TITRE V

CONTINUITÉ TERRITORIALE

ARTICLE 42

Dotation de continuité territoriale

Commentaire : le présent article a pour objet de créer, au bénéfice des collectivités territoriales d'outre-mer, une dotation de continuité territoriale destinée à faciliter les déplacements des résidents de ces collectivités entre celles-ci et le territoire métropolitain.

I. UNE PROBLÉMATIQUE COMMUNE AUX RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES ET A LA CORSE

A. LES SOLUTIONS RETENUES PAR L'ESPAGNE ET LE PORTUGAL

Avec la France, l'Espagne et le Portugal sont les deux autres Etats membres de l'Union européenne dont certains territoires sont considérés comme des régions ultrapériphériques au sens de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam.

Ces deux Etats ont mis en place des dispositifs d'aide à la continuité territoriale au profit des résidents des Canaries et des Baléares d'une part, des Açores d'autre part.

Ces dispositifs sont décrits ainsi dans le rapport de notre collègue Jean-Paul Virapoullé sur la stratégie de mise en oeuvre de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam pour les départements français d'outre-mer :

« Dispositif pour les Canaries et les Baléares :

« Les subventions concernent les résidents des canaries, des baléares, de Ceuta et de Mellila qui bénéficient de réduction de 33 % pour les transports aériens avec la péninsule et entre les îles de chque archipel.

« Pour le transport maritime, les réductions sont de 33 % vers la péninsule et de 10 % pour les déplacements inter-insulaires.

« Dispositif pour les Açores :

« Pour le transport aérien, les résidents bénéficient de réductions d'environ 30 %, résultant du cahier des charges pour l'attribution des lignes.

« Ces réductions font l'objet de compensations financières au titre de charges de services d'intérêt économique général.

« Pour le transport maritime, certaines lignes bénéficient de compensations au titre de charges de service d'intérêt économique général (desserte périodique minimum ...) ».

B. LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE VERSÉE À LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE

Une dotation de continuité territoriale est versée chaque année à la collectivité territoriale de Corse. Cette dotation constitue un concours particulier au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD) attribuée à cette collectivité. La dotation est indexée sur le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF). La loi de finances pour 2003 fixe son montant à 165,2 millions d'euros.

L'article L. 4424-27 du code général des collectivités territoriales dispose que le principe de continuité territoriale est destiné à « atténuer les contrainte de l'insularité » par, selon les termes de l'article L. 4424-28 du même code, « des dessertes dans des conditions d'accès, de qualité, de régularité et de prix » qui ne seraient pas de nature à handicaper la Corse par rapport aux autres partes du territoire national.

La dotation est gérée par l'office des transports de la Corse qui répartit les crédits entre des compagnies de transport maritime ou aérien avec lesquelles il a conclu des conventions.

Par délibération n° 99/154 AC de l'Assemblée de Corse, adoptée le 23 décembre 1999, la collectivité territoriale de Corse a décidé de créer une aide directe au profit de certaines catégories de passagers : les résidents à titre principal en Corse ; les jeunes de moins de 25 ans ; les personnes de plus de 60 ans ; les étudiants de moins de 27 ans ; les personnes voyageant en famille ; les personnes handicapée ou invalides.

Cette aide a été notifiée à la Commission européenne le 31 décembre 1999, et déclarée conforme au droit communautaire par la Commission le 3 mars 2000. La Commission européenne précise que « le régime est renouvelable annuellement, le coût annuel de la mesure étant évalué à 150 millions de francs français (22,87 millions d'euros). Les sommes en cause seront prélevées sur la dotation de continuité territoriale ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de créer un nouveau concours financier de l'Etat aux collectivités locales d'outre-mer dénommé « dotation de continuité territoriale ».

A. LES BÉNÉFICIAIRES DE LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE

Le premier alinéa dispose que la dotation serait versée, dans les départements d'outre-mer, au conseil régional. Seraient également éligibles la collectivité départementale de Mayotte, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna.

B. L'OBJET DE LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE

Le deuxième alinéa du présent article indique que la dotation est « destinée à faciliter les déplacements des résidents de ces collectivités entre celles-ci et le territoire métropolitain ». Les aides aux entreprises et au transport de marchandises sont donc explicitement exclues du bénéfice du dispositif. L'aide ne devrait a priori pas concerner les déplacements entre collectivités d'outre-mer.

Le même alinéa précise que les crédits de la dotation devront contribuer à financer une « aide au passage aérien dans les conditions déterminées par la collectivité ». L'exposé des motifs du présent projet de loi apporte une précision qui restreint les marges de manoeuvre des assemblées locales puisqu'il indique que « cette dotation permettra d'accorder à chaque résident une aide forfaitaire, limitée à un voyage par an entre la collectivité et la métropole ». Aucun décret d'application n'est prévu pour la mise en oeuvre de cette mesure.

Dans l'esprit du gouvernement, même si le texte ne le prévoit pas, l'aide sera versée au résident sous la forme d'un coupon lui donnant droit à une réduction, la collectivité remboursant par la suite la compagnie aérienne. Les collectivités d'outre-mer pourront décider de majorer, à partir de leurs ressources propres, le montant de l'aide versée au passager. Elles pourront également déterminer les catégories de passagers éligibles à la totalité de l'aide.

Le deuxième alinéa du présent article précise par ailleurs, ce qui va de soi, que l'aide est accordée « dans le respect des règles de la concurrence ». Le gouvernement n'a cependant pas jugé nécessaire de notifier les dispositions du présent article à la Commission européenne.

Les règles communautaires en matière de transport aérien de passagers

En réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, préparatoire à l'examen du projet de loi de finances pour 2003, le ministère de l'outre-mer avait apporté les précisions suivantes :

« Les règlements communautaires n° 2408/92 et 2409/92 du 23 juillet 1992 concernant l'accès des transporteurs communautaires aux liaisons aériennes intra-communautaires et les tarifs passagers et de fret des services aériens posent le principe du libre accès aux lignes aériennes de l'espace communautaire à tous les transporteurs de l'Union européenne et de la liberté tarifaire.

« Il laisse néanmoins la possibilité pour chacun des Etats-membres :

« - d'imposer des obligations de services publics ou OSP (continuité, régularité, fréquences, capacité, tarifs, ...) sur des dessertes régulières vers un aéroport desservant une région périphérique ou de développement, si ces liaisons sont considérées comme vitales pour le développement de la zone en question : de telles obligations doivent s'imposer de façon identique à tous les transporteurs communautaires désireux d'exploiter les liaisons en question et il n'y a pas de compensations financières versées aux transporteurs (la desserte métropole-DOM fait l'objet depuis 1997 de telles obligations de services publics, jusqu'à présent ;

« - de recourir, dans l'hypothèse où le caractère contraignant de ces OSP conduit à une absence d'offres, à un appel d'offres, avec compensation par les autorités publiques du surcoût induit par ces OSP : il y a en ce cas limitation de la desserte sur la liaison en question au seul transporteur sélectionné ;

« - de mettre en place un régime d'aides à caractère social (tarifs réduits) au profit de certaines catégories de passagers (autorisées par le Traité de l'Union Européenne : article 87-3) : le transporteur peut ainsi vendre les billets à tarifs réduits sur la base de justificatifs et se faire rembourser par la collectivité publique la différence avec le plein tarif ; ce dispositif est valable quelle que soit la compagnie choisie par la personne bénéficiant de cette aide.

« - de combiner les deux dispositifs (mise en place d'OSP dans un contexte concurrentiel et aides à caractère social) sur une même desserte, les tarifs particuliers imposés dans les OSP faisant alors le biais d'une compensation tarifaire par le biais des aides à caractère social ».

C. LE MONTANT ET LES CRITÈRES DE RÉPARTITION DE LA DOTATION

L'étude d'impact associée au présent projet de loi évalue à 30 millions d'euros le montant de la dotation de continuité territoriale pour sa première année d'existence. Pour les années suivantes, elle serait, comme celui de la dotation de continuité territoriale versée à la collectivité territoriale de Corse, indexé sur la dotation globale de fonctionnement. Le gouvernement n'a pas encore déterminé l'imputation budgétaire des crédits correspondants.

Le présent article est « muet » s'agissant des critères de répartition entre les collectivités bénéficiaires. L'article 34 de la Constitution dispose que la loi détermine les principes fondamentaux « de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ». En conséquence, les modalités de répartition des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, y compris lorsqu'il y a lieu les pondérations affectée à chaque critère de répartition, sont généralement prévues par la loi.

La loi se contente cependant parfois d'évoquer les critères de répartition. C'est par exemple le cas s'agissant de la dotation de fonctionnement minimale des départements dont l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales dispose qu'un « décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de répartition de la dotation en tenant compte, notamment, de leur potentiel fiscal et de la longueur de leur voirie ». S'agissant des attributions du fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles dispose que le montant est réparti entre les départements en fonction de la part des dépenses de chaque département dans le total des dépenses consacrées au financement de cette allocation, et qu'il est modulé en fonction du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et du potentiel fiscal. Dans sa décision n° 2001-447 DC du 18 juillet 2001 concernant la loi relative à l'APA, le Conseil constitutionnel a estimé que « le législateur a suffisamment précisé, au regard des articles 34 et 72 de la Constitution, les éléments de calcul du concours que le Fonds devra verser à chaque département ».

Le dernier alinéa du présent article prévoit que les modalités de répartition de la dotation sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès du gouvernement, la répartition devrait être effectuée en fonction des critères de population et de distance par rapport à la métropole, en fonction de pondérations à déterminer.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Les dispositions du présent article s'inscrivent dans le cadre d'une politique globale d'abaissement du coût des transports entre l'outre-mer et la métropole . La création dans le projet de loi de finances pour 2003 du « passeport mobilité » financé à hauteur de 17 millions d'euros par les crédits du ministère de l'outre-mer permet d'accroître les possibilités pour les étudiants ultramarins de suivre des formations dans des filières qui n'existent pas dans les universités locales. Par ailleurs, l'exonération totale de cotisations patronales accordée aux entreprises de transport aérien pour l'ensemble des rémunérations jusqu'à 1,3 SMIC proposée par le titre premier du présent projet de loi est de nature à contribuer à l'abaissement du prix des billets, concourant ainsi au développement des échanges et du tourisme.

La dotation de continuité territoriale permettra de faciliter la mobilité de nos compatriotes ultramarins.

Votre commission des finances vous soumet un amendement rédactionnel tendant à supprimer la précision selon laquelle l'aide est accordée « dans le respect des règles de la concurrence ». Cette suppression se justifie d'une part, car il va de soi qu'une disposition législative doit respecter les règles de la concurrence, en particulier les règles communautaires qui ont une valeur supérieure à celle de la loi dans la hiérarchie des normes juridiques, et d'autre part, parce que cette précision est source de confusion. En effet, faudrait-il considérer que, lorsqu'une loi ne précise pas que les règles de la concurrence doivent être respectées, celles-ci ne s'appliqueraient pas ?

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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