale en janvier 2002 mais dont l'examen a été abandonné par le nouveau Gouvernement. La différence fondamentale porte sur l'élargissement à toutes les collectivités territoriales, et non pas seulement aux départements et ententes départementales de la possibilité de se constituer un domaine public fluvial.

Sur la forme, votre commission regrette qu'un tel dispositif -qui pourrait presque faire l'objet d'un projet de loi à lui tout seul étant donné les conséquences, notamment financières, qu'il entraîne-, soit présenté par voie d'amendement, sans être assorti d'une étude d'impact.

Certes, il faut reconnaître l'intérêt qu'il présente, pour remédier au très mauvais entretien de nos cours d'eau, situation qui résulte de la carence des riverains ou de l'Etat, lorsqu'ils sont dans le domaine public fluvial, mais votre commission, après s'être longuement interrogée sur les risques de « balkanisation » du domaine public fluvial inévitablement générateur de conflits d'intérêts et d'usage, et sur les charges qui allaient peser sur les collectivités territoriales, a estimé préférable de supprimer ce dispositif considérant qu'il devait être examiné dans le cadre général du futur projet de loi relatif aux transferts de compétences.

L'article 27 bis introduit par l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, modifie assez profondément le droit des contrats d'assurance et notamment les conditions du droit de dénonciation en renforçant la protection des assurés.

Cette disposition tend à répondre à l'émotion suscitée après les inondations dans le Gard avec l'annonce par quelques entreprises d'assurance de dénoncer des contrats couvrant le risque inondation dans certaines communes sinistrées.

Elle semble toutefois excessive car elle couvre tous les contrats d'assurance et risque de remettre en cause l'équilibre du droit des contrats d'assurance, et votre commission vous propose de la supprimer.

A l'article 30, l'Assemblée nationale a rétabli l'obligation pour le bailleur -que le Sénat avait supprimée sur proposition de votre commission- d'informer son locataire que le bien qu'il lui loue se trouve situé dans le périmètre d'un plan de protection des risques naturels ou technologiques.

On peut rappeler que le vote du Sénat s'était heurté à l'hostilité du Gouvernement, celui-ci invoquant le droit à l'information pour tous, quel que soit leur statut d'occupant et votre commission avait souhaité que la réflexion se poursuive pendant la navette parlementaire. Compte tenu des précisions apportées par l'Assemblée nationale, excluant notamment les baux verbaux, il ne vous sera pas demandé de rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture. En revanche, il vous sera proposé de mieux encadrer juridiquement le dispositif proposé par l'Assemblée nationale.

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